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00:00 -B.Vodane : Merci, Erwann Lecker. Bonjour.
00:01 Vous êtes sociologue, politologue au laboratoire PACT,
00:04 spécialiste de l'extrême droite. Merci d'être avec nous.
00:07 On vient d'entendre ces jeunes
00:10 à qui on tend le micro de plus en plus ces derniers jours.
00:13 On entendait ce jeune homme dire
00:15 "On va faire comme avec le CPO,
00:17 "on va aller chercher la réforme avec les dents."
00:20 Elle est importante, cette mobilisation, aujourd'hui.
00:23 D'après ce qui nous remonte du terrain,
00:26 on prédit 2 à 3 fois plus de jeunes
00:28 dans les cortèges à l'issue de cette journée.
00:30 Ca, ça pourrait constituer un point de bascule dans la mobilisation ?
00:34 -Oui, parce que traditionnellement,
00:37 le fait que la jeunesse se mobilise
00:39 a toujours été un point de bascule dans l'ensemble des mobilisations.
00:42 Dans l'histoire des mouvements sociaux,
00:45 tous les gouvernements craignent énormément
00:47 que les jeunes se mobilisent, pour plusieurs raisons.
00:49 D'abord, les jeunes ont un effet d'entraînement
00:51 sur leurs parents, sur la société.
00:53 Ils sont emblématiquement...
00:54 Ils sont ceux qui ont fait basculer, en effet, le CPE,
00:58 le CIP, il y a encore plus longtemps.
01:00 Bref, il y a toujours, dans la jeunesse,
01:03 quelque chose d'emblématique dans une mobilisation.
01:06 Autre chose, la jeunesse est capable d'aller beaucoup plus vite,
01:09 beaucoup plus loin, de se mobiliser de façon beaucoup plus rapide
01:13 dans des manifestations de type "guérilla",
01:18 comme certains l'ont dit, une espèce de mini-guérilla,
01:21 alors que, jusqu'à maintenant,
01:22 c'était plutôt des grandes manifestations syndicales,
01:26 massives, mais très encadrées,
01:28 beaucoup moins, je dirais, gênantes pour le pouvoir, jusqu'ici.
01:33 Donc là, on assiste à un point de bascule
01:36 où d'abord, un certain nombre de syndicalistes,
01:38 de gilets jaunes, de tout un tas d'autres catégories sociales,
01:42 désormais se disent que les grandes manifestations,
01:45 eh bien, ça ne suffit plus, il faut passer à d'autres modes d'action.
01:48 Et puis, il y a aussi un élargissement à de nouvelles catégories sociales,
01:53 dont les jeunes, mais aussi d'autres catégories sociales,
01:56 les personnes âgées, les personnes qui sont plus aisées,
02:01 qui rejoignent petit à petit,
02:03 on le voit dans les enquêtes d'opinion, mais aussi dans les rues,
02:06 à certains moments, qui rejoignent
02:08 les nouvelles formes d'action qui se mettent en place.
02:10 -Pourtant, quand on regarde les chiffres,
02:12 d'ailleurs, ça, ce sera une question,
02:13 est-ce qu'on va continuer à la regarder ou pas ?
02:16 Le taux de grévistes, lui, est en légère baisse comparé au dernier.
02:21 On a le chiffre de la SNCF,
02:23 qui nous est communiqué par des sources syndicales, 16,5%.
02:26 C'est dur de se mobiliser dans la durée, faire grève, ça a un coût.
02:31 C'est la dixième journée d'action,
02:33 d'où la nécessité pour les opposants à la retraite
02:37 de marcher aujourd'hui aux côtés de cette jeunesse.
02:41 -Oui, bien sûr. D'une part, il faut bien penser
02:44 que le fait de faire grève, on n'est pas payé,
02:47 ça pose problème dans son entreprise,
02:49 ça pose problème pour tout un tas de choses.
02:51 Donc, tout le monde savait depuis le départ
02:53 que cette grève, soit elle était courte et elle avait des effets,
02:57 soit elle était longue,
02:58 et à ce moment-là, il fallait trouver d'autres méthodes
03:01 que le fait simplement de faire grève pour tout un tas d'employés
03:04 qui sont également touchés par la montée des prix extrêmement importante.
03:08 Eh bien, ce n'est pas possible de faire 10, 15, 20, 30 jours de grève à la suite.
03:12 C'est juste pas possible.
03:14 D'où le fait, en effet, comme je le disais,
03:16 qu'il y ait de nouvelles formes d'actions en soirée,
03:18 éventuellement le samedi, le week-end,
03:21 qui ne soient pas des jours de grève, mais des jours d'action.
03:23 Et donc, il y a de plus en plus d'actions qui ne sont plus des grèves.
03:26 Et donc, il y a une démobilisation dans les grands cortèges syndicaux
03:30 et dans la méthode qui consiste à déclarer faire grève.
03:33 De plus en plus de gens déclarent faire grève pendant une heure seulement
03:36 pour ne pas être pénalisés, ils vont juste en manifestation.
03:39 Mais il est certain que le mouvement global
03:41 rassemble de moins en moins de personnes sur le long terme,
03:45 mais qu'il y a de plus en plus de mouvements divers et variés,
03:49 et donc ça fait d'autant plus de monde dans les rues,
03:51 d'autant plus de monde mobilisé contre cette réforme des retraits.
03:54 -Et Juan Leclerc, à l'issue de cette journée,
03:56 qu'est-ce qui sera important, qu'est-ce qu'il faudra regarder de près ?
03:59 Je disais, peut-être plus les chiffres, finalement.
04:02 -Non, ce ne sont plus les chiffres qui comptent aujourd'hui.
04:04 Ce qui compte d'abord, il faut le noter,
04:06 c'est que le Conseil constitutionnel est saisi, va être saisi,
04:09 et que, d'une certaine façon, tout le monde va être dans l'attente.
04:11 Qu'est-ce que va décider ce Conseil constitutionnel ?
04:14 Est-ce que, oui ou non, cette loi peut être retoquée, remise...
04:18 -Vous y croyez, vous, à cette option ?
04:21 -C'est une option qui est sur la table,
04:22 parce qu'en effet, le gouvernement a utilisé une modalité
04:26 qui n'est pas prévue par la Constitution.
04:28 Le 49-3 n'est pas prévu pour ce type de texte,
04:31 il est prévu pour des textes uniquement financiers,
04:34 uniquement budgétaires.
04:35 Donc il y a possibilité,
04:37 on ne sait pas exactement ce que le Conseil constitutionnel peut faire,
04:40 c'est assez peu probable.
04:41 Pour l'instant, les spécialistes disent que c'est 50-50.
04:44 Donc voilà. Néanmoins, tout le monde est un peu en attente
04:47 de savoir, et notamment le gouvernement,
04:49 ce que pourrait décider le Conseil constitutionnel.
04:51 La fumée blanche qui sortira du Conseil constitutionnel
04:54 pourrait décider de ce que va faire le gouvernement,
04:57 qui, clairement, en ce moment,
04:58 attend la décision du Conseil constitutionnel.
05:01 Et d'autre part, il y a également les syndicats qui ont ouvert la porte,
05:05 et notamment Laurent Berger de la CFDT,
05:08 qui a ouvert la porte pour faire une pause.
05:10 Le gouvernement a dit "d'accord pour une pause",
05:12 mais on ne remet pas en question le texte pour le moment.
05:16 Donc tout le monde attend que l'autre fasse une erreur éventuelle,
05:19 le gouvernement attend de voir si la baisse de mobilisation est bien réelle,
05:24 et en face, il y a de plus en plus de mobilisation au pluriel.
05:27 Moins de monde dans les rues, vous l'avez dit,
05:29 mais plus de types de manifestations diverses et variées.
05:33 Et puis il y a la question de la violence,
05:34 qui est nouvelle, qui arrive comme avec les gilets jaunes,
05:37 et qui pourrait être pour le gouvernement une voie de sortie.
05:40 C'est-à-dire, de façon un peu étrange,
05:42 comme avec les gilets jaunes, la montée de la violence
05:45 avait permis au gouvernement de dire "regardez, ces gens sont violents,
05:48 il faut s'arrêter maintenant,
05:49 il faut savoir mettre fin à ce type de mouvement".
05:52 Et donc la violence à la fois mobilise,
05:54 elle rénove quelque part le mouvement
05:57 qui s'était un peu essoufflé dans les rues en termes de manifestations pures,
06:01 mais en même temps, elle pourrait être, je dirais,
06:03 une façon pour le gouvernement de mettre, je dirais,
06:06 un peu l'étouffoir sur ce mouvement.
06:08 Et puis il y a toujours la dernière possibilité, c'est l'accident.
06:12 Et l'accident, dans ce cas-là,
06:14 eh bien, ça remettrait les cartes sur la table.
06:16 -Avant de revenir à ces risques de débordement
06:19 et peut-être à ce drame, comme vous sembliez l'évoquer, pardon,
06:23 j'aimerais qu'on revienne à cette proposition de médiation
06:27 renouvelée et réitérée ce matin par le secrétaire général de la CFDT,
06:30 qu'on a aperçue il y a quelques instants en direct,
06:31 de ces images du cortège parisien,
06:33 Laurent Berger qui souhaite emprunter cette voie-là.
06:37 Écoutez ce qu'Olivier Véran, porte-parole du gouvernement,
06:40 lui répondait à l'issue du Conseil des ministres
06:43 qui s'est achevé à la mi-journée.
06:46 -On n'a pas forcément besoin de médiation pour se parler.
06:49 On peut se parler directement.
06:50 Le président de la République l'a dit,
06:52 il est prêt à recevoir l'intersyndical dès lors,
06:55 parce que nous respectons nos institutions,
06:57 que le Conseil constitutionnel se sera prononcé
07:00 sur la conformité de notre texte de loi.
07:03 Ensuite, la Première ministre se tient à disposition des syndicats
07:06 pour les recevoir très directement pour pouvoir parler.
07:10 -Voilà, l'intersyndical qui souhaite réitérer
07:12 cette demande de dialogue en direct avec l'Élysée,
07:16 avec Emmanuel Macron.
07:18 Fin de non-recevoir, en somme, d'Olivier Véran,
07:21 porte-parole du gouvernement ce matin,
07:22 alors qu'on apprend que des députés modem,
07:24 eux, se disent favorables à cette médiation
07:28 proposée par Laurent Berger.
07:29 On voit qu'on n'est pas d'accord là non plus
07:32 sur la méthode à adopter aujourd'hui.
07:36 -Non, on n'est pas d'accord sur la méthode,
07:37 on n'est pas non plus d'accord en réalité
07:39 sur ce qu'on est prêts à disputer.
07:41 C'est pour ça que les syndicats ne vont pas aller à une rencontre
07:45 pendant laquelle il ne sera pas question de disputer
07:47 de la réforme des retraites.
07:49 En gros, ce que le gouvernement voudrait,
07:50 c'est de disputer d'autres choses,
07:51 et les syndicats répondent que ça n'a aucun intérêt.
07:53 Nous, nous voulons disputer de la réforme des retraites,
07:56 d'où l'idée d'une médiation pour bien remettre sur la table
07:59 le fait que c'est bien de la réforme des retraites qu'on discute.
08:01 Et vous avez noté, ce n'est pas négligeable,
08:04 que M. Véran dit "Nous allons quand même attendre
08:07 de voir ce que le Conseil constitutionnel,
08:09 la fameuse fumée blanche, va décider".
08:11 Donc, tout le monde est en chalefaillance,
08:13 attend que la partie adverse fasse la première erreur,
08:16 fasse un premier pas,
08:17 tout en essayant d'être la personne qui laisse ouverte
08:23 la possibilité du dialogue.
08:25 Vous l'avez dit vous-même, le dialogue,
08:26 mais de dialoguer de quoi ?
08:28 Si c'est pour dialoguer seulement de la façon
08:31 dont va être mis en œuvre cette réforme des retraites,
08:34 eh bien, les syndicats disent "Hors de question,
08:36 nous ne viendrons pas".
08:37 Et Laurent Berger, qui pourtant au départ était le plus,
08:40 je dirais, le plus conciliant d'entre eux,
08:42 aujourd'hui, semble être celui qui tient
08:45 l'ensemble des données du problème dans sa main,
08:47 et est devenu de plus en plus, au fil des semaines,
08:50 de plus en plus radical, de plus en plus déçu
08:53 par l'attitude du gouvernement.
08:54 Et renouer le dialogue, même avec Laurent Berger,
08:57 va être de plus en plus difficile,
08:59 s'il n'y a rien sur la table,
09:00 s'il n'y a pas la possibilité de rediscuter
09:02 de cette réforme des retraites qui résolument ne passe pas.
09:05 Erwan Le Coeur, trois semaines d'attente,
09:07 si le Conseil conditionnel attend autant de temps
09:09 avant de se prononcer,
09:10 c'est long, il peut se passer beaucoup de choses.
09:12 On a parlé de ces débordements, on l'a évoqué.
09:15 J'aimerais qu'on regarde des chiffres,
09:16 ça aussi, ça parle sûrement à l'exécutif.
09:19 28% d'opinions favorables à Emmanuel Macron en mars,
09:24 c'est six points de moins qu'en février dernier.
09:29 Elle a un coup, cette crise, pour l'exécutif ?
09:33 Oui, c'est assez étonnant d'ailleurs,
09:35 parce que c'est d'habitude, Emmanuel Macron avait quelque chose
09:39 qui lui permettait de rebondir,
09:41 de renouer quelque chose de l'ordre d'un dialogue.
09:44 Et là, depuis quelques semaines, à chaque fois que lui
09:47 ou que sa première ministre prend la parole ou pose un acte,
09:49 eh bien, il perd en soutien auprès de l'opinion.
09:52 Et donc, on a une opinion qui, aujourd'hui, vous l'avez dit,
09:55 est à à peu près un quart du côté du gouvernement,
09:58 ce qui est extrêmement bas,
10:00 ce qui est même historiquement inédit
10:03 en termes de peu de soutien de l'opinion,
10:06 et surtout dans une population active,
10:10 c'est-à-dire que la population active est encore moins en soutien,
10:14 est encore plus opposée à la réforme des retraites.
10:16 Aujourd'hui, l'électorat Macron, le soutien à Macron,
10:20 ce sont les personnes qui sont déjà à la retraite,
10:23 ce sont les plus de 65 ans,
10:24 c'est-à-dire la population qui est la plus âgée.
10:27 Et donc, on a une rupture supplémentaire sociologique
10:31 qui s'est fait jour à l'occasion de cet épisode,
10:34 c'est la rupture entre les personnes âgées et les autres.
10:36 Les personnes âgées qui ont voté Emmanuel Macron à la présidentielle
10:39 et les autres qui, très, très, très massivement, votent autre chose.
10:42 Et de plus en plus, on le voit,
10:44 le parti qui récolte cette colère de plus en plus dans la société,
10:49 c'est celui de Marine Le Pen, notamment.
10:50 -Merci beaucoup, Erwann Lequeur.
10:52 Vous étiez notre invité du jour
10:54 en cette dixième journée de mobilisation
10:56 contre la réforme des retraites.

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