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NewsTranscription
00:00 Bienvenue au cœur de l'histoire dans les interviews du vendredi.
00:03 Je suis Virginie Giraud.
00:04 Aujourd'hui, je reçois Bruno Fulini, historien et écrivain qui est aussi
00:09 l'auteur de l'Atlas secret du renseignement paru aux éditions Grund.
00:13 Bonjour Bruno Fulini.
00:14 Bonjour.
00:15 FBI, ce sont trois lettres qu'on connaît tous.
00:18 C'est le Federal Bureau of Investigation.
00:20 C'est la police fédérale américaine dont les compétences relèvent à la fois
00:24 du judiciaire et du renseignement intérieur.
00:27 La télévision et le cinéma ont fait de ce service un service mondialement
00:32 connu, mais son histoire l'est un peu moins.
00:35 Par exemple, ce que beaucoup de gens ignorent, c'est que c'est un Français
00:39 qui est à l'origine de la création du FBI.
00:41 Disons que c'est un Bonaparte.
00:42 C'est un petit neveu de Napoléon Ier, Charles Bonaparte Paterson, en fait.
00:48 Donc, c'est un neveu de Napoléon qui a eu un enfant avec une américaine.
00:53 Donc, lui, ce Bonaparte là est américain, mais il a des origines françaises.
00:57 Il a un cerveau Corse.
00:59 Il a un cerveau Bonaparte.
01:00 Et donc, dans un pays qui, au départ, est un pays démocratique plutôt hostile,
01:06 comment dirais-je, au renseignement, à l'espionnage, l'idée que ça ne se fait
01:10 pas d'ouvrir le courrier des bons citoyens, eh bien, il va mettre discrètement,
01:15 mais sûrement en place, un petit service qui est le noyau de ce que nous appelons
01:21 aujourd'hui le FBI.
01:22 Alors, au départ, c'est un simple bureau d'enquête.
01:24 Donc, il y a un autre sigle BOI.
01:26 Et puis, ce bureau qui se met en place assez tôt, dès 1908, va petit à petit
01:32 accroître son importance, accroître ses compétences aussi et va devenir le FBI
01:38 en 1935.
01:39 Entre temps, il se sera imposé comme à la fois...
01:42 C'est compliqué à comprendre de vue de France parce que les États-Unis, c'est
01:46 un pays, c'est un État fédéral.
01:48 Il y a une partie de la police qui dépend des États, des différents États fédérés.
01:52 Et puis, il y a tout ce qui traverse les frontières de ces États, qui relève du
01:57 niveau fédéral.
01:58 Les États ont longtemps résisté à l'idée qu'il y ait une police au-dessus d'eux,
02:01 mais ça s'est imposé parce que la criminalité a très vite joué avec ses
02:06 frontières intérieures.
02:07 Et donc, le FBI, c'est d'abord un service de police judiciaire fédérale, mais
02:12 aussi un service de contre-espionnage, d'antiterrorisme, qui va jouer aussi un
02:18 rôle dans la lutte contre la drogue, qui va jouer un rôle au moment où
02:22 on commence à parler de la traite des Blanches contre les trafics d'êtres
02:26 humains.
02:26 Revenons juste sur cette expression, la traite des Blanches, qui occupait un peu
02:30 les fantasmes de la fin du XXe siècle.
02:32 Qu'est-ce que c'est exactement ?
02:33 C'est un trafic d'êtres humains destiné à la prostitution.
02:37 Et ce qui faisait beaucoup frémir à l'époque, c'est que des femmes blanches,
02:41 éventuellement issues de milieux défavorisés, puissent être prostituées
02:45 à des Noirs ou à des hommes de couleur ou à des Latino-Américains.
02:48 Donc, il y a une part de réalité, c'est-à-dire qu'il y avait effectivement un
02:51 proxénétisme organisé avec des jeunes femmes de toutes sortes qui se
02:54 retrouvaient dans des réseaux de prostitution.
02:56 Après, il y a eu une part de fantasme, effectivement.
02:59 Mais ce qui est certain, c'est que pendant tout le premier tiers du XXe
03:03 siècle, cette expression a fait floresce.
03:05 Et finalement, ça n'a pas été inutile parce que ça a fait prendre
03:10 conscience qu'il y avait effectivement tout un marché,
03:14 toute une série de réseaux qui approvisionnaient les
03:17 maisons-closes et autres lieux de débauche.
03:20 Et donc, le FBI va faire partie de, comment dirais-je, des services
03:24 qui vont essayer d'identifier et de combattre également cette forme de traite.
03:28 Alors, il y a le nom d'un homme qui est associé au FBI, c'est celui d'Edgar
03:33 Hoover. Qui est cet homme exactement ?
03:34 Edgar Hoover n'est pas un policier.
03:36 Au départ, c'est quelqu'un qui a plutôt une formation d'archiviste
03:40 bibliothécaire, qui n'est pas donc le fondateur de ce service, mais
03:43 qui va s'imposer, qui va le réorganiser,
03:47 qui va régner pendant un demi-siècle, en réalité,
03:52 sur le FBI, jusqu'à faire trembler les présidents des Etats-Unis successifs,
03:56 puisque chaque nouveau président voudra le virer.
03:58 Et à chaque entretien, il fera sentir qu'il possède des photos,
04:02 des témoignages, des documentaires que, si on l'embête, il peut répliquer.
04:06 Et à telle enseigne qu'aujourd'hui, vous savez, vous ne pouvez pas rester
04:10 patron du FBI plus de dix ans.
04:11 Ce qui n'est peut-être pas plus mal.
04:13 Voilà, l'expérience a servi. Il n'y aura plus de Hoover.
04:17 Mais sur le moment, cet archiviste bibliothécaire très intelligent,
04:20 très bosseur, très travailleur, va mettre au point un redoutable
04:24 service de renseignement intérieur, comme on dirait aujourd'hui,
04:28 avec des implications politiques très fortes.
04:31 C'est quelqu'un de très ambitieux.
04:33 Il va d'ailleurs non seulement faire du renseignement intérieur, mais
04:36 obtenir d'avoir également des représentants du FBI à l'étranger,
04:40 en particulier en Amérique latine, pour lutter contre les trafics de drogue,
04:43 avec des implantations dans un certain nombre d'ambassades.
04:46 Plus tard, mais beaucoup plus tard, quand la CIA va exister et va commencer
04:50 à se développer, elle va essayer de faire rentrer le FBI dans le
04:53 renseignement strictement intérieur.
04:55 Mais ça ne va pas se faire tout seul, parce que Hoover est un type coriace.
04:59 Alors Hoover a aussi une particularité.
05:01 Aujourd'hui encore, il y a un débat pour savoir s'il était homosexuel ou pas.
05:06 En tout cas, il n'a jamais été marié.
05:08 Il n'avait pas de femme et il vivait avec son principal adjoint, Clyde Tolson.
05:14 Donc, c'était minimum une colocation et très vraisemblablement un couple,
05:18 à une époque où l'homosexualité, évidemment, pouvait vraiment détruire
05:22 une carrière aux États-Unis.
05:23 Et ce qui est terrible, c'est que lui-même a brisé un certain nombre
05:27 d'hommes politiques ou de fonctionnaires en révélant ou en menaçant de révéler
05:31 leur homosexualité, alors que lui avait une vie qui n'avait rien de la vie
05:35 de l'Américain moyen, avec femme et enfant et petits chiens.
05:39 Donc, l'une des missions du FBI, c'est de traquer les criminels à l'échelle
05:43 fédérale, c'est-à-dire quand une affaire dépasse les prérogatives de l'État
05:47 dans lequel on vit, on passe à la mesure fédérale.
05:50 En 1956, la police est dans l'impasse face à un mystérieux poseur de bombe
05:55 dans une trentaine de lieux publics à New York.
05:58 Elle sollicite alors un psychiatre, le docteur James Brussel, pour tenter
06:02 de comprendre le profil de celui qu'on appelle le "mad bomber", le poseur de
06:06 bombe fou. Quelle analyse le docteur Brussel va-t-il faire de ce criminel ?
06:10 Comment va-t-il aider la police ?
06:12 C'est un psychiatre, ce docteur, c'est un psychiatre et donc il va se pencher
06:16 sur les éléments dont on dispose pour finalement poser un diagnostic.
06:20 C'est comme cela qu'il va résonner.
06:22 Il faut savoir qu'on a des éléments parce que 1956, c'est la dernière bombe.
06:27 Mais en fait, cela fait 16 années, 16 années que "mad bomber"
06:32 dépose des engins explosifs.
06:33 Certains explosent, d'autres n'explosent pas.
06:35 Heureusement, on les découvre tardivement dans des salles de cinéma, des
06:39 magasins, des lieux publics et c'est assez affolant de penser qu'il y a comme
06:43 cela un criminel aussi endurci, déterminé, qui sur 16 années va essayer
06:48 de faire exploser ses contemporains.
06:50 Le docteur Brussel se penche donc sur à la fois ce que l'on sait de ces
06:54 attentats ou tentatives d'attentats, quelques écrits aussi assez mystérieux.
06:59 Et il va décrire, sans savoir qui il est, finalement, le profil de cet
07:06 auteur mystérieux d'attentat.
07:07 Alors, sur le moment, on va considérer que c'est du charlatanisme.
07:11 Ça va être très critiqué.
07:12 Lorsque plus tard, on va arrêter effectivement ce criminel, on va se
07:16 rendre compte que tout n'était pas idiot dans ce qu'a dit le docteur Brussel.
07:19 Il avait dit en particulier que ce serait un homme, effectivement, que c'était
07:23 un célibataire, sans doute un peu immature, peut-être vivant, soit avec sa
07:28 mère, soit avec une femme ou des femmes qui auraient un peu un effet maternant
07:32 sur lui et avec des tendances à la schizophrénie, en fait, des tendances
07:36 schizoïdes. Et simplement, le docteur Brussel était allé jusqu'à dire, sans
07:40 doute pour signifier que c'était un peu monsieur tout le monde, que lorsqu'on
07:43 l'arrêterait, il porterait un costume croisé.
07:45 Alors, il n'a pas de costume croisé.
07:47 Avec une veste boutonnée, je crois même qu'il avait dit.
07:49 Ah bah oui, un costume croisé, forcément, ou le boutonné.
07:52 Bon, c'était pour dire sans doute que c'était un monsieur tout à fait bien,
07:56 peut-être votre voisin, quelqu'un qui n'avait pas l'apparence d'un
08:00 terroriste ou d'un fou sanguinaire.
08:02 Alors, lorsqu'il sera arrêté, il sera en pyjama, tout simplement parce que la
08:06 police vient à son domicile tôt le matin.
08:08 Mais effectivement, vérification faite dans sa garde-robe, il possédait bien le
08:12 type de costume croisé qui se portait à l'époque.
08:15 Et effectivement, c'est un homme d'âge moyen, célibataire.
08:19 Il ne vit pas avec sa mère, mais il vit avec ses sœurs.
08:22 Et c'est un personnage un peu immature qui, en fait, est un fou qui souffre.
08:27 Il a eu un conflit avec une compagnie d'électricité qui l'a plus ou moins
08:31 renvoyé. Et en fait, ces attentats visent à punir tous ceux qui l'identifient comme
08:37 les auteurs de ces malheurs.
08:38 Donc, c'est quelqu'un qui relève plus de l'hôpital que de la prison.
08:40 Mais c'est vrai que finalement, le diagnostic posé à partir d'éléments type
08:45 quelques lettres et les lieux finalement visés par ce poseur de bombes ont permis
08:51 au docteur Bruxelles de dessiner un profil relativement
08:56 proche de la réalité.
08:58 Oui, c'est totalement stupéfiant. On voit que le docteur Bruxelles a saisi à la fois la
09:02 psychologie et l'apparence physique de ce personnage et qu'il a aidé à son
09:06 arrestation. Alors, est-ce qu'on peut considérer que le docteur Bruxelles est le
09:10 père du profiling ?
09:11 Alors, il a joué effectivement un rôle intéressant.
09:15 Pas pour le FBI, d'ailleurs.
09:16 Lui, à ce moment-là, travaille pour la police de New York, un IPD.
09:20 Simplement, si on regarde un petit peu dans l'histoire, on pourrait trouver des cas
09:24 plus anciens de personnages qui ont eu un petit peu ce type d'intuition.
09:27 Mais oui, faisons un bond dans le temps parce que là, on était du côté des
09:29 États-Unis, mais passons du côté de l'Europe où finalement, ces hommes avec des
09:33 intuitions géniales sur le profiling ont existé bien plus tôt.
09:36 Parlez-nous de l'affaire du tueur de Bonne en 1855.
09:39 Avec plaisir, ce sera l'occasion de pousser un petit cocorico puisque là, nous sommes
09:43 sous le Second Empire. Nous sommes au milieu du 19e siècle et en fait, c'est un
09:46 Français qui, pour moi, est vraiment le premier à inventer le profilage ou le
09:51 profiling sans connaître le mot, sans s'en rendre compte.
09:54 En fait, à partir de 1855, dans l'Ain, pas très loin de Lyon, il y a une série de
10:01 crimes ou de tentatives d'assassinats sur des jeunes femmes qui ont en commun
10:05 d'être des Bonnes, des servantes.
10:07 Et c'est toujours un peu la même histoire.
10:09 C'est un brave paysan qui, à Lyon, repère une petite Bonne, lui explique qu'il
10:14 cherche une Bonne pour son maître qui a un château à la campagne, avec une paye
10:19 bien supérieure à ce qui est proposé à Lyon, avec des conditions de logement, de
10:24 nourriture vraiment idylliques.
10:25 Donc, la petite Bonne, toute contente, fait son baluchon, s'en va avec ses bijoux, ses
10:30 économies, ses petites richesses.
10:32 Et puis, lorsqu'on arrive vraiment en race campagne, loin de Lyon, eh bien, le
10:36 bonhomme lui tombe dessus pour lui dérober ses économies.
10:39 Alors, certaines qui sont des jeunes femmes assez vives vont hurler, vont partir en
10:43 courant, en abandonnant leur baluchon et vont au moins avoir la vie sauve, vont
10:46 aller tambouriner à la porte des fermes.
10:48 Et comme cela, on va avoir quelques informations.
10:51 D'autres, au contraire, périront sous les coups de ce malfaiteur.
10:54 Et il y a un petit juge là-bas, dans une petite localité qui s'appelle Trévoux, le
10:59 juge Jeuneau, qui se passionne pour cette affaire.
11:02 Et alors, avec les moyens de l'époque, qui va faire une série de choses géniales.
11:07 D'abord, en 1855, il a l'idée d'utiliser la photographie.
11:11 Ce qui est tout nouveau. C'est un procédé tout à fait nouveau, extrêmement coûteux.
11:15 Donc, utiliser la photographie pour une affaire criminelle judiciaire, c'est
11:20 extrêmement intelligent, extrêmement pionnier.
11:22 Et il fait prendre en photo le corps dénudé de la première victime.
11:27 C'est une photo incroyablement troublante parce que ce n'est pas une scène de crime.
11:31 On n'a pas encore l'idée, par contre, de conserver en l'état la scène de crime.
11:34 Donc, le corps a été transporté dans l'église.
11:36 Il est exposé, mais il est nu.
11:38 Il est mis en scène en même temps.
11:40 La photo est vraiment incroyable.
11:42 On dirait plus une photo d'un photographe avant-gardiste que d'un cliché de police.
11:47 Ah oui, avec évidemment une touche morbide très affirmée.
11:50 Par ailleurs, la victime était assez belle.
11:53 Elle est complètement dénudée.
11:54 Donc, c'est très troublant comme photo.
11:56 Mais grâce à cette photo, il conserve une trace de l'assassinat, d'abord de la victime.
12:00 La photo va permettre de l'identifier après une longue enquête.
12:03 Et puis, en plus de la photo, il va interroger de manière systématique toutes celles qui
12:09 ont réchappé à ce bonhomme.
12:11 Donc, il va aller les retrouver à Lyon.
12:14 Il va les interroger longuement et ça va durer des années.
12:17 Pendant plusieurs années, il va également interroger les fermiers qui ont recueilli
12:21 ces personnes et les témoignages.
12:22 Les paysans qui ont pu frôler des personnages suspects à ce moment-là.
12:27 Et petit à petit, là aussi, l'expression n'existe pas.
12:30 Mais c'est une sorte de portrait robot qui va se dessiner.
12:32 Enfin, au bout de six années, il y a de nouveau comme cela une bonne qui vient se
12:37 réfugier dans une ferme qui a failli mal finir.
12:39 Et le lendemain, lorsqu'elle vient montrer les lieux, elle est étonnée parce que outre
12:44 son baluchon, elle avait une lourde malle et la malle a disparu.
12:47 La malle a disparu, ça veut dire que le personnage n'hésite pas loin.
12:51 Il n'aurait pas pu transporter une lourde malle sur des kilomètres et des kilomètres.
12:55 Et donc, tout ce travail patient de collecte d'informations, on sait qu'il a une
13:00 coiffure un peu hirsute, qu'il a un défaut à la lèvre, etc.
13:04 va permettre de dire bien voilà, dans un périmètre réduit, on devrait pouvoir
13:08 identifier ce personnage. Et très vite, chez un bistrotier du coin, eh bien, il
13:12 s'entend dire ah bah oui, c'est tout le portrait du Mollard.
13:14 Du Mollard, oui, il habite là-bas.
13:16 On y va. Et là, eh bien, on trouve ce qu'on n'appelle pas encore un tueur en
13:19 série. On trouve un personnage qui a conservé chez lui toutes sortes de reliques
13:24 de ses victimes, c'est-à-dire que l'argent, les bijoux, il les a utilisés, dépensés.
13:28 Mais il oblige sa femme, car il est marié, ce brave homme, il oblige sa femme à
13:32 porter les jolis vêtements de ses jeunes victimes, par exemple.
13:35 Et donc, on retrouve tous les habits, les robes, les dessous, etc.
13:39 de ses victimes. Donc, le personnage en question du Mollard, le tueur de Bonne,
13:43 sera guillotiné. Mais avec une enquête classique, il n'aurait jamais, jamais
13:47 été identifié. Il a fallu la patience de ce juge.
13:49 Alors, ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'il faut, pour identifier un personnage
13:52 comme cela, du temps, du recul.
13:54 Il faut collecter de l'information de façon très, très menue pour accumuler toutes
13:58 ces petites informations qui finissent par dessiner un profil.
14:01 Il faut aussi enjamber toutes les frontières administratives parce que
14:06 entre Lyon et les petites communes de campagne où vous aviez des gendarmes,
14:10 parfois juste un garde champêtre, personne ne pouvait à l'échelle d'une seule
14:14 commune résoudre une affaire comme celle-ci.
14:16 Le juge, en prenant, y compris sur ses loisirs, sur ses dimanches, pour aller à
14:20 droite, à gauche, pour enjamber les frontières administratives ou les ignorer,
14:23 eh bien, a agi un petit peu comme le FBI qui va poursuivre
14:28 un criminel à travers l'ensemble des États-Unis.
14:31 Et de ce point de vue-là, pour moi, Genoux est vraiment l'inventeur du
14:35 profilage et avec en plus un succès, l'arrestation de ceux du Mollard qui sinon
14:39 aurait continué à sévir pendant des années dans la plus totale impunité.
14:43 Donc, c'est le juge Genoux qui a inventé, sans le savoir, le profiling ?
14:46 Tout à fait.
14:47 Alors, il y a une autre affaire que tous nos auditeurs connaissent, c'est celle de
14:50 Jack l'Éventreur parce qu'elle est extrêmement connue.
14:52 Et on cherche là encore qui peut tuer ces prostituées dans les quartiers
14:56 malfamés de Londres. Et un certain Dr Bond, comme James Bond, va
15:01 trouver quelque chose d'important dans cette affaire.
15:03 Le Dr Bond va se pencher sur cette affaire avec ses outils de médecin.
15:07 Il va essayer de comprendre, il va essayer de déterminer quel type d'individu peut
15:10 tuer de cette manière-là, avec autant de cruauté, mais aussi avec autant d'honnêteté.
15:14 La différence, c'est que Bond ne va pas identifier l'assassin.
15:18 C'est pour cela que souvent il est présenté comme le plus ancien profiler.
15:22 Bon, c'était un profiler qui a échoué, puisqu'il a peut-être défini un peu un
15:26 profil avec l'idée que c'était quelqu'un qui avait des connaissances médicales, un
15:29 collègue en quelque sorte. Mais sur le fond, il n'a pas identifié l'assassin.
15:34 Et puis, il y a un autre personnage intéressant.
15:36 Si nous revenons en France, c'est un inspecteur de police qui deviendra
15:40 commissaire après. Mais au moment qui nous intéresse, c'est un petit inspecteur
15:43 dans les Brigades du Tigre qui s'appelait Jean-Jules Belin.
15:47 Et alors, Belin, c'est un policier...
15:49 Il travaille sur un personnage qui tue des femmes, lui aussi.
15:53 En fait, il ne le sait pas.
15:55 Ce qui se passe, c'est que dans les Brigades du Tigre, où il a laissé des
15:58 mémoires dans lesquelles il raconte qu'il y a beaucoup de travail.
16:01 C'était quand même une police d'élite.
16:03 Nous sommes en France à la belle époque, comme on disait.
16:06 On tease de toute façon nos auditeurs, mais là, on va parler de Landru, la
16:10 grande affaire française de cette époque.
16:12 Nous, aujourd'hui, nous savons tous que Landru a fait onze victimes, dix femmes
16:16 plus le fils de sa première victime.
16:19 Nous savons tous quel était ce personnage un peu truculent qu'on connaît en
16:23 particulier par son procès.
16:24 Mais mettons-nous au début de l'année 1919, quand
16:29 deux disparitions de femmes sont signalées, deux seulement,
16:33 à ce jeune inspecteur Belin.
16:34 Les deux dossiers, qui sont des dossiers distincts, sont très
16:39 minces, mais Belin a une intuition géniale.
16:41 Il trouve qu'il y a beaucoup d'analogies entre ces deux dossiers.
16:44 Et donc, il en déduit ce que nous appellerions aujourd'hui un mode opératoire.
16:49 Il pose l'hypothèse que c'est peut-être un même individu qui est à l'origine
16:54 de ces deux disparitions.
16:55 Dans le contexte, d'abord, qui suit la Première Guerre mondiale avec ses millions
16:59 de morts, ces deux disparitions n'émeuvent pas beaucoup les collègues.
17:03 Et puis, son idée qu'il puisse y avoir un homme qui tue des femmes fait
17:07 même un peu sourire. Et c'est contre ses collègues, c'est contre sa hiérarchie
17:10 qui lui donne plein d'autres dossiers à traiter, qu'il va un petit peu s'entêter
17:14 sur cette théorie qui va se révéler juste et même encore
17:18 plus juste qu'il ne le pensait, puisque ce ne sont pas deux disparitions, mais onze
17:22 auxquelles on va finir par aboutir.
17:23 Et ce qui est fantastique, c'est que Belin, avec cette intuition et avec sa
17:27 ténacité, il va refaire l'enquête, en quelque sorte, ces deux disparitions
17:32 qui avaient été traitées un peu par-dessus la jambe par la préfecture de police.
17:35 Eh bien, il va les reprendre.
17:37 Il va aller voir les familles des disparus.
17:40 Il va noter un certain nombre de choses.
17:42 Il va laisser sa carte de visite avec un numéro de téléphone, luxe énorme à
17:45 l'époque, mais dont les Brigades du Tigre bénéficient.
17:47 Et en moins d'une semaine, eh bien, il va faire tomber Landru, qui
17:52 opérait dans l'impunité depuis cinq ans.
17:54 Et si nos auditeurs veulent tous les détails, je les invite à lire votre livre
17:58 sur Landru, qui est absolument exceptionnel.
18:01 Merci pour cette interview absolument passionnante, Bruno Fulini.
18:04 Je rappelle que vous êtes l'auteur de l'Atlas secret du renseignement
18:08 paru aux éditions Grund.
18:10 Merci à tous nos auditeurs de nous écouter.
18:12 Je rappelle qu'Au coeur de l'histoire est un podcast européen studio et on
18:17 vous retrouve sur toutes les plateformes.
18:19 Et si vous avez aimé, laissez-nous des étoiles.
18:22 A bientôt.
18:22 !