Regardez Le débat avec Yves Calvi et Amandine Bégot du 08 février 2023
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00:02 7h, 9h
00:05 RTL matin. Bonjour général Olivier Kempf.
00:09 Bonjour. Vous êtes directeur du cabinet stratégique La Vigie, chercheur associé à la fondation pour la recherche stratégique et votre livre "Guerre en Ukraine"
00:16 est disponible aux éditions Economica avec une préface de Michel Goya.
00:19 Vous êtes Olivier Kempf, général en retraite, vous apportez régulièrement sur votre site un éclairage qui analyse les grands faits de la guerre en Ukraine.
00:26 Près d'un an après le début de la guerre, quel est votre sentiment et votre analyse à l'instant T du conflit ? Où en sommes-nous ?
00:33 On en est sur un rebond russe.
00:36 Souvenez-vous,
00:39 il y a un an nous avons tous été surpris, moi le premier,
00:42 par l'incroyable résistance ukrainienne. On a cru jusqu'à l'été que ça pourrait peut-être le faire, pour parler sportivement.
00:52 C'est à dire que peut-être que les ukrainiens pourraient repousser les russes et puis les russes
00:56 visiblement
00:58 se sont remis en selle, ils sont passés en économie de guerre eux.
01:02 Ils ont mobilisé et là,
01:06 petit à petit, ça fait six à huit semaines que ça dure, ils grignotent et ils cassent. Et donc ils sont plutôt sur un mouvement
01:13 en avant aujourd'hui qui est inquiétant, disons les choses simplement, pour les ukrainiens.
01:18 Donc au moment où nous parlons, on peut dire clairement que les russes sont en train de gagner du terrain ?
01:22 Techniquement, ils gagnent du terrain, ils gagnent
01:25 plusieurs dizaines de kilomètres carrés par semaine.
01:29 Comment expliquez-vous, on va dire, cette avancée des russes ? Qu'est-ce qui en ce moment favorise leur capacité à gagner du terrain ?
01:37 Leur artillerie, parce qu'on a ce qu'on appelle un rapport de feu, c'est à dire le nombre de salves d'artillerie tirées
01:43 tous les jours. Et bien ce rapport de feu est de deux contre un à l'avantage
01:49 des russes, pour des raisons simples, ils ont beaucoup de canons,
01:52 ils sont passés en économie de guerre, ils arrivent à produire
01:56 des obus en quantité, des obus qui sont certes plus simples, mais quand on est dans une guerre industrielle et ce à quoi nous faisons face
02:02 à une guerre industrielle, et bien celui qui a l'économie la plus puissante
02:07 pour cette guerre
02:10 est en train de gagner. Alors ce que vous êtes en train de nous expliquer, c'est une
02:14 économie de guerre, est-ce qu'on peut décrire ce dont on parle pour nos auditeurs ? - Nous parlons d'un pays qui était le troisième ou quatrième
02:21 exportateur mondial d'armement, c'était d'ailleurs la seule industrie qui faisait réellement de l'exportation, avec du matériel
02:29 qui était encore assez rustique, assez basique, beaucoup moins technologique que le matériel occidental, donc finalement plus simple à construire.
02:37 C'est un pays qui détient 15 à 20 % des matières premières de la planète, donc il n'a pas de difficultés d'approvisionnement.
02:44 Il a suffisamment de canaux pour avoir
02:47 des trafics et pour avoir les approvisionnements sur les pièces un peu
02:51 délicates et qu'il obtient en contrebande, et puis l'économie de guerre, il a mobilisé son agence de défense qui est passée en format 3-8
03:00 H24 à travailler, à produire, à produire, et donc c'est aussi pour ça qu'il réussit à
03:05 amener tous ses obus et réparer tous ses canons sur le front, et en même temps
03:10 il y a un différentiel démographique, on parle d'un pays de 140 millions d'habitants versus un pays de 39 millions d'habitants.
03:15 - Il y a un moment où ça pèse ? - Et bien il y a un moment où le nombre ça pèse, dans une guerre industrielle,
03:19 le nombre ça pèse. - Combien de temps peuvent-ils continuer à
03:22 produire au rythme que vous nous décrivez ce matin et qui est de fait très impressionnant ?
03:27 - Je ne vois pas tellement ce qui peut les arrêter pour toutes les raisons que j'ai dites.
03:32 La question c'est plutôt combien de temps les Ukrainiens vont pouvoir tenir.
03:38 Aujourd'hui c'est malheureusement la question qu'il faut se poser.
03:40 - Alors l'Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark vont donc fournir des chars Nord à l'Ukraine, est-ce que ça change la donne ?
03:45 - Non parce que ça fait six mois déjà que les Occidentaux fournissent des chars, d'abord c'était les chars russes
03:51 qui étaient dans les anciens pays de l'Est, les anciens pays du Pacte de Varsovie.
03:54 Aujourd'hui on parle de chars Léopard, alors en plus il y a deux versions, l'annonce d'hier
03:59 on parle de Léopard A1 dont la construction a commencé en 65 et qui s'est terminée en 83, donc
04:05 on donne des choses simples mais assez anciennes, on essaye de faire de la masse justement pour permettre...
04:10 - Excusez-moi Général Kempf mais 100 chars Léopard,
04:13 ça n'est pas une aide massive ?
04:16 - Non, au début de la guerre les Ukrainiens avaient 2000 chars
04:20 dont 1000 au moins en état de marche, les Russes en avaient 9000 dont 3000 en état de marche sur le front.
04:26 Donc on parle, quand je parle de guerre industrielle,
04:30 je crois qu'on ne se rend pas compte que l'armée française disposait de 200 chars, l'armée ukrainienne disposait de dix fois plus de chars.
04:36 Voilà, donc ils en ont perdu tous au fur et à mesure de la guerre, il y a des sites qui passent de
04:41 1500 pertes russes, on ne sait pas très bien les pertes ukrainiennes mais il y en a là aussi beaucoup, et donc les chars que nous allons leur
04:47 fournir vont permettre de
04:48 recompléter finalement leur dispositif mais on fait face, on est dans une guerre industrielle, je le répète.
04:54 - Alors je suis très impressionné par la photographie que vous nous donnez ce matin parce que ces derniers temps on réfléchissait
04:59 sur l'enlisement, sur une guerre d'usure.
05:01 Là vous êtes en train de nous décrire une avancée des russes
05:05 qui vous semble ne pas pouvoir être stoppée au moment où nous parlons,
05:08 pour les raisons de guerre industrielle que vous venez de décrire avec beaucoup de clarté.
05:11 - Et c'est en même temps une guerre d'usure parce qu'aujourd'hui la stratégie des russes n'est pas de faire une percée comme
05:17 la guerre éclair, la percée des Ardennes en juin 40.
05:21 Leur stratégie c'est d'user les ukrainiens, de les casser, de détruire le maximum de troupes qui est en face.
05:28 S'ils conquièrent du territoire tant mieux, ils vont le progresser, mais aujourd'hui leur stratégie c'est l'usure, c'est ce qu'on appelle en terme
05:35 militaire l'attrition de l'ennemi.
05:37 - On suggère une grande offensive russe au printemps, est-ce que c'est quelque chose
05:42 de possible, de probable ? Et moi vous écoutant ce matin je me demande surtout si elle n'est pas d'ores et déjà commencée en plein hiver.
05:49 - Alors depuis huit semaines il y a une pression sur l'ensemble du front et là aussi
05:53 j'insiste sur l'ensemble du front, sur 700 km de front, tout le monde parle du Donbass, tout le monde parle de Bakhmout,
05:58 mais quand vous regardez la grande photo vous apercevez que... - 700 km de front guerriers. - Oui, oui. Non, non mais
06:04 là encore on est dans des chiffres dont on n'a pas réellement conscience.
06:09 La ville de Bakhmout dont beaucoup parlent en ce moment est certes importante, mais il faut voir que les combats se déroulent sur quasiment toute
06:16 la ligne de front. Est-ce qu'il y aura une offensive ? Oui, c'est une possibilité,
06:20 une opportunité j'allais le dire au...
06:24 C'est une possibilité pour les russes. On parle aussi d'une contre-offensive ukrainienne et il est tout à fait possible, et nous ne le savons pas et
06:30 il garde le silence là-dessus, que pendant ce temps-là ils accumulent des réserves quelque part, ils montrent un sang-froid absolument incroyable,
06:36 ils encaissent des pertes certes et des revers localisés, mais en préparant une contre-offensive.
06:40 Ils ont déjà montré cette tactique-là, les ukrainiens, et donc on peut leur souhaiter
06:44 qu'ils renouvellent finalement cette chose-là
06:47 au printemps, une fois que
06:51 la saison des bouts sera passée, on peut s'attendre
06:54 à ce qu'il y ait des grands mouvements, mais pour l'instant on est, pour reprendre votre terme, guerre du sur.
06:58 Qu'est-ce qui peut changer la donne en faveur des ukrainiens ?
07:01 Je ne sais pas très bien, oui, je suis...
07:06 Si vous voulez, dans l'état actuel de nos connaissances,
07:11 oui, les armes occidentales, les canons, les chars vont aider,
07:18 est-ce que ça sera suffisant ? Je ne sais pas, je reste circonspect.
07:22 Merci beaucoup Général Olivier Kempf, Guerre.
07:25 !