Quand la littérature s'empare de la question raciale aux États-Unis

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00:00 *Musique*
00:18 Si la question du racisme aux Etats-Unis percute régulièrement, l'actualité, la thématique
00:23 est aussi largement traitée dans la littérature.
00:26 Et vous avez été nombreuses et nombreux à partager avec nous vos impressions de lecture
00:30 sur notre compte Instagram.
00:32 Alors merci, on va partager bien sûr cette liste avec vous lors de nos échanges.
00:37 *Hashtag #BookClubCulture*
00:39 Et parmi les grandes figures de ce combat, il y a ceux et celles qui ont mené la bagarre
00:46 dans la littérature.
00:47 Richard Wright, James Baldwin, Hal Felison.
00:50 Et ceux et celles qui ont transformé leur acte, leur valeur pardon, en actes.
00:55 Martin Luther King, My Comics, Angela Davis ou encore Harriet Tubman.
00:58 Toutes et tous sont au cœur des livres que nous feuilletons ce midi avec nos invités
01:03 bien sûr et avec nos lectrices.
01:04 C'est un roman sur la porosité entre le bien et le mal.
01:07 Et pour moi, ces écrits sont encore très pertinents aujourd'hui des deux côtés de
01:12 l'Atlantique.
01:13 C'est un livre qui m'a énormément touchée, dont il faut parler, qu'il faut partager.
01:19 On ne peut pas faire plus clair.
01:20 *France Culture, le Book Club, Nicolas Herbeau*
01:25 La voix de Manon, Louise et Rachel, nos lectrices du jour, donc qui participent, c'est notre
01:30 promesse.
01:31 Vous le savez à la construction de cette émission.
01:33 Bonjour Daniela Ferriere.
01:34 *Bonjour*
01:35 Vous êtes écrivain, académicien et vous publiez chez Grasset ce petit traité du racisme
01:39 en Amérique.
01:40 Vous êtes né en 1953 à Port-au-Prince, dans ces années d'après-guerre où les
01:49 questions raciales, les questions d'identité, figuraient au premier plan des romans américains.
01:54 Je les ai cités, Richard Wright, Ralph Ellison ou encore James Baldwin.
01:58 A quel moment de votre vie vous découvrez ces romans et ces écrivains ?
02:02 On ne sait pas en Haïti.
02:06 Enfin, je n'avais pas de bibliothèque chez moi.
02:11 Ou peut-être, je ne sais pas, à combien de livres on a une bibliothèque ? Une dizaine.
02:15 Les livrantes sortent grâce aux amis qui nous prêtent certains livres et on en prête
02:24 aussi.
02:25 Mais il y a eu quand même des effets de la négritude, ce qui fait que j'ai entendu
02:32 ces noms très tôt.
02:33 James Baldwin, Richard Wright, un peu moins Ralph Ellison et puis aussi surtout les chanteurs
02:41 de blues, les musiciens.
02:42 Il y a une tradition, une transmission orale aussi ?
02:45 Oui, surtout à la radio.
02:48 J'écoutais, il y avait d'autres gens qui lisaient et qui en parlaient comme on fait
02:52 là en ce moment.
02:53 Et j'écoutais, j'attrapais les noms.
02:57 Et puis j'essayais de trouver s'il y avait des livres usagés à bon marché devant la
03:03 cathédrale où je pourrais lire ces écrivains-là, qui étaient quand même importants pour la
03:10 culture de l'époque, pour l'identité.
03:13 C'était la grande fièvre de la négritude.
03:16 Après Césaire, après Jean Price Mars et d'autres écrivains comme Senghor, on passait
03:25 du côté américain.
03:26 Pour échanger sur le racisme et la ségrégation aux Etats-Unis, nous avons convié Jean-Pierre
03:31 Montal.
03:32 Bonjour.
03:33 Vous êtes aussi écrivain, auteur de nouvelles et de romans, mais également éditeur aux
03:37 éditions du Cherchemedi, qui vient donc de publier ce livre signé Robert Penn Warren
03:42 au nom des Noirs.
03:43 Quelle est l'histoire de ce livre ? Il a été publié en 1965 aux Etats-Unis, traduit
03:50 en français et publié seulement aujourd'hui en 2023.
03:54 Qu'est-ce qui s'est passé entre-temps ?
03:56 Ce qui s'est passé entre-temps, c'est qu'en fait c'était un livre qui avait le statut
04:01 d'un livre très différent dans l'œuvre d'un géant comme Penn Warren.
04:05 Pour parler de ça, il faut resituer un tout petit peu l'ampleur littéraire de Penn Warren,
04:09 puisqu'en France il est un petit peu en deuxième rideau, un peu derrière Faulkner.
04:15 Ensuite, il est coincé je pense entre deux générations.
04:18 Il est coincé un peu avec Faulkner qui lui fait de l'ombre et puis derrière une génération
04:21 de, on va dire pour faire vite, Styron et Tom Wolfe qui lui font de l'ombre dans l'autre
04:27 sens.
04:28 En revanche, ce qu'on sait peu, c'est que c'est l'homme aux trois prix Pulitzer, pour
04:33 le dire rapidement, c'est-à-dire qu'il a un prix Pulitzer pour son roman "Au nom des
04:37 Noirs" et ensuite il a deux prix Pulitzer à plusieurs années d'intervalle, à quasiment
04:41 15 ans d'intervalle facilement, pour son œuvre poétique.
04:44 Donc c'est un écrivain qui avait une image très littéraire au sens grand roman, grande
04:51 fresque comme il s'allait faire, comme par exemple "Le cavalier de la nuit", son tout
04:56 premier roman, qui est un roman très très puissant sur la lutte contre la création des
05:01 trusts dans le marché du tabac, et puis son œuvre littéraire.
05:05 Entre les deux, il y a cette expérience assez unique parce que Penn Warren, c'est l'écrivain
05:10 du Sud, j'allais dire c'est l'écrivain du Sud typique, c'est-à-dire qu'il a été élevé
05:14 dans une société, il a été élevé dans la ségrégation, il avait des parents qui
05:22 travaillaient comme planteurs de tabac, donc il était complètement façonné par le Sud,
05:28 par la culture du Sud, et il a mené ce travail sur son évolution, qu'est-ce que je dois
05:36 faire, qu'est-ce que je vois, qu'est-ce que je ressens face à la société ségrégationniste.
05:40 Et à partir de là, il a fait ce livre.
05:42 Et donc ce livre avait un statut très particulier, parce qu'on y reviendra peut-être, mais
05:46 ce livre a une forme très particulière.
05:48 - Oui, il est basé sur des entretiens que Penn Warren a menés durant de longs moments
05:53 avec ses grandes figures, notamment du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, il a rencontré
05:59 Martin Luther King, My Comics, James Forman, des écrivains aussi.
06:03 Il enregistre tout cela et ensuite il retranscrit, et c'est ce qui est contenu dans ce livre
06:10 Au nom des Noirs, avec aussi des commentaires que fait l'auteur sur le contexte, sur qu'est-ce
06:18 que la personne à l'interview a voulu dire.
06:22 - Il utilise aussi son côté écrivain parce qu'il décrit les lieux, il décrit attentivement
06:29 chaque personne qu'il rencontre, le corps, la couleur de la peau, la douceur de la peau,
06:37 le regard et l'espace dans lequel se trouve cette personne, son lieu de travail.
06:42 Donc il y a ce côté récit et aussi ses émotions, ses humeurs, comment il voit tout cela.
06:49 Et c'est ce qui donne aussi la force à ce livre.
06:52 - Oui, c'est-à-dire que l'écrivain ne disparaît pas totalement.
06:55 En revanche, il y a une sorte de méfiance de la littérature, j'allais dire, face à cette question.
06:59 C'est-à-dire que, par exemple, à un moment, comme vous le dites, il peut faire des portraits,
07:04 il peut faire exister un endroit, une salle, une atmosphère.
07:06 Par exemple, c'est très marquant quand il va rencontrer Malcolm X, on sent qu'il est
07:11 impressionné par Malcolm X, que Malcolm X ne laisse aucune prise, que c'est très
07:16 prenant comme moment.
07:17 Tout cela est rendu de façon assez littéraire.
07:19 Mais parfois, le livre, par exemple, change de forme subitement, il est assez moderne
07:25 pour cela, et devient son carnet de notes, chapitré rapidement comme un carnet de notes.
07:30 Parce que, comme il le dit au début du livre, il vise, ce qu'on vise tous, mais ce qui
07:36 est encore plus dur quand on écrit, c'est-à-dire qu'il vise certains niveaux d'honnêteté.
07:40 Et ça, c'est difficile quand vous vous mettez à faire de la littérature.
07:43 Je pense que tout à l'heure, on évoquera sans doute Styron.
07:46 C'est un bon vieux protestant, il veut être honnête, il veut que tout paraisse dans le
07:51 livre.
07:52 C'est écrit "enregistrement, telle date, je viens d'arrêter l'enregistrement, je
07:56 vais reprendre plus tard".
07:57 Et il décrit, il voudrait bien que le lecteur sache que ce qui est lu là, c'est ce qui
08:04 s'est passé.
08:05 Et ça cueille une émotion quand même intéressante pour le lecteur.
08:09 Et parce que dans ces histoires-là datées, et dans cette période où l'idéologie était
08:16 tellement importante, on ne s'intéressait qu'à ça, brusquement d'entendre les gens,
08:21 de les voir bouger, d'avoir l'impression que quelqu'un est en train d'attendre qu'on
08:26 reprenne l'interview, c'est pas mal comme sensation.
08:29 - Et alors juste un mot Jean-Pierre Montal sur qu'est-ce qui s'est passé jusqu'ici.
08:34 Si c'est le statut un peu particulier de ce livre qui fait qu'il n'a pas été traduit
08:38 en français, qu'il n'est pas arrivé jusqu'à nous durant toutes ces années ?
08:40 - Oui, oui.
08:41 En gros, je pense qu'on a redécouvert l'œuvre de Pen Warren par les romans, d'ailleurs quasiment
08:48 pas par la poésie, et par les romans.
08:50 Donc c'était un romancier qui devait écrire un certain type de roman.
08:53 Ce livre est très particulier, comme on vient de le dire, c'est un témoignage, road movie,
08:59 respection personnelle, plus un article de journaliste et parfois même un bloc-notes.
09:02 Donc cette forme-là, elle a souvent envoyé vers des études universitaires et non littéraires.
09:07 - Daniela Farir, on va évidemment s'intéresser aussi à la forme de votre petit traité du
09:12 racisme en Amérique.
09:13 Vous racontez dans le livre qu'un ami vous a demandé ce que vous aviez à l'esprit en
09:17 faisant ce petit traité, et vous avez répondu "je voudrais remettre de la chair et de la
09:21 douleur dans cette tragédie qu'est le racisme".
09:24 - On dirait James Baldwin, que Pen Warren n'aime pas beaucoup.
09:29 Oui, mais j'ai essayé de faire sobre aussi, que ce soit par la forme.
09:34 Et en lisant ce gros livre d'Hobbett, Pen Warren, j'ai trouvé, sans l'avoir lu bien sûr,
09:40 puisqu'il vient de paraître, j'ai trouvé tous les thèmes, les personnages même, et
09:45 comme ça, certaines choses, par exemple, j'ai trouvé que Martin Luther King dit qu'il
09:53 faut que les Noirs soient des Américains et non des Noirs américains.
09:56 Et que c'est là l'identité, si on n'arrive pas à cela, et ce que j'avais écrit dans
10:04 ce livre.
10:05 Donc pour moi, c'était une lecture intéressante de voir le côté extrêmement, j'allais dire,
10:12 raffiné dans le sens qu'on a enlevé toute graisse.
10:14 C'est mon livre, et presque des haïkos parfois, et de petits portraits qui n'ont rien à
10:20 voir avec ceux de Pen Warren, des portraits rapides, et là j'ai senti qu'il y avait tous
10:27 les débats que Pen Warren a agités.
10:29 - C'est vrai qu'il y a entre les deux des correspondances, des thématiques communes,
10:34 des personnages, des personnalités, des figures qui se répondent.
10:38 On va écouter Manon qui est notre lectrice, qui a lu votre petit traité du racisme en
10:42 Amérique et qui nous dit ce qu'elle en a pensé.
10:44 - J'ai parfois posé le livre, je racontais des passages à mes proches, je pense que
10:50 j'avais besoin aussi de partager ma colère et ma tristesse par rapport à ce qui était
10:56 écrit, parce que dans son essai, Daniela Ferriere relate certains crimes racistes,
11:03 choquants, et aussi le combat engagé de certaines personnes qui ont lutté contre le racisme
11:08 et parfois opéré de leur vie.
11:09 J'ai même eu du mal à trouver les mots pour parler de ce livre parce que le racisme
11:13 est un fléau, et c'est un livre qui m'a énormément touchée, dont il faut parler,
11:20 qu'il faut partager, parce que c'est nécessaire.
11:22 - Vous dites Daniela Ferriere, il faut écrire des livres qui intéressent les jeunes gens,
11:27 notamment sur ces questions-là.
11:29 C'est aussi pour ça que vous avez choisi cette forme un petit peu surprenante, mais
11:34 ces petits haïkus, ces petits poèmes japonais, c'est la forme que vous prenez, et puis ces
11:41 histoires un peu plus longues où vous prenez le temps de raconter qui sont les personnages,
11:46 qu'est-ce qu'ils ont pensé, comment ils ont réagi.
11:48 - Oui et non, j'écris un peu comme ça, j'ai écrit "L'énigme du retour", il y a des choses,
11:55 j'aime beaucoup l'écriture éclatée, j'aime beaucoup donner, d'ailleurs c'est l'un des
12:02 rares reproches que je fais aux livres de Pernoirine, on le dit parfois ennuyeux, et
12:08 d'autres fois ça peut être très riche aussi, comme le livre, je fais toujours peur d'ennuyer,
12:13 c'est là que se trouve mon côté, disons, radical.
12:18 Mais en même temps, ces petits textes, il faut aussi qu'ils soient à la fois resserrés,
12:25 résumés, mais à l'intérieur une sorte de nonchalance pour que ce ne soit pas des formules.
12:29 Et c'est bien, c'est pas envoyé comme ça.
12:33 J'ai bien travaillé, c'est comme si j'avais des réflexions et que je donnais un peu la
12:39 conclusion de ces réflexions, faisant confiance au lecteur qu'il va ressentir l'émotion,
12:45 c'est l'émotion qui m'intéresse.
12:46 Et les gens qui viennent de parler tout à l'heure précisément ont ressenti cela,
12:52 c'est l'émotion, mais par la littérature.
12:54 Et contrairement à l'exposition des drames racistes, ce qui m'intéresse c'était comment
13:01 écrire ça, parce qu'il y a beaucoup de livres sur le racisme, c'est comment écrire ça.
13:06 Mais la même chose pour le livre de Penn Warren, c'est la forme d'abord qui nous impressionne,
13:11 cet homme qui circule pour aller demander des comptes, enfin demander des contenants,
13:16 pour aller demander des explications à tous les gens qui étaient les acteurs d'une situation,
13:22 disons, actuelle.
13:23 Je sais qu'il y a un écrivain qui vous intéresse tous les deux particulièrement, on l'a déjà
13:27 cité son nom, c'est James Baldwin.
13:29 Il a souvent été qualifié de voix, la voix d'une génération, la voix d'une révolution,
13:33 la voix d'une époque, la voix d'une conscience, la voix de nouveau noir, la voix de ceci,
13:37 la voix de cela, écrit Penn Warren.
13:39 Personne ne la décrit par la chose qu'il soit réellement, spécifiquement et strictement
13:44 la voix de lui-même.
13:45 Alors qui se lance dans…
13:47 - Ah bon, non, j'étais pas d'accord avec Penn Warren là-dessus, parce qu'être la
13:51 voix, c'est pas soi-même qui l'a dit.
13:53 - Non, et que Baldwin, par son effervescence, sa ferveur, son ardeur et aussi son intelligence
14:06 excessivement aiguë, sa façon qu'il a de prendre à contre-pied les idées reçues,
14:11 et sa précision dans les détails, et c'est son côté prêcheur, il fut un jeune pasteur
14:18 et qu'il a pu impressionner l'Amérique et attirer les médias, et je comprends bien,
14:25 mais ce n'est pas lui qui a défini qu'il était la voix d'eux, et c'est les gens
14:29 qui ont voulu l'entendre, et je ne vois pas…
14:32 Tout le monde est la voix de soi-même.
14:35 - Sur James Baldwin, Jean-Pierre Montal ?
14:37 - Oui, c'est un immense écrivain évidemment, là j'enfonce une porte ouverte avec vigueur,
14:42 mais pour revenir à Penn Warren face à James Baldwin, c'est vrai que la rencontre ne prend
14:47 pas, il y a quelque chose de très marquant dans le livre, et c'est aussi un des intérêts
14:50 de ce livre puisque, comme vous le disiez, Penn Warren va à la rencontre de tout le
14:54 monde, donc on voit déjà une diversité de pensées, on voit des gens qui abordent
14:58 la question des droits civiques, cette question du militantisme et du mode d'action, ils
15:03 l'abordent de façon très très différente, et des gens qui développent des pensées
15:07 très différentes autour de ça, et puis il y a des moments, forcément les rencontres
15:12 ne sont pas toutes équivalentes.
15:13 Alors bon, j'ajoute un tout petit point comme ça, vous l'avez dit, je suis éditeur,
15:18 alors j'ai pu constater, et là c'est un peu d'expérience vécue, c'est que les rencontres
15:21 entre écrivains ne donnent pas de miracle en règle générale, mais bon, voilà.
15:24 - Ça marche souvent bien dans le boucle, vous.
15:27 - C'est vrai ? Bon, alors, il se méfie de Baldwin.
15:31 - Alors justement, pourquoi ? Qu'est-ce qui explique que ça ne prenne pas ce rendez-vous ?
15:35 - Mais Baldwin sait tout ce que n'est pas Penn Warren, il est extravagant, il est flamboyant,
15:42 il pense même qu'il est homosexuel aussi, c'est peut-être une des raisons.
15:46 Il est lyrique, il est très lyrique même, et puis en plus, je ne sais pas, Penn Warren
15:53 peut donner l'impression d'un homme qui reste chez lui, qui n'essaie pas de se montrer,
15:58 mais on ne sait jamais.
15:59 Peut-être qu'il est un peu énervé par le fait de voir Baldwin partout et qu'il n'y
16:06 est pas lui.
16:07 - Oui, c'est un peu ce que je voulais dire dans la jalousie possible entre écrivains.
16:10 Ensuite, Penn Warren, c'est aussi un homme, parce qu'il ne faut pas… Alors, c'est
16:13 vraiment, on peut le dire, une sorte de statue du Sud, un petit peu, du Sud des Etats-Unis,
16:17 mais c'est aussi un homme qui a énormément voyagé, qui a énormément évolué.
16:20 Il a vécu en Italie, il a vécu en France, il a vécu en Angleterre très longtemps où
16:23 il enseignait.
16:24 Donc, il a une certaine vision assez panoramique, je dirais, des lettres.
16:30 Ce n'est pas uniquement un homme du Sud qui débarque et qui réclame des comptes à
16:34 Baldwin.
16:35 Mais c'est vrai que la rencontre ne prend pas, je trouve ça assez passionnant finalement.
16:38 Je me rappelle toujours, vous savez, cette anecdote, on dit quand, je crois que c'est
16:41 Proust, Joyce et je ne sais plus qui, un troisième, qui se sont retrouvés pour un
16:46 dîner au Ritz et ils ont parlé de la météo.
16:48 Donc, je pense qu'il y a des moments comme ça, parfois, les choses ne prennent pas.
16:51 - Alors, on ne va pas parler de la météo, mais on va continuer de parler de James Baldwin
16:55 qui a une révélation en lisant Native Song, un enfant du pays, écrit par Richard Wright,
17:00 un autre auteur très important.
17:02 Pourquoi est-ce qu'il est complètement admiratif de cet auteur ? Vous écrivez Daniela Ferriere
17:10 et c'est très surprenant.
17:12 « Pour la première fois, les Blancs américains avaient assisté Médusé au lever d'une
17:16 famille noire, comme autrefois les Français assistaient au lever du roi.
17:20 C'est la mère qui réveillait tout le monde et elle devait négocier durement car chacun
17:24 voulait rester dix minutes de plus au lit.
17:26 C'est chaotique dans la famille du jeune Bigger Thomas, carnavalesque même, mais je
17:31 suis sûr que c'est le même rituel dans la plupart des familles américaines.
17:34 C'est peut-être de là que sont venus l'étonnement puis le succès du livre.
17:37 On dirait nous, c'est écrit, c'est écrit à un lecteur.
17:41 - Vous avez souri un peu en lisant les dix minutes que maman devrait négocier chaque
17:46 matin, mais c'est cela brusquement.
17:48 On n'était plus dans l'idéologie, dans le grand discours, dans les lamentations.
17:52 On voyait les gens, on pouvait les voir par le trou de la serrure et c'est le néfrontement
17:57 du récit.
17:58 C'est-à-dire que les gens s'agitent, qu'ils vivent sans qu'ils donnent l'impression
18:04 de savoir que nous les regardons.
18:06 Les gens étaient étonnés de voir que ça se passe comme chez eux.
18:11 L'écriture de Richard White, tranquille, c'est raconter une histoire, il y va tranquillement,
18:19 il a des mots, son style est très charnu, on a envie de manger ses mots.
18:26 On est dans une ambiance très naturelle et c'était nouveau.
18:32 Baldwin était impressionné parce que c'est son aîné et que Richard White est un homme
18:38 bon.
18:39 Il se démène pour les autres, il l'a fait pour Baldwin, il lui a fait trouver des bourses.
18:44 En France, il passe un temps à s'occuper des jeunes écrivains et en même temps c'est
18:52 normal aussi, il faut tuer le père.
18:54 Baldwin a envisagé d'écrire différemment.
18:59 Alors on va écouter Louise qui elle aussi a lu Baldwin et nous dit ce qu'elle en a
19:04 pensé.
19:05 Il y a une question à la fin pour vous deux.
19:06 Je me suis intéressée à Baldwin en faisant des recherches sur Malcom X et ce qui m'a
19:11 absolument bouleversée dans son écriture, c'est déjà sa plume exceptionnelle et ensuite
19:16 sa capacité à exprimer ses idées avec une économie de mots, d'une efficacité redoutable,
19:22 on ne peut pas faire plus clair.
19:23 Ce qui est intéressant avec Baldwin aussi c'est qu'il a connu toutes les grandes figures
19:26 des mouvements de libération des Noirs aux Etats-Unis, Malcom X, Medgar Evers, Martin
19:31 Luther King, qu'il a tous vu se faire assassiner.
19:34 Et en fait il était souvent là pour faire un pont entre tous ces grands hommes qu'on
19:39 a voulu opposer, que ce soit les historiens ou les journalistes à l'époque.
19:43 Et il a vraiment su montrer que dans ses écrits, que toutes ces personnes marchaient dans la
19:48 même direction et se battaient pour la même chose.
19:50 Autre chose c'est que dans La Prochaine Fois Le Feu, il anticipe les événements et les
19:55 mouvements idéologiques qui pavent, les mouvements de libération des Noirs.
19:59 Et pour moi c'est aussi un peu un précurseur de l'intersectionnalité ou du panafricanisme,
20:05 au même titre que Fanon par exemple.
20:07 Il réussit à faire un lien entre les continents, c'est-à-dire qu'il réussit à faire un lien
20:12 entre le destin des Noirs aux Etats-Unis et celui des Algériens en France.
20:15 Et pour moi, ses écrits sont encore très pertinents aujourd'hui des deux côtés de
20:20 l'Atlantique.
20:21 Et ma question pour les invités c'est, j'aimerais avoir leur avis sur la pertinence des écrits
20:27 de Baldwin aujourd'hui.
20:29 Est-ce que les écrits de Baldwin sont toujours pertinents en 2023, Denis Laferrière ?
20:34 Pour moi oui, je ne sais pas, pour l'époque, je ne regarde pas trop l'époque, je ne sais
20:40 pas de quoi elle se nourrit.
20:42 Mais c'est d'abord un grand écrivain, un essayiste comme a dit cette lectrice, et c'est
20:48 un essayiste de premier ordre.
20:49 Et on voit bien, il a un ton qui peut monter à l'aiguë extrême, et puis des fois il
20:56 prend des basses, il aime beaucoup le blues.
20:58 Et donc on voit bien ça dans son écriture.
21:02 Et des fois il monte, il monte, il monte, et personne ne peut le retenir à ce moment-là.
21:07 Sa diction se mêle à son argumentation, et c'est comme un enfant qui hurle lorsqu'il
21:17 veut manger, on ne peut que lui apporter à manger.
21:19 Et cette dame a bien dit, il devient irrésistible.
21:23 Il sonne juste, il sonne vrai, et en même temps on n'est pas sûr qu'il soit tout à
21:29 fait honnête.
21:30 Et c'est quelqu'un qui est capable de tricher, et pour dire le mieux possible ce qu'il veut
21:36 dire.
21:37 - Jean-Pierre Montal sur cette idée de pertinence de ses écrits ?
21:41 - Oui, moi je pense que c'est un des écrivains sur cette question-là le plus pertinent.
21:46 Sincèrement, je pense que ce qui fait cette force toujours sensible, je pense que c'est
21:53 une question de style.
21:54 Parce que moi je trouve que la dame le disait très bien, il y a un mélange pour moi presque
21:59 idéal de clarté et de lyrisme.
22:00 Parfois les écrivains lyriques sont trop lyriques, et on perd un peu de vue ce qu'ils ont envie
22:05 de dire.
22:06 Parfois l'inverse peut être vrai, les écrivains trop clairs manquent un peu de souffle.
22:10 Alors que là on a une sorte de juste équilibre.
22:12 Et d'ailleurs je suis entièrement d'accord avec Daniela Ferriere, je pense que derrière
22:16 tout ça il y a un secret qui est essentiellement musical.
22:19 - Notre lecteur, Ego Lector, qui nous conseille de lire notamment de James Baldwin, Meurtre
22:26 à Atlanta, un pauvre sans sa propre odeur réelle ou supposée dans les yeux des autres,
22:32 être pauvre est particulièrement insupportable quand on est jeune et noir.
22:36 Donc citation sur notre page Instagram de notre lecteur de ce roman, Meurtre à Atlanta,
22:42 vous voulez dire un petit mot sur ça ?
22:44 - Ah non non, je voulais dire que le livre qui m'a vraiment vraiment fait découvrir
22:47 Baldwin et qui m'a...
22:48 C'est Personne ne sait mon nom.
22:50 Bien sûr, après le grand livre, les gens ont raison, c'est La Prochaine fois le feu,
22:57 mais Personne ne sait mon nom, il faut imaginer un jeune écrivain de Harlem qui donne des
23:03 leçons à Gide et de morale sexuelle et dans cette deux pages et demie sur Gide où il
23:11 dit cette phrase extraordinaire, il dit "le drame de l'homosexualité des hommes, c'est
23:15 l'absence de femmes".
23:17 Et il dit que Hollywood nous a habitués à tellement de rudementades, à tellement de
23:23 biceps, à tellement d'une sexualité hurlante et agressive qu'on a perdu cette histoire
23:29 et ce qui a pu sauver Gide et c'est, je ne sais pas si c'était Catherine sa femme,
23:34 il dit "c'est les lettres de Gide et que sa femme a brûlées et c'est là que se trouve
23:41 le secret de Gide, il faut qu'il retrouve cet amour pour devenir humain".
23:45 C'est quand même pas mal, comme pour un regard d'un jeune noir de Harlem qui parle de l'homosexualité
23:52 où il dit cette chose terrible encore, il dit en 1953 à peu près "trouver quelqu'un
23:58 avec qui l'on travaille, à qui on peut dire qu'on l'aime si c'est un homme et rester
24:03 au travail, c'est l'enfer".
24:05 Et nous continuons cet échange dans le Book Club avec Daniela Ferriere de l'Académie
24:16 française pour son petit traité du racisme en Amérique et nous recevons également l'éditeur
24:21 de Robert Penn Warren "Au nom des noirs", Etats-Unis, 1964, au cœur du mouvement pour
24:27 les droits civiques, Jean-Pierre Montal qui est donc l'éditeur au Cherche Midi.
24:31 Il y a un autre auteur dont on parle dans ces deux ouvrages, c'est Ralph Ellison qui
24:36 a publié "Invisible Man", l'homme invisible si on peut dire, c'est son unique roman qui
24:41 avait été d'ailleurs récompensé.
24:43 Le narrateur-auteur de ce roman est un homme noir à la dérive en rupture avec le monde,
24:49 il est révolté contre les masques que la société entend lui imposer.
24:54 Il y a, vous dites Daniela Ferriere, dans votre petit traité "Suite aux nombreux assassinats
25:01 des dernières décennies, on peut affirmer que le cri de l'homme invisible reste encore
25:07 inaudible".
25:08 Qu'est-ce que ça veut dire ? Cette phrase est très forte.
25:13 - On a cette impression, on dirait que ça se multiplie depuis ces dernières années,
25:19 surtout avec Trump, d'abord avec Obama, puisque les racistes se sont dit "ils ont mis un noir
25:26 au pouvoir pour nous intimider, on va leur montrer que ça ne nous intimide pas, on va
25:31 continuer à tuer".
25:32 Ils sont descendus dans les rues américaines et ils ont tué autant que possible.
25:38 Ensuite, Trump est arrivé, il y a, comme on dit, il a décomplexé le racisme et nous
25:45 savons très bien qu'il faut un détonateur, quelqu'un qui signale les choses.
25:51 Et quand les policiers sont dans la rue et qu'ils sont sûrs du chef, le chef est beaucoup
25:56 plus grossier que nous, beaucoup plus vulgaire, beaucoup plus direct, et dans son racisme,
26:01 on est protégé, on peut y aller, chef.
26:03 Et voilà, on ne comprend pas pourquoi cette escalade de violence aux Etats-Unis, et malgré
26:10 tout, j'arrive pas à comprendre.
26:12 - Ça c'est évidemment pour la situation aujourd'hui, Robert Pernoy Warren parle lui
26:17 aussi de cet écrivain Ralph Ellison et de son livre, il dit même qu'il s'intitule
26:22 "Homme invisible, pour qui chantes-tu ?" et que c'est désormais un classique de notre
26:26 époque, là il parle évidemment dans les années 60.
26:29 Il a rencontré aussi Ralph Ellison, Robert Pernoy Warren, et Jean-Pierre Montel.
26:33 - Oui, oui, tout à fait, c'est un des passages les plus prenants, je trouve, du livre, parce
26:42 qu'on sent une forme de...
26:44 On sent en fait véritablement deux mondes qui vont dialoguer, et on sent, je trouve,
26:51 je sais qu'on en a parlé tout à l'heure avec Daniela Ferriere, peut-être qu'on n'a
26:53 pas tout à fait raccord sur ce point-là, mais moi je trouve qu'on sent deux hommes
26:57 d'extrêmement bonne volonté, chacun venant de cultures et d'environnements très différents,
27:04 et qui vont parler de sujets très très très sensibles, avec un degré de respect et de
27:13 raffinement très impressionnant, ça fait partie des pages qui moi je trouve les plus
27:17 marquantes, et puis c'est vrai que Pernoy Warren ne cache pas son admiration pour l'écrivain,
27:21 ça contredit un peu ce que je disais tout à l'heure sur les rencontres entre écrivains,
27:24 en tout cas là cette fois, elle fonctionne.
27:26 - Non c'est vrai tout à fait, c'est le passage le plus intéressant du livre, peut-être
27:30 l'une des plus fabuleuses rencontres de ce livre.
27:35 J'avais senti que Pernoy Warren, à un moment donné, dans la chaleur de cette amitié naissante,
27:43 avait presque placé la situation du blanc du Sud à côté de la situation du noir du
27:47 Sud, et qu'à un moment donné même, c'était comme si la situation du noir du Sud faisait
27:54 partie de l'identité du blanc, et qu'il ne fallait pas trop bousculer cette identité,
27:58 argument que Faulkner avait lancé, et qui avait, disons, énervé Baldwin, et quand
28:05 il a dit "moi si ça continue, s'il continue à déranger la psychologie du blanc du Sud,
28:11 je sortirai dans la rue avec un fusil", et Faulkner, bon c'est un fermier, il est proche
28:16 de son fusil, il ne l'aurait pas fait, et donc il l'a dit.
28:21 Et il y a un mot dans ce livre qui m'intéresse, qui est le fondement de ce livre de Robert
28:27 Pernoy Warren, c'est le mot "attendre".
28:29 Et Faulkner l'avait prononcé aussi.
28:32 C'est-à-dire, il y a un groupe qui dit "il ne faut pas aller trop vite, ça va déranger
28:38 tout notre système", et c'est aussi le fondement de la conversation avec Ellison.
28:43 Et un autre groupe qui dit "ce que vous voyez là, c'est un peu la crête, nous avons attendu
28:50 des siècles ce moment-là, ce n'est pas un moment, c'est la pointe".
28:53 - Ce moment-là, pour aller dans le fond, c'est ce moment où on réclame l'égalité,
28:59 où on se bat contre la ségrégation ?
29:02 - Oui, c'est vrai que c'est exactement ça.
29:05 On est à un point de bascule, on est à un moment de crête, et il y a deux groupes qui
29:08 s'observent, et même avec toute la bonne volonté dont on vient de parler entre les
29:12 deux hommes, on voit bien que ça bascule là.
29:14 D'ailleurs il y a un très beau passage dans le livre de Daniela Ferriere, vous décrivez
29:17 à un moment une photo, une photographie d'une famille, et vous dites "ça c'est un peu,
29:22 c'est une photographie qui date des années 30", et donc vous dites "voilà, là on regarde
29:27 encore le calme avant la tempête", et puis il va y avoir ce basculement des années 60.
29:31 Et d'ailleurs vous dites très bien, le fils sur la photo deviendra peut-être un black
29:35 muslim, les choses vont tellement basculer avec une telle soudaineté.
29:40 - Alors c'était dimanche après-midi, la photo a été faite, où les gens, j'imagine,
29:45 sont bien assis, les filles, les garçons, le père qui est d'une autre époque et qui
29:50 regarde un horizon sans ciel, et la mère qui fait de la couture comme dans les peintures
29:55 hollandaises, et tout ce monde bien calme, bien années 50, va basculer dans les années
30:01 60 dans une énergie folle.
30:03 - Alors évidemment on parle des auteurs, mais on va aussi parler des militants, et
30:09 on ne peut pas passer à côté de Martin Luther King et de Malcolm X dans ces années 50,
30:14 60, où il y a une question qui va diviser ce mouvement.
30:18 Est-ce qu'il faut se battre pour des réformes, pour réformer les lois, ou est-ce qu'il
30:22 faut renverser complètement le système ? Martin Luther King, lui, prône, et c'est
30:28 clair, une lutte plutôt pacifiste, tandis que Malcolm X a une option beaucoup plus
30:32 violente, beaucoup plus radicale.
30:34 C'est aussi cette question qui est posée dans ses entretiens, et aussi dans votre livre.
30:39 - Oui, mais le livre de Robert Penn Warren montre de façon graphique cette situation.
30:44 C'est-à-dire, même si Robert Penn Warren se méfie de Martin Luther King, et comme
30:49 il peut avec raison se méfier des gens qui sont obligés de donner leur opinion sans
30:54 cesse dans les médias, c'est un homme de peu de parole, et il aimerait bien parler
30:59 à des gens qui n'ont pas souvent parlé, mais quand même, il a pu avoir un contact
31:04 avec Martin Luther King, et il a bien entendu ce qu'il appelle l'amour de l'autre,
31:10 et qui est quelque chose d'extrêmement complexe.
31:12 Dans le livre de Robert Penn Warren, il y a une définition de cet amour, dite par
31:16 quelqu'un d'autre, qui est magnifique.
31:17 Il dit "L'amour que je porte à l'autre, et aux blancs, du Sud, esclavagistes, où
31:25 qu'il a été, c'est arriver à le dépouiller de tous ses privilèges, jusqu'à ce qu'il
31:30 devienne un être humain, pour que je puisse l'aimer."
31:33 C'est une demande, et c'est la demande de l'Église, sûrement, un riche ne pourra
31:39 pas passer dans le chat d'une aiguille.
31:40 C'est une difficulté à entrer là.
31:44 Donc c'est un peu ce que dit Martin Luther King.
31:46 Alors quant à Malcom X, il n'y a aucune fissure.
31:49 Rien du tout.
31:51 C'est la bataille directe maintenant, et puis que ça saute.
31:54 - Un mot rapide sur la rencontre avec les deux figures ?
31:58 - Oui, évidemment, on le sait maintenant, il y a deux oppositions, et puis on le savait
32:03 à l'époque, il y a deux façons de voir la lutte de ce moment-là.
32:07 Il y a un moment très prenant dans la rencontre entre Martin Luther King et Robert Penn Warren,
32:13 c'est que Martin Luther King, on sent comme il y a un peu d'ambiance, si vous voulez,
32:17 comme on vit un peu le moment, et Penn Warren se sent obligé de dire "il est très occupé,
32:22 il m'a même sacrifié sa pause déjeuner", parce qu'on voit que Martin Luther King c'est
32:25 un homme, alors, ça, occupé, on s'en doutait, mais surtout les fronts, et puis alors surtout
32:31 les réponses de Martin Luther King sont très très impressionnantes, parce qu'on a l'idée
32:35 de la non-violence, on a l'idée de la main tendue et d'aimer son ennemi, mais c'est la
32:39 façon dont il donne vie et donne chair à ces notions-là, qui sont incroyables, c'est
32:43 beaucoup plus profond et beaucoup plus riche qu'un simple discours de compassion.
32:48 - C'est très important parce que c'est enregistré, là on a la voix, quelqu'un a dit dans le
32:53 livre, une sorte de commissaire ou éctrice d'université, que pour la première fois
32:58 elle a entendu la voix de Martin Luther King, c'est vrai, on n'entend que les discours,
33:03 les grands discos, les messages, les interviews, et on sent la voix, et c'est là qu'on découvre
33:09 combien cet homme est intelligent et sensible, et puis aussi c'est un intellectuel de haut
33:14 niveau, et un sens littéraire, il s'exprime avec force, avec intelligence, et il n'a jamais
33:22 été désassorné par Robert Penrahen, qui lui a posé vraiment les bonnes questions
33:25 cette fois.
33:26 - On peut aujourd'hui entendre ces enregistrements Jean-Pierre Montal ?
33:28 - Oui, on les trouve sur un site, oui oui, on les trouve, ils sont regroupés, on peut
33:32 les entendre, et ça vaut vraiment le coup, et j'insiste sur ce que vous venez de dire,
33:35 il y a un côté intellectuel de très haut niveau, c'est-à-dire qu'on sent toute l'articulation
33:39 et toute la réflexion qu'il y a dans l'intervention et dans la discussion.
33:42 - Et la description est magnifique, il dit "Martin Luther King a l'air toujours de penser
33:46 ce qu'il dit".
33:47 - Et ça s'appelle "Au nom des Noirs, Etats-Unis 1964", au cœur du mouvement pour les droits
33:51 civiques, signé donc Robert Penrahen, aux éditions de ChercheMidi.
33:56 Merci beaucoup Jean-Pierre Montal, éditeur, d'être venu nous en parler.
33:58 Je vous remercie aussi beaucoup, Daniela Ferriere, de l'Académie française Petit Traité du
34:02 racisme en Amérique, qui vient de paraître aux éditions.
34:05 Grasset, merci d'avoir échangé avec nous.
34:06 *Générique*
34:11 13h25 sur France Culture, dans un instant l'épilogue de ce bout de club, mais avant,
34:15 voici les cadres itèmes de Charles Danzig, "Les écrivains assassinés, épisode 2".
34:19 - Voici un écrivain qui n'est pas du tout inconnu, il est publié dans la bibliothèque
34:23 de la Pléiade.
34:24 Ou plutôt l'été, on ne l'y réimprime plus.
34:27 Je me rappelle une interview du président de la maison Gallimard disant qu'on avait
34:32 eu tort de l'y mettre.
34:33 Évidemment, Jules Verne rapporte davantage.
34:35 Courrier a toujours fait l'objet d'une petite haine irritée.
34:39 C'est qu'il ne ressemblait pas.
34:41 Il ne ressemblait à rien de ce qui lui aurait permis de faire groupe, c'est-à-dire d'être
34:46 protégé.
34:47 Fils d'une femme de la noblesse, je parle d'un homme né en 1772, il ne prend pas le
34:52 parti des nobles.
34:53 Officier dans l'armée, il ne professe aucune admiration pour Napoléon.
34:58 Il n'était pas entièrement écrivain non plus, puisqu'il publiait des libelles, c'est-à-dire
35:03 de petits ouvrages, s'en prenant vivement à une idée ou à un fait.
35:06 Étant à la fois bourru et snob, il se présentait comme, je cite, "vigneron de la Chavonnière,
35:13 bûcheron de la forêt de l'Arcet, laboureur de la Filonnière, de la Houssière et autres
35:18 lieux".
35:19 Comme son snobisme montait parfois jusqu'à l'orgueil, il se disait aussi "ville pamphlétaire".
35:24 Bref, c'est un bon cœur.
35:26 Il prenait la défense des petits et il ne l'apprenait vraiment pas de manière abstraite.
35:31 Il publiait des écrits pour les défendre quand les puissants les embêtaient.
35:35 Et là encore, pas des puissants abstraits, car on risque peu de mal à dire du mal de
35:40 la puissance comme idée.
35:41 Non, non, en raillant de jeunes curés fanatiques qui avaient interdit à des villageois de
35:47 danser le dimanche pour ne pas offenser la religion.
35:50 C'est dans une réjouissante pétition pour des villageois qu'on empêche de danser,
35:55 en 1822, que je vous engage à lire.
35:57 En voici quelques lignes.
35:59 "Une autre guerre que font à nos danses de village ces jeunes séminaristes, c'est
36:04 la confession.
36:05 Ils confessent les filles, sans qu'on y trouve à redire, et ne leur donnent l'absolution
36:10 qu'autant qu'elles promettent de renoncer à la danse.
36:13 À quoi peu d'entre elles consentent, quel qu'ascendant que doivent avoir, et sur le
36:17 sexe et sur leur âge, un confesseur de 25 ans.
36:21 Les pénitentes aiment la danse.
36:23 Le plus souvent aussi, elles aiment un danseur qui, après quelques temps de poursuite et
36:27 d'amour, enfin devient un mari.
36:29 Tout cela se passe publiquement.
36:31 Tout cela est bien, et en soi, beaucoup plus décent que des conférences tête à tête
36:37 avec ces jeunes gens vêtus de noir.
36:38 Tout cela était scandaleux en période de restauration.
36:42 Si vous l'avez oublié, je vous rappellerai que la restauration était un pétennisme.
36:46 Le moralisme et le repentir étaient partout, et les rois revenus étaient aidés par des
36:52 congrégations quadrillant le pays avec beaucoup plus de rigueur que les préfets.
36:56 Et donc, en 1825, Courrier est assassiné d'un coup de fusil.
37:01 On a tenté de faire passer cela pour un crime passionnel, ils sont aussi commodes que les
37:06 accidents de chasse.
37:07 Certains ont avancé que des paysans s'en étaient mêlés, et enfin, toutes les hypothèses
37:13 ont été avancées pour brouiller le fait le plus probable qu'il y a eu assassinat
37:17 politique.
37:18 Oh, sûrement pas commandité au plus haut, mais dans les pays de police secrète, et
37:23 la France en est éteint, les aînés devancent toujours les désirs du maître.
37:28 Un coup de fusil coupa la langue.
37:30 Les cas de rétention de Charles Dindiga retrouvés sur franceculture.fr et sur l'appli Radio
37:34 France.
37:35 Pendant qu'on continue de débattre avec nos invités, je vais remercier évidemment
37:38 toute l'équipe du Book Club.
37:40 Auriane Delacroix, Zora Vignet, Jeanne Agrappard, Didier Pinault et Alexandre Halay-Bégovitch.
37:44 Thomas Beau réalise cette émission et à la prise de son ce midi, Olivier Arnet.
37:47 On se retrouve quand vous le voulez sur le compte Instagram du Book Club.
37:51 Et on conclut évidemment par l'épilogue du jour.
37:53 Il enregistre tout cela et ensuite il le retranscrit.
37:56 C'est-à-dire qu'il vise un certain niveau d'honnêteté.
37:59 Et en même temps, on n'est pas sûr qu'il soit tout à fait honnête.
38:02 Et c'est quelqu'un qui est capable de tricher pour dire le mieux possible ce qu'il veut
38:07 dire.
38:08 Et ça, c'est difficile quand vous vous mettez à faire de la littérature.
38:11 Oui, mais j'ai essayé de faire sobre.

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