Ces Français en burn-out de l'info - En toute subjectivité

  • l’année dernière
Avec Anne Rosencher, journaliste, écrivain et directrice déléguée de la rédaction de l’Express.

Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite

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00:00 de subjectivité ce matin avec la directrice déléguée de la rédaction de l'Express.
00:04 Anne Rosancher, bonjour.
00:06 Bonjour Nicolas, bonjour à tous.
00:07 Ce matin, Anne, vous nous parlez de ceux qui ne veulent plus entendre parler de l'actualité.
00:12 Oui Nicolas, depuis quelques jours, je vois de plus en plus de gens qui me disent avoir
00:16 tout coupé pour ne plus rien suivre de près ou de loin des informations.
00:20 Jusqu'à mon propre frère, tout couacoué, mi-fratère, qui nous a annoncé en prologue
00:25 d'un déjeuner familial, je vous préviens, on ne parle pas d'actu, j'ai tout coupé.
00:30 Toujours trahi par la scie.
00:31 Toujours.
00:32 Alors bien sûr, il y a un élément conjoncturel.
00:34 Les périodes d'actualité monothématiques aggravent le phénomène de fatigue informationnelle
00:40 qu'avait pointé la Fondation Jean Jaurès dans une étude parue en septembre.
00:44 Un Français sur deux se disait fatigué par le trop-plein d'informations, voire très
00:49 fatigué pour 38%.
00:51 Mais au-delà du trop-plein, au-delà du « flow magmatique » comme vous l'appeliez tout
00:56 à l'heure, je crois qu'il y a une autre raison à ces « burn-out » de l'info.
01:00 Et c'est flagrant dans la crise politique actuelle.
01:03 Le débat public charrie désormais plus d'affects que de discours rationnels.
01:08 C'est dû notamment aux algorithmes des réseaux sociaux qui poussent mécaniquement
01:12 l'avantage du pathos.
01:13 C'est aussi dû à la course à l'audience dans une offre médiatique morcelée.
01:18 Oui, les médias ont leur part de responsabilité, mais comme dit le proverbe « une main toute
01:23 seule n'applaudit pas ». Et les politiques sont eux aussi partie prenante du problème.
01:27 De plus en plus, ils choisissent leurs mots et leurs formules pour susciter un maximum
01:31 de retweets ou décrocher le bandeau d'une chaîne d'info en continu.
01:35 Ils jouent sur la colère, la peur, l'indignation, la culpabilité, psychologie partout, prise
01:40 de recul nulle part.
01:41 Et ça n'est pas tout à fait le même problème que le manque de nuances dont on entend beaucoup
01:46 parler.
01:47 - Expliquez-nous, vous voulez dire quoi ?
01:49 - Bien sûr, un peu de nuance ne fait jamais de mal.
01:51 Mais en politique, on peut parfois s'opposer franchement, assumer un vrai dissensus, toute
01:56 la question est de savoir si on continue malgré tout de s'adresser à tout le monde.
02:01 Fait-on l'effort de parler aussi à ceux dont on sait qu'ils ne partagent pas les
02:05 mêmes intérêts ou les mêmes visions a priori, mais avec qui on entend tout de même à la
02:10 fin faire nation commune ? Ou alors cherche-t-on simplement à chauffer sa clientèle à blanc ?
02:15 Dans un cas, il faut plaider de façon rationnelle, dans l'autre, mobiliser par l'affect, quitte
02:21 à décourager au passage ceux qui chérissent la vérité.
02:24 On me rétorquera, bon bah où est le problème finalement si certains choisissent de tourner
02:28 le bouton off ? Eh bien le problème, c'est qu'en se détournant de la conversation
02:32 publique, ces citoyens découragés laissent le champ libre au plus vindicatif.
02:37 Et cela ne présage rien de bon.
02:39 C'est tout le défi du rapport à l'information et au débat public.
02:43 Il va falloir trouver un moyen de couper un peu pour se préserver soi-même, tout en
02:47 ne coupant pas tout pour préserver le bien commun.

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