“Libres !”, c’est le titre d’une série sur arte.tv que Sophie-Marie Larrouy, autrice et comédienne a co-écrite avec Ovidie. La première saison a comptabilisé 60 millions de vues. La deuxième est en ligne et on y parle sexualité comme nulle part ailleurs.
Sophie-Marie Larrouy était l'invité de Totémic le 17 mars 2023
Sophie-Marie Larrouy était l'invité de Totémic le 17 mars 2023
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AmusantTranscription
00:00 *Applaudissements*
00:06 Bonjour tout le monde !
00:08 Et bonjour à toutes les Sonia qui nous écoutent aussi !
00:10 *Rires*
00:11 Comment enchaîner après sur les différents titres de la série Libre ?
00:15 C'est-à-dire la valse du point G, Bouche ton boule ou encore Pas ce soir chérie ?
00:21 Je l'ai dit, quelques-uns des titres de Libre,
00:24 séries que vous avez co-écrites avec Ovidie et qu'on peut voir gratuitement sur arte.tv.
00:30 Ce sont des épisodes d'un peu plus de 3 minutes pour toutes et tous qui démontent les dictates sexuelles.
00:34 Vous avez aussi écrit des sketchs, des chroniques, un spectacle, un roman, des scénarios,
00:39 mené des interviews comme personne dans des podcasts et vous êtes comédienne.
00:44 L'idée, dans la demi-heure qui suit,
00:46 est de retracer votre parcours en se laissant guider par les sons et la musique que vous avez choisis.
00:50 Un parcours cohérent et plein d'embardées.
00:53 La première phrase de votre soloncel en donne une idée.
00:56 Cette phrase, c'était "Bonjour, je m'appelle Sophie Marie Laroui et je suis différente".
01:03 Bienvenue, c'est Totemic en public.
01:05 Totemic.
01:06 Avant d'être autrice et comédienne Sophie Marie Laroui, vous avez exercé quel métier ?
01:17 J'ai rempli des camions aux frettes de l'aéroport de Balmulouse.
01:23 J'ai été caissière dans plusieurs unités commerciales physiques.
01:28 J'ai été commerciale, j'ai loué des voitures.
01:33 Voilà, c'est ça.
01:34 J'ai travaillé aussi au marketing pour une société qui faisait des jeux gonflables pour les enfants.
01:40 Le brief était "We take fun seriously".
01:44 Et dans tout ça, vous oubliez journaliste quand même.
01:47 Ah oui, c'est vrai.
01:50 On voit que ça vous a marquée.
01:52 Je pensais que tu me disais "Avant la grande vie".
01:55 Ah d'accord.
01:56 Oui, j'ai été journaliste, en effet.
01:57 J'ai commencé par ça quand j'ai compris que je ne pourrais pas rester dans le secteur
02:03 tertiaire toute ma vie parce que ça ne m'amenait pas à 100% de fortune.
02:09 Enfin, dans le sens complet.
02:11 Oui, j'étais journaliste.
02:14 Et qu'est-ce qui vous a attiré dans ce métier ? Qu'est-ce qui vous intéressait ?
02:19 Qu'est-ce qui vous a fait opter pour ce choix ?
02:21 J'aimais bien faire des portraits de gens.
02:25 Je trouvais ça intéressant d'avoir le droit de raconter qui ils étaient à travers une
02:30 description qui était plus ou moins formelle d'eux.
02:34 Et c'est ce qu'on fait en tant que scénariste après et en tant qu'auteur de roman, que
02:42 ce soit en fiction ou en documentaire ou sur scène ou à la télé ou dans les podcasts.
02:48 C'est ce qu'on fait.
02:49 On décrit, on raconte.
02:50 Donc, ça découle vraiment du fait de faire de la vente.
02:57 Parce que quand on fait de la vente, on veut connaître les gens et quand on veut connaître
03:00 les gens, on les regarde pour un peu se fondre en eux.
03:03 Et pour moi, être journaliste, c'est vendre un truc sans avoir à le vendre.
03:07 C'est en tout cas, entrer un petit peu dans la tête des gens.
03:11 Et en même temps que cette formation de journaliste, vous avez commencé à être comédienne aussi
03:16 en fait, en publiant des vidéos.
03:18 Oui, c'est ça, exactement.
03:20 Et ces vidéos s'intitulaient "Vanesse La Bomba".
03:24 Et donc, Vanessa La Bomba est blogueuse, influenceuse, rappeuse.
03:30 Comment est né ce personnage de Vanessa La Bomba ?
03:35 C'est toujours la même chose.
03:37 Franchement, je ne suis pas très intéressante.
03:39 Je pense que les raisons pour lesquelles je fais ces métiers que je fais, c'est que j'observais
03:44 beaucoup les gens.
03:45 J'avais une sorte de nostalgie des années 2000, que ce soit dans le stylisme, dans
03:52 la manière de parler, dans les intentions, qu'elles soient de fond de teint ou de trajet
03:58 de vie.
03:59 Attendez, parce qu'il y a une manière de parler spécifique aux années 2000 ?
04:01 Ben disons que je ne saurais pas bien la décrire, mais en tout cas, c'est un moment où les
04:10 gens qui soutenaient Vanessa La Bomba, c'est des gens à qui il manquait le Snake sur le
04:17 Nokia 3310.
04:18 Et pardon, c'est peut-être pas très audible pour les gens qui ne connaissent pas, mais
04:24 en gros, on a tous une nostalgie de notre lycée, quel que soit notre âge.
04:29 Et en l'occurrence, Vanessa La Bomba reprenait les codes des gens qui avaient été au lycée
04:34 10 ou 15 ans avant.
04:36 Et donc, c'était le début des personnages parodiques.
04:42 Donc, ça a fonctionné parce que les gens disaient "Ah mais oui, c'est vrai qu'on faisait
04:46 ça, c'est vrai qu'on s'habillait comme ça".
04:48 Et donc, on rigolait.
04:50 Mais c'était la parodie d'une époque, mais c'est la parodie de la futilité aussi.
04:54 Ben oui, c'est vrai, mais moi, je ne voulais pas être moqueuse, disons.
04:58 Parce que je trouve qu'à l'époque, quand au moment de l'essor des blocs de mode et
05:05 tout, c'était un travail comme un autre.
05:07 Donc, comme aujourd'hui, j'en viendrai pas à faire du mal à travers une parodie aux
05:12 influenceuses, parce que si elles existent, c'est bien que quelqu'un leur donne de l'argent
05:16 et les gens qui leur donnent de l'argent, c'est des marques.
05:18 Donc, c'est pas elle d'être décriée puisque quelqu'un les embauche.
05:23 Vous voyez ce que je veux dire ? Mais c'était une parodie de tout ce qui se la raconte,
05:29 de tout ce qui est premier degré.
05:30 C'est plutôt ça.
05:31 Alors ça, c'était du jeu.
05:33 Et ensuite, vous êtes revenue à un métier, à une pratique du journalisme, j'allais
05:38 dire plus classique, mais non, c'était pas classique du tout.
05:41 C'était un podcast qui s'intitulait "À bientôt de te revoir", qui s'intitule toujours d'ailleurs,
05:47 parce qu'on peut toujours l'écouter.
05:49 J'ai clos ce dossier en novembre l'année dernière.
05:54 Oui, "À bientôt de te revoir".
05:56 On a fait 140 épisodes avec l'équipe et c'était une forme d'interview sans fiche.
06:01 Une forme d'interview sans fiche avec, je cite quelques invités, Benoît Hamon, Clara
06:06 Luciani, Alice Zeniter, Augustin Trattnard.
06:09 Et il y avait du public.
06:12 Qu'est ce que le public change quand on mène une interview ?
06:15 Alors, qu'est ce que vous en pensez ? Qu'est ce que le public change quand on mène une
06:19 interview ?
06:20 Je pense qu'à partir du moment où les conditions de conversation sont différentes,
06:26 chez quelqu'un, dans un studio ou en présence d'un public, il se dit pas tout à fait la
06:31 même chose.
06:32 Non ?
06:33 Je suis d'accord.
06:34 J'ajouterais aussi que pour moi, le fait d'avoir un public, c'est comme un troisième
06:39 invité à qui, en effet, on dirait pas les mêmes secrets, mais il y a quand même quelque
06:46 chose où on veut que ce troisième invité nous apprécie et pour qu'il nous apprécie,
06:53 il faut lui dire quand même un secret qui n'a pas été dit ailleurs dans une autre
06:57 interview.
06:58 Voilà, ça, c'est ma vision de pourquoi A bientôt te revoir a recueilli l'aval des
07:06 gens.
07:07 C'est parce qu'ils étaient contents d'être comme dans le brief du podcast.
07:12 C'était comme une contre soirée dans la cuisine, là où normalement on est censé
07:17 partir depuis une heure.
07:18 On a son manteau, c'est au crémaillère aux anniversaires de Natacha et Gilles.
07:23 Au hasard, on est censé partir, mais c'est là qu'on passe le meilleur moment de sa soirée
07:28 parce qu'on n'a plus d'enjeu particulier d'être efficace, brillant.
07:34 Voilà, mais la présence de ce public, elle est venue après un seul en scène aussi.
07:39 Est ce qu'il y avait aussi ce côté là d'être en public comme un petit peu au spectacle
07:47 quand même ?
07:48 C'est vrai qu'il y avait quelque chose de cet ordre dans la mesure où moi, j'ai arrêté
07:51 mon spectacle après l'avoir joué trois ans, je crois.
07:55 Mon spectacle s'appelait "Sapin le jour, ogre la nuit".
07:59 Et en fait, j'ai arrêté notamment parce que j'en avais marre de répéter le même
08:03 texte, même si on essaye de mettre un curseur d'enjeu tous les soirs à un niveau important.
08:09 Mais je ne voulais plus dire la même chose.
08:11 Je voulais plutôt être en impro.
08:13 Donc j'ai réfléchi inconsciemment.
08:15 Je ne me suis pas posée dans mon bureau pendant six heures au lever du soleil, mais je me
08:21 suis dit comment être sur scène, pas toute seule, en impro et que les gens continuent
08:27 de venir parce qu'il y a un truc qui est très stressant quand on fait de la scène
08:31 et qu'on n'est pas produit avec une grosse boîte de prod.
08:33 C'est qu'il faut remplir sa salle en plus de jouer correctement, en plus de faire de
08:37 la promo de son spectacle, en plus de trouver des dates et machin.
08:41 Et pour moi, remplir une salle, c'était assez traumatisant parce que ce n'est pas
08:46 mon travail et je n'aime pas trop déranger les gens.
08:49 Donc je n'aimais pas faire des posts sur Facebook à l'époque ou sur Twitter et
08:54 tous les réseaux sociaux pour dire "Venez, je joue encore six fois".
08:57 On les connaît ces posts-là, des gens qui disent "C'est les six dernières dates
09:00 de mon spectacle, venez vite".
09:02 Ça me dérangeait.
09:04 Donc je me suis dit, s'il y a un nouvel invité à chaque fois, les gens viendront
09:08 de fait.
09:09 Et donc ces interviews sans fiche, ça ne voulait dire aucune préparation ?
09:14 Si, bien sûr.
09:17 Vous êtes bien placée pour le savoir.
09:21 On y pense toujours à notre métier.
09:22 C'est vraiment un soufflé qui est dans le four, mais à 7 jours sur 7, ce métier.
09:28 Même quand on n'est pas en train de travailler, il y a quand même toujours une petite note
09:31 qui peut s'ouvrir sur un coin de cahier ou dans un téléphone en disant "Ah ça,
09:35 ça me fait penser que je pourrais demander à mon invité de dans deux semaines, est-ce
09:39 que nanana".
09:40 Donc c'est juste que moi, j'avais une liste de choses dont j'avais envie de parler,
09:48 qui ne sont pas des sujets qui sont en relation avec la promotion de l'actualité de l'invité,
09:54 puisque c'était aussi le principe de l'émission.
09:56 Mais c'était dans ma note, quand j'étais admettons en train de déjeuner en famille
10:01 le dimanche et on parlait de crêpes versus galettes de sarrasin, je pouvais ouvrir une
10:08 note en disant "c'est un sujet, est-ce que Rebecca Manzoni préférait les galettes
10:14 de sarrasin ou les crêpes sucrées ?"
10:15 Et ça, ça aurait pu être une question d'à bientôt de te revoir que j'aurais
10:18 pu vous poser.
10:19 Quelle est la réponse ? J'ai besoin de savoir, la France veut savoir.
10:22 La crêpe, sans hésitation.
10:24 Moelle ou Suzette ? Ah Suzette forcément.
10:27 C'est pas vrai, j'aurais pas dit.
10:29 Ok, très bien.
10:30 On connaît les gens.
10:31 Dans une note à moi en tout cas, je voulais qu'on parle des bouges, parce que vous êtes
10:37 bougienne et ça compte comment ?
10:39 Je crois que ça compte beaucoup.
10:41 J'essaye de m'en extirper mais en fait j'y reviens toujours.
10:48 Pourquoi vous essayez de vous en extirper ?
10:49 Parce que le ciel est bas, le ciel est lourd sur la vie des Vosgiennes.
11:01 Le climat est rude, la vie est souvent assez rude.
11:07 Les gens ne sont pas très verbeux dans les Vosges.
11:11 C'est plutôt des taiseux.
11:12 Donc ça coûte très cher en thérapie une fois qu'on se rend compte que la vie peut
11:17 être autrement.
11:18 Donc c'est pour ça que j'essaye de faire des Vosges un cadeau que j'emballe avec un
11:28 très beau paquet cadeau que j'ouvre tous les jours en me disant "ah tiens, quelle belle
11:33 surprise".
11:34 Donc vous y revenez comme vous le disiez.
11:36 Des Vosges, on va passer au Havre.
11:38 Parce que le tube que vous avez choisi ce matin, c'est un morceau d'un rappeur du
11:43 Havre qui s'appelle Médine.
11:45 Le titre c'est "Allons enfants" et on en écoute un extrait.
11:49 Ni de marinière, ni de baguette, ni de béret.
11:52 Ni de bannière, ni de cachette pour me libérer.
11:55 Je mange pas de cochon mais j'ai l'accent d'un vrai cochois.
11:58 Mais je viens aussi d'Afrique du Nord comme Claude François.
12:02 Allons enfants de nos quartiers, ne nous laissons pas dénigrer.
12:05 Même la statue de la liberté a le statut d'immigré.
12:08 Aucun de nous ne va remigrer du Pas-de-Calais au Pyrénées.
12:12 On est inscrit dans leur plai Tigré.
12:15 Je me mets pas trop de pression, j'ai déjà tout un tas de problèmes.
12:18 L'hymne de la nation, je vais le réécrire moi-même.
12:21 Je me sens légitime à écrire un joli poème.
12:25 Depuis que le plat préféré de France, c'est le couscous du Maghreb.
12:28 Allons enfants de la patrie, c'est quoi les bails ?
12:35 Le micro est à vous Sophie Marie-Lahoui pour parler de Médine et de ce morceau "Allons enfants".
12:40 Moi je connaissais Médine de loin, j'écoutais même pas trop sa musique.
12:45 Et j'ai commencé à m'intéresser à lui parce que je voulais le recevoir dans "Bientôt te revoir"
12:49 parce que je trouvais que c'était un artiste qui me faisait pas penser que je ne pourrais pas comprendre ses combats.
12:58 Et pour moi c'est quelque chose qui est super intéressant parce qu'il nous met pas à distance.
13:03 Il dit pas "non mais moi j'ai compris et vous, vous avez rien compris".
13:07 Je trouvais ça vraiment sympa de sa part.
13:10 Je sais pas si c'est en tant que femme née dans les années 80 dans les Vosges,
13:17 qu'importe le reste des épithètes, j'ai toujours un petit complexe d'infériorité ou d'imposteur.
13:23 Et là en l'occurrence je me disais "ah tiens, Médine c'est quelqu'un avec qui je vais bien m'entendre
13:27 parce qu'il va me donner l'impression que je suis un peu intelligente".
13:32 Et du coup avant d'écouter sa musique je l'ai invitée dans "A bientôt te revoir".
13:37 On a fait un premier épisode ensemble pendant le confinement
13:40 parce qu'on n'a jamais arrêté de faire des épisodes d'A bientôt te revoir pendant tous les confinements.
13:44 Donc on les faisait soit par vidéo interposée, par Zoom,
13:49 toutes les plateformes où on pouvait s'appeler et faire des apéros à l'époque des confinements.
13:53 Et puis c'était très sympa.
13:57 En fait c'est un artiste que j'apprécie vraiment, déjà humainement,
14:01 parce qu'il fait pas genre il est quelqu'un d'autre que ce qu'il est le lundi matin.
14:06 Donc ça, ça me plaît.
14:08 Parce qu'il y a toujours un truc un peu d'autofiction autour des artistes de rap
14:12 que je trouve un peu lourd de nos jours.
14:16 Je trouve ça un peu galvaudé de faire croire qu'on vend quoi que ce soit d'autre que des pneus à Noroto.
14:25 Enfin c'est pas grave, on peut être rappeur et vendre des pneus à Noroto,
14:27 on n'est pas obligé de s'inventer une autofiction de voyou.
14:30 Bref, et donc Mehdi je le trouve très sympa.
14:33 Et en plus, il est très intelligent.
14:35 Et puis je trouve qu'il a une manière de faire de la poésie qui est accessible.
14:41 Et c'est très beau.
14:43 Cette chanson, "Allons enfants", c'est quand même lui qui parle de la Marseillaise.
14:48 Il parle de la France, du fait qu'il aime la France.
14:52 Et moi c'est quelque chose qui me fascine parce que je ne me sens pas très patriote.
14:57 Je ne sais pas trop ce que ça veut dire d'être patriote.
15:00 Je suis contente d'avoir la sécu, mais ça mis à part, je ne sais pas pourquoi je suis heureuse d'être française.
15:04 Si on mange bien, bien sûr, je le vois quand je vais manger des croissants en Allemagne.
15:08 Mais ça mis à part, je...
15:10 Voilà.
15:12 Et je me sens proche de lui pour ces raisons.
15:14 C'était long comme réponse ?
15:16 Vous dites de Médine, voilà, il aime la France.
15:21 Je ne sais pas trop pourquoi je suis contente d'être française, mais vous l'avez parcouru la France.
15:25 Oui, c'est vrai.
15:26 Avec un autre podcast qui en plus s'intitulait "On est chez nous".
15:30 Oui.
15:31 Et vous alliez à la rencontre d'anonymes, d'hommes, de femmes, de jeunes, de vieux, pour leur donner la parole.
15:40 Donc des gens qui ne sont pas des pros du micro.
15:42 D'où est née cette idée de podcast ?
15:45 Ou l'enjeu quand même, ce n'est pas anodin comme titre "On est chez nous".
15:48 C'est un slogan, c'est une phrase qu'on peut associer au Rassemblement National.
15:54 Oui, c'est ça.
15:55 Et l'idée était de l'allester d'autre chose.
15:58 C'est ça, de se la réapproprier.
15:59 A la base, cette idée de faire un tour de France pour aller voir les Français, c'était une idée qui venait de Binge Audio.
16:06 Et le titre a été trouvé par les équipes de Binge Audio.
16:09 Et ils m'ont proposé à moi de le faire.
16:11 Ce n'est pas une idée que moi j'ai eue.
16:12 Et moi, quand ils m'ont proposé de le faire, j'ai dit non, je ne suis pas capable.
16:15 Bla bla bla, meuf, années 80, vosges, bla bla.
16:18 Et j'y suis allée parce que je trouvais ça quand même très intéressant.
16:21 Et je suis quand même passionnée par le fait de faire des portraits.
16:24 Donc du coup, bon, il faut y aller.
16:26 À un moment donné, l'eau est froide, mais quand on est dedans, elle est bonne.
16:29 Et donc, c'était génial.
16:32 C'était très éprouvant parce que je ne suis ni sociologue, ni psy, et plus vraiment journaliste.
16:39 Donc c'était un exercice qui était très éprouvant.
16:42 Mais je pense que pour cette raison, parce que je ne me sens jamais vraiment à ma place nulle part,
16:47 j'ai vraiment essayé de demander aux gens ce qu'ils avaient vraiment dans le ventre.
16:51 Mais alors, vous n'êtes pas psy, etc.
16:53 Mais ce que vous avez à coup sûr, c'est quand même l'art de la conversation.
16:57 C'est l'art de poser des questions.
16:59 En plus, là, à des gens, encore une fois, qui ne s'expriment pas au micro.
17:05 Et de réussir à raconter ce qu'ils sont.
17:10 - J'espère que ça a fait ça, ma foi. Super.
17:13 Et à la base, comment on est parti ?
17:15 Pourquoi on a fait "On est chez nous" ?
17:17 C'était à l'époque des Gilets jaunes, c'était en 2019.
17:21 Et chez Binge, ils se sont dit "mais enfin, on ne parle pas assez bien des Gilets jaunes.
17:27 Et c'est qui les Gilets jaunes ?"
17:28 Donc la réflexion de base, c'était sur les Gilets jaunes.
17:30 Ensuite, on a décidé que ça s'appellera "On est chez nous"
17:33 pour se réapproprier l'expression des fachos.
17:36 Ils se sont dit "on est chez nous", et on s'est dit "nous aussi on est chez nous".
17:38 Il n'y a pas de raison qu'on ne se sente pas chez nous.
17:42 Et sur le fait de faire la conversation aux gens,
17:45 de la même manière que je le fais quand j'interprète un rôle au cinéma.
17:50 Pour moi, quand j'interprète quelqu'un, ou quand je suis en face de quelqu'un,
17:54 je suis avec cette personne, je suis cette personne.
17:57 Et puis je me fonds en elle comme un coton, ou un papier bulle autour d'un verre qu'on déménage.
18:04 Et j'ai vraiment envie que la personne se dise
18:09 "ah tiens, c'est vrai que je n'aurais pas pensé articuler ce discours autour de moi,
18:14 mais c'est vrai que c'est ça que je suis aujourd'hui, là maintenant".
18:18 Vous avez dit plusieurs fois "femmes, années 80, les Vosges".
18:22 Est-ce que la colère a été un moteur dans tout ce que vous avez fait ?
18:26 Non. Oui, bien sûr.
18:30 Oui, oui. Je ne sais pas quoi dire d'autre que oui.
18:34 Je suis désolée, c'est un très mauvais réflexe d'interview.
18:37 Vaut mieux que de dire "oui".
18:40 Oui, ça va mieux, je suis beaucoup moins en colère.
18:43 Bon, encore que, tout à l'heure dans le métro, il y a un mec qui m'a fait un croche-pattes,
18:46 c'est quand même dingue.
18:47 Donc je suis moins en colère, sauf quand les gens m'interpellent comme ça pour rien.
18:51 Mais en colère contre quoi ?
18:52 Mais je ne sais pas.
18:53 En demandant des gars qui vous font des croche-pattes dans le métro ?
18:55 Je crois que la peur de ne pas savoir articuler son discours,
18:58 la peur de ne pas arriver à dépasser ce qu'on appelle le plafond de verre.
19:02 Je ne sais même pas ce que ça veut dire, mais c'est vrai que je crois bien que
19:07 comment on grandit, ça nous forge quand même,
19:12 d'après ce qu'on nous dit qu'on a le droit de faire ou pas.
19:15 Et la curiosité, ce n'est pas inné chez tout le monde.
19:18 Et quand on se rend compte qu'on aurait pu être plus curieux,
19:21 c'est rageant parce qu'on n'aura pas une vie entière suffisante pour tout voir,
19:26 tout connaître, tout regarder, rencontrer tout le monde.
19:30 Et puis, je ne sais pas, il y a des vies qui ne sont pas faciles.
19:33 Donc c'est ça qui me met en colère aussi, de voir qu'il y a des vies qui ne sont pas faciles
19:37 et que les gens ne partagent pas assez, je trouve.
19:40 Voilà, moi, j'ai vu des gens qui ont eu des destins compliqués et que s'ils avaient été...
19:47 Pardon, je parle un français assez approximatif.
19:49 S'ils avaient été aidés, leurs destins s'en seraient trouvés différents.
19:54 Donc oui, ça me met en colère de ne pas pouvoir montrer à tout le monde que,
20:00 franchement, la vie, c'est sympa.
20:02 On est à Paris, on est dans les Vosges, on a été au Havre et on est allé à l'Espagne avec Rosalia.
20:08 Le titre, c'est "Lie Like You Love Me".
20:13 Fais semblant de m'aimer, donc.
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23:14 La voix que vous avez choisi d'écouter ce matin, c'est celle d'Océan,
23:19 comédien, réalisateur, humoriste. En 2019, Océan a réalisé un web-documentaire autobiographique
23:24 où il a filmé sa transition, parce qu'Océane a choisi de devenir,
23:29 Océan, un homme trans. Et on y suit les étapes de sa transformation physique,
23:34 on y suit ses trouilles, ses joies, et là, il est avec sa mère. On l'écoute.
23:39 - T'es ma mère. - Oui. - J'ai 41 ans, bientôt 42. Donc ça fait quand même un moment qu'on a à pleurer de couper le cordon.
23:45 - Oui. - Donc maintenant, tu sais que t'as fait quand même des enfants pour qu'ils fassent leur vie. - Mais oui.
23:49 - Et moi, ma vie, c'est ça. Je te demande juste, en tant que mère... - D'être humain.
23:54 - D'être humain, et de me reconnaître. Donc si tu veux pas reconnaître qui je deviens,
23:59 si tu veux continuer à me genrer au féminin et à ma plus haute scène, OK. Mais dans ce cas, tu n'es plus ma mère.
24:04 Tu es mon ex-mère. Tu es la mère d'Océan. Ça fait une séparation. - Ah bah ça, ça fait une séparation.
24:09 Ça, c'est clair. - Voilà. - On se l'est dit mille fois. C'est que... Bon. Et je suis pas... Enfin...
24:14 - Mais tu ne te places pas tout le temps, toi, en tant que victime, à dire "Tu m'imposes, tu m'imposes."
24:19 - Si tu veux pas que je me place en tant que victime, respecte ce que je suis, comme j'essaye de respecter ce que tu deviens.
24:25 - Mais tu fais aucun effort. Maintenant, certainement, tu me dis encore "homme trans, femme trans, tu me gommes mon dix."
24:29 Tu fais pas d'effort. - Ça, t'en sais rien. - Enfin, t'en fais sûrement, mais... - Genre, c'est énorme, mais bon.
24:34 - C'est pas très visible. L'autre fois, je te vois à la salle de sport, tu me dis "Ah oui, mais t'es tout le temps prise."
24:37 Tu sais, on est devant des gens, je suis là. Moi, je galère à la salle de sport pour que les gens...
24:41 - Mais oui, je suis désolée. Je fais des efforts et je me plante une fois sur deux. Quand c'est ta fille,
24:46 il faut tout le temps réfléchir, tout le temps dire... - Pourtant, Auréal, il arrive. C'est ma soeur, elle m'a vu naître aussi.
24:50 C'est blessant, si tu peux entendre que c'est blessant. - Et que pour moi, c'est blessant qu'à chaque fois que je dis pas le bon truc,
24:55 je me fais "Ah, la vienne, pauvre conne, t'as rien compris, t'es transphobe et t'es dans la domination."
25:00 Non, c'est pas vrai. Il s'agit pas de ça. Il s'agit du fait de tout un chemin qui se fait pas et toi, tu considères que ça y est,
25:07 ça devrait être fait parce que maintenant, on t'attend et moi, je fais ce que je peux. Voilà.
25:11 - D'accord. Je pense que tu peux peut-être faire encore mieux. Tu vois, j'ai une grande attente. Je pense que t'es capable.
25:17 - Un jour, j'y arriverai. - Océan, qui vous a mis en scène d'ailleurs, pour votre seul en scène.
25:25 - J'ai de la chance parce que la personne que je choisis comme étant inspirante, c'est aussi mon meilleur ami.
25:30 Donc, c'est vraiment super. Bon, ça veut pas dire qu'on s'engueule pas, mais en tout cas, et cet extrait, il est très bien choisi aussi
25:38 parce que la relation qu'Océan a avec sa maman m'a aussi inspirée beaucoup en termes de communication dans ma propre famille
25:49 et dans ma vie en général. Déjà parce qu'ils communiquent. - Ils parlent. - Donc, ça veut dire que c'est pas parce qu'ils sont pas d'accord
25:57 qu'ils sont fâchés à vie. C'est pas parce qu'ils débattent que forcément, ça finit en pugilat et que ça veut dire qu'ils ont appris à articuler
26:12 un avis qu'ils avaient au préalable forgé. Donc, tout ça, c'est des choses que moi, je ne connaissais pas avant de rencontrer Océan.
26:20 Et je suis sincère en disant ça, c'est pas de la naïveté mal placée, de la fausse humilité naïve, mais vraiment, je savais pas que c'était possible.
26:30 Et du coup, à leur contact, j'ai vraiment beaucoup évolué et j'ai beaucoup appris au contact de cette famille.
26:38 - Et cet extrait et la démarche même d'Océan, il fait aussi penser à Libres, la série que vous avez co-écrite avec Ovidie,
26:46 qui démonte les dictates sexuelles, qui démonte aussi les injonctions faites aux femmes.
26:52 Je voulais vous demander si vous, parce que ça démonte les normes aussi, cette série,
26:58 vous, est-ce que vous avez aussi à un moment essayé d'entrer dans des normes, Sophie-Marie Lahouet ?
27:04 - Bah moi, j'y suis. Je fais rien de plus que... Je suis une meuf cisgenre, donc ça veut dire que le genre qui m'a été assignée à la naissance,
27:13 je me sens à l'aise avec. Je suis tout à fait... Enfin, je suis pas à plaindre, je suis une meuf blanche, j'ai 39 ans, j'ai du travail,
27:22 je paye des impôts, donc je suis dans plein, plein, plein, plein de normes.
27:26 Juste, je préfère laisser parler les gens qui sont concernés. C'est pour ça que la série d'Océan, sa transition était vraiment très intéressante.
27:35 Et je suis très contente que France Télé l'ait laissée faire ça, parce que... Elle lui a demandé de faire ça d'ailleurs,
27:40 parce qu'il faut laisser parler les gens qui sont concernés. En l'occurrence, quand Ovidie m'a demandé de rejoindre l'aventure de Libre
27:49 qu'elle avait au préalable écrite avec Digli, parce que c'était une BD à la base, j'étais très contente de pouvoir me mêler de sujets qui me concernaient.
27:58 - Et la façon dont vous vous en mêlez, c'est d'apporter notamment de l'humour sur des sujets qui peuvent être quand même assez lourds.
28:06 Sur le harcèlement, sur le viol conjugal. Comment ça s'écrit ça ?
28:11 - Eh ben, c'est Ovidie qui fait tout ça le boulot. C'est vraiment elle qui a le mérite dans cette histoire,
28:18 parce qu'elle fait tout le travail le plus lourd de documentation, de chiffres, de propos cohérents,
28:27 parce que les miens ne sont pas forcément cohérents, mais bon, ça fait partie de mon job de dire des trucs absurds,
28:31 et que les gens disent "bah on comprend pas, ça doit être marrant". Mais vraiment, c'est Ovidie qui est très rigoureuse là-dessus.
28:40 Autant elle, elle pourrait faire ce qu'elle fait sans moi, demain, mais autant moi sans elle, je ne suis pas sûre du tout que j'arriverai à faire un quart du travail qu'elle a bas.
28:54 - Et pourquoi le dessin animé ? Parce que ce sont des dessins animés. Il y a deux saisons de dix épisodes chacune,
29:00 avec des épisodes qui font trois minutes environ, et ce sont des dessins animés. Pourquoi avoir choisi cette forme-là ?
29:06 - Je crois que c'est parce que c'est très ludique, et que comme c'est un manifeste, on essaye de toucher un maximum de public possible,
29:15 et comme c'est ludique, c'est une forme qui permet de toucher les plus jeunes, comme les plus âgés, parce que c'est pas chiant à regarder.
29:25 - Mais il y a quand même une idée de s'adresser à la jeunesse, et dans le vocabulaire, et dans la forme, dans le format.
29:32 - Je sais pas si il y a une... Oui, j'imagine que oui, dans la cible qu'on touche dans les études marketing, bien sûr,
29:40 mais moi j'essaie que ça soit le plus ludique possible, et le plus vulgarisant possible, et après, qui a envie de regarder, regarder.
29:53 Mais les dessins, enfin les animés sont tellement beaux, parce que c'est ça qui est fou dans le livre, les animés sont vraiment magnifiques,
30:01 c'est des œuvres d'art à chaque image, donc la personne qui a lu ça... - Avec des corps réalistes.
30:06 - Oui, avec des corps réalistes, ça nous tenait vraiment à cœur. Digli est la première à avoir... Dans la BD, c'est elle qui a lancé ça,
30:14 et c'était vraiment très bien fait, et Jocelyne Ronze, qui a fait les animations, a tenu une charte d'après les dessins de Digli.
30:22 Et donc en effet, quand les meufs sont grosses, elles sont grosses, quand elles ont de la cellulite, elles ont vraiment de la cellulite,
30:27 et elles n'ont pas un ventre de 1 cm de large, puis un cul énorme avec de la cellulite, enfin c'est des vrais corps, quoi.
30:34 - Vous l'avez dit, c'est un manifeste libre, un manifeste féministe. Vous, est-ce que le féminisme vous a été transmis ?
30:43 Ou alors comment vous l'êtes devenue ? - Je pense qu'on a tout un instinct qu'on arrive ou pas à réfréner, enfin qu'on a le droit de faire sortir ou pas,
30:55 parce qu'à partir du moment où on est une personne qui s'assimile comme femme, on a des instincts de ce qu'on veut faire ou pas,
31:07 mais après, est-ce qu'on a la possibilité de le faire ? Est-ce qu'on a l'espace de le faire ? Est-ce qu'on a la parole pour le faire ?
31:13 Est-ce qu'on a les moyens financiers pour le faire ? Ça, je sais pas. Moi, je crois que j'ai toujours été agacée par le fait qu'on me dise quoi faire.
31:19 Donc pour moi, déjà, en ça, se dire ça, c'est être féministe. Donc tout le monde est féministe, quel que soit son genre, tout le monde a envie de faire ce qu'il a envie de faire.
31:30 Je sais pas si c'est une bonne réponse, mais en tout cas, je ne sais pas si ça m'a été transmis parce qu'il y avait beaucoup de "ça ne se fait pas, ça ne se dit pas, il faut faire ça".
31:40 Mais bon, je crois qu'en fait, notre éducation et la tradition de laquelle on vient, on s'en fout un peu.
31:48 Une fois qu'on a l'âge de voter et de conduire une voiture, on fait bien ce qu'on veut. Et puis voilà, fin de l'histoire.
31:53 Je termine sur un dernier titre qui est "L'art de la guerre 2", qui est le titre de votre roman.
32:01 Donc à chaque fois, les titres sont importants. "À bientôt de te revoir", je crois que c'est une expression de votre grand-mère.
32:07 C'est ce qu'elle dit à la fin des messages. "On est chez nous, on en a parlé". "Libre", voilà, ça parle.
32:14 "L'art de la guerre 2", pourquoi 2 ? Parce que "L'art de la guerre 1" a été écrit il y a 2000 ans, je crois.
32:21 C'est un traité de stratégie militaire. Vous, vous ne traitez pas d'armée et de stratégie dans ce roman.
32:29 Et puis nos guerres ont changé. On a parlé du féminisme, mais quelles seraient les autres guerres à mener aujourd'hui, selon vous ?
32:37 - C'est difficile comme question. - C'est la dernière.
32:44 - À mon avis, laisser parler les gens concernés des sujets qui les concernent, pour commencer.
32:53 Voir en quoi c'est important de ne pas être xénophobe.
33:02 Parce que si on est tous là, c'est un peu naïf comme manière de le dire. J'aurais voulu le préparer un petit peu mieux.
33:09 Parce que, bien sûr, ça me tient à cœur. Mais laisser parler les gens qui sont concernés des sujets qui les concernent.
33:16 Pour moi, c'est ça la guerre à mener. Et de ne pas faire... C'est qui c'est ? Kant qui a écrit "L'art d'avoir toujours raison".
33:25 Il faudrait qu'on arrête de vouloir avoir raison parce que c'est pas très intéressant comme débat de vouloir avoir raison.
33:37 - Je vais vous laisser lire le texte que vous nous avez écrit pour ce matin.
33:43 On entend le bruit de la feuille. On vous écoute donc. Sophie-Marie Laroui, dans "Totemic".
33:51 - Oui, je l'ai lu. Pourquoi ? - Parce que j'aurais voulu que ça soit une surprise.
33:58 "17 mars 2023, je me suis réveillée en me demandant si je devais me laver les cheveux pour venir à la radio parce que je veux me faire bien voir de Rebecca,
34:05 dont j'adore le prénom, les airs d'avoir 27 ans pour toujours et son apprêté au travail.
34:09 Je me suis dit que j'avais de la chance de venir défendre la série Libre parce que c'était pas gagné à la base de parler de sexisme du quotidien et que ça fasse 60 millions de vues sur Arte.
34:17 Après j'ai pensé à Ovidy, qui est ma partenaire de travail préférée, parce qu'elle dit les mots nécessaires et que travailler avec elle,
34:22 sur un document Word, partagé en ligne ou sur un plateau de tournage, c'est comme arriver dans un Airbnb qui vous plaît.
34:28 On va y habiter un temps, le découvrir. En plus il est fonctionnel. En plus ils ont laissé des dosettes de cappuccino et ça c'est une belle attention.
34:34 Et en plus la vue donne envie de créer des souvenirs. Ensuite j'ai repensé à Rebecca parce que j'ai réalisé que même si je la croise
34:40 et la chérie des yeux depuis des années, je ne la connais pas. Donc j'ai invoqué Wikipédia. J'ignorais qu'elle était Lorraine.
34:45 Bon ça c'est pour le contexte. Et elle m'a donné des frissons sans le savoir parce que dans une interview,
34:50 elle a évoqué un moment de télé, un moment de radio qui l'avait marqué. C'est quand Jacques Vandrouw, pendant la finale du Monde 88,
34:56 avait hurlé, presque à faune "plus rien ne peut nous arriver". Ça fait 10 ans que je travaille dans l'entertainement,
35:02 ça fait 2 ans que je suis sûre que rien n'arrive par hasard. Jacques Vandrouw, le mondial, rien à voir avec Libre,
35:07 le manifeste contre les dictates sexuelles et pourtant. Jean-Roc dans des papiers de blague, les faits sur le sexisme, les inégalités.
35:14 La dépression, les ripostes féministes qu'on est obligés d'organiser alors qu'on a vraiment autre chose à foutre.
35:21 Et moi aussi, j'aimerais bien pouvoir dire "plus rien ne peut vous arriver". Faisons en sorte de ne plus jamais avoir à dire
35:29 "quelle date on est ? Ah là on est 104 féminicides avant Noël". Faisons en sorte de se sentir aussi invincible que les bleus sur le terrain
35:36 sous les yeux de Jacques Vandrouw en 98. Merci, bravo, courage à toutes celles qui s'identifient comme des L.
35:42 Nous sommes fortes, nous sommes fiers et franchement, les clés de la boutique, elles sont à portée de main.
35:47 Merci Sophie-Marie Laroui. A partir de maintenant, les questions ne sont plus ni de moi ni de vous, mais du public.
35:54 Alors, on fait comme on a dit ? Le micro est à vous pour poser vos questions à Sophie-Marie Laroui. On vous écoute.
36:09 Bonjour, merci. Bonjour. J'avais une question. A quoi tu rêvais quand tu étais petite ?
36:23 Et est-ce que tu as l'impression aujourd'hui que tu en es arrivé à quelque part pas loin de ce à quoi tu rêvais ?
36:33 C'est mignon comme question. Je ne savais pas à part que je signais Anne-Laure Gauthier, je voulais m'appeler Anne-Laure Gauthier, je ne sais pas pourquoi.
36:40 Je n'avais pas trop de dessin. Donc c'est pour ça que je suis toujours surprise de vivre cette vie-là parce que je ne savais pas que je pouvais.
36:55 Je pense que je rêvais quand même de faire rigoler, mine de rien, si tu me forçais à y réfléchir pendant deux secondes.
37:04 Ça a toujours été une manière pour moi de discuter en trouvant une échappatoire si je n'avais pas la fin de la phrase de manière sérieuse.
37:16 Donc, en fait, je pense que je voulais vivre ce que je suis en train de vivre, mais sans le savoir.
37:22 Comment ça sans le savoir ? Comment ça vous ne saviez pas que vous pouviez ?
37:25 Non, je ne savais pas. Je n'avais pas d'intention particulière. J'en parle d'ailleurs dans le roman, dans le premier chapitre.
37:33 C'est de mon point de vue quand je suis petite et c'est ma mère qui m'amène chez ma grand-mère alors qu'elle part au travail.
37:38 Je ne savais pas qu'on avait le droit de devenir journaliste. Pour moi, on avait le droit de faire le même travail que ses parents et rien d'autre.
37:49 Ce qui est quand même souvent vrai, on ne fait pas le même travail que ses parents, mais on est orienté par ce qu'eux font et les choses qu'ils nous font découvrir.
38:00 Et donc, je ne savais pas du tout qu'on pouvait passer à la télé. Pour moi, pour les gens qui étaient à la télé, c'est des gens qui étaient nés dans la télé.
38:09 Pour moi, Dorothée qui venait me chanter des chansons dans mon Walkman, elle chantait à chaque fois la chanson pour moi quand je mettais Play.
38:20 Donc, d'une certaine façon, elle était d'une autre galaxie.
38:23 Oui, c'est ça.
38:24 Une autre question ?
38:26 Alors, moi, je viens de Bruxelles et je suis contente d'entendre une Française qui dit qu'elle n'est pas près de Friot.
38:36 Donc, ça fait du bien. Parce que nous, les Belges, on parle tous deux ou trois langues. On adore la France. On la connaît bien.
38:45 Et donc, j'adore cette ouverture que vous avez sur le monde. Vous faites partie de l'univers. Vous vous battez contre les inégalités, ce qui n'est pas facile aujourd'hui.
39:00 Et vous revendiquez surtout le fait d'être une "elle" et d'être une femme. Moi, je suis une femme des années 60.
39:06 Et je le revendique aussi d'être "elle". Et je pense qu'il ne faut pas tuer les genres.
39:12 Et tout le monde peut être ce qu'il veut. Mais que c'est beau d'entendre. Moi, je suis très fière d'être "elle".
39:18 Donc, merci de le dire. Puisqu'il y a beaucoup de combats par rapport à des océanes, des océans, que je respecte tout à fait.
39:28 Mais il faut respecter aussi chaque être humain.
39:32 Super. Je suis contente que vous vous considériez en accord avec votre genre assigné à la naissance.
39:39 Oui, c'est presque gênant à dire. Qu'est-ce que vous en pensez ? Vous avez dit genre…
39:42 Non, je ne trouve pas que ça soit gênant.
39:44 Non, pas gênant. On n'ose presque plus le dire. En tout cas, en Belgique, il y a beaucoup à la radio, à la télévision, les jeunes.
39:51 Oui, mais parce que les jeunes ont plus d'accès à d'autres normes ou alors une ouverture de normes, à mon sens.
40:03 Et c'est pour cette raison que… Ce n'est pas parce que nous, nés dans les années 60, 70, 80, 90…
40:10 Il y avait deux genres assignés à la naissance.
40:14 Je trouve ça super de dire "moi, je me considère comme une L".
40:18 Je trouve ça vraiment génial de le dire.
40:20 Et je suis trop contente aussi que quelqu'un, qu'importe son âge, mais c'est souvent des gens qui sont plus jeunes, disent "moi, je me considère comme une L".
40:28 Merci beaucoup Camille.
40:29 "Bonjour, mes pronoms sont I, L parce que je me considère comme non-binaire".
40:32 Je trouve que ça participe vraiment à l'ouverture du monde et à se dire "Ah, chanmé, il y a plein de nouvelles choses qu'on découvre".
40:39 Et des gens qui, du fait de pouvoir dire ça, vont se sentir bien et à l'aise et dans une "safe place", comme on dit, un endroit sûr pour discuter.
40:49 Ce qui est important, et merci de le relever, c'est dans l'extrait que vous avez passé sur la mère, la maman d'Océan, qui se sent la maman d'Océane.
40:59 Personne n'a tort, personne n'a raison.
41:02 Cette mère a le droit.
41:04 Moi, je suis pédiatre et il y a beaucoup de jeunes, maintenant, qui, dans la crise d'adolescence, dans cette surpuissance de la transition vers l'âge adulte,
41:13 qui se sentent comme ça, qui veulent tous devenir le contraire de ce qu'ils ont été, peut-être pour emmerder leurs parents aussi, des fois, parce qu'ils ne sont pas encore sûrs.
41:21 Ce n'est pas quelque chose qu'on décide du jour au lendemain ou qu'on sent comme ça.
41:24 Et donc, il ne faut pas non plus... Moi, j'étais touchée par ce que disait la mère, et il faut entendre aussi, elle a aussi difficile.
41:31 Et elle essaie de le faire respecter. Et elle est sûrement quelqu'un de bien.
41:34 Oui, oui, elle est super "shandy", comme je l'appelle.
41:37 C'est pour ça qu'Océan a mis cette tête, cet extrait du rush, et qu'en effet, il veut rassurer tout le monde en disant,
41:47 "Ce n'est pas parce que des gens entament un parcours de transition et qu'ils font leur coming out de personnes trans,
41:55 qu'ils envoient tout valdinguer et qu'ils veulent faire chier quoi que ce soit, c'est justement eux qui étaient très mal,
42:01 ou plutôt plus mal avant de faire leur coming out. Et donc, c'est une demande de respect mutuel.
42:08 C'est pour ça que je disais tout à l'heure sur les nouvelles guerres, c'est que les gens qui sont concernés parlent.
42:13 Et les gens qui ne sont pas concernés écoutent. En l'occurrence, chacun a le droit de prendre la parole.
42:19 Et il n'y a personne qui a tort ou raison dans les deux sens. Donc c'est ça qui m'importe, de travailler publiquement dans les sujets un peu sérieux que j'évoque.
42:31 Je tiens à préciser d'ailleurs que la série "Libre" n'est pas une série de leçons sur comment être une fille, comment être un garçon,
42:40 comment être les deux, comment être tout court. C'est une série vraiment qui insiste sur le fait de la liberté, précisément,
42:50 de pouvoir être qui on a envie d'être. Cette série, les deux saisons sont disponibles gratuitement sur arte.tv.
43:00 Merci d'être notamment venue en parler ce matin, Sophie-Marie Laroui. Merci à toutes et tous d'être venues en studio et d'avoir participé.
43:08 Cette série, je rappelle que vous l'avez écrite avec Ovidie et qu'on y entend notamment les voix de Lison Daniel, Émilie Mazoyer ou encore Jérémy Gillet.
43:16 Les images d'animation sont assurées par Jocelyn Rons.
43:20 * Extrait de "Libre" de Jocelyn Rons *
43:28 Lola Constantini, réaliste otémique et c'était avec Benjamin Troncin ce matin.
43:32 Périne Malin, je programme l'émission. Ilinkan Egoulesko assure la documentation avec Marius Series.
43:37 Et Jean-Baptiste Audibert signe la bande originale de l'émission lundi.
43:41 On accueille Albin Delassimone et d'ici là, souriez, c'est vendredi.