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  • 24/03/2023
À la veille du débat sur les motions de censure à l’Assemblée, la répression des forces de l'ordre autour des mobilisations contre la réforme des retraites reste vive. Dimanche soir au Quartier Châtelet-Montorgueil, alors que des centaines de manifestants se sont rassemblées aux Forum des Halles pour protester contre le 49.3, le journaliste Cemil Sanli a été témoin de plusieurs interpellations arbitraires émises par les forces de l’ordre. Et pour cause, les forces de police ont reçu l’ordre de nasser des groupes de manifestants en plusieurs endroits, le tout de manière absolument illégale et arbitraire. Car rappelons-le, la technique de la nasse est illégale. Pas moins de 4 nasses au total ont été répertoriées avec un dispositif policier impressionnant pour une manifestation pacifique. Sur son compte Twitter, le journaliste dénonce les agissements des forces de l’ordre avec vidéo à l'appui. “ Ce qu’il s’est passé hier soir dans le centre de Paris est d’une gravité rare.” Selon le ministère de l’Intérieur, 17 interpellations ont eu lieu ce dimanche. Manifestants ou non, personne n’a été épargné. Les passants ont même été forcés de quitter le quartier en métro. Autant de répressions policières auxquelles Cemil Sanli nous fait part au plateau du MédiaTV.

Le fil Twitter de Cemil : https://twitter.com/Cemil/status/1637524618884837376

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Transcription
00:00 il y a un côté, une ambiance fascisante un petit peu.
00:02 Orwellienne.
00:03 Orwellienne, il y a quelque chose qui ne va pas en fait, qui ne tourne pas.
00:05 Et d'ailleurs dans mon rôle de journaliste à ce moment-là,
00:07 c'était très compliqué de rester un petit peu extérieur.
00:09 J'avais envie de dire "ouh là là, il y a un truc qui ne va pas,
00:11 il y a quelque chose qui ne va pas, pourquoi on embarque des gens
00:13 alors qu'on en laisse sortir d'autres ?"
00:15 [Générique]
00:19 Salut Gémile.
00:21 Salut Théo.
00:22 Alors hier, tu as couvert les manifestations qui ont eu lieu dans les rues de Paris.
00:26 Raconte-nous.
00:27 Alors, ce qui s'est passé hier dans le centre de Paris,
00:29 il faut le dire, est une gravité rare.
00:31 Les forces de l'ordre ont reçu l'ordre très précis en fait,
00:34 de venir nasser des groupes de manifestants en plusieurs endroits
00:37 dans le quartier de Châtelet à Montorgueil.
00:39 Donc c'est un premier arrondissement de Paris.
00:41 De forcer chacune des personnes, comme vous le voyez à l'écran.
00:44 Là, il y a plusieurs, on voit à l'écran là, plusieurs groupes.
00:46 Là, c'est la rue Montorgueil, donc à côté des Halles,
00:50 où il y a un centre commercial assez géant.
00:52 Ici, c'est la rue Montmartre, où il y a plusieurs groupes.
00:55 Et là, on voit par exemple à l'écran, des personnes nassées de manière mobile,
00:58 jusqu'à la station de métro Étienne-Marcel.
01:01 Donc on force les gens à entrer dans le métro sans la possibilité de se mouvoir librement.
01:06 Ou alors, on arrête comme là, une manifestante de manière absolument arbitraire.
01:11 Là, c'était la rue aussi Montorgueil, un peu plus tard dans la soirée.
01:14 – Alors, vu que tu es une carte de presse, et que pour l'instant,
01:17 elle protège un peu plus dans certaines situations,
01:19 même si elle ne le protège pas totalement.
01:22 On a des témoignages, notamment de certains de nos journalistes,
01:26 qui nous ont expliqué que ça avait été chaud même pour eux.
01:29 En tout cas, ça protège un peu, et tu en as profité pour entrer dans la nasse,
01:33 pour en savoir plus.
01:34 – Oui, déjà un point sur la carte de presse,
01:36 effectivement, j'ai travaillé plusieurs années,
01:38 sans, et maintenant que je l'ai depuis deux ans, ça change la chose, effectivement.
01:41 N'empêche que, comme ça, au doigt mouillé, un policier sur trois
01:45 ne voulait pas me laisser passer,
01:47 me disant que ça ne marchait pas avec la carte de presse,
01:49 donc il a fallu insister, etc.
01:50 Donc ce n'est pas magique, mais ça aide.
01:52 Ensuite, certains policiers ont intimide,
01:56 que ce soit les manifestants, les personnes qui ne le sont pas,
01:59 les journalistes, etc.
02:00 Et en réalité, il y avait au moins quatre nasses.
02:03 En fait, tu parles de nasses, là il y avait au moins quatre nasses,
02:05 comme je l'ai montré à l'instant,
02:07 deux rues Montorgueil, une rue Montmartre,
02:09 et un côté, une autre côté Forum des Halles,
02:11 sans doute d'autres dans le quartier,
02:13 lui littéralement occupé par un dispositif policier absolument conséquent,
02:17 beaucoup plus conséquent.
02:18 Je rappelle qu'il y avait quelques centaines de manifestants,
02:21 et bien plus de force de l'ordre.
02:23 Et en arrivant un peu après 18h, vu que ça a commencé à 18h,
02:27 deux manifestants que j'ai croisés dans la première nasse, rue Montorgueil,
02:30 m'ont expliqué ce que j'avais loupé quelques minutes plus tôt.
02:32 On les écoute.
02:33 - Donc vous me dites que vous étiez à peu près 400, c'est ça ?
02:37 - Ouais, 400, 500, on était dans la rue et ils nous ont bloqués.
02:40 Après, peut-être, ils ont gazé les gens, et après ça a un petit peu forcé.
02:45 - Ils ont séparé leur cortège en deux, on était à peu près 400.
02:47 Ils nous ont séparés en deux, donc il y a un côté qui est là-bas,
02:49 un côté qui est ici, et tout de suite, en fait, ils ont gazé,
02:52 pour que tout le monde parte.
02:54 Mais en fait, tout le monde attend derrière,
02:57 donc là, on attend pour faire une manifestation pacifique,
03:00 et justement, demander nos droits, en fait,
03:03 et juste faire une manifestation, comme on a envie de faire.
03:06 Et de toute façon, le gouvernement va tomber, c'est sûr,
03:09 demain, vous n'êtes plus là.
03:10 - Dans cette nasse, justement, dans laquelle tu as pu entrer,
03:14 tu as rencontré des personnes qui, en réalité, n'étaient pas des manifestantes,
03:17 qui étaient prises au piège, en quelque sorte,
03:19 dans une sorte de gigantesque absurdité.
03:22 - Oui, effectivement. Alors, c'était la première nasse,
03:25 j'ai pu entrer et sortir dans plusieurs, assez librement,
03:28 même s'il fallait quand même forcer les passages.
03:31 Déjà, une chose, rappelons que la technique de la nasse
03:34 est jugée illégale par le Conseil d'État depuis juin 2021,
03:37 et qu'en décembre 2021, c'était le maintien,
03:41 le schéma du matin de l'ordre a été modifié
03:43 pour jouer un peu avec les mots, puisque maintenant,
03:45 et un des agents me l'a expliqué hier soir,
03:47 il ne s'agit pas de nasse, il s'agit de filtré,
03:49 des barrages filtrants, sauf que dans les faits,
03:51 les nasses sont des nasses, les gens sont là depuis une heure,
03:53 deux heures, avant de pouvoir sortir au compte-goût,
03:55 comme on l'a vu tout à l'heure, et d'être raccompagnés au métro.
03:58 Alors, il y a eu, du coup, des privations de liberté totalement illégales,
04:02 ou alors, à la limite de la légalité, ça se discute,
04:05 et donc, comme tu viens de le dire à l'instant,
04:08 dans une des nasses, là, c'était rue Montmartre, juste derrière,
04:10 j'ai pu croiser une personne, absolument un couple,
04:14 et c'est intéressant de le souligner,
04:16 au style, je vais dire, pas habituel,
04:18 plutôt bon chicbonjoueur, habillé de longs manteaux,
04:21 de gens qui se baladent, je ne pensais pas que ce soit des manifestants,
04:23 et effectivement, j'avais dû nez, ce n'était pas des manifestants,
04:25 mais justement, j'étais bas d'eau, et même des étrangers.
04:27 On écoute.
04:28 Comment ça se passe, du coup, là, votre soirée, ici ?
04:31 Pourquoi vous êtes là ?
04:32 Écoutez, je suis un simple passant,
04:37 je suis passée ici, juste comme ça,
04:39 je voulais prendre un gaufre à la rue Montorgueil,
04:43 et je suis tombée ici, tout par hasard,
04:46 et maintenant, je suis coincée depuis déjà une heure,
04:49 ici, j'ai froid, j'ai faim.
04:51 Vraiment, donc vous êtes une passante, vous n'êtes pas de Paris ?
04:54 Non.
04:55 Non, du coup, en touriste, ici ?
04:57 Plus ou moins, oui, de passage, oui.
05:00 Et vous savez pourquoi il y a ce blocage ?
05:02 Oui, bien sûr.
05:03 Enfin, je ne sais pas pourquoi c'est ici.
05:06 Vous savez que c'est des manifestants qui manifestent
05:08 contre la réforme de la retraite de Emmanuel Macron ?
05:10 Vous en pensez quoi, vous, en tant que passante ?
05:12 Écoutez, je suis étrangère,
05:14 donc je n'ose pas prononcer mes jugements
05:19 par rapport à la politique française,
05:21 donc, mais, vu l'altitude de police,
05:30 quand même, ça me passait étrange.
05:33 Pour vous, c'est au minimum étrange ?
05:35 Écoutez, je suis de la dictature,
05:40 je connais la politique,
05:43 la police fait tout à fait la même chose dans mon pays,
05:47 qui est d'ailleurs, si je peux le demander, la Russie,
05:50 et donc je fuis à cause de ça des attitudes de police,
05:55 et donc, quand c'est dans la même situation ici,
05:58 c'est un peu bizarre pour moi,
06:00 mais moi, j'ai l'habitude quand même.
06:03 C'est malheureux, quand même.
06:05 Merci en tout cas, merci à vous.
06:06 Alors, ce témoignage est assez frappant,
06:08 mais tu en as recueilli d'autres également.
06:10 Effectivement, j'ai pu croiser beaucoup de personnes,
06:12 en fin de soirée, un jeune homme,
06:14 alors qu'il n'y avait plus personne,
06:15 et j'étais encore identifiable en tant que journaliste,
06:17 est venu vers moi, un peu paniqué,
06:19 en me disant "ma copine a été prise par la police,
06:21 je ne comprends pas pourquoi,
06:22 elle est partie, je ne sais comment je fais,
06:23 vous pouvez m'aider".
06:24 Il y a eu beaucoup de témoignages comme ça,
06:25 une passante aussi, une femme,
06:27 un peu du même style, du même genre,
06:29 il ne faut pas se fier aux apparences, évidemment,
06:31 mais on le sait, les quartiers parisiens,
06:33 l'Ouest parisien est plus bourgeois que l'Est, etc.,
06:36 je ne vais pas vous entendre dans les détails,
06:38 mais là on voit que le centre est plus bourgeois,
06:39 on n'est pas dans le 18ème,
06:40 on n'est pas ici comme un montreuil, par exemple,
06:42 et on voit des profils de personnes
06:43 qui ne sont pas manifestantes,
06:44 et qui se font arrêter par la police,
06:46 on va voir des magnésioirs un peu plus tard,
06:48 ou tout du moins contrôlés,
06:49 et ne pas comprendre ce qu'il se passe,
06:50 même s'ils savent un peu l'ambiance,
06:52 et ça, c'est une leçon qu'on pourra retenir ici,
06:54 où il y a ce petit fossé entre finalement
06:56 une classe un peu dominante,
06:58 où les gens qui peuvent être assimilés à cette classe-là,
07:00 peu touchés ou pas touchés par la répression policière,
07:03 ou tout du moins l'expérience de manifestation sur le terrain
07:06 qui se passe un petit peu musclé,
07:08 ou à la limite de la légalité,
07:09 et qui ici en font l'expérience,
07:10 puisque ça se passe chez eux, dans leur quartier.
07:12 Alors, il y a eu aussi,
07:14 on peut rappeler que la préfecture de police de Paris
07:16 a déclaré 17 arrestations ce soir,
07:19 enfin hier soir, ce sont des chiffres officiels,
07:21 même si j'ai un peu l'impression d'en avoir constaté plus,
07:23 alors peut-être qu'elles étaient toutes rues Montorgueil
07:25 au moment où j'y étais,
07:26 peut-être éventuellement,
07:27 l'ambiance que j'ai pu voir et vivre
07:30 était étrangement calme,
07:31 il n'y avait pas de débordements,
07:33 les personnes étaient coopérantes,
07:35 mais les gens étaient comme hébétés,
07:37 que ce soit sur les terrasses de café,
07:38 qui n'étaient pas fermées pour la plupart,
07:40 j'ai même pu voir des commerçants offrir des verres à des gens
07:42 pour les faire patienter,
07:43 ou les protéger dans l'enceinte de leur établissement,
07:46 on peut voir ça sur mon fil Twitter,
07:48 et des jeunes femmes se faire arrêter,
07:50 aussi avec l'air hébété,
07:52 je vous propose de regarder l'une d'entre elles.
07:54 Bonjour mademoiselle,
07:56 excusez-moi,
07:57 vous êtes accompagnée quelque part,
07:59 vous êtes arrêtée, qu'est-ce qu'il se passe ?
08:00 Je n'ai aucune idée,
08:02 c'est-à-dire ?
08:03 Je ne sais pas ce qu'il se passe.
08:05 Comment ?
08:06 Je ne sais pas.
08:08 Venez, venez.
08:10 Il y a un problème, il y a un problème.
08:18 Je ne sais pas.
08:20 Ça va bien se passer, le petit.
08:31 Tu vois, là tu sens un petit peu,
08:34 bon c'est court,
08:35 cette ambiance apaisée, calme,
08:37 il y a des nombres au centre de Paris,
08:38 c'est agréable quand il n'y a pas de police,
08:39 on vient, on mange une gaufre,
08:40 comme l'a dit tout à l'heure la dame,
08:41 Montorgueil s'est fait pour ça un peu,
08:42 pour déambuler dans le centre-ville,
08:44 mais là, il y a cette présence policière en surnombre,
08:46 et ces arrestations un peu complètement arbitraires,
08:49 et donc illégales,
08:51 j'imagine le constater et le commenter ces prochains jours,
08:53 je l'espère,
08:54 et en dernier manito,
08:56 avant de te laisser,
08:57 il y a cette dame au chapeau rouge,
08:59 qui se fait, elle, arrêter, elle aussi,
09:01 elle ne comprend pas,
09:02 elle le dit aux policiers,
09:04 et finalement, en ayant peur,
09:06 en fait, de ce qui peut arriver derrière,
09:08 en en disant pas plus,
09:09 les images parlent d'elles-mêmes.
09:10 - Monsieur, on ne peut pas arrêter des gens sur la voie publique,
09:14 comme ça, qui n'ont rien fait,
09:15 on n'a rien fait là-bas, dans la rue.
09:18 - Ils ont rien fait, monsieur, vous savez très bien,
09:20 en fait, ils n'ont rien fait.
09:22 - Vous donnez vos affaires, c'est quoi ?
09:24 - J'ai des livres sur la commune de Paris,
09:26 parce qu'en plus, j'étais...
09:27 - Monsieur, vous avez...
09:29 - Alors voilà, comme je suis militante politique,
09:31 on va dire que quoi, là ?
09:33 - Vous n'avez pas passé avant ?
09:34 - Je donnez mon papier, hein,
09:36 je donne mon paper, mon affaire.
09:38 - Madame, vous avez pas le mot de tête ?
09:39 - Non, je garde mon téléphone, c'est mon lien.
09:41 Pourquoi ? Vous ne pouvez pas m'enlever...
09:43 Je ne suis pas arrêtée, enfin !
09:45 Je ne suis pas arrêtée, merde, j'ai rien fait !
09:48 Il y a quelqu'un de vous qui m'a dit de passer par là-bas,
09:51 de me retrouver,
09:52 après, on a arrêté, on a été gentils, hein.
09:54 - Licenciés, les policiers !
09:56 - Je reste partie tout de suite !
09:57 - Licenciés, les policiers !
09:59 Licenciés, les policiers !
10:01 - Madame, vous avez...
10:03 - C'est pour les filles !
10:05 - Non, moi, je suis désolée, je...
10:08 - Est-ce qu'elle est là ?
10:09 - Je ne sais pas, je ne sais pas.
10:10 - Est-ce qu'elle est là ?
10:11 - Assyez, madame,
10:12 assiez-vous, si vous voulez vous asseoir.
10:14 Assiez-vous, assiez-vous.
10:16 - Tiens, c'est la Juliette.
10:24 - C'est où ?
10:25 - Là-bas.
10:26 - Ah oui ?
10:27 - C'est la mienne.
10:28 - Non, mais c'est juste que vous êtes en deuxième,
10:29 je ne sais pas si vous allez en avoir.
10:32 - Ça va bien se passer, madame,
10:33 ils savent qu'ils sont ridicules.
10:35 - Vous ne risquez rien, vous allez ressortir.
10:37 - Non, mais il n'a pas le droit,
10:38 il n'a pas le droit à vous forcer.
10:40 - Alors, peut-être que l'impression de calme
10:43 et finalement de coopération
10:45 des personnes qui soient interpellées ainsi
10:47 est liée au fait que ce sont
10:49 soit des privots manifestants,
10:50 pour ceux qui manifestent,
10:51 soit des personnes pas manifestantes du tout.
10:54 Et forcément,
10:56 quand on ne s'attend pas à être interpellé,
10:59 on est comme tétanisé.
11:00 Il y a un moment où,
11:02 on se laisse faire parce que déjà,
11:04 le dispositif est impressionnant,
11:06 il y a beaucoup de personnes,
11:07 il y a un calme environnement,
11:09 il n'y a pas d'atmosphère de révolte générale
11:12 qui peut nous pousser à exprimer encore plus fort notre révolte.
11:14 Il y a quelque chose comme ça.
11:16 - C'est particulier, cette scène-là,
11:17 je voulais absolument la montrer aujourd'hui
11:19 parce qu'elle est, je trouve, très perturbante.
11:22 C'est calme, tout se passe calmement,
11:24 que ce soit les personnes interpellées,
11:25 que ce soit les personnes qui interpellent,
11:26 les policiers et les policières,
11:27 qui disent aux personnes,
11:29 qui leur disent "je ne suis pas manifestante"
11:31 ou alors "je le suis, mais pourquoi, j'ai rien fait,
11:33 j'ai chanté la marseillaise, est-ce que c'est grave ?"
11:35 Et du coup, les policiers qui leur disent "ok",
11:40 qui ne sont non plus pas menaçants,
11:42 pas, j'allais dire, violents,
11:44 à ce moment-là, ils leur disent "mais je n'y peux rien,
11:45 c'est comme ça, on va vous embarquer, c'est comme ça".
11:48 Il y a un côté, une ambiance fascisante un petit peu.
11:51 - Orwellienne.
11:52 - Orwellienne, il y a quelque chose qui ne va pas,
11:53 qui ne tourne pas.
11:54 Et d'ailleurs, dans mon rôle de journaliste à ce moment-là,
11:56 c'était très compliqué de rester un petit peu extérieur,
11:57 j'avais envie de dire "ouh là là, il y a un truc qui ne va pas,
11:59 il y a quelque chose qui ne va pas,
12:00 pourquoi on embarque des gens et qu'on en laisse sortir d'autres ?"
12:03 Il y a une jeune femme qui était, elle aussi,
12:06 de ce style-là, vestimentaire,
12:08 qui semblait être passante, mais qui pouvait être manifestante aussi,
12:11 et un policier l'a cru,
12:13 finalement, elle a été juste à peine contrôlée,
12:15 puis on l'a laissé repartir.
12:16 Et ça a été très perturbant, en fait, cette scène-là.
12:19 Et surtout, ce passage, où on voit qu'on lui demande
12:23 de sortir ses affaires, et qu'elle commence à se justifier
12:26 d'un livre parlant de la Commune de Paris.
12:29 Je ne sais pas comment tu l'as ressenti,
12:31 mais c'est quand même très particulier.
12:33 Elle essaie de justifier…
12:34 – Elle admet, quelque part, elle a intégré le fait
12:36 que notre police peut être une police politique, d'une certaine manière.
12:38 – Ça dit quelque chose.
12:40 Et je ne pense pas que ce soit un signe positif
12:42 pour la suite du mouvement social, et même pour cette crise politique,
12:45 parce que même si Aurore Berger, ou je ne sais plus quel membre du gouvernement,
12:48 avait dit qu'il n'y avait pas de crise politique,
12:50 je crois que c'est Yael Lebron-Privé qui disait
12:52 qu'il n'y avait pas de crise politique,
12:53 que tout allait bien, tout était sous contrôle.
12:54 Non, manifestement, il y a une crise politique,
12:56 et ce qu'on a vu hier soir le démontre.
12:58 – Alors, tu nous as raconté dans la rédaction
13:02 que tu as été tellement perturbé par ce reportage
13:04 qu'il t'a fallu un peu de temps pour reprendre tes esprits
13:08 après avoir fait ton boulot, après les réflexes professionnels,
13:11 quand c'est terminé, tu étais toi-même un peu hébété.
13:13 – Bien sûr, je suis resté trois quarts d'heure, près d'une heure,
13:17 dans le quartier qui est subitement redevenu tout calme.
13:19 Ils sont tous partis, SS, je crois que ça s'est poursuivi,
13:21 Gare de Lyon ensuite, je ne suis pas allé pour ma part,
13:24 je suis parti d'ici, il était pratiquement minuit.
13:26 Et oui, la façon dont les choses reprennent leur cours,
13:29 où les gens finalement, quand la police disparaît,
13:31 quand les forces de l'ordre de police partent
13:33 et que les choses se mettent en place, j'ai pu reparler à ce commerçant
13:36 qui avait offert des petits bouts de kebab aux gens,
13:38 j'ai pu reparler à cette dame, et notamment ce monsieur,
13:42 ce jeune homme dont sa copine a été embarquée par la police
13:44 alors qu'il ne comprenait pas pourquoi,
13:45 qui était bloqué pendant près de deux ans dans une nasse
13:47 alors qu'il voulait rentrer chez eux.
13:48 Et donc, après avoir vécu tout ça, c'est quelque chose,
13:50 parce qu'effectivement, on est manifestant,
13:53 on est badaud simplement, on est touriste, on est journaliste,
13:56 on reste des citoyens et des personnes qui vivent un espace,
14:00 un moment politique, et ça impacte,
14:02 même si je ne découvre rien sur le terrain,
14:03 même si ces moments-là, j'ai des moments vécus il y a plusieurs années,
14:06 de rentrer dans le métro de manière forcée,
14:08 d'ailleurs plus musclé, c'est quelque chose qui est perturbant
14:11 et dont on ne doit pas s'habituer.
14:14 Et là, j'ai eu l'impression, tout à l'heure je te le racontais
14:16 avec les collègues en bas, qu'il y a une forme d'habituation à cela,
14:19 que ce soit la violence physique, mais là, ce n'était même pas physique,
14:22 les gens ont coopéré, ont accepté l'illégalité d'entrer dans le métro,
14:26 même s'ils vivaient dans la rue d'à côté.
14:28 Et c'est nass, là, on n'a pas pu les voir, ou très peu,
14:33 de policiers mobiles qui encadrent 10 manifestants par 10 manifestants,
14:37 et autour d'eux, il y a 20 policiers surarmés,
14:39 casqués comme si ces personnes étaient dangereuses,
14:41 les amener, les forcer à prendre le métro, et repartir en prendre d'autres,
14:44 ce côté méthodique était quand même très orwellien, très effrayant.
14:48 – Merci beaucoup, Gémile, pour ce récit, pour ce récit qui nous instruit.
14:54 – Il y a peut-être, avant de te laisser, quelques conclusions à en tirer.
14:57 Il y a, là, on l'a vu tout à l'heure, on a un pouvoir, je pense, qui est fragile,
15:01 qui a peur de sa jeunesse, c'est la situation qu'on peut la lire comme ça,
15:05 et qui veut la tuer dans l'œuf, la contestation,
15:08 ce qui semble être la marque de fabrique de la Macronie depuis quelques années,
15:11 et comme tu l'as dit tout à l'heure, le gouvernement qui se sent fragile,
15:14 qui se sent très politisé, qui peut tomber, peut-être, aujourd'hui,
15:17 suite à la signature de la motion de censure du groupe Luhett,
15:20 on le verra tout à l'heure, et une chose à retenir, quand même, dans tout ça,
15:24 parce qu'il y a beaucoup de négatifs, tout ça,
15:26 je veux insister sur le côté pacifique des gens,
15:29 le côté, alors pacifique, mais pas béni-oui-oui, gentil, voilà,
15:33 il y avait les gens très politisés, qui savaient ce qui se passait,
15:36 qui étaient conscients du moment, et même s'ils obéissaient,
15:39 ils étaient quand même conscients, j'ai parlé à beaucoup de personnes,
15:42 et ces commerçants, dont on voit très peu,
15:44 on voit toujours des commerçants excédés par les manifestants,
15:47 là, j'ai vu essentiellement des commerçants qui ne fermaient pas rideaux,
15:51 et qui, au contraire, aidaient les manifestants,
15:53 qui comprenaient et qui leur offraient à boire et à manger,
15:55 c'est des images qu'on peut voir sur Twitter.
15:57 – Merci beaucoup, Gémile. – Avec plaisir.
15:59 [Générique de fin]
16:13 [Silence]

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