• l’année dernière
Au sujet de la pénurie de médicaments : "Nous la voyons venir depuis 15 ans (...) il y a eu un manque d'anticipation des pouvoirs publics" regrette Sonia de La Provôté, sénatrice (UC) du Calvados, présidente de la Commission d'enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française.
  
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Transcription
00:00 – Merci Sonia de l'avoir provoquée et de nous accompagner
00:02 pendant cette première demi-heure d'ARAC.
00:03 C'était notre invitation, vous êtes élue du Calvados,
00:05 membre du groupe Union Centriste.
00:06 On va parler de la question de la pénurie de médicaments
00:09 dans quelques instants, mais d'abord l'actualité,
00:11 c'est cette réforme des retraites, 740 000 manifestants
00:13 selon le ministère de l'Intérieur, 2 millions selon la CGT.
00:17 C'est moins que lors de la précédente journée,
00:19 c'est un essoufflement selon vous de la mobilisation
00:21 ou une baisse temporaire ?
00:22 – Alors d'abord, comme on dit, il y a comme à chaque fois
00:25 une telle différence de chiffre qu'il est quand même
00:27 un petit peu compliqué de se prononcer sur la baisse de mobilisation.
00:33 Je constate qu'elle est encore là et elle est encore substantielle.
00:37 Donc voilà, pour moi c'est ça le fait majeur.
00:40 On regarde aussi dans les sondages, soutien ou pas soutien de l'opinion publique.
00:44 Quand on est à quelques pourcentages dans un sondage,
00:46 on peut considérer que pour l'instant, on reste avec un niveau haut
00:50 finalement d'anti-réforme des retraites.
00:55 La mobilisation est peut-être moindre à Paris,
00:57 mais elle est présente dans bien d'autres villes, partout en France.
01:01 Donc on voit bien qu'il reste quand même quelque chose
01:05 d'assez puissant et d'assez profond.
01:08 Et puis c'est compliqué pour les salariés du privé
01:10 de rester mobilisés longtemps.
01:12 On a plein de raisons pour lesquelles la violence aussi qui va croissant,
01:16 qui n'est pas forcément un élément de motivation
01:18 d'une partie des manifestants, ce que je comprends tout à fait.
01:23 – Exactement, on va voir ça tout de suite du côté de chez vous à Caen,
01:25 puisqu'il y a eu quelques incidents, vous allez nous en parler.
01:28 On va y aller à Caen, retrouvez Léa Quignot.
01:30 Bonjour, merci beaucoup d'être avec nous,
01:32 chef d'édition à la rédaction de Tendance Ouest.
01:35 Léa, Caen fait partie des villes où le mouvement de contestation
01:39 contre cette réforme des retraites est bien suivi.
01:42 – Oui, bonjour à tous.
01:43 Effectivement, le mouvement est très suivi à Caen.
01:46 Et pour revenir sur l'historique un petit peu de ces mobilisations,
01:51 c'est notamment la journée du 7 mars qui avait marqué le coup à Caen
01:55 et qui avait mobilisé le plus de monde, au même titre qu'au niveau national d'ailleurs.
02:00 C'était l'une des plus grosses manifestations,
02:03 si ce n'est la plus suivie depuis le début du mouvement.
02:06 On comptait 42 000 personnes dans les rues Canaise ce jour-là,
02:10 selon les syndicats, 24 200 selon les services de l'État, une journée noire.
02:16 Et au-delà de la manifestation, c'est vraiment toute la ville
02:20 et l'agglomération qui avait été bloquée très tôt le matin
02:24 par différentes actions de blocage sur l'agglomération
02:26 qui bloquait notamment les axes vers la Bretagne, mais aussi vers Paris.
02:32 Et le mouvement s'est ensuite apaisé les samedis 11 et mercredis 15 mars.
02:36 Mais on ne peut pas parler d'essoufflement, bien au contraire,
02:40 puisque jeudi dernier, le 23 mars, à nouveau 40 000 personnes dans les rues.
02:46 Ce qu'on a remarqué, c'est l'implication croissante aussi des jeunes
02:49 dans ces mouvements. Cela avait commencé il y a une quinzaine de jours
02:53 au lycée Malherbe de Caen, qui est le plus grand lycée de la région.
02:57 Des lycéens avaient fait blocus depuis le recours au 49.3.
03:02 Et ensuite, on les a vus dans les rues pour avoir échangé
03:07 avec certains élèves de Terminal. Ils sont prêts à ne rien lâcher
03:11 malgré les épreuves du bac. Jusque-là, les manifestations
03:15 étaient relativement pacifiques et calmes. Et c'est seulement
03:19 depuis la semaine dernière que la colère a commencé à faire
03:22 quelques dégâts à Caen, effectivement.
03:24 – Et Léa, justement, a-t-on vu une évolution lors des dernières mobilisations ?
03:28 – Oui, on a vraiment vu une évolution. Le ton est vraiment monté
03:32 lorsque la loi a définitivement été adoptée à l'Assemblée.
03:36 C'est ce qui a fait déborder le vase à Caen, à commencer par la journée
03:41 de grève de jeudi dernier. 40 000 personnes à nouveau dans les rues.
03:44 Et bien, avant le départ, dans le cortège ou dans les différents blocages,
03:48 ont redouté cette augmentation de violence. La colère est montée
03:52 entre manifestants et forces de l'ordre, avec beaucoup plus de dégradations
03:56 que sur les précédents rassemblements. Plusieurs scènes de tensions,
04:00 9 personnes interpellées, même 2 d'entre elles ont été condamnées
04:04 à de la prison. Et hier encore, mobilisation moindre pour l'acte X.
04:08 14 000 personnes selon la police, mais des tensions qui ont à nouveau
04:12 éclaté en marge de la manifestation, avec des dégâts importants sur la chaussée,
04:17 des feux de poubelle, des abris bus cassés et quelques violences physiques.
04:21 Je pense notamment à une femme qui a été percutée par un automobiliste
04:27 qui a forcé le passage hier matin sur un point de blocage.
04:30 La victime a d'ailleurs été transférée à l'hôpital.
04:33 Et entre forces de l'ordre et manifestants, ça a une nouvelle fois éclaté
04:36 entre jets de projectiles et lancers de gaz lacrymogènes.
04:40 Hier soir, on comptait 13 personnes à à nouveau interpellées.
04:43 Les manifestants n'ont tout simplement pas l'impression d'être vues
04:47 par le gouvernement, c'est ce qu'on remarque au niveau national d'ailleurs.
04:50 Et donc effectivement, tout le mouvement est très suivi à Caen.
04:54 Et selon les premiers retours que j'ai eus, les manifestants sont toujours
04:57 très remontés et restent déterminés à se faire entendre.
05:00 C'est d'ailleurs ce qui va se passer la semaine prochaine
05:03 avec ce rassemblement à Matignon.
05:05 – Léa, vous avez une question pour la sénatrice ?
05:08 – Oui, j'avais une question pour Madame de la Provoté,
05:11 puisque ce qui fait l'actualité chez nous cette semaine,
05:14 c'est notamment le carnaval étudiant de Caen qui se déroule demain.
05:19 Pour rappeler un petit peu, le carnaval de Caen
05:22 est considéré comme le plus grand carnaval étudiant d'Europe.
05:25 C'est plus de 30 000 étudiants dans les rues.
05:27 Et niveau sécurité, effectivement, c'est un gros dispositif de sécurité
05:30 qui met en place plus de 800 personnes.
05:32 Ma question pour Sonia de la Provoté, c'est finalement,
05:36 vous avez été adjointe aux maires entre 2014 et 2017,
05:40 vous pouvez attester que l'organisation du carnaval est difficile.
05:43 Est-ce que vous avez des inquiétudes quant au bon déroulé du carnaval demain
05:47 dans ce contexte social ?
05:50 – Je ne lis pas dans le mar de café, et on ne peut pas dire
05:54 que le contexte soit très apaisé, pour qu'on soit complètement
06:00 tranquilles et rassurées.
06:02 Ce que je sais, c'est que des contacts ont été pris,
06:07 à la fois avec l'organisation, à la fois avec l'encadrement,
06:11 y compris policiers et de secours, pour que tout ça soit renforcé.
06:17 Donc il y a un renforcement de l'accompagnement,
06:21 avec un système de repérage rapide au milieu de la foule des carnavaliers,
06:26 parce que c'est vrai qu'on attend 34 000 personnes
06:29 dans les rues de Caen demain, pour repérer éventuellement
06:34 des éléments perturbateurs.
06:37 Il faut savoir que ce carnaval a aussi, comment dire,
06:42 à la fois un moment de liesse et de joie, et un moment manifeste
06:45 de la jeunesse et des étudiants.
06:48 Donc moi, pour l'avoir vécu, j'ai vécu des moments assez particuliers.
06:54 Et donc je sais que l'important, c'est que le trajet soit bien conçu,
07:02 et il l'est depuis plusieurs années, et on sait que ça a quand même
07:05 permis beaucoup de pacifier la présence des carnavalières
07:08 et des carnavaliers en ville, et d'éviter l'éparpillement
07:11 de fins de parcours.
07:14 Et comme ce parcours est connu, la surveillance est du coup simplifiée,
07:20 et que l'arrivée au parc exposition avec un concert va permettre,
07:25 j'allais dire, de séparer quelque part les étudiants
07:29 qui sont vraiment là pour s'amuser, qui viennent de partout en France,
07:32 voire d'Europe, et puis d'autres qui profiteraient de ce moment
07:36 pour exprimer autre chose, y compris de façon violente ou inappropriée.
07:40 – Vous êtes inquiète du climat social ?
07:42 Il y a eu des violences hier, je crois, du côté de Caen,
07:45 ça vous inquiète ?
07:47 – Oui, évidemment, c'est une inquiétude ce climat social,
07:50 parce qu'on a l'impression de revivre une espèce de spirale infernale
07:55 comme on l'a vécu au moment des Gilets jaunes.
07:58 Alors on n'est pas dans le même contexte, on est vraiment dans un contexte
08:01 d'un manifeste politique, j'allais dire, presque plus politisé quelque part.
08:08 Les Gilets jaunes, c'était vraiment le cri du cœur, quoi, et la colère,
08:11 donc la colère avec toutes ses formes, sa violence, etc.
08:15 Là, on est vraiment dans quelque chose de…
08:19 contre cette réforme des retraites, contre la méthode,
08:22 la façon un peu… la façon radicale, courte, pour un élément important,
08:28 c'est deux ans de plus quand même de passer de…
08:30 – Vous, vous êtes abstenue, vous, lors du vote de ce texte, pourquoi ?
08:34 – Alors je me suis abstenue, d'abord j'ai voté contre l'article 7 de 64 ans,
08:40 parce qu'on n'avait pas fini de discuter le texte,
08:43 et je me suis abstenue à la fin du texte parce qu'ont été préservées
08:48 les avancées sociales, humaines, j'allais dire, sources d'une plus grande équité,
08:54 même si on est bien loin du compte, c'est pour ça que je me suis abstenue
08:58 et que je n'ai pas voté pour.
09:00 – Est-ce que là vous demandez une pause dans cette réforme,
09:04 voir le retrait du texte ?
09:06 – En tout cas, ce qui est certain, c'est que j'appelle un retour du dialogue.
09:11 – Avec les syndicats ?
09:13 – Avec les syndicats, et les syndicats avaient fait le job,
09:15 c'est-à-dire que ce fameux discours de, voilà, un peu avec l'arrivée en 2017
09:21 du président Macron, reproche avait été fait de voir une atomisation façon puzzle
09:29 des corps intermédiaires, et finalement les syndicats avaient repris leur rôle,
09:35 créant le vrai débat politique, de fond, sans la violence,
09:41 et donc il me semblait que c'était une bonne opportunité pour redonner
09:48 un peu de, comment dire, de politique au sens noble du terme au débat en France,
09:55 et puis de pacifier finalement la société française,
09:59 tout le monde pouvait se rassembler autour d'un débat sur les retraites.
10:03 – Donc il y a eu un problème de méthode.
10:05 Est-ce que là, la médiation proposée par Laurent Berger,
10:07 qui a été très vite refusée par la voix d'Olivier Véran, c'est la bonne solution ?
10:11 Est-ce que le gouvernement a eu tort de fermer la porte aussi vite ?
10:14 – Oui, alors on a l'habitude de voir des portes fermées qui se réouvrent très très rapidement,
10:19 quasiment aussi vite, donc pour le coup je…
10:22 – Vous êtes optimiste ?
10:24 – Je n'aurai pas d'avis définitif sur le jeu des portes,
10:26 en revanche, je pense qu'une médiation est importante,
10:30 ne serait-ce pas que la violence monte en puissance de façon très radicale,
10:34 un peu partout, et que l'âme attendue par les syndicats
10:40 et l'âme attendue par la Première ministre doivent se conclure
10:43 par une rencontre réelle, physique, et un échange, j'allais dire,
10:48 peut-être un peu tonique, mais sain et utile.
10:51 – On va remercier Léa, Léa Quignot qui était avec nous depuis quand.
10:54 – Merci.
10:55 – Merci beaucoup d'avoir été avec nous, Léa Deux, la rédaction de Tendance Ouest.
10:59 On va passer à l'actualité du Sénat, l'actualité qui vous concerne,
11:02 puisque vous présidez la commission d'enquête sénatoriale
11:04 sur la pénurie de médicaments.
11:06 Hier vous avez auditionné les représentants des laboratoires
11:08 et industries pharmaceutiques, on va voir les temps forts
11:10 de ces auditions avec notre journaliste Steve Jourdin.
11:13 [Générique]
11:21 Bonjour Steve.
11:22 – Bonjour Marianne, bonjour madame la sénatrice.
11:23 – Bonjour.
11:24 – Et Steve, la commission d'enquête sur la pénurie de médicaments
11:26 poursuit donc ses auditions.
11:27 Hier ce sont les laboratoires et entreprises pharmaceutiques qui étaient entendues.
11:30 – Oui, comment expliquer les pénuries de médicaments qui touchent actuellement la France ?
11:34 C'est l'une des questions posées depuis début février
11:36 par les sénateurs de la commission d'enquête.
11:38 On rappelle quelques chiffres, au total environ 3000 molécules
11:42 n'étaient plus disponibles en France cet hiver,
11:45 parmi elles le paracétamol et l'amoxycyline,
11:47 un antibiotique prescrit notamment pour les enfants.
11:50 La France n'est pas le seul pays concerné par les pénuries,
11:53 les sénateurs veulent savoir s'il y a un lien entre ces défauts d'approvisionnement
11:57 et les choix opérés par l'industrie pharmaceutique ces dernières années.
12:01 Pour le syndicat de l'industrie, les causes des pénuries sont multiples
12:05 mais si l'on ne produit plus certaines molécules en France,
12:07 c'est notamment parce que ça revient trop cher.
12:11 – Les données nous montrent que nous avons un écart de prix
12:14 d'à peu près 37% par rapport à l'Allemagne,
12:16 les médicaments sont des produits à prix administrés
12:19 et nous n'avons pas la possibilité de répercuter les augmentations de ces coûts
12:24 sur les produits à la différence de la quasi-totalité des autres secteurs.
12:28 Le prix fabricant hors-taxe de la boîte d'amoxycyline c'est 76 centimes d'euros.
12:34 Comment voulez-vous garantir la production, la relocaliser à fortiori
12:38 lorsque les coûts de production explosent, c'est une vraie difficulté.
12:42 – Le prix des médicaments en a beaucoup été question lors de l'audition,
12:45 les industriels ont pointé du doigt le mécanisme de fixation
12:49 du prix des produits en France.
12:51 – Votre boulanger par exemple, quand il décide,
12:54 il a son coût d'électricité qui augmente, il a son coût de sa farine qui augmente,
12:59 il a le coût de sa vendeuse qui l'augmente, il augmente sa baguette.
13:03 Nous ce n'est pas possible.
13:04 – Alors ça c'est pour le diagnostic que ne partagent pas forcément tous les sénateurs,
13:08 peut-on inverser la tendance et mettre un terme aux pénuries de médicaments ?
13:11 – Si l'on a délocalisé en théorie, on peut revenir en arrière
13:14 et rapatrier des entreprises sur le sol français,
13:16 c'est d'ailleurs l'un des objectifs fixés par Emmanuel Macron
13:19 en matière de production de médicaments.
13:21 Le problème c'est que les professionnels nous disent
13:23 que cette relocalisation n'est pas si simple que ça à réaliser.
13:28 – Vu le nombre de composants qui rentrent dans la fabrication de ces molécules,
13:34 il n'est pas réaliste de penser qu'on va pouvoir rapatrier
13:38 toute la production de tous ces produits.
13:40 – La politique du médicament est en train de craquer par tous les bouts
13:44 et il faut que la représentation parlementaire en soit consciente.
13:48 – La politique du médicament est en train de craquer,
13:50 Madame la Sénatrice, vous partagez ce diagnostic ?
13:54 – Oui, en tout cas, si ça ne craque pas, on n'est pas loin,
13:59 on est quand même passé de à peu près 700 médicaments en pénurie
14:03 à l'été 2018 à quasiment 3000,
14:06 donc on voit bien que là on est à un moment assez crucial
14:12 où la logique de fonctionnement international de la fabrication du médicament
14:20 avec des monopoles par endroit sur lequel personne n'a été vigilant,
14:24 il faut dire les choses comme elles sont,
14:26 quand on parle de la moxiciline par exemple, médicament essentiel,
14:29 on voit bien que quand il n'y en a plus, il y a un problème.
14:32 Il suffit qu'il y ait une épidémie quelque part,
14:34 comme en Chine par exemple, avec la libéralisation des uns et des autres
14:38 et la circulation très active de la Covid, et pof, on a besoin d'amoxicilline,
14:44 enfin pas d'amoxicilline mais d'antipyrétique par exemple,
14:47 et donc tout ça fait que c'est un vrai sujet, et pas ça.
14:54 – Et quelles sont les causes ? C'est l'objet de votre émission d'enquête.
14:56 – Oui.
14:57 – Quelles sont les causes pour l'instant,
14:59 les conclusions que vous tirez des premières auditions ?
15:01 – Alors j'allais dire, une partie des causes sont déjà identifiées
15:03 par un rapport du Sénat qui a eu lieu à l'été 2018 auquel je participais,
15:07 donc c'était utile de faire cette commission d'enquête
15:10 parce que j'allais dire on met le cran au-dessus,
15:12 et pour le coup on se rend compte à quel point un certain nombre des sujets
15:17 n'ont pas été évoqués.
15:19 Ce qui a avancé c'est l'Europe, voilà, et c'est clair que l'Europe,
15:23 parce qu'il y a eu la Covid et qu'il y a eu la question des vaccins
15:26 et qu'il a fallu des commandes massives, a montré qu'il y avait une capacité
15:29 à faire des commandes publiques dans l'intérêt de tous les citoyens européens,
15:34 quel que soit le pays concerné.
15:37 Donc ça c'est un élément vajeur, c'est-à-dire que là,
15:39 sont des publics dans sa forme d'urgence est devenu un élément
15:43 qui peut concerner l'Europe et pour lequel elle peut agir.
15:47 Mais dans les sujets, la fameuse liste des médicaments dits essentiels,
15:52 elle n'existe toujours pas, le ministre de la Santé vient d'annoncer
15:56 qu'on va la mettre en place.
15:59 Tout le monde serait bien inspiré de considérer que déjà au niveau européen,
16:02 ça serait bien qu'on ait une liste de médicaments essentiels,
16:05 parce qu'au moins la force de frappe de l'Europe est quand même importante,
16:09 c'est-à-dire en termes de chiffre d'affaires pour les laboratoires.
16:13 C'est pas la même chose qu'uniquement la France,
16:15 donc qu'on ait quelques exceptions.
16:17 Nous, oui d'accord, mais que voilà.
16:19 – Est-ce que c'est une crise qui est temporaire ?
16:21 Parce que là vous parlez d'une pénurie de 3000 médicaments,
16:23 est-ce que c'est temporaire ou est-ce que c'est durable ?
16:25 – Il y a du conjoncturel et du structurel.
16:27 Ce qui est durable, je pense que ça fait 15 ans qu'on la voit aller crescendo,
16:30 la pénurie de certains médicaments, on en est même aux anticancéreux, classiques.
16:35 En fait, pour tous les médicaments matures qui ont fait leur preuve
16:39 pour lequel le prix est effectivement bas,
16:42 en tout cas celui fixé en France du remboursement,
16:46 on voit bien qu'il y a une pénurie parce que,
16:49 conjoncturellement on a la triple épidémie,
16:52 qu'on a consommé et puis il y a eu la Covid en Chine,
16:55 donc on a surconsommé les mêmes médicaments,
16:58 et donc il n'y en avait pas assez pour tout le monde.
17:00 Il y a eu un défaut d'anticipation, manifestement, en matière de fabrication,
17:04 parce que la dette immunitaire par exemple,
17:06 on savait qu'elle arriverait après la Covid,
17:09 mais par exemple les corticoïdes en goutte pour les bébés qui font la bronchiolite,
17:14 tous les hivers, tous les ans on a la même chose,
17:17 et ça fait déjà 5-6 ans qu'on a du mal à avoir des corticoïdes en goutte.
17:20 – Mais est-ce que ça veut dire qu'aujourd'hui il y a des patients
17:23 qui sont en danger en France, qui ne peuvent pas être soignés,
17:25 faute de médicaments disponibles ?
17:27 – C'est ça en fait le vrai sujet, c'est qu'il y a une perte de chance,
17:30 il y a des retards thérapeutiques, il y a des non-traitements,
17:33 il y a des patients qui renoncent, ils vont une fois, deux fois à la pharmacie,
17:37 et puis ils renoncent parce qu'il n'y a pas de lisibilité,
17:40 parce que même le pharmacien ou la pharmacienne ne peut pas garantir
17:43 que le médicament va arriver dans un délai qu'il peut donner précisément aux patients.
17:48 Donc oui il y a des pertes de chance, et quand ce sont des anticancéreux,
17:51 on peut dire qu'il y a réellement des pertes de chance,
17:54 parce que les retards aux traitements sont forcément dénétères
17:57 et pénalisants sur le plan de la santé publique.
17:59 Et puis ça a un coût, ça a un coût tout ça.
18:02 Les médicaments de substitution sont plus chers,
18:05 quand on est obligé de remplacer à l'hôpital,
18:07 on n'est plus sur les appels d'offres classiques,
18:09 on est obligé de négocier en B2B avec un laboratoire,
18:12 qui évidemment explose le prix, parce que souvent c'est ça qui se passe,
18:17 et ça coûte cher en matière de santé publique,
18:19 parce que les retards aux traitements c'est plus de complications,
18:21 plus de symptômes à prendre en charge, et une aggravation des pathologies,
18:26 toute pathologie plus grave est plus chère à prendre en charge.
18:29 – Est-ce qu'il y a une responsabilité de l'industrie pharmaceutique dans cette situation ?
18:33 – Il y a une… alors ce que j'allais…
18:36 Pour dire les choses, il y a deux grands responsables,
18:40 il y a les pouvoirs publics, qui ont failli, on peut le dire,
18:44 voilà, parce que les alertes elles sont là,
18:47 il y a des tonnes de rapports, etc.
18:50 Et je pense qu'il y a des choses à faire, et notamment…
18:54 – À quelles ?
18:55 – Je ne vais pas vous donner toutes les réponses du rapport qui n'est pas sorti,
18:58 qui ne sortira qu'en juillet, mais en tout cas,
19:01 vu le nombre d'interlocuteurs, c'est cette question du prix du médicament,
19:05 de l'autorisation de mise sur le marché,
19:07 parce que je rappelle que notre grand débat sur la santé tous les ans,
19:10 c'est le projet de loi de finances de la sécurité sociale,
19:12 donc on a la porte d'entrée budgétaire,
19:15 le jour où on aura un vrai débat annuel sur la porte d'entrée sanitaire,
19:18 à ce moment-là, on connaîtra le vrai coût de la santé,
19:21 et peut-être le vrai coût du médicament en France,
19:23 parce que qu'est-ce qu'on fait tous les ans ?
19:25 On regarde la masse, hôpital, ville, médicaments, dispositifs médicaux,
19:30 on dit "oh là là, ça va coûter cher, il faut baisser de 5%"
19:33 parce que l'ONDAM a prévu que… ou 2%…
19:35 l'ONDAM a prévu que "bon, ben on va prendre à la ville",
19:37 ben c'est des gens qu'on ne soigne pas,
19:38 "bon, ben on va prendre à l'hôpital",
19:40 et ben c'est justement des intérimaires qu'on ne peut pas prendre en chose,
19:43 "bon, ben on va prendre dans les dispositifs médicaux",
19:45 ben c'est quoi ? C'est des stents qu'on ne pose pas,
19:47 c'est des prothèses de l'ange qu'on ne pose pas.
19:49 Sur le médicament, quand on baisse l'enveloppe,
19:51 et ben on baisse la prise en charge sanitaire.
19:53 – Est-ce que clairement, il faut augmenter le prix des médicaments ?
19:56 Est-ce qu'il faut dire aux Français "vous payez vos médicaments trop peu cher,
19:59 il faut augmenter le prix des médicaments" ?
20:01 L'Allemagne a augmenté le prix de certains médicaments de 50%.
20:03 – La question se pose pour des médicaments dits "essentiels",
20:07 et quand le coût de revient, de fabrication,
20:13 est à 30% au-dessus du prix du remboursement sur le marché,
20:18 on peut se dire que ça, c'est pas tout à fait normal.
20:21 Alors certes, il y a les médicaments innovants,
20:24 et certes, on peut considérer que les laboratoires ont un peu,
20:27 comment dire, c'est la course à l'innovation,
20:30 et si possible très très cher, bon, voilà.
20:32 Alors, je dis "si possible", c'est pas…
20:35 Un des objectifs de la course à l'innovation,
20:38 c'est de mettre sur le marché des médicaments qui, évidemment,
20:42 rapportent plus que des médicaments matures,
20:45 dont le brevet est tombé, et qu'on peut remplacer par des génériques.
20:50 Certes, mais il faut quand même se rendre compte
20:55 que tout ça, c'est un espèce de Tetris, où les laboratoires ont leur rôle à jouer.
21:00 Et le prix du médicament, qu'on a bien entendu, ça pleurait beaucoup,
21:03 la comparaison hasardeuse avec la baguette,
21:06 parce que la santé, c'est pas un bien de…
21:09 Enfin, tout ce qui est santé n'est pas un bien de consommation ordinaire.
21:12 Et puis c'est quand même nous qui payons tous nos médecins.
21:15 – Non mais alors, c'est une solution, pas l'augmentation du prix des médicaments ?
21:17 – C'est une solution… – Mais ça va devenir une nécessité ?
21:21 – Mais de façon modérée, parce que ça peut pas être une solution de façon essentielle.
21:25 Mais en Europe, ça s'est déjà fait, dans plusieurs pays,
21:28 et ça peut être une solution, une fois qu'on a la liste des médicaments dits "essentiels".
21:32 Alors "essentiel", ça veut dire "essentiel pour la santé",
21:35 mais aussi à fort risque de tensions et de pénuries.
21:38 Et puis les médicaments, les laboratoires ont aussi à alerter
21:43 beaucoup plus en amont sur des pénuries.
21:46 Là, il y a eu quelques… la NSM, etc. a été intervenue,
21:49 parce que quand on alerte deux jours avant la pénurie sur un médicament majeur,
21:53 ça pose un problème, forcément, de santé publique,
21:56 et un problème de responsabilité. – Ça c'est la responsabilité du laboratoire.
22:00 – Et d'éthique, d'éthique, enfin je veux dire, on fabrique du médicament,
22:04 on ne fabrique pas les cartons pour mettre les chaussures dedans.
22:08 Donc il y a quand même un vrai sujet éthique,
22:11 et à un moment, il faut que la santé, ce soit l'affaire de tous,
22:16 y compris de ceux qui fabriquent,
22:18 mais aussi de ceux qui structurent les politiques publiques,
22:21 et que ce soit en France ou au niveau européen,
22:23 il faut que ça avance,
22:26 et que le filtre budgétaire ne soit pas l'essentiel de la prise en charge sanitaire.
22:32 En tout cas qu'on ne résume pas tout à ça dans nos débats, y compris au Parlement.
22:36 – Et on ne pourra pas tout relocaliser,
22:38 c'est un des objectifs fixés par Emmanuel Macron, c'est voué à l'échec.
22:42 – Ce qui est certain, c'est que, il me semble,
22:46 parce que là on a bien vu, quand il y a eu la crise de la muxiciline,
22:50 les 42 pharmaciens officinaux qui ont pu fabriquer en France,
22:57 faire les préparations en officine l'ont fait,
23:00 et ont pallié les carences que les pharmacies centrales,
23:04 qui survivent encore, comme l'AGEP, comme Allion, Marseille, etc.
23:08 Ces pharmacies-là, elles ont produit,
23:10 et dans les autres pays, on voit bien que, par exemple,
23:13 aux Pays-Bas, on en vient, c'est structuré,
23:16 dans les pharmacies des hôpitaux, tout un réseau pour fabriquer.
23:20 Donc il faut qu'on puisse fabriquer de toute façon, de manière publique,
23:23 en cas de très grosse urgence, parce que la souveraineté, c'est essentiel.
23:27 – Mais est-ce que la France, parce qu'Emmanuel Macron,
23:30 il a annoncé ce plan de reconquête, c'est en juin 2020,
23:32 est-ce qu'on est quasiment 3 ans après ?
23:34 Est-ce que la France est à même d'assurer sa souveraineté sanitaire ?
23:37 – Alors la France n'est pas à même d'assurer sa souveraineté sanitaire,
23:41 à tel point qu'on a eu tellement d'annonces en janvier,
23:44 donc voilà, ce que je veux dire, c'est qu'on est plutôt sortis
23:48 pas loin de la catastrophe, après la triple épidémie,
23:52 et qu'on a bien vu que ça n'allait pas et qu'il fallait accélérer les choses.
23:55 Bon, après, entre ce qui est dit sur les plateaux,
23:57 et puis la réalité, il se passe un peu de temps,
23:59 ce qui est certain, c'est qu'on ne construit pas une usine
24:03 de fabrication de médicaments en un an, deux ans,
24:06 il faut quand même un peu de temps, qu'on est peut-être assez,
24:10 comment dire, on est très fort pour les normes,
24:11 que ce soit en Europe ou dans d'autres pays,
24:14 où on en rajoute une petite louche en plus à chaque fois,
24:17 donc ça c'est une grosse contrainte, parce que voilà, c'est du médicament,
24:20 ça ne se fabrique pas comme ça, et ce qui est certain,
24:23 c'est que le domaine où on a le plus perdu de souveraineté,
24:26 c'est dans la partie chimie, c'est-à-dire fabrication des principes actifs
24:29 et des excipients, parce que j'allais dire, on sait faire les comprimés
24:33 ou mettre dans les ampoules, etc., l'emballage, carton, on sait le faire,
24:38 les blisters, on sait faire, mais il faut qu'on retrouve plus d'autonomie,
24:42 alors si ce n'est en France, en tout cas au niveau européen,
24:44 en matière de fabrication chimique, ça veut dire des savoir-faire
24:48 de la formation et remettre sur le marché à la fois des techniciens
24:52 et de l'encadrement, et des chercheurs, des ingénieurs,
24:56 pour que voilà, on ait à nouveau l'intelligence qui va avec.
25:00 – Merci beaucoup, merci Sonia de l'avoir provoqué,
25:02 on suivra évidemment les travaux de votre commission,
25:04 le rapport c'est en juillet ?
25:05 – Le rapport est en juillet.
25:06 Le rapport est en juillet et on espère que vous viendrez nous en reparler.
25:09 Merci beaucoup d'avoir été avec nous.

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