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Dans Historiquement Vôtre vous raconte l’histoire poignante de Bedrich Fritta, un dessinateur tchécoslovaque mort en déportation qui, le 22 janvier 1944, offrit à son fils Tommy, pour ultime cadeau d'anniversaire, un livre qu’il avait lui-même illustré de façon clandestine. "Pour Tommy" est disponible aux éditions du Rocher.
Retrouvez "Dans l'intimité de l'Histoire" sur : http://www.europe1.fr/emissions/dans-lintimite-de-lhistoire

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Transcription
00:00 Europe 1, historiquement vôtre avec Stéphane Bern.
00:04 Tous les jours, vous le savez, historiquement vôtre,
00:06 vous raconte l'histoire sans se la raconter avec Jean-Luc Lemoyne
00:08 qui vient tout juste de mettre le point d'interrogation finale à son quiz à suivre.
00:12 Exactement, aujourd'hui, pour l'indice musical,
00:14 j'ai choisi de faire plaisir à ceux qui étaient des enfants dans les années 80.
00:18 Écoutez.
00:20 Un coucou c'est tous pour un, lorsque l'on est mousquetaires.
00:24 Un coucou c'est tous pour un, on est comme des frères.
00:28 Est-ce que vous vous souvenez de ce joli dessin animé où Tartagnan était un chien ?
00:32 Non.
00:33 Si, moi ça me dit quelque chose.
00:35 J'aime bien le petit "pouet pouet" derrière, on dirait "Houm le dauphin" là, ou "Flipper".
00:39 "Houm, houm", un petit but un peu mouillé.
00:42 La chanson faite par Michel Legrand, mais non, là c'est bien les chiens.
00:45 Et on va parler, vous l'avez compris...
00:47 De chien.
00:48 Non, des trois mousquetaires.
00:49 Ah d'accord.
00:50 C'est pas suivi du tout, finalement.
00:52 Mais avant cet affrontement entre Clémentine et moi, je lui laissais la parole.
00:57 Parce que Clémentine Partier-Kaltesbach nous raconte des histoires dont elle seule a le secret.
01:01 Aujourd'hui, le secret n'en est pas vraiment un.
01:10 Clémentine, puisqu'à l'occasion de l'apparition en français du livre "Pour Tommy",
01:14 vous revenez sur la très touchante histoire de ce père, le dessinateur tchèque Bédrich Frita,
01:19 enfermé avec sa famille dans le camp de Térésine,
01:22 et qui a offert, avec ce livre, de magnifiques dessins pour l'anniversaire des trois ans de son fils Tommy.
01:28 Ah oui Stéphane, et j'espère vous donner envie à nos auditeurs de se procurer ce livre.
01:35 C'est un livre absolument unique et merveilleux.
01:38 Il a été conservé par les descendants du dessinateur Frita pendant 80 ans.
01:43 Évidemment d'abord par son fils Tommy à qui était dédié ce livre,
01:47 c'est tout ce qu'il avait conservé de son père.
01:49 Et puis à sa mort, le livre a été transmis à David, l'aider de ses quatre enfants.
01:54 Alors David, qui avait ce trésor entre les mains,
01:57 savait que depuis longtemps il aurait dû offrir au monde ce témoignage extraordinaire
02:02 de courage, d'amour, d'espoir, mais il n'arrivait pas à s'en séparer.
02:06 Il a même fait le voyage à Berlin une première fois pour l'offrir au musée juif.
02:10 Et puis quand il s'est trouvé là, il a dit "non je peux pas, je peux pas le laisser".
02:14 Il était reparti avec, et puis en même temps il tremblait toujours
02:18 parce qu'il se disait "mais si j'étais cambriolé, s'il y avait un incendie chez moi,
02:22 j'aurais privé le monde de ce témoignage extraordinaire".
02:26 Parce que c'est pas du tout le témoignage qu'on a d'habitude des camps à travers des dessins,
02:30 mais là c'est l'œuvre d'un père pour son fils.
02:33 Et finalement c'est parce que David, donc le propriétaire de ce livre,
02:37 a rencontré l'écrivain Elios Azoulay, qui lui avait déjà consacré un livre
02:41 à la musique dans les camps de concentration,
02:44 un livre intitulé "L'Enfer" aussi à son orchestre, mais pas du tout.
02:47 Paradoxalement pas du tout déprimant, parce qu'il s'est composé dans les camps,
02:51 et bien c'était pas forcément de la musique déprimante, non pas du tout,
02:54 ça pouvait être aussi une musique joyeuse, une musique très belle.
02:58 Et il a convaincu David de faire publier ce livre.
03:02 Il disait "tu peux pas garder ça pour toi, il faut que les gens voient les dessins de ton père".
03:06 Et donc ils sont allés tous les deux au musée juif de Berlin,
03:10 et surtout quand David a lu le texte d'Elios Azoulay sur ce livre,
03:14 pour Tommy, il a dit "j'ai jamais rien lu d'aussi beau sur le livre de mon père,
03:18 donc allez, on y va, on va aller le donner".
03:21 Alors qui était son grand-père, le grand-père de David, Fritz Tosich,
03:25 c'était donc un génie absolu du dessin, né dans un petit village à 50 km de Prague,
03:31 dans les années 30, il est à Prague, il travaille notamment pour un magazine antifasciste,
03:36 parce que c'était un très très bon caricaturiste.
03:39 Et d'où vient ce pseudo, c'est qu'en fait Fritz Tosich a pris les 4 premières lettres de son prénom,
03:43 et les 2 premières de son nom, et ça a donné le pseudo "Fritta".
03:48 A Térésine où il est déporté, Térésine c'est donc une ancienne ville de garnison,
03:52 à près de 60 km de Prague, il devient Fritta, directeur du bureau de dessin du département technique.
03:59 Et comme il a cette responsabilité quand sa femme et son fils arrivent à Térésine,
04:04 le 22 janvier 41, ils sont autorisés à rester avec lui,
04:08 et à vivre en famille dans la Magdeburger Kaserne,
04:11 c'est tout petit, mais au moins c'est rien que pour eux, je cite Elios Azoulay,
04:16 "C'est toujours mieux que de crever de crasse dans les greniers, les caves où s'entassent les autres,
04:21 car à Térésine ce sont plus de 50 000 juifs qu'on empile dans tous les endroits possibles,
04:25 les chambres et des casernes, les appartements, les commerces,
04:28 tout explose d'hommes et de femmes qui s'amoncèlent, qui dorment par terre les uns sur les autres,
04:33 dans une petite maison, on met jusqu'à 120 déportés, un bruit infernal,
04:38 toujours un truc qui tombe, toujours un homme qui pleure,
04:42 toujours un pied qui dépasse, toujours un mort qui dépasse."
04:46 Alors au grand jour, Fritta et ses collègues réalisent des dessins techniques sur l'ordre des nazis,
04:51 et même parfois leur demandent, ils font des portraits des nazis,
04:54 parce qu'ils ont un bon petit coup de traillon,
04:58 "Allez-y faites mon portrait", mais dans le plus grand secret,
05:00 ils dessinent aussi la réalité du camp de concentration de Térésine,
05:04 Térésine témoignant de l'horreur qui se joue, la mort, le désespoir, la cruauté,
05:09 la souffrance, la faim, le froid, les pendaisons,
05:12 et pendant ce temps-là, les nazis s'affairent à transformer le camp en vitrine,
05:17 pour prouver au monde qu'ici les juifs sont bien traités,
05:20 dans le film de propagande, où l'on aperçoit quelques secondes Fritta à son bureau,
05:25 c'est la seule image qu'on ait de lui, c'est extrêmement touchant,
05:27 là on l'aperçoit, on a dû lui dire "il faut sourire à la caméra",
05:31 c'est ce qu'on voit, je cite à nouveau Elio Sazoulé,
05:33 "Les juifs se prélassent au soleil, les juifs font de la gymnastique,
05:37 les juifs font de beaux dessins, les juifs jouent aux échecs,
05:40 les juifs jouent au foot, ils font du jardinage, ils écoutent de la belle musique,
05:44 ils mangent de bonnes tartines", on y croirait presque,
05:47 sauf les visages, derrière chaque masque, il y a un visage qui se noie.
05:52 Mais quand le docteur Rossell, délégué du comité international de la Croix-Rouge,
05:57 est invité à visiter Theresienstadt le 23 juin 1944,
06:00 lui n'y voit que du feu, il dit "en effet, ils sont bien traités ici".
06:04 Et hélas, un jour on va trouver trois des dessins que les dessinateurs font en cachette
06:09 sur un déporté, donc Fritta, ses amis, leur famille,
06:13 tous sont arrêtés, tous sont envoyés à Auschwitz,
06:16 et c'est là que meurt Fritta, le 4 novembre 1944, il avait 38 ans.
06:21 L'un de ses amis, Léo, lui a promis qu'il s'occuperait de Tommy s'il survivait,
06:25 il a survécu, et il a tenu parole, car la mère de Tommy, elle,
06:29 est morte du typhus en février 1945, donc Tommy était vraiment orphelin.
06:34 Après la libération de Thérésine par l'armée rouge, Léo, donc l'ami de Fritta,
06:38 est autorisé à se rendre à Thérésine, il retourne dans le grenier,
06:42 là il retrouve les 400 dessins qu'il lui avait cachés,
06:46 mais il retrouve aussi la caisse métallique enterrée par Fritta,
06:49 ce sont des centaines de dessins, de peintures, de croquis,
06:53 qui sont sauvés, qui vont enfin pouvoir parler, gueuler enfin la vérité.
06:57 Et tout au fond de cette boîte métallique, il y a un petit livre de croquis,
07:05 format paysage, recouvert d'une toile de jus découpée dans un sac de patates,
07:10 ça c'est le livre de Tommy.
07:12 Et alors qu'est-ce qu'on y voit ? Tommy fait du vélo, Tommy dort,
07:15 Tommy fait pipi, Tommy fait le clown, Tommy aviateur,
07:18 mais surtout Tommy ne devient ni général ni curé,
07:21 Tommy joue sous la neige, boit du lait chaud,
07:24 Tommy voyage chez les indiens à dos de tortue en avion ou en bateau,
07:28 Tommy tombe amoureux, Tommy joue dans les fleurs,
07:31 et si on partait au bout du monde, lui dit son père,
07:33 qui est alors à Thérésine la force de ses dessins.
07:36 Et je cite une dernière fois Céline Délio-Sazoulet,
07:39 pour Tommy, et bien ce livre est un miracle,
07:42 le miracle d'un père dans le miracle d'un livre,
07:46 le miracle de tant d'amour dans tant d'urgence.
07:50 - Waouh !
07:51 - C'est un livre qu'il faut se procurer parce qu'il est extrêmement cher.
07:55 - Justement pour ceux qui souhaiteraient découvrir ce magnifique ouvrage
07:58 et les dessins de Bédrich Fritta,
08:00 pour Tommy, 22 janvier 1944,
08:03 raconté par Elio Sazoulet et paru aux éditions du Rocher.
08:06 Et maintenant c'est le moment de l'émission, vous le savez, je ne contrôle plus rien.
08:10 Enfin comme si je contrôlais avant.
08:12 C'est vous Jean-Luc qui prenez la main pour le quiz "Burn to be alive", vous êtes prêts ?
08:16 - Tout à fait.

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