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En aout 1953, le navire San Matteo part de Cayenne. A bord, les derniers condamnés aux travaux forcés, qui débarquent à Bordeaux quelques semaines plus tard. C’est la fin d’une époque : celle du bagne. Même si le terme de bagne n’a aucune existence juridique, il renvoi dans l’imaginaire collectif à un lieu exotique où des condamnés doivent accomplir des travaux forcés sous une chaleur étouffante, où la malnutrition et les maladies font rage. L’histoire du bagne ne se résume pas à la Guyane, et trouve son origine dans la volonté de rééduquer par le travail. Revenons dans cette vidéo sur l’histoire du bagne, des galères du roi à la Nouvelle-Calédonie, en passant par Biribi où l’Indochine.

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Sources bibliographiques :

- Michel Pierre, Le Temps du Bagne (1748-1953), Tallandier, 2018, 544p. (Source principale)
- Jean-Claude Michelot, La guillotine sèche : histoire du bagne de Cayenne, Fayard, 1981, 372p.
- Albert Londres, Au Bagne, Arléa, 2008, 224p.

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Liens Internet :

- Le bagne colonial de la Guyane française : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02507583/document

- Les « incorrigibles » du bagne colonial de Guyane : https://www.cairn.info/journal-geneses-2013-2-page-71.htm

- Dreyfus au bagne, ou comment briser les prisonniers politiques ? : https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2010-2-page-180.htm

- Le bagne de Brest : https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2006-1-page-204.htm
- Prison et pénitence au XIXe siècle : https://www.cairn.info/revue-romantisme-2008-4-page-41.htm

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Crédit musiques :

- Jerry Goldsmith – OST Papillon
- Alexandre Desplat – OST J’accuse
- Mark Korven – OST The Lighthouse

- Bruitages : Freesound.org

Crédit vidéo :

- Papillon – Franklin J.Schaffner (1973) : https://www.imdb.com/title/tt0070511
- Chéri-Bibi – Léon Mathot (1938) : https://www.imdb.com/title/tt0197362
- Guyane, du bagne aux étoiles – Jil Servant (2020) : https://www.imdb.com/title/tt12059970

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Transcription
00:00 7 avril 1930, Saint-Cloud, France.
00:05 Une équipe de police pénètre dans une auberge réunissant des membres de la Pègre.
00:10 L'objectif ? Arrêter Henri Charrière, surnommé Papillon, soupçonné de l'assassinat par
00:16 balle d'un souteneur quelques jours auparavant.
00:18 Niant farouchement le meurtre, Papillon est condamné par les Assises aux travaux forcés
00:24 à perpétuité.
00:25 En 1933, il est envoyé au bagne de Guyane et parvient à s'évader une première fois
00:32 avant d'être repris en Colombie.
00:33 En 1944, sa deuxième tentative d'évasion est la bonne.
00:38 Il s'installe à Caracas jusqu'à la prescription de sa peine en 1967.
00:43 De sa vie, il en fait un livre, Papillon, dont le succès est immédiat, 13 millions
00:50 d'exemplaires vendus et une adaptation cinématographique dans la foulée.
00:54 Pourtant, une controverse éclate sur la véracité de son récit, qui serait une compilation
01:01 romancée d'expériences d'autres bagnards.
01:03 Qu'importe pour l'auteur et son éditeur, la vie au bagne est décrite avec exactitude.
01:09 Cette plongée dans l'univers du bagne de Guyane est terrifiante, et interroge sur le
01:15 sens de la peine des travaux forcés, qui initialement avaient pour but de rééduquer
01:19 les criminels.
01:20 L'histoire du bagne ne se résume pas à celui de la Guyane.
01:24 Il trouve ses origines dans les galères de l'ancien régime, avant d'évoluer vers
01:27 les bagnes portuaires, puis coloniaux.
01:29 Revenons sur l'histoire bien française du bagne, et observons si les objectifs de cette
01:35 réponse pénale furent atteints.
01:37 Que faire des prisonniers ? L'enfermement, à la fois comme peine et possibilité de
02:00 repentir, paraît la solution la plus logique.
02:03 L'exécution, la plus radicale.
02:05 Dans tous les cas, la privation de liberté est au cœur du système répressif.
02:11 Au XVIe siècle, l'idée d'utiliser les prisonniers pour des tâches que les hommes
02:15 libres ne veulent pas effectuer s'impose peu à peu.
02:18 Thomas More dans Utopia écrit qu'un homme qui travaille est plus utile qu'un cadavre,
02:23 et que l'exemple d'un supplice permanent inspire la terreur du crime.
02:27 Une tâche est toute trouvée, rameur sur les galères, car ces navires peinent à recruter
02:32 de la main d'œuvre, d'autant que le royaume entend développer sa politique maritime.
02:37 En 1670, Colbert propose une grande ordonnance de justice où les peines sont hiérarchisées
02:43 pour les galères.
02:44 Les condamnations à ramer ne sont jamais inférieures à trois ans, et peuvent monter
02:48 jusqu'à trente ans.
02:49 Une exécution à petit feu.
02:51 Voleurs, brigands, escrocs, révoltés ou déserteurs, rament désormais pour le roi.
02:57 Environ mille condamnés rejoignent Marseille chaque année, par un chemin que l'on nomme
03:03 la chaîne.
03:04 Un convoi de prisonniers, escorté par des entrepreneurs privés, traversant le pays
03:09 et constituant un spectacle à ne pas rater pour les villages traversés.
03:13 Arrivés à la cité phocéenne, ils sont enregistrés, tendus, habillés, avec des
03:19 bonnets verts pour les condamnés à vie, et rouges pour les autres.
03:22 Puis les condamnés rejoignent la Churme, nom donné à l'équipage de rameurs d'une
03:27 galère.
03:28 La mortalité dans les six premiers mois est élevée.
03:31 Discipline de fer, insalubrité et insécurité dans la promiscuité ainsi que ramages forcés
03:37 tuent un bon nombre de galériens.
03:38 Au milieu du XVIIIe siècle, les galères ne sont plus en usage dans les combats maritimes.
03:44 Les galériens sont désormais hackés.
03:47 Le bagne entre dans sa première phase.
03:50 Le terme de bagne s'ancre dans le langage quotidien au siècle des Lumières.
03:57 Sa signification est obscure.
03:58 On relie bagne à l'italien bagno, dans le sens de bain, car à Istanbul, les prisonniers
04:04 chrétiens étaient enfermés à côté d'anciennes termes romaines.
04:07 Une autre possibilité étymologique provient de la racine bana, signifiant construction,
04:15 édifice.
04:16 En français, le mot bagne devient un lieu d'enfermement lié à un travail contraint,
04:22 aux conditions de vie inhumaines.
04:24 Avec la fin progressive des galères, il est décidé de maintenir les condamnés aux travaux
04:33 dans les ports.
04:34 Les galériens de Marseille sont transférés à Toulon.
04:37 Deux bagnes sont construits sur la côte atlantique, jusque-là négligées, car les
04:41 galères n'étaient pas adaptées aux courants océaniques.
04:44 Brest voit ses premiers bagnards arriver en 1749, et qui doivent s'occuper du curage
04:49 du port et de travaux qui peinent à trouver de la main d'œuvre.
04:52 Pour la marine royale, chargée des prisonniers, l'idée est de diminuer les dépenses pour
04:58 ces tâches.
04:59 Un immense bâtiment est construit, pouvant accueillir jusqu'à 3000 prisonniers.
05:05 Le bagne de Rochefort, plus modeste, ouvre en 1777, et accueille majoritairement des
05:13 condamnés à perpétuité.
05:15 La peur de l'évasion pousse l'administration à une discipline féroce.
05:22 Un anneau de fer, la manie, est fixé à la cheville du prisonnier.
05:26 Le détenu est ensuite lié à un compagnon.
05:29 Afin d'éviter les envies d'évasion, on lie souvent deux personnes aux intérêts
05:34 divergents.
05:35 Inutile de préciser que la grande crainte du bagnard est d'être mal accouplé.
05:39 Les tentatives d'évasion se soldent d'ailleurs souvent par un échec.
05:43 À la difficulté à se déférer et quitter le bagne, s'ajoute la cavale, qui rencontre
05:48 l'hostilité des populations, et ne dure en général que quelques jours.
05:52 Le travail forcé débute à 5 ou 6 heures du matin, pour finir à 15h30 ou 16h30, en
06:00 fonction de la saison.
06:01 De la grande fatigue, les travaux les plus durs, le forçat peut passer à la petite
06:06 fatigue, lorsque son comportement est exemplaire, travaux de jardinage, d'imprimerie ou d'écriture.
06:12 Il peut même être désaccouplé, ce que l'on nomme la chaîne brisée.
06:17 En fin de peine, le condamné devient un éprouvé, qui peut accéder aux tâches administratives
06:23 et comptables.
06:24 Mais ils sont très peu à y arriver.
06:26 Le forçat est payé, 1/6 du salaire d'un travailleur libre.
06:31 La nuit, les bagnards dorment dans des dortoirs qui peuvent monter jusqu'à 600 hommes.
06:37 L'odeur y est épouvantable, leurs vêtements ne sont changés qu'une fois par semaine.
06:41 Une description de ces conditions est faite par le célèbre François Vidocq, plusieurs
06:46 fois évadé, devenu indicateur pour la police, qui parle de l'effroi ressenti en évoquant
06:52 ces nuits au bagne.
06:53 En matière pénale, les révolutionnaires français ont promulgué de grands principes,
07:01 proportionnalité de la peine, principe de l'égalité ou non-rétroactivité des lois.
07:05 Pourtant, l'exécution de la peine connaît peu de bouleversements, et la vie dans les
07:11 galères sèches ne change pas.
07:12 Le code pénal de 1810 s'avère plus strict, et réintroduit des pratiques de l'ancien
07:19 régime, comme l'exposition publique ou la main tranchée.
07:21 Les travaux forcés sont prononcés par les cours d'assises, pour les crimes, meurtres,
07:28 viols, fausses monnaies, contrefaçons, coups volontaires.
07:31 Au total, 62 motifs.
07:33 L'augmentation des incriminations double le nombre de bagnards.
07:38 A partir de l'arrivée au pouvoir de Louis-Philippe, un courant réformateur quant aux bagnes
07:42 portuaires se forme.
07:44 Des circonstances atténuantes sont intégrées au code criminel de 1832.
07:48 La chaîne, le fameux convoi de bagnards, est supprimée.
07:53 Le transport se fait désormais en voiture fermée, à l'abri des regards.
07:57 C'est surtout pour une question de coût que l'on commence à envisager la suppression
08:02 des bagnes portuaires.
08:03 Plusieurs rapports pointent du doigt la charge que représentent les bagnards pour la marine,
08:08 et l'intérêt qu'il y aurait à engager des hommes libres pour les travaux dans les
08:12 ports.
08:13 L'idée de déporter les condamnés dans les colonies trouve de nombreux partisans,
08:17 d'autant qu'il existe déjà un modèle comme source d'inspiration.
08:20 Depuis le XVIIIe siècle, les britanniques exilent leurs prisonniers à Botany Bay, en
08:25 Australie.
08:26 Après les journées de juin 1848, l'idée d'exclure de la métropole les agitateurs
08:35 est acquise.
08:36 Les condamnés politiques de ces émeutes sont envoyés en Algérie, mais il faut trouver
08:40 un autre endroit pour les détenus de droit commun.
08:43 Une commission est créée en 1851, et après de multiples rapports, la Guyane est choisie,
08:49 car elle combine de nombreux avantages.
08:51 Suffisamment loin de la métropole, mais accessible en trois semaines par route maritime, manquant
08:56 cruellement de main d'œuvre, la Guyane est également la seule colonie française
09:00 d'Amérique.
09:01 Il faut donc la développer par tous les moyens.
09:03 Durant la révolution, la Guyane a déjà servi de lieu de déportation pour les prisonniers
09:08 politiques après la chute d'Europe Espière et le coup d'état manqué du 18 fructidor.
09:13 Désormais, elle sera la terre de supplice des condamnés de droit commun.
09:17 Les bagnes portuaires, quant à eux, ferment progressivement.
09:21 Rochefort en 1854, Brest en 1858, et enfin Toulon en 1873.
09:28 Le texte de loi lié à la déportation des condamnés en Guyane est définitivement adopté
09:36 en 1854, alors que des milliers de prisonniers sont déjà sur place.
09:40 Il intègre dans son article 7 une disposition qui vise à empêcher le retour en métropole
09:46 du détenu.
09:47 Le doublage.
09:48 Un individu condamné à une peine inférieure à 8 ans doit résider dans la colonie un
09:53 temps égal à sa détention.
09:54 Pour celui dont la peine est égale ou supérieure à 8 ans, il doit y résider à perpétuité.
10:00 L'objectif principal du texte n'est pas de rééduquer ou de développer la Guyane,
10:05 mais bien d'éloigner et de punir.
10:07 La peine d'abord, la colonisation ensuite.
10:10 La première expérience du bagne de Cayenne, qui s'étend de 1852 à 1867, est une véritable
10:16 catastrophe.
10:17 Les premiers barraquements sont installés sur les îles du Salu.
10:21 Environ 600 hommes, gendarmes et soldats, assurent la garde, sous l'autorité d'un
10:26 gouverneur.
10:27 On installe rapidement un autre camp sur le site de la montagne d'argent.
10:30 Mal ravitaillé et touché par la fièvre jaune, détenus et gardes succombent en grande
10:35 proportion.
10:36 Plusieurs implantations ratées suivent.
10:38 Saint-Georges de Loyapoque ne produit aucune canne à sucre et connaît une mortalité
10:43 effrayante.
10:44 Le chantier forestier de Kourou est évacué en 1859.
10:47 Sainte-Marie et Saint-Augustin, avec leur plantation de bananes, ferment en 1863.
10:53 Les gouverneurs successifs abandonnent l'Est et décident de s'implanter à l'ouest
10:58 de la Guyane, où une colonie agricole d'hommes libres a réussi son implantation le long
11:03 du fleuve Maroni.
11:04 Inauguré en 1858, le camp de Saint-Laurent-du-Maroni connaît un taux de mortalité moins important.
11:12 Des concessions en périphérie sont créées pour les condamnés aux courtes peines, qui
11:16 ont purgé leurs années.
11:17 L'idée est d'arriver à une véritable implantation de colons, qui seraient rejoints
11:22 ensuite par leur famille.
11:23 Mais une fois de plus, cela ne fonctionne pas.
11:26 Les concessionnaires peinent à survivre dans ce territoire hostile.
11:29 L'heure est au bilan après 10 ans d'expérience.
11:33 30% des bagnards sont morts, et les survivants ne peuvent accomplir les tâches demandées,
11:38 souffrant de malnutrition et de maladies.
11:40 Qui plus est, cela coûte très cher à l'Etat.
11:45 Napoléon III reconnaît lui-même que le bagne de Guyane est un échec.
11:48 Il devient le lieu de déportation des détenus des colonies.
11:52 Il faut désormais trouver un autre lieu pour les condamnés métropolitains.
11:56 Le nouveau territoire pour les déportés est choisi rapidement.
12:03 La Nouvelle-Calédonie, qui manque cruellement de colons et dont le climat est plus propice
12:07 aux travaux forcés.
12:08 Le premier pénitencier ouvre à l'île Nou, rapidement suivi d'autres installations.
12:13 Casernes, hôpitaux, chapelles sont édifiées sur l'île.
12:18 Les populations locales, les canaks, sont expropriées brutalement.
12:22 La découverte de mines de cuivre et de nickel favorise les entreprises privées, qui obtiennent
12:28 le droit d'utiliser les bagnards pour l'extraction.
12:30 Un terrible camp de répression des éléments perturbateurs, le Camp Brun, est inauguré
12:37 en 1887.
12:38 Le bagne de Nouvelle-Calédonie est également connu pour avoir reçu les communards condamnés,
12:44 qui sont soumis à un régime de semi-liberté leur permettant de s'organiser en communauté
12:48 et de cultiver la terre.
12:49 D'autres rejoignent les bagnards de droit commun.
12:52 Environ 3000 communards se retrouvent en Nouvelle-Calédonie, où l'ennui, plus que
12:58 le travail, les éreintes.
12:59 Les lois d'amnistie partielle, puis totale, provoquent leur retour en métropole.
13:06 Environ 400 y ont perdu la vie.
13:09 Après la répression de la Commune, le nouveau régime républicain vit dans la peur.
13:17 La loi, l'ordre, la morale publique et la protection de la propriété privée sont
13:23 des thèmes récurrents.
13:24 La loi du 5 juin 1875 crée les prisons départementales et la réclusion pour les courtes peines,
13:31 celles de moins d'un an.
13:33 Mais c'est surtout le risque de récidive qui agite le pouvoir politique.
13:37 Des thèses sur le criminalité, l'hérédité criminelle et même la contagion de la dépravation
13:43 fleurissent.
13:44 Les républicains opportunistes s'emparent du sujet.
13:47 Ils veulent rassurer les propriétaires et montrer à la nation qu'ils se préoccupent
13:52 de la criminalité.
13:53 Après un long débat, une loi pénale des plus radicales est adoptée le 27 mai 1885,
14:00 la loi instaurant la relégation des récidivistes.
14:03 En cas de récidive, même pour des délits mineurs comme le vol, le vagabondage, la mendicité
14:09 par exemple, l'accusé peut être condamné aux travaux forcés à perpétuité.
14:13 Laissé à l'appréciation du juge, c'est une peine qui condamne pour toujours l'ensemble
14:18 des actions d'un individu.
14:19 Le nombre de déportés explose.
14:22 La Nouvelle-Calédonie ne peut absorber ce flux grandissant de condamnés.
14:26 Malgré le désastre des années précédentes, les routes pour la Guyane sont réouvertes.
14:31 Environ 700 condamnés embarquent annuellement vers la Guyane en partant de Saint-Martin-de-Ré.
14:41 Malgré une croyance bien ancrée, peu de décès sont à constater à bord.
14:46 Arrivé à Saint-Laurent-du-Maronney, centre de transportation, les bagnards sont affectés
14:54 en fonction de leurs dangerosités et des risques d'évasion possibles dans différents
14:58 camps et pénitenciers.
14:59 Ceux qui restaient à Saint-Laurent sont considérés comme peu dangereux et avaient accès à des
15:05 postes administratifs.
15:06 Les prisonniers à surveiller particulièrement, condamnés à perpétuité notamment, sont
15:12 envoyés sur l'île royale, où le climat est certes plus apaisé que sur le continent,
15:17 mais dont la situation rend toute tentative d'évasion impossible.
15:20 Les bagnards élèvent des animaux, cultivent la terre et entretiennent les bâtiments.
15:25 L'île du Diable reçoit les détenus qui ont porté atteinte à la sécurité de l'état.
15:31 Son occupant le plus célèbre est Alfred Dreyfus, qui y fut étroitement surveillé
15:36 de 1895 à 1899.
15:38 Les bagnards les plus dangereux, ceux qui ont tué des gardes, des co-détenus, des populations
15:44 civiles et qui ont été jugés par le tribunal maritime spécial, qui s'occupe des infractions
15:49 commises au bagne, direction l'île Saint-Joseph, la plus redoutée.
15:53 Ils sont enfermés au cachot, dans des cellules sans fenêtres, surveillés depuis des passerelles
15:59 au-dessus des cellules.
16:00 Silence obligatoire, et la peine peut durer jusqu'à 5 ans.
16:05 Pour les cas les plus graves, la peine de mort peut être prononcée.
16:14 L'exécution a lieu aux yeux de tous, afin de servir d'exemple.
16:19 Les bagnards sont divisés en trois classes, en fonction de l'infraction commise, du
16:26 comportement ou des compétences du détenu.
16:28 Les troisième classe, avec ceux que l'on nomme les incorrigibles, les fortes têtes,
16:35 sont aux travaux les plus infernaux, drainer les marécages, défricher ou abattre les
16:39 arbres.
16:40 Les deuxième classe sont aux travaux publics et aux cultures.
16:45 Les première classe sont aux postes d'intendance et d'administration.
16:49 Cuisinier, infirmier, garçon de ménage voient leur peine s'écouler plus tranquillement.
16:54 Ceux en fin de peine, finalement assez rares, et dont le comportement fut exemplaire, peuvent
17:00 enfin obtenir une concession.
17:01 En 50 ans, seulement 95 concessions sont créées, et les concessionnaires n'ont
17:08 aucun pécule.
17:09 Ils vivent donc de mendicité et doivent commettre à nouveau des larcins.
17:12 Hormis pour la première classe, le quotidien est un enfer.
17:16 On ne mange pas à sa faim, les maladies et le climat éreintent les bagnards.
17:20 La nuit, enfermés dans les dortoirs, c'est la loi du plus fort.
17:25 Les violences entre condamnés sont constantes, les viols fréquents.
17:28 Le bagne est un monde à part, avec ses codes et ses rites.
17:33 Le tatouage des forçats en est un, souvent des motifs historiques, fantaisistes, et très
17:38 souvent des représentations de femmes.
17:40 Les forçats ont leur argot, et beaucoup de mots nous sont parvenus du bagne.
17:46 Gonzesse, tronche, guibole, pognon, taulard, piole, turbiné ou canet.
17:51 En Guyane, la population est composée de 75% de condamnés de métropole, et de 25%
18:00 venant des colonies, qui ont parfois leurs camps et pénitenciers propres.
18:03 Concernant les femmes, au moment de leur condamnation, elles ont le choix entre la réclusion ou
18:09 le départ au bagne.
18:10 En Guyane, elles sont confiées à une congrégation religieuse, où elles sont astreintes à une
18:16 vie quasi monastique.
18:17 Pour l'Etat, l'idée est également de marier ces femmes à des concessionnaires,
18:22 mais le nombre sera dérisoire.
18:24 Très peu partiront là-bas, environ 1000 en un siècle.
18:28 Pour les enfants et les jeunes filles de moins de 16 ans, dont la délinquance ne cesse
18:34 d'augmenter tout au long du XIXe siècle, la rééducation prend la forme de colonies
18:38 pénitentiaires, qui restent sur le territoire métropolitain.
18:41 Au départ gérées par des privés et des religieux, les colonies sont ensuite organisées
18:47 par l'Etat à partir de la IIIe République.
18:51 La peine est souvent un travail forcé agricole.
18:55 La discipline de fer, la maltraitance, la malnutrition et les maladies en font de véritables
19:01 bagnes, moins connus et moins documentés.
19:04 Le dernier, celui de Belle-Île, ne fermera qu'en 1977.
19:10 Un autre type de bagne, spécialisé, se trouve en Afrique du Nord, Biribi, qui regroupe l'ensemble
19:18 des sites pénitentiaires militaires.
19:20 C'est avec la colonisation de l'Afrique du Nord que l'implantation des condamnés
19:25 débute.
19:26 En 1832, elle crée les bataillons d'infanterie légère d'Afrique, qui incorporent les militaires
19:32 condamnés à des peines correctionnelles, et qui deviennent l'instrument répressif
19:36 de l'armée de terre en Algérie.
19:37 Ces bataillons connaissent une discipline plus sévère, dans le but de mater les fortes
19:43 têtes.
19:44 Sous Napoléon III, tout comme les bagnes furent réformés, la justice militaire l'est
19:50 aussi.
19:51 La formation des conseils de guerre change, et les délits commis sous l'uniforme se
19:55 purgent dans des ateliers de travaux publics en Algérie.
19:58 Leur peine terminée, ils incorporent ensuite les bataillons d'Afrique, surnommés Baddaf,
20:05 qui commencent également à recevoir bon nombre de condamnés de droit commun.
20:08 En 1872, le service militaire devient obligatoire et universel, nul ne peut y échapper.
20:15 La justice militaire qui frappe les soldats coupables de menus larcins ou de crimes plus
20:20 graves est particulièrement sévère.
20:22 Fleurit alors en Afrique du Nord de nombreux ateliers de travaux publics, des pénitenciers,
20:27 des sections d'exclus ou des compagnies disciplinaires, le tout étant globé dans
20:32 le terme générique de Biribi.
20:34 En 1889, près de 10 000 punis, nombre supérieur à la Guyane, sont dans les établissements
20:41 répressifs de Biribi, connus pour infliger au forçat des traitements violents et humiliants.
20:46 La première guerre mondiale a suspendu l'envoi de détenus vers le Bagne, mais aussitôt
20:53 terminés, les convois reprennent.
20:55 A partir du 8 août 1923, le journaliste Albert Londres publie dans le Petit Parisien une
21:01 série d'articles sur le Bagne de Cayenne, qu'il a visité en juillet.
21:04 La critique est acerbe et éveille l'opinion publique sur les conditions de détention
21:10 infernales.
21:11 Suite un reportage sur Biribi, qui fait également grand bruit.
21:19 Une commission interministérielle est chargée d'étudier des pistes d'amélioration du
21:25 Bagne, sans remettre en cause la peine de travaux forcés.
21:27 Une légère amélioration est à noter à partir de 1925, notamment au niveau de l'alimentation.
21:33 Dans l'entre-deux-guerres, la presse se passionne pour les histoires de bandits et
21:37 de condamnés.
21:38 Un nombre incalculable d'articles sort sur le Bagne, même à l'étranger.
21:42 L'image de la France y est sérieusement écornée.
21:45 Alors que les hommes politiques, la presse et la population s'interrogent de plus en
21:49 plus sur la nécessité de maintenir ce système répressif, des mouvements nationalistes en
21:53 Indochine, en 1930 et 1931, poussent les autorités à ouvrir un camp indochinois en Guyane.
22:00 L'Indochine avait déjà son Bagne depuis 1862, Poulokondor, qui accueillait majoritairement
22:06 des révoltés locaux, et dont les conditions sanitaires et la brutalité des gardiens ont
22:10 été également dénoncées.
22:12 L'autorisation donnée par l'administration à l'armée du salut de réinsérer les détenus
22:18 de Cayenne et leur permettre de retourner en France est largement relayée par la presse.
22:23 De nombreuses voies pour la suppression du Bagne s'élèvent, et en 1938, sous le Front
22:30 populaire, un décret-loi, évitant ainsi une procédure législative et des débats,
22:34 est signé.
22:35 La transportation est arrêtée, et les condamnés aux travaux forcés sont placés en détention.
22:40 Par contre, les relégués continuent à être envoyés au Bagne, et ceux sur place doivent
22:46 y rester.
22:47 Il se passe 16 ans entre le décret de 1938 et la fermeture du Bagne.
22:53 A la sortie de la seconde guerre mondiale, où les conditions de détention se sont aggravées
22:57 par manque de nourriture, l'heure est au changement.
23:00 Un plan de liquidation du Bagne est lancé, un maximum de grâces prononcées.
23:05 Le plus gros souci logistique étant le rapatriement des condamnés et leur placement en maison
23:09 de détention.
23:10 En 1953, le dernier convoi ramenant les Bagnards en France part de Guyane.
23:16 Biribi voit ses ateliers de travaux publics supprimés en 1928 après les articles d'Albert
23:22 Londres, mais ne sera officiellement fermé qu'en 1972.
23:26 L'histoire du Bagne s'est peu à peu effacée de la mémoire collective, comme
23:31 une trace du passé qu'il faudrait oublier.
23:32 Le premier musée du Bagne, à Saint-Laurent, n'a ouvert qu'en 2015.
23:39 En France, la politique pénale est encore aujourd'hui marquée par cet héritage national,
23:45 emprunt de postures punitives et répressives, que les différents gouvernants ont difficilement
23:50 questionnées par le passé.
23:51 Ironiquement, en 1854, au moment où le Bagne de Guyane ouvrait, les britanniques fermaient
23:58 leur Bagne de Botany Bay, conscients de l'échec de l'entreprise.
24:01 Au final, pour citer Gaston Monnerville, député guyanais et auteur du rapport de 1937 sur
24:08 les travaux forcés, le Bagne a entraîné une triple faillite, d'un point de vue pénal,
24:13 colonial et international.
24:15 Voilà, j'espère que cette vidéo vous a plu.
24:22 Comme d'habitude, si vous désirez acquérir cette illustration originale signée par l'artiste
24:27 Manon Potier du studio DTDA, n'hésitez pas à vous rendre sur la page Tipeee de la
24:32 chaîne.
24:33 Ce mois-ci, pour le même prix, il y a donc deux illustrations, celle de Ramsès II et
24:37 celle de ses deux bagnards.
24:38 Encore un immense merci à tous les tipeurs et uTipeurs qui participent au développement
24:43 de la chaîne.
24:44 Merci d'avoir visionné et à bientôt pour un nouvel épisode.
24:47 Ciao !
24:53 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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