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Dans son émission média, Philippe Vandel et sa bande reçoivent chaque jour un invité. Aujourd'hui, Lila Bellili, journaliste, pour le reportage "Beauté : les ravages des injections clandestines" dans "Envoyé Spécial" sur France 2.
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NewsTranscription
00:00 avec Philippe Vandel et votre invité média Philippe.
00:02 - Bonjour Illa Bellili. - Bonjour.
00:04 - Vous êtes journaliste-reporteur, vous signez une enquête qui fait froid dans le dos, qui serre le ventre,
00:08 ça passe demain soir dans "Envoyé spécial" sur France 2, c'est à 21h.
00:11 Le titre "Beauté, les ravages des injections clandestines".
00:14 Alors j'ai deux questions de Béossien pour commencer.
00:17 Que sont les injections clandestines et en quoi font-elles des ravages ?
00:21 - Les injections clandestines ce sont des injections d'acide hyaluronique.
00:24 C'est un produit qui permet de gonfler les lèvres, de gonfler les pommettes,
00:28 de se restructurer le visage.
00:30 Ça, il n'y a que les médecins qui ont le droit de le faire.
00:33 Et là, depuis quelques années, on voit un fléau, un véritable fléau,
00:37 des femmes sans qualification qui ne sont pas médecins,
00:39 qui s'improvisent médecins esthétiques,
00:42 et qui se mettent à faire des injections dans des AirBnB,
00:44 des appartements, parfois même des caves, dans un sous-sol.
00:47 Et ça, c'est devenu complètement dingue, ça a pris une ampleur folle.
00:51 - Alors avant qu'on parle des prétendus médecins, on va parler des malades, des patients.
00:54 Vous avez montré le cas de Fadila, c'est un cas, c'est le cas de le dire,
00:57 sur son nez, un énorme cratère de la taille d'une pièce d'un euro,
01:01 purulent, je décris parce qu'on ne peut pas montrer l'image,
01:04 ça fait froid dans le dos quand on le regarde, que lui est-il arrivé ?
01:07 - Alors, Fadila, elle est allée dans un cabinet illégal,
01:10 et elle a tout filmé.
01:12 Donc c'était un AirBnB qui a été loué par une femme sans qualification,
01:15 qui fait la promotion de son activité sur le réseau social Instagram,
01:19 et le jour de l'injection, cette femme n'avait pas de gants.
01:22 Oui, dites-moi Philippe ?
01:23 - Justement, on va entendre l'extrait,
01:25 elle a filmé et c'est elle, Fadila, qui commente la vidéo.
01:28 - Elle est en train de m'injecter de l'acide hyaluronique dans le nez,
01:33 il n'y a pas de gants, elle tapote le sang avec ses doigts,
01:36 en plus avec des faux ongles, dans le milieu médical, c'est interdit.
01:39 C'est même pas une compresse, c'est un papier toilette
01:41 qu'elle a partie à chercher dans le AirBnB.
01:43 Des fois, je regarde les vidéos, je me dis, mais t'es aveugle.
01:46 Je voulais tellement modifier mon nez qu'il n'y avait plus rien autour.
01:50 - C'était une croûte, une énorme croûte,
01:52 et cette croûte, s'il n'y a pas de traitement, elle tombe.
01:55 Et quand il n'y a plus la croûte, il y a un trou, un énorme trou.
01:58 Elle perdait la moitié du nez.
01:59 - Quelques jours après, Fadila, son nez a commencé à gonfler de façon anormale.
02:05 Elle appelle son injectrice illégale,
02:07 elle lui dit "ouh là là, qu'est-ce qui se passe ? Je gonfle ?"
02:09 et son injectrice lui dit "non, non, ne t'inquiète pas, c'est tout à fait normal,
02:12 ce sont des réactions normales, tu attends".
02:14 Donc elle, qu'est-ce qu'elle fait, Fadila ? Elle attend,
02:16 sauf qu'en fait, c'était une course contre la montre,
02:18 elle a failli perdre son nez.
02:19 Le médecin lui a dit "si t'avais attendu deux jours de plus,
02:22 c'était terminé pour toi, tu n'avais plus de nez".
02:24 Donc c'est vraiment... c'est des dangers publics.
02:27 - Et on voit le travail de réparation par ce vrai chirurgien
02:30 avec des injections très douloureuses, trois fois par jour,
02:32 pendant trois semaines, mais son nez est sauvé.
02:34 Elle a fait ça pour arranger son apparence esthétique,
02:37 elle a aussi fait ça pour faire des économies,
02:40 il y a toute une économie derrière.
02:41 Qui sont ces femmes qui pratiquent des injections ?
02:43 - Souvent, elles sont dans l'univers de la beauté,
02:46 esthéticiennes ou prothésistes angulaires,
02:49 ou parfois pas du tout, ou elles sont au chômage
02:52 et elles se disent "tiens, il y a ce business, c'est facile,
02:55 on peut se faire de l'argent très vite, beaucoup".
02:57 Je vous donne un exemple, nous, on a pu interviewer
03:00 une injectrice illégale, et elle nous révèle qu'elle peut
03:03 gagner jusqu'à 5000 à 7000 euros par mois, tous les mois.
03:07 - J'ai bien compris. L'injection c'est 200 euros,
03:10 ça coûterait combien avec un vrai chirurgien ?
03:12 - Les lèvres, par exemple, c'est à partir de 350 euros.
03:15 Chez un vrai médecin, un chirurgien esthétique.
03:17 - Et alors Lila Bellili, vous êtes allée plus loin,
03:19 ça qui est très intéressant dans votre enquête,
03:21 c'est que vous êtes inscrite à une pseudo-formation,
03:24 formation clandestine, vous avez découvert l'adresse sur Instagram,
03:27 combien ça vous a coûté cette formation,
03:29 combien de temps ça a duré ?
03:30 - Cette formation, elle a coûté 1280 euros,
03:33 d'ailleurs il y avait une promotion sur Instagram,
03:35 normalement c'était 1800 euros, je me suis dit "tiens,
03:37 qu'est-ce que c'est que ça ?"
03:39 J'ai postulé, j'y suis allée, et je vous avoue,
03:41 je ne m'attendais pas du tout à découvrir ce que j'ai découvert,
03:44 je me suis dit "tiens, peut-être qu'il y aura des injections
03:46 sur des mannequins, sur des poupées",
03:48 pas du tout, c'était des cobayes humains,
03:50 des vraies femmes qui sont arrivées,
03:52 et donc ces femmes ont commencé à injecter
03:54 pour la première fois de leur vie,
03:56 des très jeunes femmes et peut-être même des mineurs.
03:58 - Alors, vous avez filmé avec votre portable,
04:00 parce qu'ils ne savaient pas que vous étiez journaliste,
04:02 donc vous avez dit "je filme le cours pour m'en souvenir",
04:04 comme une sorte de tuto,
04:06 une chose qu'on n'a pas dite, c'est que les 1280 euros
04:08 c'est en liquide.
04:09 - Ah évidemment, tout est en espèces, pas de traces,
04:11 il ne faut pas laisser de traces pour ces injectrices.
04:13 - Vous avez montré des images au président
04:15 du syndicat des chirurgiens esthétiques
04:17 qui s'appelle Adèle Loafy, il dit n'avoir jamais
04:19 vu ça de sa vie, il n'en revenait pas,
04:21 et ça fait que quand on voit ces images, c'est complètement dingue,
04:23 ça serre le ventre.
04:24 - Ah mais je vous avoue que moi, tout le temps
04:26 de cette formation, j'avais le ventre noué,
04:28 parce que je savais ce qui était en train de se jouer.
04:30 Je me suis dit "peut-être que cette formation, elle va complètement dégénérer",
04:32 et d'ailleurs, ça a dégénéré,
04:34 puisqu'il y a une aiguille qui s'est cassée
04:36 dans un menton d'une très très très jeune femme,
04:38 et personne autour ne semblait
04:40 comprendre ce qui se passait,
04:42 et malheureusement, je n'ai aucune nouvelle de cette adolescente.
04:44 Elle ne laisse pas leur nom, leur identité,
04:46 je n'ai pas pu la retrouver.
04:48 - Vous-même, vous avez refusé de piquer ?
04:50 - Évidemment, parce que ça, c'est de l'exercice illégal de la médecine,
04:52 et c'est quand même deux ans de prison
04:54 et 30 000 euros d'amende. Donc moi, non,
04:56 je n'ai touché personne, évidemment.
04:58 - Toutefois, vous avez quand même reçu
05:00 un certificat d'injection.
05:02 - Oui, alors ça, c'est...
05:04 - Il y a le document qu'on voit
05:06 dans le sujet.
05:08 - Certifié par Glam Injection.
05:10 - Alors Glam Injection, c'est personne,
05:12 ça ne veut rien dire.
05:14 Et oui, donc j'ai ce certificat
05:16 que j'ai montré à Adèle Waffy,
05:18 le chirurgien esthétique, le vrai,
05:20 et il n'en revenait pas, il dit "mais qu'est-ce que c'est que ça ?
05:22 Ça ne vaut rien, vous pouvez le mettre à la poubelle tout de suite !"
05:24 - Vous l'avez dit, l'exercice illégal de la médecine
05:26 n'est pas cible de deux ans de prison,
05:28 30 000 euros d'amende.
05:30 Les femmes qui font des injections clandestines,
05:32 en même temps, elles n'ont pas pignon sur eux,
05:34 mais elles font de la pub sur Instagram, Instagram, c'est un réseau
05:36 public, elles sont donc faciles
05:38 à repérer, pourquoi ne sont-elles pas arrêtées ?
05:40 - Il faut savoir que
05:42 les victimes, souvent, elles ont
05:44 honte de porter plainte.
05:46 Elles ont honte de ce qu'elles ont fait,
05:48 elles s'en veulent à elles-mêmes, elles se disent "mais pourquoi
05:50 j'ai fait ça ? J'ai été aveugle ?"
05:52 - "J'ai été aveugle" pas au sens propre.
05:54 - Non, non, absolument.
05:56 De me dire "pourquoi je n'ai pas vu
05:58 tous ces signaux ?"
06:00 Et donc souvent, elles ne vont pas porter plainte, donc c'est pour ça
06:02 qu'il y a peu d'enquêtes. - Mais l'État,
06:04 de lui-même, ne lance pas une procédure
06:06 s'il n'y a pas eu de plainte précédemment. L'État, de lui-même,
06:08 ne va pas regarder les faux sites,
06:10 les vrais sites de faux médecins sur Instagram
06:12 pour faire des descentes.
06:14 - Non, et il y en a pléthore, sur Instagram,
06:16 vraiment c'est... - Pléthore, c'est quoi ?
06:18 C'est des dizaines, des centaines, des milliers ? - Alors, moi, je me souviens,
06:20 j'avais fait, pour la première fois, ce reportage
06:22 en 2018, j'avais compté une dizaine
06:24 de sites Instagram de fausses injectrices.
06:26 Aujourd'hui, c'est par centaines,
06:28 peut-être même plus. - J'ai découvert, avec ce reportage,
06:30 j'ignorais complètement, je pensais que l'acide
06:32 l'uronique, avec son nom, Savant,
06:34 c'était quelque chose qui était délivré sur ordonnance.
06:36 Pas du tout, c'est en vente libre, en pharmacie.
06:38 - Ah bah, vous, moi, tout le monde
06:40 peut aller en acheter. Et, ce qui est
06:42 paradoxal, c'est écrit sur l'emballage,
06:44 on n'a pas le droit de l'utiliser. Donc, vous pouvez
06:46 l'acheter, mais pas touche. Donc, c'est complètement
06:48 paradoxal. - Comment ça coûte ?
06:50 - Ça dépend, il y a tous les prix, ça va de
06:52 30 à 150 euros, 200 euros.
06:54 - Vous parlez de plainte, il y a
06:56 parfois des plaintes. Fadila,
06:58 à portée plainte, Fadila, c'est la jeune femme avec
07:00 le nez qui avait été massacrée, pardon, mais il n'y a pas d'autres mots.
07:02 Elle a porté plainte contre l'injectrice
07:04 qui lui a raté son nez. Et maintenant,
07:06 vous dit-elle, elle est menacée par l'injectrice.
07:08 Qui, non seulement, a une activité
07:10 illégale, mais menace ses anciennes
07:12 patientes. - Ouais. Cette injectrice,
07:14 elle est suivie par plus de 13 000 personnes.
07:16 C'est quand même beaucoup. Et...
07:18 Donc, elle est quand même très suivie,
07:20 et j'imagine qu'elle a peur pour son image.
07:22 - Je vous pose une toute petite question, parce que moi, j'ai vu le sujet,
07:24 mais ensuite, il va être flouté.
07:26 Est-ce que vous allez donner le nom de l'injectrice ?
07:28 Alors qu'elle a pignon sur rue.
07:30 Que dit la loi ? Parce que là aussi, il y a encore un hiatus.
07:32 - Alors, non, et c'est vrai que c'est un sujet délicat,
07:34 parce que nous, on n'est pas de la police. - Bien sûr.
07:36 - C'est à eux de faire ce travail-là.
07:38 Nous, notre rôle, c'est de dénoncer une situation.
07:40 Ce qu'on fait avec ce reportage, en revanche,
07:42 non, on ne va pas donner ces noms-là. - Donc, cette injectrice
07:44 aux 13 000 followers,
07:46 l'a menacée. A menacée, Fadila, que lui a-t-elle dit ?
07:48 - Elle lui a dit, écoute...
07:50 Et puis, en plus, Fadila a gardé une trace
07:52 de ça, puisque l'injectrice peut envoyer un
07:54 audio sur le téléphone portable, où on entend
07:56 sa voix la menacer. Et elle lui dit,
07:58 "Je vais te faire des guerres, ce ne sont pas mes mots,
08:00 ce sont les siens, et il faut que tu retires
08:02 cette plainte très très vite, parce que ça va très mal
08:04 se passer pour toi." - Est-ce que vous allez extraire
08:06 des vidéos de ce reportage,
08:08 exprès ciblées, pour les réseaux Instagram
08:10 et TikTok ? - On a déjà
08:12 commencé à le faire, on a mis des extraits,
08:14 et d'ailleurs, qui marchent très très bien.
08:16 Et c'est là aussi qu'on se dit qu'on est utile,
08:18 parce que j'ai lu aussi des commentaires, parfois,
08:20 en dessous de ces vidéos, de jeunes femmes qui disaient
08:22 "Oh là là, je ne connaissais pas ce sujet,
08:24 et je n'irais pas faire ces injections, j'envisageais
08:26 de le faire, mais je n'irais pas." Dans ces
08:28 cabinets illégaux, bien sûr, parce que nous on ne juge pas
08:30 les femmes qui font des injections, c'est pas le sujet.
08:32 En revanche, le sujet, c'est
08:34 dans ces cabinets illégaux. - Le sujet,
08:36 votre enquête, "Beauté, les ravages
08:38 des injections clandestines", c'est demain soir,
08:40 à 21h, dans "Voyage spécial" sur France 2.
08:42 Merci beaucoup, Lila Bellili,
08:44 d'avoir été avec nous en direct, dans Culture Média.
08:46 - Merci à vous.