Yémen : en route vers des perspectives de paix ?

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00:00 On en parle avec David Rigouleros, rédacteur en chef de la revue "Orient stratégique",
00:03 chercheur spécialiste du Moyen-Orient, rattaché à l'Institut français d'analyse stratégique,
00:08 chercheur également associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques,
00:12 auteur de "Géopolitique de l'Arabie Saoudite" chez Armand Colin.
00:16 Bonsoir à vous, merci d'être avec nous ce soir.
00:18 Ces négociations à Sanaa se font-elles dans un contexte de détente qui est lié à cet accord
00:24 qui a pu être obtenu entre l'Arabie Saoudite et l'Iran sous l'égide de la Chine ?
00:28 C'est incontestable. L'accord qui a été conclu entre Teheran et Riyad
00:34 ne portait pas spécifiquement sur le Yémen, mais évidemment il y avait des attendus par rapport au Yémen.
00:39 Et on peut penser que ce qui se passe aujourd'hui n'est pas évidemment sans lien avec,
00:43 non pas une réconciliation, mais une normalisation des relations entre les deux pays.
00:49 Comment, justement pour revenir encore au contexte,
00:51 comment expliquer que la Chine soit parvenue à cette détente entre les deux pays ?
00:54 Oui, alors la Chine a finalisé l'accord du 10 mars,
00:56 mais ce n'est pas la Chine qui était le maître de cérémonie depuis le début.
01:01 Il faut rappeler quand même qu'il y a eu beaucoup de négociations à Mascat, en Oman.
01:05 D'ailleurs on retrouve les Omanais.
01:06 Donc l'Oman en fait, l'Oman a un rôle clé ?
01:08 Oui, le sultanat d'Oman a toujours eu un rôle clé.
01:11 C'est à Mascat en général que se… C'est un peu la Suisse du Moyen-Orient.
01:15 Les négociations difficiles en général ont lieu traditionnellement à Mascat,
01:19 parce que Mascat traditionnellement ne prend pas partie.
01:23 D'ailleurs, par rapport aux Chiites et aux Sunnites,
01:26 il y a une tradition spécifique de libadisme omanais
01:30 qui lui permet d'être neutre d'une certaine manière
01:32 et de favoriser les négociations entre interlocuteurs difficiles.
01:37 Est-ce qu'on se dirige vers une paix durable justement au Yémen ?
01:39 Ça fait 8 ans que cette guerre dure.
01:42 David Rigollet-Rose, elle a fait 380 000 morts.
01:45 Alors ce qui est intéressant, c'est que dans le rapport qu'avait fait
01:48 Hans Gruesberg, le représentant spécial de l'ONU, le 16 janvier dernier,
01:52 il avait dit, présentait certainement certaines choses,
01:54 parce qu'il avait évoqué le fait qu'il y avait un possible changement de trajectoire
01:58 dans les 8 ans de guerre et donc que quelque chose, une éclaircie,
02:02 enfin une perspective s'ouvrait et il avait certainement vent
02:06 des négociations effectivement entre Iraniens et Saoudiens
02:10 qui avançaient notamment depuis la fin de l'année
02:13 et qui ont donné lieu à l'accord du 10 mars.
02:15 Et donc évidemment aujourd'hui, une fois qu'il y a eu la finalisation de cet accord,
02:19 ça accélère les possibilités qui s'offrent au Yémen
02:21 puisque le Yémen était un théâtre d'affrontement
02:24 entre les deux rivaux géopolitiques.
02:26 – Mais justement, on sait que c'était la guerre de MBS,
02:28 Mohamed Ben Salmane au départ, qu'il voulait une guerre éclair,
02:31 au final il y a eu un enlisement qui dure 8 ans,
02:33 que veut-il aujourd'hui MBS pour que les conditions de la paix soient remplies ?
02:37 – Il veut s'extraire du conflit yéménite.
02:40 – Ça c'est sûr.
02:41 – Il a compris que c'était une impasse stratégique et humanitaire,
02:45 donc aussi en termes d'image.
02:46 – Donc c'est un échec total pour lui ?
02:47 – D'une certaine manière oui, c'est un échec,
02:49 tu ne peux pas le reconnaître comme ça,
02:51 mais il ne peut pas partir sans avoir un minimum de gains,
02:55 en tout cas en termes transactionnels avec les outils,
02:58 mais effectivement c'était un échec.
03:01 Et le problème pour lui c'est qu'en dehors du coût financier,
03:04 ça représentait plusieurs milliards de dollars
03:06 au plus haut des opérations militaires pour Yann,
03:08 mais il a une obsession,
03:10 c'est la réalisation de son fameux plan Vision 2030.
03:12 Et il sait que ça ne peut pas passer dans un contexte régional turbulent,
03:17 sinon ouvertement conflictuel.
03:19 Et donc il a besoin effectivement, à ce double titre,
03:23 de sortir de l'impasse du Yémen.
03:24 – Mais à quelles conditions justement ?
03:25 – Alors voilà, la question elle est là.
03:28 – Est-ce qu'on sait ce que demandent les Saoudiens d'un côté,
03:30 et les Iraniens de l'autre ?
03:31 – On sait ce que demandent en tout cas depuis longtemps les Houthis,
03:34 c'est-à-dire la fin du blocus,
03:36 ce qui est évoqué dans le reportage sur Sanaa,
03:38 le blocus aérien, et du blocus maritime,
03:41 pour permettre justement l'entrée sur le port d'Odeida,
03:45 qui avait été assoupli, mais pas suffisamment.
03:48 D'autre part, les Houthis demandent effectivement le paiement
03:51 par les gouvernements officiels qui bénéficient des ressources pétrolières,
03:55 dont lui ne bénéficie pas, donc de tous les fonctionnaires,
03:59 y compris dans les territoires contrôlés par les Houthis.
04:03 Et puis du côté évidemment saoudien,
04:05 on demande effectivement à ce qu'il y ait la fin des bombardements,
04:10 notamment sur le Royaume,
04:12 puisqu'on sait que ces dernières années et ces derniers mois également,
04:16 les Houthis envoyaient des missiles ou des drones sur les infrastructures saoudiennes,
04:22 ce qui posait un problème majeur pour la sécurité du Royaume.
04:24 – Donc là on est dans un processus de cesser le feu,
04:26 mais en termes de gouvernance, Sanaa est contrôlée par les Houthis,
04:29 est-ce qu'elle va rester contrôlée par les Houthis ?
04:33 Qu'est-ce qu'elle va être en fait la gouvernance au Yémen ?
04:36 – Là on rentre dans un jeu complexe,
04:39 parce que le problème ne se réduisait pas à un affrontement par proxys
04:43 entre Téhéran et Riyad.
04:46 Il y a aussi des problèmes spécifiquement intra-yéménites,
04:50 notamment dans l'équilibre des pouvoirs, de la représentation,
04:53 la question effectivement de la minorité zaïdite au Nord,
04:57 et donc dans l'équilibre régional,
04:59 puisqu'il y avait l'idée d'une restructuration fédéraliste du pays,
05:04 qui va poser un vrai problème,
05:06 parce qu'il y a des velléités autonomistes,
05:09 sinon sécessionnistes au Sud,
05:10 et donc là il y a effectivement des paramètres qui sont complexes à gérer,
05:13 mais en tout cas il y a une dynamique plutôt vertueuse
05:16 avec les grands acteurs que sont Riyad et Téhéran.
05:20 – Donc c'est plutôt positif ?
05:21 – Pour l'instant c'est plutôt positif,
05:22 et effectivement pour la population ce serait une perspective
05:27 qui leur permettrait de souffler après 8 ans de guerre terrible
05:29 qui a fait du Yémen une des pires tragédies humanitaires.
05:31 – Un soulagement de 380 000 morts, c'est ce que vous avez dit ?
05:33 – 380 000, énormément de civils, 80 %…
05:35 – Une grande majorité de civils.
05:36 – 80 % dépendants de l'Aide internationale,
05:39 2 millions d'enfants malnutrissés, confrontés à la malnutrition,
05:44 donc effectivement ça permettrait une amélioration notable de la situation.
05:48 – Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce soir, David Rigolero.

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