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Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach vous raconte le concert pas comme les autres de Fats Waller, célèbre jazzman américain. En 1926, installé à Chicago pour une série de concerts, Waller est kidnappé à la sortie de son hôtel par les hommes de main d’Al Capone. Pendant trois jours et trois nuits, il est forcé de jouer tout son répertoire pour l’anniversaire de celui qui sera bientôt l’ennemi public numéro 1.
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Transcription
00:00 Dans l'intimité de l'histoire
00:03 Aujourd'hui Clémentine, vous nous racontez la folle histoire du jazzman Fats Waller,
00:07 star de son état, contraint et forcé pourtant de chanter à l'anniversaire d'un célèbre gangster.
00:12 Ah oui, c'est quand même une drôle d'histoire.
00:14 Alors ça se passe dans les années 20, le jazzman Fats Waller est né en 1904 à New York
00:20 et à la vingtaine, il est déjà un musicien réputé, si bien qu'en 1926, on lui propose une série de concerts à Chicago.
00:29 Alors il s'installe à l'hôtel Sherman pour quelques temps, car le restaurant de l'hôtel, le Collège Inn,
00:35 est devenu l'un des principaux lieux de jazz de la ville et là on a cours de tout Chicago pour venir l'entendre.
00:41 C'est un surdoué, il joue du piano, du violon, de l'orgue, mais il n'est pas simplement instrumentiste,
00:49 il est aussi auteur et interprète de ses chansons, il va en composer plus de 400.
00:54 Et comme c'était un homme très généreux, quand il rencontrait un artiste, il lui dit "ben tiens, elle te plaît cette chanson, elle est à toi".
01:01 Alors il donnait ses chansons à d'autres artistes, qui finiront d'ailleurs par les revendiquer comme les leurs
01:06 et toucheront les droits d'auteur à la place de Fats Waller.
01:09 Oui, c'était vraiment un artiste munifisant et l'une de ses chansons les plus connues s'intitule "Honey Sucker Rose".
01:21 C'est très joyeux, ça m'a mis un petit coup d'yeux de l'enregistrement.
01:26 Et alors un soir, alors qu'il quitte l'hôtel Sherman, un homme s'approche de lui et lui pointe un pistolet dans le ventre.
01:34 L'homme n'est pas seul, il y a deux ou trois autres acolytes qui l'accompagnent.
01:38 Alors sous la menace de son arme, l'homme oblige Fats Waller à s'embarquer à l'arrière d'une limousine.
01:45 La voiture roule dans le quartier de East Cicero à Chicago et on arrive enfin dans ce qui semble être un club privé.
01:52 Et quand il y pénètre, surprise, une foule nombreuse lui fait un accueil triomphal.
01:58 Ses chaperons patibulaires le conduisent jusqu'au piano Manu Militari et lui dit "maintenant vas-y tu joues".
02:04 À la fin de la première chanson, il n'a toujours aucune idée de ce qu'il fait là, ni de la raison pour laquelle on l'a kidnappé.
02:10 Il scrute la foule présente et il remarque dans la pénombre un homme qu'il applaudit à tout rondre.
02:17 Et là, il reconnaît Al Capone en personne.
02:21 Et oui, on est, je le disais à l'instant, en 1926, Al Capone à 27 ans, il n'est pas encore l'ennemi public numéro un qu'il deviendra après le massacre de la Saint-Valentin, ça c'est 1929.
02:32 Mais enfin, il est déjà un gangster important et redouté.
02:36 Et sachant qu'il est un fan de jazz inconditionnel et de Fats Waller en particulier, comme il se trouve à Chicago,
02:43 ses hommes de main se sont dit "ben tiens pour la nif du patron, on va lui offrir sur un plateau son jazzman préféré".
02:51 Donc Fats Waller, c'est son fils en fait qui a raconté ça des années plus tard.
02:58 Et son fils a raconté qu'il aurait passé trois jours et trois nuits sans discontinuer à jouer pour Al Capone,
03:05 prenant des pauses uniquement pour dormir un peu sur son banc de piano.
03:09 Il était payé 100 dollars par chanson, ce qui à l'époque est une somme absolument colossale.
03:14 Et il est alimenté quasiment en intraveineuse au champagne et buffé à volonté.
03:21 Au moment de partir, Waller a été remis dans la limousine, ramené à son hôtel Sherman, plus riche de plusieurs milliers de dollars.
03:29 Alors cette histoire est très belle, presque trop belle pour être vraie, mais elle est quand même racontée par son fils,
03:35 ce qui la rend plutôt crédible.
03:37 Et puis ce qui est vrai aussi, c'est qu'il y avait une très grande porosité entre le milieu du jazz et celui des truands.
03:44 Les jazzmen Milt Hinton et Lionel Hampton ont chacun eu un oncle qui a bossé pour Al Capone dans les quartiers sud de Chicago.
03:52 Et puis il y a aussi une autre histoire assez proche qui crédibilise celle-ci.
03:56 On sait qu'Al Capone a demandé un jour au clarinettiste Johnny Dodds de lui jouer un air en particulier,
04:01 et Johnny Dodds ne connaissait pas l'air.
04:03 Alors Al Capone lui a donné la partition, il lui a donné la moitié d'un billet de 100 dollars,
04:08 il lui a dit "écoute, quand tu sauras le morceau en entier, je te donnerai l'autre partie du billet".
04:12 Enfin, on sait que Capone aurait envoyé des gardes du corps pour accompagner le pianiste de jazz Earl Hines dans son road trip.
04:19 Ça a donné lieu à un film cette histoire-là.
04:21 Donc vous voyez, il y avait tout ça, cette porosité entre les deux milieux rend l'histoire assez crédible.
04:26 - Il aurait pu simplement lui faire un contrat et lui demander de jouer.
04:30 - Non, parce que ces hommes de main, les gorilles d'Al Capone, ont voulu lui faire une surprise.
04:34 "Écoutez, c'est normal, on veut faire une surprise comme ça aux gens qu'on aime, ça fait toujours plaisir."
04:40 Alors, surtout que vous vous souvenez que j'avais raconté ici même comment Al Capone s'était mis à la mandoline
04:44 quand il était en prison à Alcatraz.
04:46 Il avait créé un groupe qui s'appelait les Rock Islanders, les insulaires du rocher,
04:50 puisque "The Rock" c'était le surnom d'Alcatraz.
04:53 Et dans une lettre à son fils, il se vantait de connaître par cœur 500 chansons et il en a même composé.
04:58 Et ce qui est très beau dans cette histoire, c'est que parvenir lui-même à jouer de la musique
05:03 et recevoir Fats Waller, qu'il admirait dans son club préféré, du tête pour lui, une sacrée victoire,
05:09 car on le sait peu, mais Al Capone était quasiment sourd.
05:14 Alors, cela dit, en conclusion, on ne mettra pas de l'idée qu'avoir sous la main un Fats Waller,
05:19 pour moi, un Stéphane Bern pour nous, Jean-Luc, qui pourra le jour venu nous chanter "Joyeux anniversaire"
05:26 - Surtout que c'est le vôtre aujourd'hui ! - Surtout que c'est le mien, alors j'aimerais bien un petit "Joyeux anniversaire"
05:31 à Savo, Fats Waller et Al Capone.
05:33 - Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, - Ah, c'est... Ah, miracle !
05:42 - Miracle, il chante juste pour mon anniversaire ! Ah, je suis touchée, j'en pleurerais !
05:46 - Clémentine, joyeux anniversaire, - Eh ouais, eh ouais, eh ouais messieurs, je viens avec le printemps,
05:53 comme Yvonne dit même, non ? - Oui.
05:55 (rires)
05:56 Enfin...
05:57 - Oui, non ! - Vous êtes moins...
05:59 - Oui, oui, non, on en reste là, merci ! - Aucune d'entre vous, voilà.
06:02 Maintenant, c'est le moment de l'émission où, vous le savez, chers auditeurs, je ne contrôle plus rien
06:06 parce que c'est Jean-Luc Lemoyne qui prend la main pour "Burn to be Alive".

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