Bernard Lugan : "La France-Afrique n'existe pas ! C'est du fantasme !"

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Transcript

00:00 Sud Radio André Bercoff.

00:02 Bercoff dans tous ses états, ça balance pas mal sur Sud Radio.

00:07 Hier et avant hier, avec notre président bien-aimé, au Congo, Congo-Brazzaville, Congo-Kinshasa,

00:16 un peu partout, et il a raison, il a raison, vu les liens de la France avec l'Afrique,

00:22 il fallait qu'il y aille, ce n'est pas le problème qu'il n'y aille pas, au contraire,

00:26 au Gabon, au Congo, mais alors comment il y va ?

00:29 Alors d'un côté, très intéressant, parce que Emmanuel Macron quand même a dit un certain nombre de choses,

00:37 il a remis certaines pendules à l'heure, alors on lui reproche tout, tout le temps.

00:41 Vous savez, nous, ici, à Sud Radio, ici, dans l'émission, on n'est pas, on n'a pas,

00:47 quand on n'aime pas, on a des problèmes avec quelqu'un, on critique quelqu'un,

00:51 est-ce que ça veut dire qu'il faut le critiquer systématiquement ?

00:53 Cette espèce d'œillère à l'esque où on dit "ah ça, ce quelqu'un ne peut pas dire quelque chose d'intéressant,

01:02 ce n'est pas possible, puisque c'est Macron, il ne peut rien dire d'intéressant pour les anti-macroniens,

01:07 et les autres, puisque c'est Mélenchon, ce n'est que des bêtises, etc. etc. etc.

01:13 Comment voulez-vous avancer avec ces œillères, avec cette espèce de front bouvin qui ne voit rien d'autre ?

01:21 Alors, il a dit quoi à Félix Tshikessédi, le président du Congo, au Kinshasa ?

01:27 Eh bien, il s'est laissé aller Macron, et il a dit des choses que beaucoup pensent,

01:32 mais que aucun n'a dit avant lui, comme ça, en pleine conférence de presse.

01:37 Écoutez Emmanuel Macron.

01:39 "Et depuis 1994, et ce n'est pas la faute de la France, pardon de le dire dans des termes aussi crus,

01:44 vous n'avez pas été capable de restaurer la souveraineté,

01:47 ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative de votre pays, c'est une réalité.

01:50 Il ne faut pas chercher des coupables à l'extérieur de cette affaire."

01:54 Et donc, on en est dans cette situation qui a conduit à des drames absolus,

01:59 à cette deuxième guerre, à des millions de morts, qu'on ne doit pas oublier,

02:02 à la nécessité aussi, ce qui est une responsabilité qui doit se faire ici,

02:05 et ce n'est pas la France soudaute de le faire, de mettre en place une vraie justice,

02:09 une justice transitionnelle qui est la clé pour que celles et ceux qui parfois ont tué soient jugés.

02:14 Et parfois, ils évoluent encore, ils sont là, ils sont encore avec des responsabilités.

02:18 Comment voulez-vous qu'il y ait une paix durable et de la confiance dans un pays

02:22 quand la justice n'est pas passée ?

02:24 Ne demandez pas, n'accusez pas la France pour quelque chose qui dépend de vous, là.

02:27 C'est une réalité aussi.

02:29 Voilà, voilà. Et ce qu'en termes peu galants ces choses-là sont dites,

02:34 alors on lui propose comment vous êtes reçus par le président congolais,

02:39 mais après tout, on a le droit de parler.

02:42 D'ailleurs, Félix Tshisekedi, le président du Congo-Richesha, a répondu sur la France-Afrique

02:47 et que tout ça c'est fini, etc.

02:49 Et que ça ne peut plus fonctionner de la même façon, ces protocoles d'amitié et autres.

02:54 Et d'ailleurs, ce n'est pas le premier qui avait dit ça.

02:57 On l'a beaucoup dit, et notamment, je vais vous faire entendre un témoignage,

03:01 enfin une séquence, qui s'est passée le 8 octobre 2021 à Montpellier,

03:07 il y a plus d'un an et demi, au 28e sommet Afrique-France.

03:13 Ce qui pose bien, en tout cas, sinon le débat, du moins le malaise.

03:17 Elda Kohama, elle répondait, elle était face à Emmanuel Macron autour d'une table,

03:24 c'était une grande conférence, bien sûr, le sommet Afrique-France,

03:28 et voici ce qu'elle disait, écoutez.

03:31 Je vous propose de visualiser avec moi ceci.

03:35 Si la relation entre les pays d'Afrique et la France était une marmite,

03:42 sachez qu'elle est très sale, cette marmite.

03:46 Elle est sale, elle est sale de reconnaissance légère des actions commises,

03:51 elle est sale de corruption, elle est sale de non-transparence,

03:54 elle est sale de vocabulaire dévalorisant,

03:57 elle est sale, monsieur le Président.

04:00 Je vous invite à la recurer par des actions concrètes.

04:06 J'ai déjà proposé des actions, commencez, mes amis le feront aussi.

04:11 Si vous refusez de la laver, si vous voulez quand même préparer là-dedans,

04:20 je ne mangerai pas.

04:23 Nous ne mangerons pas, l'Afrique ne mangera plus.

04:29 L'Afrique ne mangera plus, et effectivement, entre Wagner et les Chinois,

04:34 on peut se poser la question à quelle sauce viendront les prochains plats.

04:39 Alors, intéressant, Bernard Lugan, bonjour.

04:42 - Bonjour.

04:43 - Bernard Lugan, on ne vous présente pas, vous êtes plus, en tout cas,

04:46 vous êtes un grand spécialiste de l'Afrique,

04:48 vous avez écrit une vingtaine d'ouvrages,

04:50 et on vous a toujours reçu avec intérêt et plaisir.

04:54 Alors, deux choses là-dedans.

04:56 La première, je voudrais que vous récitiez nos deux choses.

04:58 D'abord, la déclaration de Macron, l'interpellation du président du Congo-Kinshasa,

05:04 et puis un second, le problème de l'ex-France-Afrique,

05:09 alors, est-ce qu'il faut récurer la marmite, et quelle marmite, et comment ?

05:14 Bernard Lugan.

05:15 - Alors, commençons par l'incident diplomatique avec le président Tshisekedi.

05:20 Première chose, Macron a été contraint de réagir comme il a réagi.

05:25 Il ne pouvait pas se laisser humilier par cette séance qu'on lui proposait d'autofagélation.

05:32 - Donc, il a bien fait ? Pour vous, il a bien fait ?

05:35 - Oui, mais c'est une erreur en amont, l'erreur de ses conseillers,

05:41 ceux qui ont très mal préparé ce voyage,

05:43 parce qu'ils n'ont pas expliqué à Emmanuel Macron

05:46 qu'il arrivait dans un pays, le Congo-RDC, l'ancien Zahir,

05:52 un pays qui est traumatisé par l'invasion du Rwanda,

05:57 dans ses provinces du Kijou, à l'est du pays,

06:00 un pays qui considère que le Rwanda, la Grèce,

06:03 est un pays qui considère que la France soutient le Rwanda.

06:07 Parce que la France apparaît de plus en plus comme étant un ami du Rwanda.

06:11 Depuis le président Sarkozy, la France s'est couchée complètement

06:14 devant ce que dit Gagambe.

06:16 La France a mis sous l'oreiller le problème du procès

06:21 qui avait été fait pour l'attentat du président le 6 avril 2014,

06:25 dans lequel des Français étaient morts.

06:27 Donc pour l'opinion publique congolaise

06:30 et pour une grande partie de l'opinion africaine,

06:32 la France ferme les yeux sur ce qui se passe au Kijou.

06:36 Donc quand Siseleki a attaqué Macron,

06:40 Macron a été forcément obligé de répliquer.

06:43 Mais si le conseiller de Macron avait préparé le voyage,

06:46 connaissait le terrain et avait préparé le voyage en amont,

06:49 il n'aurait pas été obligé de procéder à ce qui est un incident diplomatique.

06:53 Mais c'est une vérité tout de même.

06:55 On peut simplement regretter que le président Macron

06:58 n'ait pas la même gérilité vis-à-vis de la jury par exemple.

07:02 - Oui, mais en fait, vous dites que ces propos, quand même,

07:06 ils étaient frappés au coin du constat de bon sens, quelque part.

07:10 - Oui, oui et non. Oui et non.

07:13 Macron a été acculé. Il a fallu qu'il réagisse et il a réagi avec ses tripes.

07:17 Mais toute l'erreur vient de ses conseillers

07:20 qui n'ont pas préparé le voyage,

07:22 qui n'ont pas expliqué dans quel contexte il arrivait.

07:25 Parce que pour les Congolais

07:28 qui subissent une invasion d'une partie de leur territoire,

07:32 tous ceux qui sont pour ou contre le GRM,

07:36 tous ceux qui soutiennent officiellement ou non le GRM,

07:39 sont considérés comme des ennemis.

07:41 Donc c'est un manque de préparation,

07:43 un manque de professionnalisme au départ.

07:45 - Et alors, l'amarmite a récuré.

07:48 - C'est trop drôle. L'amarmite, c'est trop drôle.

07:51 Vous savez, là, le président s'est livré à un exercice avec la jeunesse

07:58 qui, là encore, n'aurait pas dû être autorisé par ses conseillers.

08:02 Parce qu'à partir du moment où l'on a affaire à une foule

08:06 qui s'auto-excite et qui se saoule de ses propres paroles,

08:10 l'on n'est plus dans le raisonnable.

08:12 L'on est dans la pièce de théâtre et dans la pantalonnade.

08:15 Alors le problème de la France interfice,

08:18 c'est un autre problème, nous en avions parlé déjà chez vous.

08:21 La France-Afrique, pour moi, n'existe pas.

08:24 Pour une raison très simple, c'est que le franc CFA et la zone CFA,

08:29 la France n'a que 11% des activités commerciales dans ce qui était la zone CFA.

08:35 L'Afrique au sud du Sahara représente à peine 1% du commerce extérieur français.

08:42 Donc tout ça, c'est du fantasme.

08:44 - Donc ça n'existe plus.

08:46 Donc la marmite à récurer, ce n'est plus la tâche des français de récurer la marmite.

08:51 - Je crois que la marmite qu'il faudrait récurer,

08:55 c'est la marmite des ONG françaises

08:58 qui systématiquement sabotent toute la politique française en Afrique

09:03 en attaquant les présidents et leurs familles

09:05 avec cette fumisserie des biens mal acquis.

09:09 Il faudrait bien savoir qui est derrière ces ONG

09:13 qui nous font reculer tous les jours notre influence en Afrique.

09:17 - Merci Bernard Lugand, merci.

09:19 On va reparler de votre livre, de votre dernier livre d'ici deux semaines.

09:24 Et en attendant, écoutez, bon vent.

09:27 - Merci.

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