• il y a 7 mois

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00:00 Les films sont-ils plus longs qu'avant ?
00:02 Oppenheimer, Dune, Killers of the Flower Moon ?
00:05 Ces trois récents succès au cinéma alimentent cette question indémodable qui anime les discussions.
00:10 On vous a posé la question et vos 2300 réponses étaient assez unanimes.
00:13 Beaucoup partagent cette impression et parfois le regrettent.
00:16 "It's too long."
00:17 Alors cette question n'est pas nouvelle, plusieurs médias se sont déjà penchés sur les statistiques.
00:22 Ce qu'il faut en retenir, c'est une légère et lente augmentation globale de quelques minutes en 60 ans,
00:26 pas assez significative pour qu'on la remarque.
00:29 Et puis des films longs, il y en avait déjà dans les années 60.
00:32 Alors hallucination collective ? Pas vraiment.
00:35 On s'est intéressé au top 10 du box-office sur les 60 dernières années,
00:38 les films ayant fait le plus d'entrées dans les salles françaises depuis 1964.
00:42 La hausse ici est un peu plus nette, de l'ordre d'une douzaine de minutes.
00:46 Et si on resserre la sélection au top 5, la hausse est d'environ un quart d'heure.
00:50 Ce seraient donc les blockbusters, les films à gros budget qui seraient plus longs qu'avant.
00:54 Des films calibrés pour toucher le maximum de public.
00:57 Ce qui est un peu nouveau, c'est l'augmentation des budgets marketing.
01:00 C'est-à-dire qu'au côté d'un budget de production qui devient extrêmement conséquent,
01:04 on a un budget marketing qui est équivalent parfois, ou en tout cas très proche,
01:08 qui peut parfois effectivement dépasser même les budgets de production.
01:11 Quand on est sur des investissements de 400 ou 450 millions de dollars,
01:14 il faut les rentabiliser.
01:16 Et donc pour rentabiliser, on événementialise.
01:18 Événementialiser ou créer de l'attente autour d'un film ?
01:20 "It's been 84 years."
01:22 Ça passe par une couverture de presse importante,
01:25 des photos de tournage qui fuitent,
01:27 du merchandising, des happenings, mais pas seulement.
01:30 La durée, ça va être un argument dans l'économie de la rareté.
01:34 Un argument qui permet de singulariser le film comme produit
01:38 au milieu de tous les autres produits culturels qui sont proposés en sortie chaque semaine.
01:42 L'opinion a donc tendance à se concentrer sur les films les plus vus,
01:45 les plus marketés, ceux qui restent le plus en tête.
01:48 À la pointe de l'iceberg, on trouve les grosses franchises comme Marvel
01:51 qui proposent des films d'en moyenne 2h12.
01:53 Même tendance pour les James Bond,
01:55 d'environ 1h40 pour les premiers à 2h43 pour le dernier,
01:59 et les Disney, 1h15 pour ceux des années 50,
02:01 contre autour d'1h40 70 ans plus tard.
02:04 La Petite Sirène version 2023 par exemple,
02:07 c'est 2h15 contre 1h23 pour l'original.
02:10 Alors pourquoi les films à grande audience tendent à s'allonger ?
02:13 Alors qu'on a aujourd'hui à peu près toutes disponibles à la maison,
02:16 il faut donner envie aux spectateurs de faire le déplacement en salle.
02:19 Plusieurs stratégies pour ça,
02:20 un univers visuel singulier, un travail du son poussé,
02:23 ou des effets spéciaux qui prennent toutes leurs valeurs sur grand écran.
02:27 Et quand on regarde la hausse du prix du ticket,
02:30 la longueur donne l'impression d'en avoir pour son argent.
02:32 Vous avez sans doute déjà entendu la fameuse question,
02:35 est-ce que ça vaut le coup d'aller le voir ?
02:37 Pour d'une, deux, il y a des spectateurs et spectatrices
02:39 qui ont payé plus de 23 euros leur ticket d'entrée
02:41 pour le voir en IMAX ou en Dolby.
02:42 Si c'est pour voir un film de 62 minutes,
02:45 je dis ça avec tout le respect possible pour Quentin Dupieux,
02:48 les investisseurs vont prendre le risque d'un sentiment
02:52 d'avoir payé peut-être pour pas assez.
02:55 À tort certainement, mais cette corrélation existe.
02:57 Un film long, c'est en principe une œuvre
02:59 où le réalisateur a pu avoir le final cut face au producteur.
03:02 Or, le rapport de force producteur vs réalisateur a changé.
03:06 Pas tant grâce à l'émergence des plateformes
03:08 qui seraient un nouveau débouché pour les cinéastes,
03:10 que grâce au marketing des films qui met en avant l'importance du réel.
03:13 Ce qui devient lui-même un argument marketing.
03:15 Mon nom est important pour le projet
03:17 et conditionne le succès et les entrées que va réaliser le film.
03:20 Donc, si je veux que le film fasse 2h45 ou 3h10,
03:23 le film fera 2h45 ou 3h10.
03:26 Culturellement, la longueur reste un signe a priori de qualité.
03:29 C'est la marque d'un réalisateur qui a un propos,
03:31 une vision du monde à développer.
03:32 Vous voyez, dans ce monde, il y a deux types de gens, mes amis.
03:36 Et ça depuis la politique des auteurs, en tout cas en France.
03:38 La politique des auteurs, c'est un courant théorique,
03:41 initié par François Truffaut dans les cahiers du cinéma,
03:43 qui contribue à mettre l'auteur ou le réalisateur sur un piédestal.
03:47 Aux Etats-Unis, c'est un peu différent,
03:48 les producteurs ont historiquement plus de poids.
03:51 Un des défenseurs de la longueur, c'est Andrei Tarkovsky.
03:54 Le cinéaste russe théorise son rapport à la temporalité dans ce livre.
03:58 Il écrit que le temps est la matière première du cinéaste,
04:01 qui doit imprimer la réalité du temps sur une pellicule de celluloïdes.
04:04 Tarkovsky explique qu'il sculpte des blocs de temps
04:07 pour retranscrire la durée réelle de l'action.
04:09 C'est ce qui explique que ses plans sont généralement très longs,
04:12 parfois plus de 4 minutes.
04:14 Stalker, par exemple, c'est 150 plans en 160 minutes de film.
04:17 Maintenant, est-ce que c'est si grave si les films sont plus longs ?
04:20 Le constat est souvent fait de façon négative.
04:23 Pourquoi est-ce qu'on a cet avis négatif ?
04:25 Parce que ça vient redoubler, ça vient rencontrer
04:28 un autre discours sur la marchandisation du cinéma.
04:31 C'est-à-dire qu'en général,
04:32 la tendance à observer une augmentation de la longueur des films,
04:35 en fait, elle dénote un discours latin sur le cinéma
04:40 qui serait en train de quitter le champ de l'art
04:42 et qui deviendrait un produit culturel,
04:44 qui serait soumis aux lois du marché, etc.
04:47 C'est pas faux, mais c'est pas nouveau.
04:49 Aucun bon film n'est trop long
04:50 et aucun mauvais film n'est assez court.
04:52 Cette phrase d'un critique américain
04:54 fait allusion au fait que, le temps étant subjectif,
04:56 la longueur n'est pas le problème.
04:58 La clé, c'est le rythme.
04:59 C'est ce qui explique que les 3h du parrain filent à toute vitesse
05:02 ou qu'on a toujours du plaisir à rester 3h15 devant un film
05:05 où on sait très bien que le bateau va couler à la fin.
05:07 Mais en étudiant vos réponses,
05:10 force est de constater que proposer des films trop longs
05:13 conduit tout de même à braquer certains spectateurs,
05:15 Madame, je ne n'écrirai rien sur ce film, c'est une merde !
05:19 à une époque où le temps d'attention moyen décline.
05:21 Il y en a un qui a compris ça,
05:22 c'est Quentin Dupieux.
05:23 En vrai, avant tout, c'est pour ne pas m'ennuyer moi-même
05:26 que je fais des films courts.
05:27 C'est tellement simple de tourner du gras,
05:29 de se faire plaisir, de faire une séquence musicale qui sert à rien,
05:33 de faire des scènes pour faire des scènes.
05:34 Je suis content si ça dure 3h et que c'est brillant,
05:36 mais par contre si ça dure 3h et que c'est pas brillant,
05:40 en fait, je me sens volé, on m'a volé mon temps.
05:44 Dans la même veine, Alejandro González Signaritú
05:46 a lui accepté de couper 22 minutes de son film Bardot
05:49 entre la première projection et la sortie officielle.
05:52 Plus court ne requiert pas forcément moins d'efforts et de perfectionnisme.
05:56 Blaise Pascal expliquait ironiquement dans une lettre en 1656,
05:59 « Je n'ai fait cette lettre plus longue
06:01 que parce que je n'ai pas eu le loisir de la faire plus courte ».
06:04 Pour finir, l'industrie du cinéma peut envisager
06:06 d'offrir des moyens aux spectateurs
06:08 de s'approprier la temporalité d'une oeuvre.
06:10 On vous laisse sur une piste de réflexion donnée par James Cameron,
06:13 pas exactement un chantre de la concision
06:15 avec ses 2h28 de durée moyenne.
06:17 Le Canadien lançait en 2021 l'hypothèse d'un film
06:20 en double version et double durée.
06:22 Je veux faire un film de 6 heures et 2,5 heures de durée
06:27 au même moment, au même film.
06:29 Et vous pouvez le faire sur le stream pendant 6 heures
06:32 ou vous pouvez aller avoir une version plus condensée,
06:35 plus immersive de cette expérience dans un cinéma.
06:38 C'est le même film.
06:39 [Musique]

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