• il y a 2 ans
Macron a-t-il prononcé son grand discours sur l’Afrique ? Ce lundi 27 février, le président français a annoncé un nouveau cap pour la politique africaine de Paris. Il a promis de faire preuve de plus « d’humilité » et a annoncé une présence militaire française moins visible dans les pays d’Afrique francophone. Mais derrière les beaux mots, les promesses gonflées de figures de style, y a-t-il une once de sincérité chez Emmanuel Macron ? Car au niveau des annonces concrètes, c’est le désert de Gobi.

En effet, le président français n’a pas annoncé la fermeture des quatre bases militaires permanentes en Afrique (Dakar, Abidjan, Libreville et Djibouti), comme cela avait été un temps envisagé. Macron a simplement promis une réduction d’effectifs dans ces bases, et une plus grande implication des armées africaines. Il n’a également pas fait d’annonce sur les soldats français encore présents au Sahel, qui sont appelés à rester au Niger ou Tchad. D’ailleurs, Macron s’inscrit dans la plus pure tradition de la Françafrique, en faisant une tournée dès mercredi au Gabon ou encore au Congo-Brazzaville, des dictatures soutenues de longue date par l’Elysée.
Dans sa nouvelle carte blanche, notre journaliste Thomas Dietrich démonte le discours de Macron sur l’Afrique, un discours qui restera sans doute sans lendemains concrets.

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Transcription
00:00 C'est quand même pas la faute des russes si sur le perron de l'Elysée,
00:02 les présidences successives de Nicolas Sarkozy, François Hollande, Emmanuel Macron
00:06 ont reçu tous les dictateurs que ce continent a pu compter.
00:10 Je vais pas faire la liste mais quand même,
00:12 Paul Billet au Cameroun, Ismaël Omar Ghele, Ady Bouti, Fornia Simbe au Togo,
00:17 et tous les gens que j'ai cités tout à l'heure.
00:19 Non seulement ces gens-là on les a reçus,
00:21 on a serré leurs mains tachées de sang,
00:23 mais on les a épaulés, on les a aidés,
00:25 on leur a donné de l'aide au développement qu'ils se sont mis d'ailleurs dans leur poche
00:28 et qui n'ont jamais servi au développement de leur pays.
00:31 On les a appuyés militairement avec la présence de nos troupes,
00:34 nos entreprises ont signé de gros contrats avec eux
00:37 et on les a essayés de tuer, violer, réprimer.
00:40 C'est quand même pas la faute des russes si certains pays comme la Centrafrique
00:44 ont été déstabilisés en 2013 avec l'aide de la France,
00:47 juste parce que le président de l'époque, François Bézé,
00:50 avait décidé de donner l'uranium chinois et pas à notre entreprise française, Areva.
00:55 Ce n'est quand même pas la faute des russes si depuis des années,
00:57 on a cessé d'être le pays des droits de l'homme pour être le pays du droit le plus fort.
01:01 Bonsoir Thomas.
01:08 Bonsoir Nadia.
01:09 Alors Emmanuel Macron vient de faire il y a quelques minutes un grand discours sur l'Afrique.
01:13 Tu as suivi ce discours, quels enseignements peut-on en tirer ?
01:17 C'est qu'Emmanuel Macron il aime beaucoup parler, il aime faire des grands discours,
01:20 c'est un peu André Malraux de Ouiche.
01:22 Et là il veut marquer l'histoire, son objectif c'est bien sûr,
01:25 on le sait, un peu secret, de devenir prix Nobel, d'avoir un jour le prix Nobel de la paix.
01:30 Et là le problème qu'a Emmanuel Macron, c'est que la France en ce moment fait face à
01:34 une sorte de déclin, une perte d'influence en Afrique,
01:36 notamment parce qu'elle a été incapable d'endiguer le terrorisme au Sahel.
01:39 Et puis elle est chassée de certains pays dont les pouvoirs ne sont plus d'accord avec elle.
01:44 Notamment la France a été chassée du Mali en août dernier.
01:47 Elle a été contrainte de partir il y a quelques jours du Burkina Faso,
01:50 de retirer ses forces spéciales parce que le nouvel homme fort du Burkina,
01:54 Ibrahim Traoré, a rompu les accords de coopération militaire entre la France et le Burkina.
01:58 Donc Emmanuel Macron, un peu acculé, essaye de nous faire un discours dont il a le secret.
02:04 Alors ça nous tirerait peut-être une petite larme.
02:08 La France-Afrique c'est fini, le néocolonialisme c'est fini,
02:10 donc il a décidé ça tout seul, entre Midi et deux, entre le camembert et le Kinder Pingui,
02:16 il a décidé sans consulter peut-être les principaux intéressés qui sont les Africains eux-mêmes,
02:20 on l'écoute.
02:22 Nous clôturons un cycle de notre histoire en Afrique,
02:26 et un cycle qui a été marqué, à mes yeux, par deux choses que nous allons bousculer.
02:33 Marqué par, au fond, d'abord la centralité de la question sécuritaire et militaire,
02:40 et la prééminence du sécuritaire comme cadre de tout.
02:44 Et cette prééminence, le rôle qu'elle a continué d'avoir,
02:47 on le voit bien, a été une ombre portée encore une fois ces dernières années,
02:50 où un prétexte utilisé par beaucoup de nos opposants,
02:53 ou de celles et ceux qui voulaient pousser leur propre propagande,
02:59 pour dire au fond, la France est là, et n'a qu'un agenda sécuritaire.
03:03 Et puis nous allons, et donc l'objectif pour moi de cette phase dans laquelle nous rentrons,
03:08 de cette nouvelle ère,
03:09 est de déployer sous forme partenariale notre présence sécuritaire,
03:14 pour qu'elle s'insère dans ce nouveau partenariat.
03:17 Et je remercie le ministre des Armées et le chef d'état-major des Armées
03:21 du travail fait ces derniers mois pour véritablement penser,
03:25 préparer ce nouveau partenariat sécuritaire, je vais y revenir.
03:29 Et le deuxième grand changement que nous allons faire,
03:31 c'est passer d'une logique d'aide,
03:34 à une logique d'investissement solidaire et partenarial.
03:37 Donc c'est donc ça le grand discours d'Emmanuel Macron sur l'Afrique.
03:42 C'est stupéfiant de blabla, de novlangue macroniste,
03:45 le développement partenarial, enfin voilà, c'est vraiment...
03:50 Et alors il y a des phrases qui sont quand même assez stupéfiantes,
03:51 c'est pas dans l'extrait, il parle, il dit "la terre africaine est tout,
03:55 sauf une terre de résignation et d'angoisse, c'est une terre d'optimisme".
03:58 On a l'impression de lire une revue colonialiste du 19e siècle.
04:01 Ça fait quand même penser, dans une moindre mesure,
04:03 au grand discours qu'avait prononcé Nicolas Sarkozy en 2007 à Dakar,
04:07 au discours honteux où Nicolas Sarkozy avait dit
04:10 que l'homme africain n'était pas entré dans l'histoire.
04:12 Alors sur la forme déjà, en fait, Emmanuel Macron va entamer
04:15 dans quelques jours, mercredi, une tournée en Afrique.
04:17 Il va se rendre au Gabon, au Congo-Brazzaville,
04:19 en République démocratique du Congo et en Angola.
04:22 Et ce discours-là d'annonce de fixation de cap de sa politique africaine,
04:27 il aurait dû le faire en Afrique.
04:29 Sauf qu'il y avait quand même un petit hic,
04:31 c'est que les pays qu'il va visiter,
04:33 c'est pas franchement des super démocraties.
04:36 Par exemple, Gabon, qui est le pilier de la France-Afrique depuis 1967,
04:40 c'était la prise du pouvoir d'Omar Bongo,
04:42 qui aujourd'hui a été remplacé par son fils,
04:44 le Congo-Brazzaville aussi, où il y a un dictateur sanguinaire,
04:47 Denis Sassoun Guesso, qui est à la tête de ce pays
04:49 et qui est soutenu depuis des lustres par la France.
04:51 Donc moi, je pense que ça l'aurait fait un peu mal
04:53 s'il avait annoncé, entre guillemets, la fin de la France-Afrique,
04:56 même s'il n'a pas dit comme ça.
04:58 En tout cas, s'il avait dit qu'il fallait faire preuve de plus d'humilité
05:00 dans nos relations avec la France et l'Afrique,
05:02 depuis des capitales qui sont quand même les symboles de la France-Afrique.
05:06 – Et sur le fond, est-ce qu'il y a du nouveau qui a été annoncé lors de ce discours ?
05:09 – Alors, c'est vraiment de la poudre de Perlimpope,
05:11 pour employer les expressions d'Emmanuel Macron.
05:14 Emmanuel Macron nous a fait un grand discours sur l'humilité,
05:17 sur le partenariat renouvelé, mais sur le fond,
05:20 ça fait penser à la phrase de L'embedousant dans le guépard,
05:22 il faut que tout change pour que rien ne change.
05:25 Parce que niveau annonce concrète, moi j'ai écouté le discours,
05:27 ça a duré une trentaine, quarantaine de minutes,
05:29 plus les questions des journalistes.
05:31 C'est vraiment, il n'y a zéro annonce concrète, c'est le désert de Gobi.
05:34 À un moment, il m'a fait rire, il a dit un truc, il dit
05:37 "Nous ne sommes un pays qui considère que les putschs
05:39 ne seront jamais des alternances démocratiques".
05:41 Et là, je me suis dit "mais c'est toi Macron qui a dit ça ?"
05:43 Parce que je me souviens qu'en avril 2021, c'est pas si vieux,
05:47 quand Idriss Déby, le président tchadien, fidèle ami de la France, est mort,
05:52 et que son fils lui a succédé lors d'un putsch,
05:55 Emmanuel Macron n'a pas condamné, au contraire, il est allé se précipiter
05:58 à N'Djaména, à douber cette violation de la constitution tchadienne
06:02 au mépris de la souveraineté du peuple tchadien.
06:04 Alors peut-être que c'était son frère jumeau à ce moment-là, j'en sais rien.
06:07 - Son hologramme.
06:07 - Mais en tout cas, au-delà du wishful thinking,
06:10 tout va changer, tout va être merveilleux, vous savez,
06:12 on va reconstruire la relation entre la France et l'Afrique.
06:15 D'ailleurs, c'est le propre de tous les présidents français,
06:18 depuis des décennies au moins, depuis Nicolas Sarkozy, François Hollande,
06:22 je les ai tous entendus depuis des années que je suis,
06:24 les relations entre la France et l'Afrique, dire "vous savez, la France-Afrique,
06:26 c'est fini, on va tout remettre à plat", et en fait, tout a continué comme avant.
06:31 Et Emmanuel Macron a raté une occasion d'arrêter l'hémorragie
06:36 et vraiment de mettre fin à tout ce qui peut représenter
06:39 la domination post-coloniale française en Afrique,
06:42 notamment sur la question militaire.
06:44 On attendait un grand discours sur la refondation militaire,
06:47 peut-être on parlait de la fermeture des quatre bases permanentes françaises
06:52 qui sont situées à Abidjan, en Côte d'Ivoire, à Libreville, au Gabon,
06:55 à Djibouti, à Djibouti, et à Dakar, au Sénégal.
06:59 Il y avait eu des débats en interne, c'est-à-dire que le quai d'Orsay
07:03 et le conseiller afrique d'Emmanuel Macron, que Franck Paris,
07:05 sont beaucoup poussés pour qu'au moins les bases d'Abidjan et Dakar soient fermées.
07:09 Ça aurait été un symbole finalement du départ de l'armée française,
07:11 de cette France qui ne veut plus s'ingérer dans les affaires des pays africains.
07:15 Mais finalement, les militaires l'ont emportée et ont réussi à maintenir ces bases.
07:19 Alors, on l'habille de tout un enfumage, on dit, Emmanuel Macron a dit "vous savez,
07:23 ça va plus être vraiment des bases, on va faire de la co-construction",
07:27 c'est encore un vocabulaire macroniste, "avec les pays africains, ils vont être dans les bases,
07:33 et on va leur demander s'ils sont d'accord qu'on reste".
07:35 Mais ces pays-là, je parle notamment de la Côte d'Ivoire,
07:38 où le président Alassane Ouattara était installé par Paris,
07:41 on se souvient en 2011, c'était Nicolas Sarkozy qui avait poussé
07:44 pour que Laurent Gbagbo soit renversé et Alassane Ouattara soit installé,
07:47 au Sénégal, où Macky Sall ne rêve que de changer la constitution
07:50 et de faire un troisième mandat en 2024, et compte pour ça sur le soutien,
07:55 en tout cas l'indifférence complice de la France, ces présidents-là,
07:58 ils ont besoin de Paris, donc forcément, ils vont être d'accord que les militaires français restent,
08:02 il n'y a rien qui va changer, même si les peuples, eux, ne sont pas d'accord.
08:05 Et au-delà de ces quatre bases permanentes qui représentent une petite partie du dispositif,
08:10 il y a la question du Sahel, je le disais tout à l'heure, la France est obligée de se redéployer,
08:14 parce que elle est dos au mur, elle a été chassée du Mali après 9 ans de présence
08:18 par le pouvoir malien qui s'est rapproché des Russes, elle a été chassée du Burkina,
08:22 elle a même été chassée de la Centrafrique, les derniers soldats français en Centrafrique sont partis l'année dernière,
08:28 et c'était quand même un symbole de ce pays, la Centrafrique qui a longtemps été une emprise française,
08:32 quasiment un département où la France faisait ce qu'elle veut, on se souvient de l'empereur Bokassa.
08:36 Finalement, la France est obligée de se réinventer, et qu'est-ce qu'elle fait ?
08:40 Elle cherche désespérément des points de chute, c'est comme quand on met quelqu'un à la porte,
08:45 il essaie désespérément de revenir par la fenêtre, alors on se cherche des nouveaux ancrages.
08:49 Là, ce qui se passe, c'est qu'on est en train de tout concentrer sur le Niger,
08:53 où le président Mohamed Bazoum est un de nos alliés, d'ailleurs les forces spéciales qui partent du Burkina
08:56 vont être pour partie réimplantées au Niger dans la région de Thiaberie,
09:00 on continue à maintenir une présence au Tchad, on peut compter sur la dynastie des Bys,
09:06 et puis c'est assez marrant, on se cherche vraiment des nouveaux amis,
09:11 je pense notamment à la Guinée où on a renforcé notre coopération militaire,
09:15 et au Bénin aussi, où je me suis rendu récemment pour enquêter sur la présence de militaires français dans le Nord,
09:21 qui sont officiellement présentés comme des instructeurs.
09:23 Oui, on va parler justement de la présence militaire française,
09:26 tu es parti au Nord du Bénin au mois de janvier pour enquêter sur la présence des soldats français sur place,
09:32 en pleine zone d'attaque djihadiste, tu as rapporté ce reportage, dont on regarde un petit extrait assez drôle.
09:38 On a sorti nos téléphones portables et on a fait comme des millions d'humains sur cette terre,
09:44 on a cherché l'amour sur des applications géolocalisées.
09:47 On fait installer, il va falloir que je la désinstalle après, sinon ma femme va m'engueuler, elle va croire que c'est pour autre chose.
09:54 Alors, on va créer un profil, on va dire un profil féminin, je veux voir des hommes, vas-y continue.
10:02 Continue, là je vois des photos d'un, quelqu'un qui a l'air d'être français,
10:08 passionné par le ski, par la randonnée, par le crossfit, et qui est à moins d'un kilomètre.
10:12 C'est vrai qu'ici, à l'hôtel, on a quelques centaines de mètres de la base française, ça pourrait coller.
10:19 Alors là, il y a Benoît, 23 ans.
10:23 En gros, pour faire simple, il veut faire l'amour, pas la guerre.
10:26 Non, mais l'un n'empêche pas l'autre, j'ai toujours fait les deux, et jusqu'à présent, je n'ai jamais eu aucune plainte.
10:31 Alors, Alex, 33 ans, il a un pantalon très militaire, c'est quand même intéressant.
10:36 On a trouvé trois profils de français qui sont dans la zone et qui ont l'air d'avoir une appétence particulière
10:41 pour le sport et les habits kaki.
10:43 Ils ont l'air quand même tous assez jeunes pour des instructeurs.
10:48 C'est assez marrant parce qu'il a même un Snapchat, avec activités récentes.
11:07 Ce qui est un peu surprenant dans cette histoire, c'est que les instructeurs,
11:10 en général, on nous a dit qu'ils sont 30, 40, 50 ans.
11:14 Et puis là, ils ont un peu de bouteille aussi, parce qu'aller sur un terrain aussi compliqué en Afrique,
11:19 c'est même pas simple.
11:20 Là, tu as quand même des gens très jeunes, 23, 25 ans.
11:22 Alors, ce n'est pas une preuve définitive, une absolue, mais quand même, ça pose des questions.
11:26 Et ça pose aussi des questions qu'ils soient sur Snapchat, visibles par tout le monde.
11:32 – Alors, au-delà de la blague et du fait que ça soit quand même assez inquiétant
11:35 qu'il y ait des militaires français qui se retrouvent sur les réseaux sociaux
11:38 et notamment sur Tinder, moi, je me suis rendu au Bénin avec deux collègues journalistes
11:44 pour essayer de comprendre ce que font les Français là-bas.
11:47 Puisque le Bénin, c'est un pays qui a longtemps, très longtemps été en paix
11:50 et qui depuis 2019, subit des attaques jihadistes dans le Nord.
11:53 Il y a des parcs naturels qui, autrefois, accueillaient des touristes
11:56 qui sont aujourd'hui la cible des terroristes,
11:59 qui les utilisent comme des bazariers et qui mènent des attaques
12:02 contre les forces armées béninoises.
12:04 Et donc, les militaires français sont là, on sait que ça fait plusieurs mois qu'ils sont là
12:07 et ils se présentent officiellement comme des instructeurs.
12:11 Mais on sait qu'à plusieurs reprises, dans l'histoire des relations entre la France et l'Afrique,
12:14 la France n'a pas toujours été très claire vis-à-vis de la réelle mission de ces soldats sur place.
12:20 Par exemple, quand les forces spéciales qui ont été chassées du Burkina Faso
12:23 se sont installées au Burkina Faso, pendant des années, on a dit non, non,
12:25 mais vous savez, il n'y a pas de militaires français, ou alors ce sont des instructeurs.
12:28 Et alors, nous, on a décidé d'aller sur place et de parler.
12:31 Et quand on parlait à des gens, les gens nous disaient,
12:33 ben oui, effectivement, ces soldats français interviennent sur le terrain,
12:36 ne font pas que de la formation, interviennent directement au contact des djihadistes.
12:41 Alors, l'état-major a continué à nier.
12:43 Et ce n'est pas forcément mal que la France intervienne contre les djihadistes,
12:46 mais il y a un vrai problème démocratique.
12:48 Est-ce que la population béninoise veut que l'armée française intervienne sur son sol ?
12:53 Est-ce que nous, Français, on est d'accord pour que des militaires français
12:56 aillent lutter au Bénin contre les djihadistes ?
13:00 Ça pose un vrai problème démocratique, et ça pose un vrai problème d'une arrogance,
13:03 d'une France qui pense n'avoir de comptes à rendre à personne.
13:06 Et en fait, finalement, ce qui se passe au Bénin, c'est assez symbolique du déclin de la France.
13:11 J'en parlais de l'influence française en Afrique.
13:13 J'en parlais tout à l'heure de cette France qui se cherche désespérément des amis.
13:16 Et là, elle en a trouvé avec le président béninois,
13:19 un président assez autoritaire qui s'appelle Patrice Talon.
13:22 Et c'est aussi symbolique de ce monde finissant et de cette inversion des rapports de force.
13:26 C'est-à-dire pendant très longtemps, la France a décidé, pour les pays africains,
13:30 la France était quasiment le tuteur des présidents africains,
13:33 des potentats africains qu'elle mettait au pouvoir.
13:35 Et là, il y a une inversion du rapport de force.
13:37 Comme aujourd'hui, il y a de nouveaux acteurs qui entrent en jeu,
13:40 qui apportent leur aide, même si elle n'est pas désintéressée,
13:43 que ce soit la Russie, la Turquie, la Chine, etc., ou même d'autres acteurs africains,
13:47 les présidents en jouent.
13:49 Ce qui s'est passé, par exemple, au Cameroun l'année dernière,
13:52 c'est-à-dire Paul Biya, 89 ans, qui règne sur le Cameroun depuis 40 ans,
13:58 veut installer son fils Franck au pouvoir.
14:01 Et puis Paris lui a dit "bon, c'est quand même un peu gros,
14:02 les successions dynastiques, il faudrait qu'on arrête".
14:04 Il a dit "ok, pas de problème,
14:05 bon, moi, je vais renouveler l'accord de coopération militaire avec la Russie".
14:09 Et qu'est-ce qui s'est passé ?
14:10 Tout d'un coup, le conseil afrique d'Emmanuel Macron s'est précipité ventre à terre à Yaoundé,
14:14 et Emmanuel Macron est venu quelques mois plus tard en serrant la paluche à Franck
14:18 et en l'adoubant de manière plus ou moins officieuse.
14:21 Et là, au Bénin, c'est pareil.
14:22 Patrice Talon, il a fait un coup qui est assez génial.
14:24 Il a dit, il y a quelques mois, "bon, vous savez,
14:26 j'ai signé un accord de coopération avec les Rwandais,
14:28 qui vont venir nous aider à lutter contre le terrorisme".
14:31 Rwandais, c'est pourtant une armée plutôt expérimentée.
14:34 Et dans le Nord, on est allé, on n'a jamais vu l'armée rwandaise.
14:37 Mais ça a forcé les Français, qui étaient quelque peu réticents,
14:40 à apporter encore plus d'aide à l'armée béninoise.
14:43 Notamment, la France renaclait à livrer de l'équipement et des armes.
14:48 Et bien là, ils ont livré des véhicules blindés il y a quelques jours.
14:51 Donc finalement, les présidents africains ont renversé le rapport de domination.
14:54 Et c'est assez marrant.
14:56 Au-delà de la question qui se pose sur la présence des militaires français
14:59 au nord du Bénin, ce qu'on a constaté, mais ce qu'on n'a pas pu filmer,
15:02 c'est que dans la même ville de Kandy, là où se trouvaient les militaires français,
15:06 on est tombé sur des Russes.
15:09 Il y avait visiblement une soixantaine de Russes,
15:12 je ne sais pas s'il faut les qualifier de mercenaires ou pas,
15:14 qui étaient gardés par l'armée béninoise et qui montaient dans les parcs
15:18 pour aller combattre les djihadistes avec l'armée béninoise.
15:21 Donc c'était assez savoureux quand on sait la compétition qui règne
15:25 entre la France et la Russie, de voir dans la même ville,
15:28 d'un côté une base béninoise avec des militaires français à l'intérieur
15:31 dont on ne sait pas trop ce qu'ils font,
15:33 si ce sont vraiment des instructeurs ou si ce sont des opérationnels.
15:35 Et à côté, des Russes, ça montre bien que voilà.
15:38 Et c'est encore accentué avec la guerre en Ukraine, finalement.
15:41 Cette compétition impérialiste permet à des dictateurs de tirer leur épingle du jeu.
15:46 Et d'ailleurs, dans son discours, Emmanuel Macron parle de l'arrivée des Russes
15:49 dans le précaré français. On regarde.
15:52 Je suis convaincu que le moment est venu de faire un choix
15:55 et de savoir quel rapport nous voulons entretenir avec les pays africains.
16:00 Et au fond, quand j'essaie de suivre l'actualité, ce qui m'arrive,
16:05 et de lire la qualification du moment que nous sommes en train de vivre,
16:09 qui est très clairement un entre deux,
16:11 parce que nous héritons de beaucoup de difficultés historiques
16:14 et nous sommes dans un moment de transition sans avoir pleinement réalisé,
16:18 je vais y revenir, le début de la transition commencée.
16:22 Au fond, beaucoup voudraient nous inciter à rentrer dans une compétition.
16:25 C'est la première voie.
16:27 Une compétition que je considère pour ma part anachronique.
16:30 C'est le piège qui consisterait à répondre à l'injonction de puissance
16:33 ou à l'appel de démonstration de force.
16:36 Regardez, certains arrivent avec leurs armées ou leurs mercenaires ici et là.
16:42 Plongez-y, vous Français, c'est là que vous êtes attendus.
16:44 C'est le rôle qui est le vôtre.
16:46 Allez faire la compétition avec eux.
16:48 Vous êtes attendus là.
16:49 Je ne le crois pas.
16:51 C'est le confort des grilles de lecture du passé,
16:53 mesurant notre influence au nombre de nos opérations militaires,
16:57 où nous satisfaire de liens privilégiés et exclusifs avec des dirigeants,
17:00 où considérer que des marchés économiques nous reviennent de droit
17:03 parce que nous étions là avant,
17:06 où jouer des coudes pour nous placer seuls au centre du jeu.
17:10 Alors c'est toujours très beau, on a envie de verser une petite larme,
17:13 on se dit mais quelle sagesse.
17:15 Sauf que j'ai regardé toute l'intervention d'Emmanuel Macron.
17:18 Après, il y a eu question des journalistes.
17:19 Donc pendant son discours, il a dit non, non, mais moi, je ne suis pas dans la compétition.
17:22 Il n'a pas parlé des Russes nommément.
17:25 Et puis une journaliste, je crois que c'était l'agence France Presse,
17:27 lui pose la question et lui dit bon, vous pensez quoi de Wagner ?
17:30 Alors là, le diable est sorti de sa boîte.
17:32 La naturelle est revenue au galop.
17:33 Il dit c'est une organisation criminelle.
17:35 Ce qui est vrai, c'est l'assurance vie des poutchistes en Afrique.
17:38 J'ai regardé, je me suis dit oui, sans doute.
17:41 Mais nous, ça fait quand même 60 ans qu'on est l'assurance vie des poutchistes
17:43 partout au Togo, au Tchad, au Congo,
17:45 qu'on a parrainé des coups d'État au détriment de la souveraineté des peuples.
17:48 Alors Macron fait amende honorable en façade
17:51 parce qu'on n'a plus vraiment les moyens de notre puissance.
17:54 On est devenu une puissance moyenne, voire une puissance médiocre.
17:57 Et on est bien obligé de composer avec le sentiment
18:00 contre la politique française qui se fait jour
18:02 dans la quasi totalité de l'Afrique dite francophone.
18:04 C'est à dire les gens ont soif de souveraineté,
18:06 ont envie que la France parte
18:08 et que les pays africains puissent se développer par eux-mêmes.
18:12 Alors, il n'y a pas de quoi se réjouir de l'arrivée,
18:15 par exemple, des mercenaires de Wagner au Mali.
18:17 Rien n'a changé dans la lutte contre le terrorisme.
18:19 Et le gouvernement malien qui est soutenu par Wagner
18:22 met toujours en prison les opposants.
18:23 Mais quand même, je pense qu'il faudrait faire preuve d'humilité,
18:27 comme dirait Emmanuel Macron, et puis balayer devant notre porte.
18:30 Parce que ce n'est quand même pas de la faute des Russes
18:32 si Nicolas Sarkozy a déstabilisé pour des raisons obscures la Libye
18:37 et cette déstabilisation a créé le chaos
18:39 qui a engendré le terrorisme au Sahel.
18:41 Ce n'est quand même pas la faute des Russes
18:42 si pendant neuf ans de présence militaire massive
18:45 avec des milliards d'euros injectés,
18:46 des milliers d'hommes déployés et certains de nos soldats sont morts,
18:50 on n'a pas été capable de vaincre le terrorisme au Sahel.
18:52 Et pourquoi ?
18:54 Parce qu'on a justement préféré soutenir des dictateurs
18:57 comme Idriss Déby au Tchad ou des rois fainéants
18:59 comme Ibrahim Boubacar Keïta au Mali
19:01 qui ont préféré faire tirer sur leurs opposants
19:03 plutôt que de faire vivre leur peuple.
19:05 Et c'est justement s'ils avaient développé leur pays
19:07 qu'on aurait pu faire reculer les terroristes
19:09 parce que le terrorisme se nourrit de la misère.
19:12 Ce n'est quand même pas la faute des Russes
19:13 si sur le perron de l'Elysée,
19:15 les présidences successives de Nicolas Sarkozy,
19:17 François Hollande, Emmanuel Macron
19:19 ont reçu tous les dictateurs que ce continent a pu compter.
19:23 Je ne vais pas faire la liste mais quand même
19:25 Paul Billet au Cameroun, Ismail Omar Ghele,
19:27 Ady Bouti, Fornia Simbe au Togo
19:29 et tous les gens que j'ai cités tout à l'heure.
19:32 Non seulement ces gens-là on les a reçus,
19:34 on a serré leurs mains tachées de sang
19:36 mais on les a épaulés, on les a aidés,
19:38 on leur a donné de l'aide au développement
19:39 qu'ils se sont mis d'ailleurs dans leurs poches
19:41 et qui n'ont jamais servi au développement de leur pays.
19:44 On les a appuyés militairement avec la présence de nos troupes,
19:47 nos entreprises ont signé de gros contrats avec eux
19:50 et on les a essayés tuer, violer, réprimer.
19:53 Ce n'est quand même pas la faute des Russes
19:54 si certains pays comme la Centrafrique
19:56 ont été déstabilisés en 2013 avec l'aide de la France
20:00 juste parce que le président de l'époque,
20:02 François Boussier avait décidé de donner l'uranium chinois
20:05 et pas à notre entreprise française Areva.
20:08 Ce n'est quand même pas la faute des Russes
20:09 si depuis des années on a cessé d'être le pays des droits de l'homme
20:12 pour être le pays du droit le plus fort.
20:14 Alors moi je trouve que c'est bien qu'Emmanuel Macron
20:16 parle d'humilité mais tout ça ce sont que des mots,
20:18 qu'il annonce un changement mais tout ça encore ce sont que des mots
20:21 parce que ce qui est sidérant c'est qu'il n'y a pas un mot de regret,
20:24 pas un mot de pardon.
20:25 Moi je pense que pour regarder sereinement l'avenir
20:27 et pour prétendre à ce que les Africains
20:30 nous accordent une nouvelle chance
20:31 et nous laissent construire un partenariat équitable,
20:33 on devrait réparer le passé,
20:35 on devrait faire la paix avec le passé,
20:37 on devrait demander pardon
20:38 et ça, ça n'a absolument pas été fait dans le discours de Macron.
20:41 D'ailleurs bien loin de rompre avec la France-Afrique,
20:43 Emmanuel Macron semble vouloir perpétuer cette tradition
20:46 en se rendant notamment à partir de mercredi
20:49 au Gabon et au Congo, Bras-à-Ville.
20:51 Ah ben ça c'est assez extraordinaire parce qu'il dit
20:54 qu'on va mettre fin à une relation de domination et de prédation
20:57 mais la première chose qu'il fait deux jours plus tard
20:59 c'est d'aller visiter tous les tout-encamons de la France-Afrique.
21:02 Il va commencer par Ali Bongo au Gabon
21:06 qui a été victime d'un AVC qui ne gère plus tellement le pays
21:09 mais c'est sa famille qui gère, qui est au pouvoir depuis 1967
21:12 et qui surtout a tué en 2016,
21:15 c'était son opposant qui avait gagné les élections présidentielles
21:18 et Ali Bongo a fait lancer un assaut sur le QG du principal opposant
21:21 qui s'appelait Jean Ping et faisant des dizaines de morts.
21:24 Mais Emmanuel Macron va là-bas, va parler de forêt,
21:28 il va à un sommet sur les forêts alors effectivement c'est très important
21:32 mais ça n'enlèvera pas les relations qui existent entre la France et le Gabon
21:36 et à mon avis elles ne se limitent pas à la question des forêts.
21:39 On se souvient notamment que le Gabon c'est le cœur de la France-Afrique,
21:42 du président Omar Bongo qui arrivait à Paris avec des sacs de billets
21:45 remplis d'argent pour les distribuer à la classe politique française,
21:48 de ces sociétés françaises qui ont aidé le régime à réprimer des opposants.
21:53 D'ailleurs si vous regardez on a actuellement toujours un ancien militaire français
21:56 qui s'appelle Jean-Charles Solon qui est à la tête du service d'écoute
21:59 de la présidence gabonaise et puis nos entreprises comme Total
22:03 qui ont signé des contrats avec le Gabon lui permettant d'acquérir
22:06 ce qu'on appelle les bien mal acquis en France, un des somptueux hôtels particuliers.
22:10 On a la mafia Corse avec Michel Thomy qui longtemps a blanchi de l'argent au Gabon
22:14 et Macron n'en parle absolument pas.
22:15 D'ailleurs il y a une question à un moment qui lui est posée,
22:17 vous allez là-bas, il va y avoir une élection présidentielle au Gabon en 2023,
22:21 il y a des opposants, des syndicalistes qui sont arrêtés, qui sont en prison.
22:24 Il dit non mais moi je viens parler des forêts et alors au Congo c'est pas mieux,
22:27 c'est pas les forêts du coup, il va faire un déplacement attention de culture et de mémoire.
22:31 Mais surtout il va aller voir un des Baobabs de la France afrique qui s'appelle Denis Sassoun Guesso
22:37 qui est au pouvoir depuis 1979 avec une petite éclipse dans les années 90
22:41 et qui lui a vraiment du sang sur les mains depuis la guerre civile des années 90
22:45 et puis même la révolte réprimée en 2016 et 2017 dans la région du Poul
22:49 et puis il y a des liens très forts de corruption entre Brazzaville et Paris,
22:53 vous parliez de l'affaire des biens marquis, on a l'impression que toute la classe politique française
22:55 a défilé à Brazzaville, je pense de manière pas tout à fait désintéressée,
22:59 Strauss-Kahn qui prodiguait des conseils à Sassoun Guesso, des conseils rémunérés,
23:03 Nicolas Sarkozy, Squarsini, Anne Hidalgo aussi, sous couvert d'un partenariat pour l'environnement,
23:07 même l'imam Chakboumi s'est affiché avec Denis Sassoun Guesso
23:12 et là Emmanuel Macron il y va parce que je pense qu'il y a un objectif caché,
23:16 c'est la succession de Denis Sassoun Guesso qui commence à avoir un âge canonique
23:19 et qui lui aussi aimerait bien mettre son fils Denis Christel à sa place,
23:24 mais sauf que Paris n'a jamais été très chaud pour ça,
23:27 du coup Denis Christel a tissé de très forts liens avec la Russie,
23:30 donc peut-être qu'Emmanuel Macron va reproduire le scénario à la Camerounaise
23:34 où finalement pour garder le Congo-Brazzaville dans le giron de la France,
23:38 il va laisser une succession dynastique s'opérer au détriment bien sûr de la souveraineté des peuples
23:44 et puis pour finir en République démocratique du Congo qui sera une autre étape de son voyage,
23:49 il ira voir le président congolais sans avoir de mots très durs,
23:55 il en a eu un peu pour l'agression à l'est du Congo de la rébillion M23
23:59 qui est clairement soutenue par le Rwanda, le Rwanda qui est un pays ami de la France,
24:03 alors certes on a fait une chose innommable en aidant et en armant les génocidaires Hutu en 1994
24:12 lors d'une génocide des Tutsis, mais c'est vrai que ce qui se passe au Congo est aussi dramatique
24:16 et on a bien tort d'être aussi peu dur avec le régime de Paul Kagame.
24:21 Donc bref, Emmanuel Macron il l'assume, c'est son second mandat, il assume l'arrière-politique,
24:27 il n'y a plus du tout un discours de droit de l'homme et qu'importe finalement
24:31 qu'augmente la désestation de notre pays en Afrique francophone,
24:34 je crois que ce discours en fait c'était un discours verbeux
24:37 et ça me fait penser à la phrase de Lincoln qui disait
24:39 "Mieux vaut rester silencieux et passer pour un imbécile que parler, ne laisser aucun doute à ce sujet"
24:43 et je pense qu'Emmanuel Macron aurait bien fait de se taire.
24:46 Merci beaucoup Thomas, tu nous offres comme toujours de précieuses clés de compréhension,
24:51 de décryptage du système France-Afrique et tu conclues toujours avec une citation qui fait mal.
24:55 Merci.
24:57 [SILENCE]

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