• l’année dernière
Benoît Poelvoorde le dit lui-même : il adore les digressions. Alors quand on lui propose de plonger dans ses souvenirs de musique ou de cinéma pour notre rendez-vous « Magnéto », les idées fusent. De la découverte des « Parapluies de Cherbourg » de Jacques Demy, enfant, en s'imaginant pilote dans un carton transformé en avion de guerre à ses compilations faites sur K7 qu'il écoute toujours au volant de sa Mustang de 1964, l'acteur se livre. Sans filtre et avec beaucoup d'humour.

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Transcription
00:00 Il faut d'abord commencer par pourquoi on achète un magnétoscope.
00:04 Souvenez-vous les gamins.
00:06 C'est les parapluies de Cerbourg.
00:27 Je me rappelle très bien, je jouais dans une caisse que j'avais transformée en avion.
00:31 Superbe.
00:33 Parce que ma mère avait un petit magasin, donc je pouvais récupérer des caisses, parfois assez grandes, dans lesquelles on mettait des tas de produits.
00:42 J'ai récupéré les caisses vides.
00:44 Et j'avais construit un habitacle pilote que j'avais judicieusement posé devant la télévision, de manière à pouvoir regarder le film tout en pilotant mon jet.
00:55 Comme ça, dans mon dos, ma mère était là, elle regardait le film dans le salon.
01:00 De face, par mon petit tube-bloc que j'avais inventé, je regardais le film et je continuais quand même à diriger le jet pour aller poser une bombe sur un pays.
01:14 Je pense qu'à l'époque, comme j'étais très bande dessinée, j'étais très bug Danny.
01:19 Et donc je l'ai trouvé très fourbe, elle est japonaise, et je pense que la bombe était destinée aux japonais.
01:23 Et à un moment, j'étais prête à larguer une petite bombe, à voir mitrailler un petit espace vert.
01:29 Je ne revois pas ma mère à droite.
01:32 Je sors donc de l'habitacle, de la caisse, et j'arrive au moment, c'était les parapluies de Cherbourg, où elle est dans la séquence où elle est à la gare.
01:42 Et je ne pourrai jamais vivre sans...
01:48 Hop, mon oreille !
01:50 Comment peut-on dire des choses aussi tristes en chantant ?
01:54 C'est ça la chose que je me suis dite.
01:56 Question vers ma mère.
01:58 C'est triste, maman.
01:59 Pour moi, la musique ne devait jamais être triste.
02:01 Pourquoi on dirige...
02:02 Ma mère pleurait comme une madeleine.
02:04 C'est étrange de chanter des choses aussi tristes.
02:08 Je me rappellerai toujours.
02:09 Retourne à ta bombe, fiston !
02:10 Oui !
02:11 Et j'ai mitraillé trois pauvres japonais qui traînaient là sur l'île d'Iwo Jiwa.
02:18 Les pauvres, ils ont tout pris à cause des parapluies.
02:22 J'ai tout balancé à coups de mitraillette.
02:24 J'ai tout dessiné.
02:26 J'étais en internat chez les Jésuites.
02:34 Et en fait, on avait une salle de production, une vraie salle, en pellicule.
02:39 Et ils avaient deux films.
02:41 Et donc, si tu restes longtemps dans l'internat, tu te taperas les deux films chaque année.
02:46 Et c'est chaque fois les deux mêmes films.
02:48 Si tu t'en vas une année après l'année, ça va.
02:51 Mais si tu te tapes plusieurs années, tu verras chaque fois les deux mêmes films.
02:55 Le premier, "Le fou du labo 4".
02:58 Trouvez-le, celui-là.
03:00 C'est avec Jean Lefebvre.
03:03 Il invente un parfum, une sorte de petite bombe,
03:08 qui rend tout le monde extrêmement, très sympathique avec toi.
03:12 C'est-à-dire ton patron te trouve fantastique.
03:14 Il altère le comportement de manière à te trouver beau, splendide.
03:17 Et surtout, ce qui m'intéressait là-dedans, c'est que ça rendait les filles amoureuses.
03:21 Une fille qui ne lui prêtait absolument aucune intention,
03:24 hop, deux petits coups de spray,
03:26 elle tombait folle amoureuse de lui.
03:28 Elle ne voyait plus le...
03:30 Bon, à notre époque, on dirait la grogne du vieux.
03:33 Le deuxième film à l'internat, "Le jour le plus long".
03:37 Ah, ça, je me suis cogné, "Le jour le plus long".
03:40 Ça, je le connais, le type qui est près du clocher et qui devient sourd.
03:44 Parce qu'après le coup, on avait...
03:47 les prêtres, les frères, qui nous expliquaient leur expérience de la guerre.
03:52 Ça, je me le suis cogné, celui-là.
03:57 Non, alors, le problème avec Claude François, c'est que...
04:03 Je ne peux pas dire qu'au demeurant, je l'aimais beaucoup.
04:05 Ça m'a beaucoup, beaucoup entraîné pour faire Claude François.
04:07 Comme d'habitude, on s'embrassera
04:11 Oui, comme d'habitude, on fera l'amour
04:17 J'ai dû chanter, donc m'apprenait à le chanter, à le danser.
04:20 À un moment, j'ai eu...
04:22 Je n'avais rien contre, rien pour, rien contre.
04:25 Mais une fois que j'ai terminé le film,
04:27 je n'ai jamais pu écouter une chanson de Claude François sans avoir une sorte de...
04:31 Parce que ça m'a demandé trop d'investissement personnel.
04:36 À 20 ans, il faut être précis.
04:38 Je dirais George Michael, le premier album, non ?
04:40 Ouais.
04:41 On adorait, avec le Walkman, découvrir les technologies à la pointe,
04:53 puisqu'on avait pour la première fois les oreilles collées au baffe.
04:55 Donc, on achetait davantage de trucs qui s'inscrivaient dans l'époque.
04:59 Parce que sinon, si j'avais écouté ce que j'écoute d'habitude,
05:02 mais l'album de George, je m'en rappelle très bien.
05:05 Je crois que j'ai bien dû arpenter des kilomètres de rue.
05:08 J'adore conduire déjà et j'adore écouter de la musique en voiture.
05:16 Si j'aime bien un truc très gai à écouter en conduisant,
05:19 qui me fout la niaque, c'est Point Blake de Bruce Springsteen.
05:24 Point Blake, le petit...
05:26 Là, on parle de ma voiture avec laquelle je circule tout le temps.
05:36 Par exemple, quand j'aurais fini les entretiens,
05:38 je me disais "C'est la voiture de Bruce Springsteen".
05:40 C'est la voiture de Bruce Springsteen.
05:42 C'est la voiture de Bruce Springsteen.
05:44 C'est la voiture de Bruce Springsteen.
05:46 C'est la voiture de Bruce Springsteen.
05:48 C'est la voiture de Bruce Springsteen.
05:50 C'est la voiture de Bruce Springsteen.
05:52 Et après les entretiens, je rentre moi-même en Belgique avec ma voiture.
05:55 C'est une très bonne voiture.
05:57 Allemande.
05:59 C'est pas français, ça.
06:01 Pardon, excusez-moi.
06:04 Là, j'écoute avec mon téléphone.
06:08 Enfin, avec le truc Apple.
06:11 Et sinon, dans l'autre voiture, j'ai une très vieille Mustang.
06:15 Et à ce moment-là...
06:17 Enfin, très vieille. Elle est de naissance. 64.
06:20 Et là, j'écoute des cassettes.
06:22 Ce qui est amusant, c'est que je collectionne...
06:25 Je collectionne pas, je garde tout.
06:27 Je suis à la limite de garder les sacs poubelle.
06:29 Mais en termes de musique, je garde tout.
06:32 La musique fait partie de ma vie.
06:34 Là, c'est très amusant, parce que je retrouve toutes les cassettes que je faisais.
06:37 Et j'avais déjà des playlists, comme tout le monde, je pense.
06:40 Avant tout le monde, quoi.
06:42 Donc, mes cassettes sont déjà des petites playlists.
06:44 Mais de la musique que j'écoutais quand j'avais 15 ans, 13 ans, 14.
06:48 Ce sont mes cassettes de mon enfance.
06:51 Mais comme j'écoutais jeune des musiques déjà vieux,
06:54 elles sont top dans les années de Mustang.
06:57 À l'époque, on avait ce qu'on appelle chez nous,
07:04 je sais pas si vous aviez ça en France, une médiathèque.
07:06 Et donc, on pouvait louer un disque, un vinyle, 5 francs belges.
07:10 C'est vraiment rien.
07:12 Pour une semaine.
07:14 Avec la promesse, sous-entendue, parce que vous signez un papier
07:18 quand vous vous inscriviez à la médiathèque,
07:20 que vous n'enregistrez jamais le disque.
07:22 Pour la défense des droits.
07:24 Mais enfin, tout le monde le fait.
07:25 Et on devait simplement montrer son aiguille, une fois qu'on s'inscrit,
07:28 pour voir si votre diamant ne va pas abîmer la...
07:31 Ah oui, c'était quand même assez sévère.
07:33 On avait toujours très peur quand on demandait
07:35 "Vérification des aiguilles, une fois par an, tu dois aller la montrer."
07:38 Et donc, en fait, on avait gardé ce qu'on a perdu à notre époque.
07:41 Je reviens, parce que je fais beaucoup de négociations, mais...
07:43 Ce plaisir avec des amis, on était 2, 3,
07:46 d'écouter des disques ensemble.
07:48 Donc de vraiment écouter de la musique.
07:50 Parce que maintenant, à notre époque, j'ai le sentiment que les gens
07:53 mettent beaucoup de musique pour danser.
07:55 Donc en fait, ce qu'on va vraiment écouter, c'est...
07:58 C'est réagir à la musique de manière toujours un peu...
08:01 Tu danses, quoi.
08:03 Alors que nous, on était très...
08:05 Déjà l'idée de dire "Bon, on écoute première plage,
08:08 premier morceau, deuxième, troisième."
08:10 Et bon, selon qu'on aime quelqu'un,
08:12 on dit "Oh, celui-là, il est pas mal."
08:14 C'est ça, écouter un album.
08:16 Bon, moi, personnellement, et mes amis,
08:18 on cherche les perles, quoi.
08:20 Donc on dit "L'album n'est pas très bon,
08:22 mais il y a deux morceaux à sortir."
08:24 Donc mes cassettes, si tu veux, c'est...
08:26 Je vais isoler ce morceau-là, donc tu peux avoir un morceau de Barbara.
08:29 "Je te dis, au moins le sais-tu,
08:34 que tout le temps qui passe ne se rattrape gueule."
08:41 Et à côté, Dorothée Cullum.
08:43 Et juste après, je pouvais mettre Gino Vannelli.
08:51 Il faut d'abord commencer par
09:05 pourquoi on achète un magnétoscope.
09:07 Souvenez-vous, les gamins.
09:09 Mon premier magnétoscope, je l'ai pris à quatre têtes.
09:11 Pourquoi ?
09:13 Arrêt sur image.
09:15 C'est les garçons qui vont se reconnaître,
09:17 de ma génération.
09:19 La première chose que j'ai vérifiée sur mon magnétoscope,
09:21 arrêt sur image.
09:23 Justifiant cela par une sorte de curiosité de cinéphile,
09:27 tentant de voir comment se passe le plan,
09:29 arrêtons ce plan-là, voyons.
09:31 Ça, c'était le justificatif que je donnais
09:34 pour mettre un peu plus d'argent dans l'arrêt sur image.
09:37 Mais pour être tout à fait sincère,
09:39 ça m'intéressait énormément
09:41 pour la nudité des actrices.
09:43 C'est-à-dire que combien de fois
09:45 j'avais dû regarder, enfant, des films
09:47 où il était installé un petit carré blanc,
09:49 où on disait...
09:51 Et ça passait trop vite.
09:53 Les filles se déshabillaient et tu disais
09:55 "Oh putain, on a vu un nichon ! Hop, hop, hop !"
09:57 Et avec l'arrêt sur image,
09:59 on pouvait enfin voir un film
10:01 et claque arrêter l'image et se dire
10:03 "Par la pitié du grand seigneur,
10:05 regarde comme on voit bien !"
10:07 Et donc si tu me demandes
10:09 quelle est la cassette qui fut souvent cachée
10:11 mais nombreuses fois utilisée
10:13 et qui avait sa petite garniture,
10:15 c'était la clé de Tim Thobras.
10:17 C'est une sorte de cinéma pseudo-érotique
10:19 et je dois dire que là,
10:21 l'arrêt sur image
10:23 a été d'une grande, grande, grande utilité.
10:25 C'est-à-dire, vous voyez,
10:27 c'était "Séphania"
10:29 dans le plus simple appareil
10:31 et non dans "Chien".
10:33 Ça valait la peine, hein !
10:35 [Musique]
10:37 [Musique]
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10:43 [SILENCE]

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