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Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.
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Transcription
00:00 Et vous écoutez Culture Media jusqu'à 11h avec Philippe Vandelle et votre invitée, on va parler cinéma aujourd'hui Philippe.
00:05 Bonjour Alice Izzaz.
00:06 Bonjour.
00:07 Vous êtes comédienne seulement 32 ans, une vingtaine de films, on vous a vu dans un moment des Garments,
00:11 vous étiez la fille de Vincent Cassel, le mystère Henri Pic, une belle course avec Danny Boon,
00:14 Mademoiselle de Jonquière, d'Emmanuel Mouret, vous avez même tourné Paul Verhoeven, c'était dans elle,
00:18 on vous a vu dans Apache, j'en parle parce qu'on a reçu il y a deux semaines Neil Snyder,
00:21 et alors la presse est dix tirs en bique sur vous Alice.
00:26 Pour vous début en 2014, l'Obs avait écrit Alice Izzaz, un nom qu'il va falloir retenir,
00:31 L'Express, on est au même moment, on sort de la crème de la crème avec l'idée d'avoir découvert quelqu'un
00:36 dont le cinéma français ne va plus pouvoir se passer.
00:39 Je saute en 2016, Le Parisien vous consacre un article entier, alors vous avez encore jamais eu de premier rôle,
00:44 Alice Izzaz crève l'écran, Le Figaro en 2017, cette pianiste et ancienne danseuse éclate,
00:49 et le matin à la Cérescence en 2022, la française irradie dans les couleurs de l'incendie.
00:55 Rien que ça, j'avais rarement lu une revue express pareille,
00:58 et on en reçoit des artistes garçons et filles ici dans cette émission.
01:02 Et voici donc votre premier premier rôle, ça s'appelle Le Prix du Passage de Thierry Benisti avec Adam Bessa,
01:09 on va en parler, ça sort mercredi d'abord.
01:10 Qui est Natacha, votre personnage, et comment vous l'avez abordée ?
01:14 Déjà merci beaucoup parce que ça fait du bien de réentendre tous ces...
01:17 - Merci à tous ces journalistes ! - ... tous ces bons compliments, exactement.
01:20 Alors Natacha, c'est une jeune femme issue d'un milieu précaire, même très précaire,
01:25 qui vit dans le nord de la France, une jeune mère célibataire,
01:29 qui enchaîne les petits boulots, qui a beaucoup beaucoup de dettes,
01:34 et qui va se retrouver à rencontrer des migrants,
01:37 et à se rendre compte qu'elle peut gagner de l'argent en leur rendant service.
01:41 Dans un premier temps, leur proposant de prendre des douches chez elle,
01:44 et après elle va apprendre l'existence de ces passages clandestins dits "VIP",
01:50 donc dans les coffres de voitures de particuliers,
01:52 et elle va en faire quelques-uns, et voilà.
01:55 Et je ne vais pas en dire plus.
01:56 On va d'abord entendre une sorte de bande-annonce, un teaser,
01:58 et je n'en dis pas plus moi non plus.
02:00 Alors j'imagine que tu veux passer comme tous les autres en Angleterre ?
02:03 C'est cher le passage, 5 000 euros.
02:05 5 000 ?
02:06 Tu vas retrouver un travail.
02:07 J'ai pas réfléchi à cette histoire de passage.
02:09 Je vous fais passer, toi et ton pote, pour 2 000 euros.
02:12 Comment elle te va faire ?
02:13 Flanquer un type dans son coffre et traverser la Manche, ça va.
02:16 Tu sais ce que tu ris si tu te prends ?
02:19 Mais j'ai failli finir en col, connard !
02:21 Je t'ai dit, c'est dangereux !
02:22 Bon, qu'est-ce qu'on fait alors ?
02:24 C'est fini, c'est bon, on arrête ?
02:26 J'ai pas dit ça, non.
02:27 Film très intéressant, et une de ses caractéristiques vraiment très intéressantes,
02:34 c'est que c'est pas manichéen, il n'y a pas les gentils migrants et les méchants policiers.
02:37 Idem chez les habitants, la plupart sont hostiles aux migrants.
02:40 Alors, c'est vrai qu'on s'est rendu compte en étant sur place
02:45 qu'il y a vraiment deux catégories de personnes.
02:47 Il y a celles qui viennent en aide aux migrants,
02:50 qui sont au sein d'associations, ou même qui les aident des particuliers.
02:56 Enfin, il y a énormément d'exemples.
02:58 Et puis il y a ceux, effectivement, qui sont...
03:00 Vous, vous les aimez pas au début du film ?
03:02 Non, c'est ça, et c'est ce qui m'a plu d'ailleurs dans ce personnage,
03:04 c'est que pour une fois, je trouve qu'on aborde cette question-là.
03:07 Elle est pas altruiste dès le départ, au contraire, elle est assez indifférente,
03:13 elle est même insensible, quoi.
03:17 Et au final, elle va le devenir au fur et à mesure.
03:19 Donc il y a une très belle trajectoire, je trouve, chez ce personnage-là.
03:23 Est-ce que votre personnage de passeuse existe dans la réalité ?
03:26 Il existe dans la réalité.
03:29 Il y a évidemment des personnes qui font ces passages clandestins,
03:32 qui prennent des migrants dans le coffre de leur voiture et qui leur font passer...
03:36 Mais c'est marginal ou c'est régulier ?
03:37 Parce que la question qu'on se pose, c'est que si c'est régulier,
03:39 comment sait-il que la police ne les détecte pas ?
03:43 Je pense que ça reste quand même quelques cas isolés.
03:46 Il y en a qui le font pour l'argent,
03:47 il y en a qui le font vraiment par pur altruisme,
03:49 qui ne touchent vraiment pas d'argent.
03:51 Après, je pense que les douanes ne peuvent pas non plus vérifier tous les véhicules.
03:58 Vous le dites, c'est dit dans le film, un coffre sur cinq est ouvert.
04:02 Alors certainement, je connais pas les chiffres.
04:04 C'est dans le film, c'est là où je l'ai entendu.
04:06 Mais en tout cas, c'est très très très risqué.
04:08 On l'a tourné en 2021.
04:11 20% de risque de se faire prendre, c'est quand même énorme.
04:13 Il faut une sacrée conviction pour prendre ce risque-là.
04:16 Bien sûr.
04:16 Et alors, on apprend aussi une technique que j'ignorais, évidemment.
04:21 C'est qu'avant d'aller en Angleterre,
04:23 ce qu'il s'agit de prendre un migrant, le mettre dans son coffre,
04:26 monter sur le ferry,
04:27 et passer comme si de rien n'était un petit voyage d'agrément,
04:29 il faut passer par le parking d'un supermarché.
04:31 Racontez pourquoi.
04:33 Alors, il faut qu'elle puisse se dire...
04:37 Je n'étais pas au courant qu'il y avait...
04:38 Faut qu'elle ait un alibi.
04:38 Faut qu'elle ait un alibi.
04:39 Faut qu'elle dise "moi, je n'étais pas au courant
04:42 qu'il y avait un migrant dans mon coffre.
04:44 Ils ont dû monter quand j'ai dû faire mes courses au Leclerc,
04:48 au Champs, je ne sais pas, n'importe quel supermarché d'ailleurs.
04:52 C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il leur donne l'argent
04:55 une fois passé la frontière, une fois en Angleterre,
04:59 pour justement qu'il n'y ait pas de suspicion
05:01 qu'elle ait été au courant avant, qu'elle l'ait fait volontairement.
05:03 Il y a une autre technique dans le film aussi, celle du magasin,
05:06 c'est le café.
05:07 Est-ce que c'est vrai, ça, les grains de café ?
05:09 - Ils se sont réellement renseignés,
05:12 c'est-à-dire qu'on n'a rien inventé dans ce film.
05:14 Thierry, en tout cas, a fait beaucoup de préparation,
05:19 a été sur le terrain. - Thierry Benisti, le réalisateur.
05:20 - Thierry Benisti, le réalisateur du film.
05:22 Il a été sur le terrain, il a été au sein d'associations
05:25 pendant un certain temps, il s'est vraiment renseigné.
05:28 - Racontez la technique des grains de café.
05:30 - Alors, ils mettent des grains de café dans leur poche
05:33 pour éviter que les chiens les reniflent,
05:36 qu'ils puissent les détecter.
05:39 - Vous restez avec nous, on continue de parler de ce film,
05:41 on va entendre un extrait, Alice Isaz est l'invitée de Culture Média sur Europe 1.
05:45 À tout de suite.
05:47 - Culture Média sur Europe 1 avec Philippe Vandel
05:49 et votre invitée, la comédienne Alice Isaz.
05:52 - Le prix du passage, c'est votre premier, premier rôle,
05:54 c'est un film de Thierry Benisti, il sort mercredi.
05:58 Vous jouez Natacha, qui est une personne qui habite près de Calais.
06:02 Vous n'avez pas tourné à Calais, mais en gros, c'est Calais,
06:05 et qui fait passer des migrants au départ par opportunité,
06:11 après presque par cœur, par militantisme,
06:14 quoiqu'elle n'est pas militante, vous les faites passer en ferry et en Angleterre.
06:18 Vous allez devenir peu à peu, dans le récit, proche de Walid,
06:22 c'est un migrant qui est d'origine irakienne.
06:24 Il attend que son frère le rejoigne avant de passer en Angleterre.
06:27 Et en attendant, vous et lui avez tous les deux besoin d'argent.
06:30 Et donc, vous organisez cette filière évidemment artisanale.
06:32 Il y a presque des passeurs professionnels.
06:34 Il y a une histoire de gang, je ne vais pas tout raconter ici.
06:37 Et voici cette discussion entre vous et lui.
06:40 « Pourquoi tu ne restes pas ici ? »
06:42 « Je ne peux pas rester ici, je n'ai pas de... Je n'aurai jamais de papiers.
06:47 Ma famille s'est sacrifiée pour qu'on fasse une nouvelle vie en Angleterre.
06:51 Alors je vais refaire les études avec Ziad, Samy nous attend. »
06:56 « Et tu ne regrettes jamais ?
06:58 Tu ne te dis pas que finalement, ça ne valait pas le coup de partir de chez toi ? »
07:02 « Non, je ne peux pas.
07:03 Mes parents comptent sur moi.
07:06 Il faut que ça réussisse.
07:08 Si je regarde derrière, je deviens fou.
07:11 À cause des morts, à cause de la peur.
07:15 Je ne veux pas, je ne peux pas.
07:19 Je suis un survivant, moi.
07:20 Je ne suis pas une victime.
07:21 Comme toi.
07:22 Moi ? Oui, comme toi. Non. »
07:26 Elle dit non, elle n'est pas une victime, mais en fait elle l'est quelque part.
07:28 Wally était étudiant dans son pays.
07:30 En fait, il a un plus haut niveau d'études que Natacha.
07:32 Mais en fait, d'une certaine manière, c'est le choc de deux précarités.
07:35 « C'est exactement ça.
07:35 C'est vraiment deux précarités qui se rencontrent,
07:38 deux pauvretés qui se rencontrent.
07:40 Et leur rencontre va faire qu'ils vont chacun se sauver l'un et l'autre.
07:45 C'est une super belle histoire d'amitié.
07:50 Parce que c'est vrai que Natacha, au final, on se rend compte dans le film
07:54 qu'elle est moins éduquée que lui, qu'elle est moins cultivée que lui,
07:57 moins diplômée que lui.
07:59 Et c'est ça qui est super dans ce film.
08:00 C'est qu'en fait, on raconte l'histoire aussi de ces migrants
08:04 parce qu'on voit passer dans les médias ce qui se passe.
08:07 Mais c'est vrai que de connaître leur histoire,
08:09 de rentrer vraiment dans leur intimité, dans leur humanité,
08:12 c'est vrai que je trouve que ça touche.
08:14 Et c'est sans ça qu'il est fort ce film.
08:16 C'est que je pense qu'il peut réellement toucher les spectateurs
08:18 parce qu'on parle de ces gens, de qui ils sont.
08:22 - D'un mot, je voudrais citer, donner une mention spéciale à Adam Bessac,
08:26 qui avait eu le prix d'interprétation « Un certain regard » à Cannes pour le film « Arka ».
08:29 Alors vous dites, quand j'accepte un film, c'était une interview il y a un an,
08:33 il y a plein de facteurs.
08:34 Alors moi je dis, dans l'ordre, qu'est-ce qui vous a fait dire oui à ce rôle ?
08:36 Si vous deviez classer trois arguments.
08:38 1. Vous n'aviez pas encore eu de premier rôle.
08:40 2. Le personnage de Natacha, l'écriture de Thierry Benisti.
08:43 Ou alors 3. Le sujet en soi, le drame des migrants.
08:46 - Alors que je n'ai pas eu de premier rôle,
08:52 je ne suis pas tout à fait d'accord parce que j'en avais eu quand même avant ce film.
08:57 Donc ça n'a pas été tellement un argument, et ça ne l'est jamais d'ailleurs,
09:00 parce que je trouve qu'il y a des second rôles qui sont absolument sublimes.
09:04 Donc ce n'est pas un critère de sélection.
09:06 Je pense que déjà, le film m'a réellement touchée.
09:11 C'est un sujet auquel je suis sensible.
09:13 Effectivement, c'était un très beau rôle féminin et il y en a assez peu.
09:18 Et puis il y a eu aussi la rencontre avec Thierry,
09:23 qui m'a convaincue d'accepter ce film
09:26 parce qu'il y a quelque chose qui m'a frappée chez lui,
09:29 c'est son extrême bienveillance, générosité, sensibilité.
09:33 Et je me suis dit qu'il fallait quelqu'un comme lui pour réaliser un film comme celui-ci.
09:37 - Alors il y a une chose qu'on n'a pas dite, c'est qu'à partir de la moitié du film,
09:41 ça devient quasiment un thriller.
09:42 Il y a un suspense de ouf.
09:45 - Ouais, complètement. - Comme disent les moins de 60 ans.
09:47 - En fait on le regarde en apnée ce film.
09:49 C'est vrai que tout le long on est très stressés.
09:51 - Pour vous, pour tout le monde. - Il sent bleu.
09:52 - Ouais, c'est ce qui revient régulièrement.
09:55 - Moi je trouve ça génial parce que c'est vrai que moi je sais ce qui se passe dans le film,
09:58 je l'ai tourné, je connais la suite,
09:59 donc je pense que je n'ai pas le même regard
10:03 que le spectateur qui le découvre pour la première fois,
10:05 mais c'est vraiment quelque chose qui revient
10:06 et je trouve ça génial d'avoir mis ce genre-là, le thriller, pour raconter une telle histoire.
10:12 - Et puis il y a des vertus documentaires encore dans ce film,
10:15 par exemple, mieux qu'en reportage,
10:17 c'est des vertus de la fiction, on voit des choses qu'on ne voit pas dans les sujets,
10:19 par exemple faire un feu pour bloquer des camions,
10:21 le camion s'arrête, racontez ce qui se passe ensuite.
10:24 - Alors ça c'est un vrai... ça existe, en tout cas ça a existé,
10:27 je ne sais pas si ça revient régulièrement,
10:29 mais c'est des migrants qui mettent en feu un matelas au moment où il y a le camion qui arrive,
10:34 donc il est obligé de s'arrêter,
10:36 et comme il est, comment dire, focalisé sur le matelas qui est en train de prendre feu,
10:41 il ne se rend pas compte qu'en fait à l'arrière,
10:43 ils font monter des migrants dans l'arrière du camion.
10:46 - Vous n'avez pas pu tourner à Calais, pour quelle raison ?
10:49 - Nous n'avons pas pu tourner à Calais
10:52 parce que la ville de Calais ne veut plus être associée en fait à la crise des migrants,
11:01 ce qu'on comprend parfaitement,
11:04 donc voilà, ils ne veulent plus qu'il y ait de films qui se tournent là-bas sur le sujet,
11:10 donc je crois que ça a été un réel parcours du combattant pour les producteurs
11:13 de réussir à trouver des décors qui acceptent de nous accueillir.
11:16 - Justement, et quand vous tourniez, la population qui passait,
11:18 vous disiez "Ah ah, encore un film sur les migrants"
11:20 ou au contraire, ils disaient "C'est très très bien, faites parler de notre combat".
11:23 Quelles étaient les relations ?
11:24 Parce que quand on a une équipe de tournage dans une ville,
11:26 il y a tout le temps des interactions qui se font.
11:28 - On a eu de tout, on a eu toutes les réactions.
11:32 Il y a eu des personnes qui nous ont dit "Ah merci, c'est bien d'en parler,
11:34 c'est bien de mettre la lumière sur ce qui se passe ici,
11:38 de les faire exister".
11:40 Et puis on s'est rendu compte aussi,
11:42 souvent quand on tournait des scènes dans des camps de migrants,
11:45 lorsque la déco, les équipes de la décoration
11:48 étaient en train de mettre en place les camps de migrants,
11:50 ils n'avaient même pas le temps de terminer,
11:52 quand en fait il y avait des forces de l'ordre qui venaient
11:54 parce qu'on avait été dénoncé,
11:56 des gens pensaient que c'était de vrais camps de migrants,
11:58 et donc ils dénoncent très vite pour éviter que ça devienne pérenne.
12:01 Donc ça on l'a vécu quelques fois,
12:04 je crois à chaque nouveau camp de migrants que la décoration mettait en place.
12:07 Ce qui était bon signe,
12:10 parce que ça veut dire que c'était assez réaliste
12:12 et que les décolles étaient bien faites.
12:13 Mais c'est vrai que ça nous a frappés,
12:16 on s'est dit "ah oui donc ça existe vraiment"
12:18 parce que dix minutes après,
12:19 il y avait vraiment les forces de l'ordre qui venaient.
12:21 Alice Izzaz est avec nous dans Culture Média,
12:23 "Le Prix du Passage" sort mercredi,
12:24 on va parler série maintenant,
12:26 et je sais que vous avez beaucoup de choses à dire,
12:28 à tout de suite sur OrEnfin.