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Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach revient sur l’histoire des premières cochères parisiennes. En 1906, quand plusieurs femmes entament un apprentissage pour investir une profession jusqu’alors réservée aux hommes, la presse s’emballe. Les cochères font la une des journaux, qui s'intéressent notamment à une certaine Mme Lutgen, ex comtesse du Pin de la Guérinière…

Retrouvez "Dans l'intimité de l'Histoire" sur : http://www.europe1.fr/emissions/dans-lintimite-de-lhistoire

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Transcription
00:00 *Générique*
00:05 Tous les jours, vous le savez, historiquement votre, on raconte l'histoire sans se la raconter avec Jean-Luc Lemoyne
00:09 qui vient tout juste de mettre le point d'interrogation final à son quiz à suivre.
00:14 - Exactement, et vous savez aujourd'hui on va faire un quiz spécial César.
00:18 - Ah oui !
00:18 - Spécial César donc c'est...
00:19 - Ah oui, César, non c'est pas César.
00:21 - Non, non, c'est...
00:21 - Valé César !
00:22 - Valé Cénex Imperator !
00:23 - C'est les Césars, vous avez reçu des Césars déjà ?
00:25 - Ah non, jamais, non, non.
00:26 - Jamais, ça me saurait tarder.
00:27 - Non, il n'y a aucune raison, je ne fais pas de cinéma.
00:30 - Oh, vous en avez fait un petit peu.
00:31 - Oui, mais en face des petits rôles, vous savez, des apparitions.
00:34 - Eh ben le César du meilleur petit rôle, ça sera peut-être vous.
00:36 - De l'apparition la plus fugace.
00:38 *Rires*
00:39 - Un caméo.
00:40 - En tout cas pour vous préparer à ce quiz, je vous propose une...
00:42 C'est pas dans le quiz, mais c'est pour voir si vous vous y connaissez un peu en cinéma.
00:46 Je vous passe une musique, vous me dites de quel film est tirée cette musique.
00:49 - Oh là !
00:50 - Allez-y.
00:50 *Musique*
00:54 - C'est pas la Boum ?
00:55 - C'est la Boum ça, oui.
00:56 - Ah, pas tout à fait.
00:57 - Diabolomante.
00:58 - Pas tout à fait non plus, mais vous étiez pas loin.
01:00 - La Boum 2.
01:01 - La Boum 2, voilà !
01:03 C'est les coups de Dabouks.
01:04 Il est fort, je savais, je savais.
01:06 Je pense que je mise sur lui pour le quiz tout à l'heure.
01:08 - Il en a dansé des slow là-dessus, le Stéphane.
01:11 - Non, non, vous avez juste de l'espoir.
01:13 - Ah bon ?
01:14 - Non, vous êtes juste galvanisé par cette première bonne réponse.
01:17 - Exactement.
01:18 - Mais avant cet affrontement, je lui laissais la parole.
01:20 Clémentine Portier-Kaldesbanck nous raconte des histoires dont elle seule a le secret.
01:24 Dans l'intimité de l'histoire.
01:27 - Et aujourd'hui Clémentine, vous nous racontez l'une des premières femmes cochères de l'histoire,
01:30 Madame Lutgen, alias, comment vous l'appelez, la Comtesse du Pain de la Guérivière ?
01:34 - Exactement, bah oui, c'est celle dont on se souvient.
01:37 - Elle devait rouler des mécaniques au milieu des hommes,
01:40 mais sans moteur a priori, n'est-ce pas ?
01:42 - Oui, c'est ça, parce que cette profession était réservée aux hommes, figurez-vous.
01:46 Alors quand en novembre 1906, trois femmes commencent un apprentissage d'un mois
01:51 pour passer l'examen de la préfecture de police et devenir, disait-on, cochées ou cochères,
01:56 probablement les deux, et bien ça fait parler dans Paris.
02:00 Vraiment, c'est un scandale en somme.
02:04 Alors elles vont devoir passer exactement le même examen que les hommes,
02:07 et en quoi ça consiste d'être cochère à l'époque ?
02:09 Bah avant tout, il faut savoir s'occuper d'un cheval, naturellement,
02:12 être capable de le soigner en cas de pépins,
02:14 il faut quand même connaître le code de la route qui existe déjà,
02:17 la géographie de Paris et de sa banlieue,
02:21 et le mode de fonctionnement des nouveaux taximètres.
02:24 Le taximètre c'est cet appareil, qui existe d'ailleurs toujours,
02:26 maintenant il est électronique, mais qui permet de mesurer le montant de la course
02:30 en fonction de la distance parcourue et du temps passé à bord du véhicule.
02:35 Et parmi les deux premières cochères, on va dire cochères,
02:40 il y a madame Eugénie Charnier, qui était livreuse de lait depuis 13 ans.
02:44 Donc l'examen pour la dame, pour elle, a pas dû être trop difficile,
02:47 c'est-à-dire que ça fait 13 ans qu'elle conduisait une charrette et qu'elle livrait du lait.
02:50 Elle l'a passé sans difficulté.
02:52 Et la seconde s'appelait Clémentine Dufault.
02:55 Son mari était coché, donc il a dû un petit peu la driver pour qu'elle passe l'examen.
03:01 Et ces deux dames commencent donc leur service en février 1907.
03:06 C'est il n'y a pas si longtemps tout ça.
03:08 Alors évidemment, la presse est emballée par ce phénomène,
03:12 et la presse dit "la capitale consiste de ces automédons enjuponnés".
03:18 De quoi s'agit-il ? Un automédon ?
03:20 Automédon, c'est le personnage dans la mythologie grecque
03:24 qui conduit le char du Bouillant à Chille pendant le siège de Troie.
03:28 Il s'appelle Automédon, vous allez le retenir bien sûr.
03:31 Alors la presse fait une telle pub à ces dames que bientôt les candidats t'affluent.
03:36 Il y a plein de femmes qui veulent passer l'examen.
03:38 Dès l'été 1907, on compte près de 40 cochères dans Paris,
03:42 et 20 qui sont en cours d'apprentissage.
03:44 Les cartes postales de cochères se vendent comme des petits pains.
03:48 - Il n'y a pas des gens qui ont protesté en disant "je refuse de monter dans une voiture" ?
03:52 - Mais bien sûr que si ! Mais je pense que si vous voulez, ça a dû faire le même effet
03:55 que la première femme dans la patrouille de France par exemple.
03:58 Mais c'est extraordinaire, il y a une femme, et là une femme cochère extraordinaire.
04:02 Mais la chouchoute des journalistes, c'est donc cette Madame Ludgène Comtesse
04:05 du Pain de la Guerrivière, une parisienne de 35 ans.
04:09 - Evidemment, une comtesse ! Une comtesse qui est devenue cochère !
04:14 Mais oui, toute la question était là, évidemment !
04:17 La presse se met à titrer "la comtesse du fouet"
04:20 ou dans cet article du journal Le Siècle, le 23 février 1907,
04:24 "la reine des rênes", des rênes évidemment, R-E accent circonflexe N-E-S.
04:30 L'auteur explique que comme comtesse, évidemment, Marie Dupin de la Guerrivière
04:34 avait ses voitures, ses chevaux, et montait presque chaque matin.
04:38 Elle ne sera donc pas dépaysée en conduisant son taximètre Victoria découvert.
04:43 Et puis, elle a un gros avantage, la comtesse de la Guerrivière,
04:46 par rapport à ses copines, c'est qu'évidemment, elle est très cosmopolite,
04:50 si vous voulez, donc elle parle anglais, l'allemand et l'espagnol à ses clients,
04:54 c'est bien pratique. Ne pouvant plus se pelotonner dans un capitonnage d'un coupé de maître,
04:59 elle se dédommage en trônant sur le coussin moins rembourré du siège d'une voiture de place.
05:05 - Bon, ça va écrire quand même à l'époque. - La pub fonctionne,
05:09 parce que la première course de la comtesse est tellement attendue
05:13 qu'on a dû prévoir un service d'ordre devant l'affluence.
05:16 Mais oui, tout le monde veut voir ça, bien sûr.
05:18 Alors, vrai ou fausse comtesse, vous posiez la bonne question, Céphane.
05:21 C'est difficile de savoir parce que la dame n'est pas bavarde.
05:24 Alors, elle serait née Paris XIIIe, aurait épousé un compte richissime
05:29 dont elle aurait eu onze enfants, déjà vous voyez, Paris XIIIe et onze enfants,
05:33 ça fait pas très aristocratique, mais elle aurait perdu...
05:37 - Non mais si, c'est vrai, sauf... - Mais c'est pour les enfants ou c'est le XIVe ?
05:42 - Non, elle a eu onze enfants en 1880, alors que dans les familles aristocratiques,
05:48 de toute éternité, on pouvait tout à fait avoir 8, 9, 10, 11 enfants et on mourait en couche.
05:53 Alors, elle raconte qu'elle est la nièce de Théodore Baudrel,
05:56 vous voyez qui est Théodore Baudrel, il est très connu à l'époque,
05:58 c'est le chanteur qui chante La Paimpolèse et Le Mouchoir de Cholet,
06:01 donc elle se trouve un petit peu en lien comme ça avec une célébrité,
06:04 qu'est-ce qu'il y a de vrai dans tout ça ?
06:06 Son mari était effectivement un comte d'origine poitevine,
06:10 qui a fait faillite à la suite de mauvais placements,
06:13 mais elle se garde bien de signaler qu'en fait, elle a quitté son comte de mari,
06:17 elle a eu un enfant avec un autre alors qu'elle était encore mariée,
06:21 elle n'a qu'un lointain, lointain, très lointain rapport avec Baudrel,
06:26 et on sait aussi qu'elle a été convoquée au tribunal de la Seine,
06:29 parce qu'en fait elle avait emprunté un costume de cochère qu'elle n'a jamais payé,
06:34 donc vous voyez, on sait qu'elle a fait toutes sortes de petits métiers,
06:37 elle a été notamment concierge, donc voilà, est-ce qu'elle est vraiment comtesse ou pas ?
06:41 Son histoire est vraiment une histoire de déclassement social à cette dame,
06:46 elle a tout perdu, elle a été obligée de se mettre à travailler,
06:49 mais comme c'est une maligne, elle n'est pas cochère depuis un mois,
06:52 que déjà elle écrit ses souvenirs, et ses souvenirs s'intitulent "La vie à grands guides",
06:57 les guides sont donc les reines qui servent à diriger les chevaux.
07:00 À propos de ses souvenirs très enjolivés, un journaliste écrit
07:04 "Il est vrai que les souvenirs de Madame Marie Ludgène
07:07 pourraient bien avoir été revus, augmentés et corrigés par quelques publicistes
07:12 qui travaillent à la ligne tout comme elles travaillent au taximètre.
07:16 Cochés à la course et journalistes à la ligne ont au moins un goût commun,
07:21 les uns et les autres aiment les longs détours."
07:23 Oui, vous avez raison Stéphane, comme on écrivait bien.
07:26 Alors finalement, à l'instar de Marie Ludgène,
07:28 les femmes vont se détourner assez rapidement de la profession,
07:31 et dès 1908, on ne compte plus que 20 cochères et 2 apprentis.
07:35 La plupart d'entre elles ont été découragées par les accidents,
07:38 les disputes avec la police ou les clients,
07:41 l'hostilité des cochés qui menaçaient de faire grève,
07:44 les hommes n'étaient pas du tout contents de voir débarquer des femmes dans leur métier,
07:47 et puis simplement les railleries, elles ont fait l'objet de beaucoup de railleries.
07:50 Voyez-vous, c'est comme ça depuis toujours,
07:53 les hommes ont beau avoir bien plus d'accident qu'elles,
07:56 il faut toujours qu'ils charrient les femmes au volant,
07:59 si au moins ils savaient le faire avec classe,
08:02 en leur lançant quelqu'un vective à l'ancienne du genre,
08:05 va donc et automédon en juponné !
08:08 Merci Clémentine !
08:10 Et maintenant c'est le moment de l'émission,
08:12 vous le savez chers auditeurs, je ne contrôle plus rien.
08:14 C'est vous Jean-Luc qui prenez la main pour le quiz "Burn to be alive".
08:17 Mais avant ça, on retrouve un artiste que l'on adore sur Europe 1,
08:20 voici Benjamin Biollet.
08:22 13h-18h, historiquement votre.

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