Morgan Zuli, homme trans, était passé répondre à nos questions sur la transidentité. Aujourd’hui, il nous raconte plus en détails son parcours : harcèlement scolaire, violences conjugales, traitement... Il se livre pour melty
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00:00 Vers mes 5-6 ans, premier jour d'école, j'ai ce souvenir qui me reviendrait toujours.
00:03 J'étais dans le préau à la récré et puis je commençais à regarder les autres garçons de mon âge
00:07 et puis je me disais "mais pourquoi je ne suis pas comme eux ?"
00:09 En fait, je regardais les différences physiques.
00:11 Par exemple, les lèvres, je me disais "mais eux, ils ont des lèvres plus fines que les miennes, comment ça se fait ?"
00:15 Et puis je commençais à me pincer les lèvres carrément pour que je leur ressemble le plus possible, tout simplement.
00:21 Mes parents, dernièrement, ils m'ont témoigné que déjà vers mes 3 ans,
00:25 c'était hors de question que je porte du rose.
00:27 Même si le rose n'est pas dit féminin ou masculin, mais il y avait quand même des signes ou même les robes,
00:32 c'était hors de question.
00:33 Les barbies qu'on m'offrait, je les gardais de côté, je les offrais à mes copines.
00:36 C'était vraiment des trucs comme ça, mais je ne les ai appris que dernièrement.
00:40 On est innocent à cet âge-là, il n'y avait pas d'attirance.
00:42 Je sais que je regardais les filles, mais je regardais aussi les garçons.
00:44 Et en fait, après quelques années, j'ai compris que je regardais les garçons
00:47 parce que je voulais leur ressembler, pas parce qu'ils m'attiraient,
00:50 parce que je les admirais, tout simplement.
00:51 Salut à tous, moi c'est Morgan.
00:54 J'ai 28 ans bientôt, dans quelques mois.
00:55 Je suis sur les réseaux et je parle de transidentité.
00:59 Avant ma transition, j'ai travaillé dans un milieu dit masculin,
01:02 c'est-à-dire dans la construction métallique.
01:04 J'ai arrêté ma scolarité très tôt parce que j'ai fait une phobie scolaire
01:07 dû à l'harcèlement que je subissais au quotidien.
01:10 Pour me sortir de tout ça, je me suis dit en fait, je vais bosser.
01:12 Bon, j'ai commencé à bosser, j'avais 15-16 ans.
01:14 Et puis c'était un besoin sur le moment, parce que franchement,
01:17 je ne voyais pas la conclusion de tout ça, je n'arrivais pas à me projeter.
01:21 C'était vraiment de vivre le jour le jour et de "survivre" en fait, tout simplement.
01:25 Il faut savoir qu'à ce moment-là, je n'étais pas proche de ma famille
01:27 et j'étais un peu livré à moi-même.
01:29 J'étais vraiment dans une période de flou, c'était une des pires périodes de ma vie.
01:32 Il faut savoir que je suis l'aîné d'une fratrie de 4 autres garçons.
01:35 Donc c'était un peu moi, la seule fille, etc.
01:38 Il y avait cette peur de décevoir, de faire du mal à mes parents, à ma mère.
01:42 On avait une relation très fusionnelle.
01:43 Vers mes 20 ans, lors de ma première relation honnêtement,
01:46 là je me suis assumé à côté de mon ex, du coup j'étais un homme.
01:50 Mais j'ai subi de la violence, que ce soit de sa part ou de proche à elle.
01:55 Petit à petit, mon ex commençait à l'accepter.
01:57 Puis pour me dire "en fait, je m'assume en tant que lesbienne".
01:59 Et là, ça a été le blocage total.
02:01 De dire "non, t'es pas en couple avec une femme, t'es en couple avec un homme".
02:06 Et à ce moment-là, ça s'est arrêté comme ça.
02:09 Je me suis senti seul, mais surtout, c'était même pas ce sentiment de solitude,
02:12 c'était ce sentiment de se dire "je vais devoir vivre toute ma vie comme ça".
02:15 Et il va falloir faire avec en fait, parce que tu ne pourras jamais être un garçon, Morgan.
02:19 Tout le monde te fera toujours rappeler que tu restes une femme
02:21 et puis autant faire plaisir aux autres.
02:23 Et je me suis forcé pendant des années, je me suis forcé.
02:26 Ça devenait vraiment un enfer parce que je pensais aux autres et pas à moi.
02:30 Et il y a ce sentiment de survoler notre corps, en fin de compte.
02:34 Ça a vraiment été un déclic quand, clairement, je me suis fait maltraiter par mes ex.
02:39 Je vous le dis honnêtement, j'ai plusieurs fois essayé de mettre fin à ma vie,
02:43 tout en pensant qu'en fin de compte, si je mettais fin à ma vie,
02:46 peut-être que j'allais renaître dans le corps d'un homme.
02:49 Et j'ai continué ce combat en me disant "non, tu ne peux pas faire ça", etc.
02:53 J'ai lutté, j'ai lutté.
02:54 Puis au bout d'un moment, la dernière tentative, ça m'a un peu réveillé.
02:58 Et je me suis dit "Mais en fait, Morgan, ça fait 25 ans que tu vis pour les autres.
03:02 Tu as toujours voulu aider les autres et puis en fait, tu ne penses pas à toi".
03:04 J'ai repris contact avec un ami d'enfance, qui est aussi un homme transgenre
03:08 et c'est là qu'on s'est soutenus dans notre parcours de transition.
03:11 J'ai pris les adresses, tout ça.
03:12 Et puis au début, c'était juste "oui, mon torse me fait complexer".
03:15 En plus, même si j'allais faire du sport, comme je voulais,
03:17 il y avait toujours ce complexe de dire "non, je ne pourrai jamais avoir le physique dont j'ai toujours rêvé".
03:22 On dit sur la testostérone que oui, ça change le comportement, ça rend agressif, tout ça.
03:26 Et puis je dis "non, mais moi, je ne veux pas changer de comportement.
03:29 Les gens, ils m'aiment comme je suis.
03:30 Puis moi, ce n'est pas ça que je veux changer.
03:31 Je veux juste être mieux dans mon corps".
03:32 J'ai été voir mon endocrinologue et j'ai dit "Vous pouvez me faire une ordonnance ?"
03:35 Et puis j'ai commencé sous gel en fait.
03:37 Dès ma première application, je sentais et c'était ça qui me manquait.
03:40 Au fond de moi, je me suis dit "mais toutes ces années, en fait, j'attendais juste ça".
03:43 Et avant d'avoir les effets de la pilosité, la voix, je me sentais déjà mieux.
03:49 Et il y avait un apaisement.
03:50 Et puis auparavant, quelque temps avant, j'avais rencontré ma copine actuelle
03:55 qui m'a donné énormément de force, qui m'a accepté avant ma transition, qui m'a soutenu.
03:59 Je lui ai dit "je suis un homme transgenre".
04:00 Elle m'a dit "OK".
04:01 Elle m'a dit "ben, t'es un homme, pour moi tu resteras un homme".
04:04 C'est trop surréaliste à des moments de se dire que,
04:06 après tout ce qu'on a vécu, tous les traumatismes que j'ai pu avoir avec mes anciennes relations,
04:10 qu'une femme m'accepte de cette façon.
04:12 Et puis on a fondé notre famille.
04:13 J'ai une petite et je peux dire enfin aujourd'hui que je suis un papa heureux et un homme heureux.
04:18 Le genre, on le sent au fond de nous.
04:20 C'est pas ça qui va définir qui tu es.
04:22 Il n'y a personne qui peut définir qui je suis ou qui j'étais.
04:24 C'est moi qui le sens.
04:26 Des fois, oui, il y a des jours où je me lève, je dis "pourquoi à ce moment-là, je n'ai pas fait ça ?
04:29 Pourquoi je ne l'ai pas dit ? À ce moment-là, je n'étais pas prêt à le faire".
04:32 Et c'est pour ça que je dis toujours "il ne faut pas se précipiter".
04:34 Il y a un temps pour tout.
04:35 Ce n'est jamais trop tard.
04:36 Et il vaut mieux des fois que ce soit trop tard que trop tôt.
04:38 Parce que toutes les épreuves difficiles qu'on rencontre,
04:41 qu'on soit transgenre ou cisgenre ou peu importe,
04:44 dans nos vies, ça nous apporte du négatif sûr sur le moment.
04:47 Mais avec le recul, on prend ça comme une force.
04:49 Et on se bat.
04:50 Et quand on s'en sort, c'est que du bénéfice.