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  • 11/02/2023
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“Je ne pense pas que les Français qui ont à comprendre le contenu de cette réforme se préoccupent de savoir si c’est dans un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale ou dans un projet de loi ordinaire”, a déclaré la Première ministre le 23 janvier lors de ses vœux à la presse.
Mais celui qui pourrait bien s’en préoccuper, c’est le Conseil constitutionnel. Quelques remarques de son président, Laurent Fabius, ont fuité dans le Canard enchaîné le 18 janvier : “Nous ne voulons pas de détournement de procédure”. C’est une menace à peine voilée envoyée au gouvernement : il pourrait y avoir de la censure.
Le gouvernement subit donc des assauts sociaux, des assauts politiques, il rencontre des problèmes internes à sa majorité, mais il pourrait aussi avoir à se battre sur le terrain constitutionnel.
Il ne faut pas s’attendre à ce que la réforme des retraites soit retoquée dans son ensemble. Il n’y a qu'une mobilisation sociale massive qui puisse faire reculer le gouvernement. Néanmoins il faudra être attentif à l’attitude des Sages, car ils pourraient ajouter un élément de pression. On verra alors si le Conseil constitutionnel est un contre-pouvoir, ou bien s'il agit comme un passe-plat pour le gouvernement.

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Transcription
00:00 Je ne pense pas que les Français qui ont à comprendre le contenu de cette réforme
00:04 se préoccupent de savoir si c'est dans un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale
00:09 ou dans un projet de loi ordinaire, a déclaré la première ministre le 23 janvier lors de ses voeux à la presse.
00:16 Mais celui qui pourrait bien s'en préoccuper, c'est le Conseil constitutionnel.
00:19 Quelques remarques de son président Laurent Fabius ont fuité dans le canard enchaîné le 18 janvier.
00:25 "Nous ne voulons pas de détournement de procédure".
00:28 C'est une menace à peine voilée au gouvernement. Il pourrait y avoir de la censure.
00:32 Le gouvernement subit donc des assauts sociaux, on l'a vu récemment avec la mobilisation en masse de la jeunesse,
00:38 des assauts politiques, il rencontre aussi des problèmes internes à sa majorité,
00:43 mais il pourrait avoir à se battre aussi sur le terrain constitutionnel. On fait le point.
00:48 Alors, à vos manuels de droit qu'on cite, prenez un air sérieux et gris,
00:52 et surtout arrêtez de dire qu'une loi ou qu'un article de la Constitution stipule.
00:56 [Musique]
01:05 Donc, un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale,
01:10 ça sert à modifier ou à rectifier en cas de situation imprévue la loi de financement de la sécurité sociale.
01:18 Dans les faits, il n'y en a eu que deux en 2011 et 2014,
01:21 et surtout on ne s'est jamais servi d'un tel véhicule législatif pour passer une réforme structurelle des régimes sociaux.
01:28 Le PLFRSS est encadré par l'article 47.1 de la Constitution.
01:33 Le 47.1, et lui c'est un article chronomètre, coup près.
01:37 Son but c'est d'éviter que les débats autour du budget ne s'éternisent.
01:41 Pour cette réforme, le Parlement disposera donc de 50 jours pour débattre,
01:45 dont seulement 20 alla en première lecture à l'Assemblée.
01:47 Passé ce délai, le gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de 15 jours.
01:51 La navette continue comme cela avant que tout se termine le 26 mars à minuit, pas une minute de plus.
01:57 On peut penser que c'est assez brutal.
01:59 Vous suivez ?
02:00 Le point essentiel c'est que toute la procédure parlementaire ne doit pas dépasser 50 jours, dont 20 à l'Assemblée.
02:05 Ça nous amène au 26 mars.
02:06 Sinon le gouvernement peut décider de faire passer son projet de loi par ordonnance,
02:10 c'est-à-dire de se passer des débats au Parlement.
02:13 Ce projet donne des droits un peu exorbitants au gouvernement,
02:17 puisqu'on peut tout à fait imaginer que la loi, à la fin, ne soit pas adoptée par le Parlement,
02:23 mais qu'elle puisse quand même être mise en œuvre par le gouvernement par voie d'ordonnance.
02:27 Alors on n'en est pas là, mais c'est une possibilité qui n'existerait pas normalement pour une loi ordinaire.
02:34 D'un point de vue stratégique, passer par un PLFRSS permet au gouvernement
02:40 1) de ne pas revivre l'obstruction parlementaire infligée par la FI lors de l'examen du précédent projet de loi de réforme des retraites en 2020.
02:48 2) de ne pas nécessairement recourir au 49-3 pour ne pas échauffer la société.
02:54 3) pouvoir tout de même y recourir, et de manière illimitée, parce que c'est un texte budgétaire.
02:59 4) se garder sous le coude.
03:01 Pour la session ordinaire, un autre 49-3 pour par exemple faire passer la loi immigration de Gérald Darmanin.
03:07 Si on décortique les offres de Fabius sur l'éventuelle inconstitutionnalité de la réforme des retraites,
03:13 on peut entendre le détournement de procédures en deux sens.
03:16 À propos du contenu et à propos de la forme.
03:19 D'abord, le texte de la réforme des retraites pourrait être amputé de certaines de ses composantes.
03:23 Un texte de loi de financement comme le PLFRSS n'est censé contenir que des dispositions d'ordre financier.
03:31 Le conseil constitutionnel pourrait juger qu'il contient des cavaliers sociaux,
03:35 c'est-à-dire des éléments non strictement d'ordre financier,
03:38 des sortes de passagers clandestins qu'il serait amené à censurer.
03:42 Laurent Fabius aurait dit « Tout ce qui est hors champ financier peut être considéré comme un cavalier budgétaire »
03:48 et dans ce cas, il faudrait un deuxième texte.
03:51 Si ça se passe, on verra qu'il y a de la place pour l'argumentation et l'interprétation
03:56 pour déterminer si telle disposition est un cavalier social ou pas.
04:00 Laurent Fabius en a pointé deux, la pénibilité et l'index senior,
04:05 dont l'impact sur l'équilibre financier n'est pas immédiatement évident.
04:09 Le gouvernement, à l'inverse, cherchera à montrer leurs effets sur le financement de la sécu.
04:14 Une censure de ces mesures dites d'accompagnement serait très embêtante pour l'exécutif,
04:19 car elles étaient présentées comme la contrepartie sociale, le sucré, aux mesures d'âge, le salé.
04:26 Le conseil constitutionnel pourrait détériorer par des voies juridiques la situation politique du gouvernement.
04:33 Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est un texte uniquement financier.
04:37 Toutes les concessions sur l'index senior, sur la pénibilité, ça ne peut pas figurer dans le texte.
04:42 Donc quand vous voulez aller chercher un député LR, ces concessions-là, c'est un tien vaut mieux que deux tuloras
04:47 parce qu'en réalité, ça viendra dans un autre texte, le texte travail, le texte rentage, etc.
04:51 Ça ne viendra pas tout de suite, donc ce n'est pas efficace.
04:54 Le texte finalement proposé ne contenait que du salé, le niveau d'opposition au projet montrait d'un cran.
05:01 Ensuite, le véhicule législatif choisi, le projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale,
05:07 pourrait poser un problème de procédure.
05:10 L'idée générale est que la procédure accélérée offerte par le 47.1, 50 jours au total, dont 20 à l'Assemblée,
05:17 bride le débat parlementaire sans qu'aucune urgence ne le justifie.
05:22 Le constitutionnaliste Dominique Rousseau rappelle dans 20 minutes que les différentes lois qui ont réformé la retraite
05:28 en 2010, 2013 ou même 2019, étaient des lois ordinaires.
05:33 Dans une tribune publiée par Libération le 1er février, il estime que le recours injustifié à une procédure accélérée
05:41 pourrait constituer un risque d'atteinte au principe de sincérité du débat parlementaire.
05:47 Le principe de sincérité, c'est ce qui assure que le Parlement représente bien la volonté générale.
05:52 L'esprit de l'article 47.1, c'est que l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale,
05:58 qui a lieu à l'automne, ne puisse pas se prolonger au-delà du 1er janvier. Il faut un budget avant l'année prochaine.
06:04 Une urgence comme une crise économique peut aussi justifier d'aller vite sur un projet de loi de financement rectificatif, au cours de l'année.
06:12 Mais quelle que soit la position que l'on a sur la nécessité de la réforme des retraites, son urgence n'est pas de cet ordre.
06:18 Et ses effets sur l'équilibre des comptes ne se produira que dans plusieurs années.
06:23 S'agissant de la réforme des retraites, il n'y a pas une telle urgence. Et c'est ça, évidemment, qui pose problème.
06:29 C'est-à-dire que vous voulez dire qu'on pourrait imaginer que l'esprit de la loi est contourné dans cette procédure ?
06:36 Alors, complètement.
06:39 Le Conseil constitutionnel pourrait affirmer que les débats ont été écourtés sans raison.
06:44 Et donc forcer le gouvernement à tout recommencer à zéro.
06:48 Mais s'il ne le fait pas, s'il laisse passer, alors cela créerait un précédent qui permettrait de passer d'autres lois antisociales par cette voie.
06:55 On voit donc que derrière la logique juridique ou constitutionnelle, il pourrait y avoir une décision politique des sages de freiner ce gros forceur de Macron.
07:05 Enfin, je voulais dire de restreindre l'inventivité juridique du gouvernement en lui disant...
07:09 Ouais, mais c'est pas toi qui décide !
07:11 Laurent Fabius à nouveau.
07:13 Il faut comprendre que ce que fait ici Fabius, c'est de contraindre implicitement le gouvernement à utiliser un 49-3.
07:31 Il dit que si le texte sort de l'Assemblée en première lecture sans vote, le débat sera réputé insincère.
07:38 Problème, par ailleurs, c'est que l'examen du texte à l'Assemblée ne sera jamais fini.
07:43 Il y aura trop d'amendements.
07:45 Le seul moyen qui reste de le faire adopter par l'Assemblée, c'est la linéa 3 de l'article 49 de la Constitution,
07:52 qui permet de déclarer un texte comme adopté sauf si une motion de censure est votée.
07:57 Il y a quelques semaines, dans le canard enchaîné, vous avez Laurent Fabius qui engouinscude.
08:01 Il dit grosso modo, je veux un débat parlementaire où il devrait y avoir un vote.
08:05 S'il doit y avoir un vote avec 20 000 amendements, soit vous arrivez au bout des 20 000 amendements,
08:09 et on y est encore en 2024, soit vous utilisez le 49 alinéa 3.
08:13 Donc la menace d'une censure par le Conseil constitutionnel, s'il est saisi par 60 députés,
08:18 pourrait contraindre le gouvernement à recourir au 49-3 dans quelques jours.
08:23 Alors même qu'en passant par le 47-1 et le PLF-RSS, il souhaitait l'éviter, pour ne pas échauffer la rue et l'opinion.
08:32 Bon mais faut pas s'enflammer, je crois pas que le Conseil constitutionnel se dise "on a très envie d'emmerder le gouvernement".
08:38 Les spécialistes soulignent que censurer pour insincérité des débats n'est pas le sport favori du Conseil.
08:44 Faut pas s'attendre à ce que la réforme des retraites soit retoquée dans son ensemble.
08:48 Y a que une mobilisation sociale massive qui puisse faire reculer le gouvernement.
08:52 Néanmoins, il faudra être attentif à l'attitude des sages, car il pourrait rajouter un élément de pression.
08:57 On verra alors si le Conseil constitutionnel est un contre-pouvoir, ou bien s'il agit comme un passe-plat pour le gouvernement.
09:04 A la semaine prochaine.
09:06 [Générique]

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