Voitures électriques de Renault produites en France : "Une stratégie pour recentrer", la marque "sur son pays d'origine" défend son directeur général Luca de Meo

  • l’année dernière
Luca de Meo, directeur général de Renault, était l'invité d'Isabelle Raymond lundi 6 février, alors que le constructeur français et Nissan ont renouvelé leurs vœux de mariage" à Londres. Chaque constructeur aura 15% du capital de l'autre, une manière de solder l'héritage de Carlos Ghosn.

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Transcript
00:00 Bonjour à toutes et à tous. L'invité écho depuis Londres,
00:03 aujourd'hui, où Renault et Nissan ont renouvelé leur vœu de mariage.
00:08 Bonjour à vous, Luca De Meo.
00:09 - Bonjour à tous.
00:11 - Merci d'avoir choisi France Info.
00:12 Vous êtes le directeur général de Renault.
00:15 Aujourd'hui, c'est donc la fin de l'alliance
00:17 entre Renault et Nissan,
00:18 telle qu'elle a été imaginée il y a 24 ans.
00:22 Désormais, chaque constructeur aura 15 % du capital de l'autre.
00:26 Est-ce que vous diriez que cette fois-ci, c'est la bonne,
00:29 que l'héritage de votre prédécesseur Carlos Ghosn
00:32 est soldé une fois pour toutes ?
00:34 - Je pense qu'on tourne certainement une page.
00:36 Et je crois que, disons, ces nouveaux vœux de mariage,
00:40 si vous les appelez comme ça, c'est sympa,
00:42 en fait, nous permettent de vraiment recréer un autre esprit dans l'alliance,
00:48 surtout parce qu'on a pris le problème d'une façon assez pratique.
00:53 C'est-à-dire, on a regardé au business,
00:55 plutôt que de parler de gouvernance, de choses très compliquées.
01:00 Donc la nouvelle alliance se fonde sur beaucoup de projets opérationnels
01:05 au niveau de technologie, marché, produits, industrie.
01:09 Et ça va être ça, la base de la nouvelle alliance,
01:12 plus la liberté qu'on aura à retrouver pour exécuter nos stratégies,
01:17 parce que, comme vous le savez, Renault a quand même
01:19 un plan stratégique très clair qu'on a annoncé le 8 novembre l'année dernière.
01:23 Et donc on veut aussi reprendre notre liberté de faire les choses
01:26 qu'il faut faire pour Renault.
01:28 - Et donc 15 % chacun du capital,
01:31 qu'est-ce que ça change concrètement pour Renault et pour Nissan ?
01:33 - Ça change qu'en fait, la gouvernance ancienne
01:37 ne nous permettait pas d'exercer nos droits d'actionnaire.
01:42 C'est-à-dire qu'on avait 43,4 % de Nissan.
01:44 - Mais aucun pouvoir. - Mais aucun pouvoir.
01:46 Et vice-versa pour Nissan, ils avaient 15,
01:49 mais ils ne pouvaient pas voter ou influencer la gouvernance de Renault.
01:55 Et là, on est simplement dans une situation normale
01:58 où il y a deux actionnaires qui ont chacun 15 %,
02:01 et chacun pourra exercer ses droits
02:04 et pousser les projets, les idées que chacun aura.
02:09 - Et alors, justement, ce n'est pas la fin de l'alliance,
02:12 c'est un nouveau départ,
02:13 et vous avez quand même toujours des projets en commun.
02:16 - Oui, absolument.
02:18 Dans le process, dans la discussion qu'on a eue
02:20 les derniers huit mois, moi et Uchida...
02:23 - Ça a été long, quand même. - Oui, c'était long,
02:24 mais c'est des contrats très compliqués
02:27 de grosses boîtes internationales.
02:29 - Et sachant quand même qu'il y avait des choses
02:32 qui n'étaient pas écrites, qui n'avaient jamais été écrites
02:34 dans ce fameux accord qu'on appelle Rama.
02:36 - Oui. - C'était quand même très compliqué.
02:38 - Sur la propriété intellectuelle, il y avait, comment dire,
02:41 une structure qui n'était pas trop claire,
02:43 ce qui entraînait aussi beaucoup de conséquences opérationnelles
02:46 pour manque de clarté.
02:48 Donc nous, ce qu'on a fait, c'est qu'on a dû mettre les mains
02:51 dans le système d'exploitation et reprogrammer beaucoup de choses.
02:55 C'est pour ça que ça a pris un peu de temps.
02:58 Évidemment, parce que chacun essayait de, comment dire,
03:01 défendre ses intérêts, c'est normal,
03:03 mais je pense qu'on l'a fait dans un esprit vraiment de collaboration,
03:07 et je pense que la relation qu'on a avec l'ex-équipe de Nissan
03:11 est très saine maintenant.
03:12 Ils savent d'où on vient, ils savent ce qu'on veut faire,
03:16 parce qu'on a besoin aussi de nous, de développer notre stratégie,
03:19 et on s'attend qu'eux, ils fassent la même chose
03:21 et qu'ils valorisent l'entreprise,
03:22 parce qu'on a quand même 15 % de Nissan en corde.
03:25 - Vous avez commencé à l'aborder,
03:27 on peut dire là que vous avez un petit peu nettoyé la maison,
03:29 nettoyé la structure avec cette nouvelle alliance Renault-Nissan
03:34 pour pouvoir maintenant vous consacrer à vos projets,
03:36 et notamment l'électrique.
03:38 Vous avez créé une entité spécifique baptisée Ampère
03:43 que vous voulez introduire en bourse d'ici la fin de l'année.
03:46 C'est quoi l'idée précisément ?
03:47 - En fait, ce qu'on essaie de faire,
03:49 c'est de spécialiser des équipes sur des sujets qui sont différents.
03:52 Donc il n'y a pas qu'Ampère, il y a ce qu'on veut faire sur Alpine,
03:56 ce qu'on a déjà annoncé sur la partie mobilisation,
03:58 les services, les plateformes de mobilité,
04:01 ce qu'on veut faire sur l'économie circulaire.
04:02 Donc en gros, ce qu'on voit,
04:04 c'est que la chaîne de la valeur de l'automobile
04:06 explose en différentes chaînes de la valeur
04:09 qui s'ajoutent à celles qu'on a traditionnellement opérées
04:13 pendant plus de 100 ans.
04:14 Et c'est comme si on jouait au foot pendant plus de 100 ans.
04:19 À un moment donné, ils nous demandaient de jouer 5 sports différents.
04:21 Tu as deux choix.
04:23 Ou tu essaies de faire du pentathlon,
04:24 c'est-à-dire qu'il y a une personne qui essaie de faire toutes les disciplines,
04:27 tu gagnes peut-être une médaille.
04:29 Et normalement, ils n'arrivent jamais à faire un record du monde
04:32 dans chacune des disciplines.
04:33 Ou tu prends 5 athlètes qui ont des caractéristiques différentes,
04:37 qui ont un entraînement différent, des talents différents,
04:40 et tu les spécialises
04:42 avec l'idée que peut-être tu peux gagner 2, 3, 4, 5 médailles
04:45 si tu es très bon,
04:47 et peut-être faire un ou deux records du monde.
04:49 Nous, on a clairement pris ce choix.
04:51 Donc on rend Renault beaucoup plus agile,
04:55 beaucoup plus orienté à l'innovation,
04:58 et qu'il se spécialise sur des chaînes de lave-vadeurs
05:00 qui sont en train de monter pour aller chercher justement
05:03 de la valeur ajoutée. C'est ça, l'idée.
05:05 Et je pense que la relation avec l'Alliance
05:09 nous permettra aussi de booster certains de ces projets,
05:12 parce qu'aujourd'hui, soit Nissan, soit Mitsubishi,
05:15 ils ont affiché l'intérêt d'investir en paires...
05:19 -Jusqu'à 15 % du capital pour Nissan.
05:21 -Et on aura des produits, pour être concret,
05:23 pour les téléspectateurs français,
05:25 on aura concrètement 2 ou 3 produits de Nissan et Mitsubishi
05:30 qui vont être produits en France.
05:32 C'est aussi le résultat de cette discussion.
05:34 -Mais pourquoi introduire cette activité en bourse ?
05:38 En gros, est-ce que vous voulez séparer les activités
05:40 dites "polluantes" de l'électrique qui est un peu la vena pour vous ?
05:43 -En fait, la bourse nous permettra déjà de construire...
05:47 Parce que quand tu te proposes à la bourse,
05:48 il faut quand même un projet avec beaucoup de substances,
05:51 et donc ça nous force à mettre beaucoup de substances
05:53 dans le projet, et c'est le cas pour Ampère.
05:56 Et en fait, la bourse, ça permet un accès du capital.
06:00 On n'en a pas besoin nécessairement,
06:02 parce que le projet est financé dans le court terme,
06:04 mais l'accès à la bourse ou à d'autres formes d'investissement
06:08 extérieurs nous permettra d'accélérer au-delà de 26, 27,
06:13 parce que maintenant, on est en train de réfléchir
06:14 quelle sera la prochaine génération de produits d'Ampère.
06:17 -Ca permet d'investir ? -Pour le futur.
06:19 Pour le futur, dans de la techno, etc.
06:21 Mais plutôt dans un cycle moyen terme dans nos schémas
06:26 que court terme, parce que le projet, il est financé, il est solide.
06:30 -En marge d'un déplacement, le patron de Stellantis,
06:32 Carlo Stavares, dit que de son côté,
06:34 il a la volonté éthique de ne pas séparer les activités.
06:38 Qu'est-ce que vous répondez à cela ?
06:39 -Je ne sais pas de quoi il parle.
06:41 De toute façon, la construction de la nouvelle Renault
06:46 avec ses unités spécialisées n'empêche pas de rester un groupe,
06:51 de rester une équipe.
06:52 D'ailleurs, je voudrais aussi rappeler qu'on a, au passage,
06:57 approuvé un système de actionnaire salarial
07:03 qui est un des plus modernes et avant-gardistes
07:07 de l'industrie européenne.
07:09 Et ça montre bien la volonté
07:10 que toutes les équipes de Renault soient ensemble.
07:12 Et chacun aura peut-être un différent tricot,
07:16 mais on porte toujours la même couleur.
07:18 -Alors, venons-en à l'empreinte industrielle de Renault en France.
07:22 Vous avez choisi la France pour la production
07:24 de vos voitures électriques, justement,
07:26 avec la R5 fabriquée à Douai, la 4L à Beaubeuge.
07:30 Est-ce qu'on ne risque pas, au passage,
07:32 de détruire des emplois quand on sait qu'il faut
07:34 beaucoup moins de main-d'oeuvre pour fabriquer
07:37 un véhicule électrique qu'un véhicule thermique ?
07:40 -Je pense qu'au contraire.
07:41 Je pense qu'au contraire, c'est un choix courageux,
07:43 pas complètement évident,
07:46 un défi que les équipes sont en train de relever,
07:48 parce qu'Electricity et Amper
07:50 vont être une des plateformes plus importantes
07:53 et plus compétitives de l'électrique en Europe
07:56 et peut-être au monde.
07:58 Et là, c'est le contraire, on est en train d'embaucher
08:01 plutôt que de détruire,
08:03 parce qu'on met beaucoup de projets en France,
08:08 parce que l'année...
08:10 Il y a deux ans, on produisait 450 000 voitures,
08:13 et on va peut-être en produire le double avec ça.
08:16 Donc je pense qu'au contraire,
08:19 toute la stratégie de Renault doit être saluée
08:21 comme une volonté de recentrer Renault
08:24 sur son pays d'origine,
08:27 parce que je considère que l'âme des constructeurs automobiles
08:32 est dans ses racines.
08:33 Tu coupes les racines, tu perds l'âme.
08:35 Et donc j'ai toujours fait ça.
08:36 Et je pense que le plan qu'on a fait sur la France,
08:40 et vous pouvez le demander même aux gens qui sont impliqués,
08:43 c'est un acte très courageux,
08:45 mais aussi dû pour l'histoire de Renault.
08:48 - C'est important, ça, d'être un bloc en France ?
08:50 - Je pense que c'est important.
08:51 Je pense que c'est important, ça nous amène évidemment des défis.
08:53 Il faut qu'on internationalise, il faut qu'on se globalise.
08:57 On a cherché des marchés, etc.
08:58 Mais je pense que ce qu'on a fait, c'est de ramener,
09:02 de pousser tout le système Renault français
09:05 sur la partie la plus haute de la chaîne de la valeur,
09:09 parce que c'est là où il y a la valeur ajoutée,
09:11 donc l'électrique, le software, la techno, etc.
09:14 Et c'est ce qu'on a fait.
09:16 Et je pense qu'on ne peut pas du tout être critique pour ça.
09:20 - Non, mais pas d'inquiétude pour l'avenir.
09:22 Il y a 9 usines en France aujourd'hui,
09:24 il y en aura 9 à l'avenir,
09:26 il y a 40 000 salariés en France.
09:27 Il n'y a pas d'inquiétude à avoir concernant l'emploi en France.
09:31 - Mais nous, on est rentrés dans une nouvelle phase de développement.
09:34 On a dû faire, comment dire, une restructuration assez importante,
09:38 parce que la situation est très, très difficile.
09:41 On a tourné une page sur la phase de restructuration,
09:43 on est en phase de développement.
09:44 Après, on a énormément de défis,
09:47 de marchés, de réglementations, etc.
09:52 Donc, des gens comme nous, ils ne vivent pas très relax.
09:56 En fait, on est préoccupés tout le temps,
09:58 mais la volonté, c'est évidemment des gens comme nous
10:00 qui sont là pour créer de la valeur, pour créer des emplois,
10:03 et pas pour détruire les entreprises
10:06 ou détruire des postes de travail, pas du tout.
10:08 - Et pour créer de nouvelles voitures,
10:10 avec un renouvellement de gamme complet,
10:13 est-ce que ces voitures, au passage,
10:14 elles ne vont pas coûter un petit peu plus cher ?
10:17 Est-ce que Renault va rester une marque populaire ?
10:20 - Écoutez, je pense qu'il y a le risque,
10:22 parce que, en fait, les réglementations
10:24 sont en train de nous pousser
10:26 à des voitures qui sont de plus en plus sophistiquées.
10:28 C'est vrai aussi qu'il y a une demande pour ça,
10:30 c'est-à-dire que les clients ont besoin de quelque chose
10:32 de plus sophistiqué, comme dans d'autres secteurs,
10:34 et les choses plus sophistiquées, ça coûte plus cher.
10:38 Notamment sur le thème de l'électrique,
10:40 c'est clair que l'électrique,
10:41 au moins sur les premières deux générations,
10:44 elle va être plus chère parce que la batterie coûte cher,
10:48 parce que les matières premières sont l'objet aussi
10:51 d'une spéculation, d'une certaine façon, etc.
10:53 Mais c'est normal que, comment dire,
10:56 un jour, ça va baisser avec les volumes,
10:57 mais ça ne va pas arriver en trois semaines.
10:59 - Mais au début, ça va coûter un peu plus cher.
11:00 - À l'achat, ça va coûter plus cher.
11:03 À l'utilisation, ça va...
11:05 Normalement, ça devrait coûter moins cher,
11:07 ça va dépendre aussi du prix de l'électricité.
11:09 Mais on est aussi là pour réduire l'impact,
11:12 pas seulement les constructeurs, mais aussi les clients,
11:13 l'impact du transport sur l'environnement,
11:17 sur la qualité de l'air dans les villes, etc.
11:19 Et là, la voiture électrique, c'est une très bonne solution.
11:21 Après, Renault, on joue sur une stratégie aussi à deux niveaux
11:26 où tu essaies de pousser marque comme Alpine, Renault,
11:29 dans le futur avec de la techno, dernier cri.
11:33 Et en fait, on utilise aussi Datça,
11:36 où on va un peu plus lentement pour toujours proposer
11:40 quelque chose d'accessible jusqu'à quand les réglementations
11:43 nous permettront de faire ça.
11:45 Et d'ailleurs, la preuve, je pense que Datça,
11:47 c'est une des marques d'un plus grand succès en ce moment,
11:49 parce que justement, elle est complètement dans l'air du temps.
11:52 Et c'est des produits très accessibles.
11:54 Donc, on a un peu les deux.
11:55 -Alors, une dernière question pour l'amateur de voitures que vous êtes,
11:58 Lucas Demeo.
12:00 Je voulais savoir si vous aviez déjà réservé votre modèle
12:04 dans les voitures qui vont sortir chez Renault.
12:06 Est-ce que vous avez choisi une 4L, une R5 ?
12:10 Quelle sera votre prochaine voiture ?
12:12 -Mais je pense que j'ai un peu...
12:15 Avec l'âge, tu commences à devenir un peu nostalgique et romantique.
12:18 Donc, j'ai un peu l'intention de recollectionner
12:22 les voitures que j'avais faites,
12:23 parce que je pense que j'ai travaillé sur peut-être 70, 80 projets
12:27 dans toute ma carrière.
12:28 -Et vous avez commencé chez Renault.
12:30 -Et j'ai commencé chez Renault.
12:31 Et j'ai commencé chez Renault.
12:32 Je pense qu'une Alpina 110,
12:36 ça pourrait être partie de ma collection.
12:39 Il y a la dernière, la Radical,
12:41 qui est un produit absolument exceptionnel.
12:42 Je pense qu'une belle R5 bien habillée,
12:46 la R4, c'est un produit...
12:47 Mais on a beaucoup de choses dans le tuyau,
12:49 et c'est bien, parce que, finalement,
12:50 on est une entreprise d'automobile,
12:53 et le minimum qu'on se doit, c'est de faire de très bonnes voitures,
12:56 de très belles voitures que les gens aiment.
12:58 Et quand tu as fait ça,
12:59 une bonne partie des problèmes sont derrière nous.
13:01 Et c'est ce qu'on a fait.
13:03 -Merci beaucoup, Lucas Demeo, directeur général de Renault.
13:07 Invité exceptionnel de l'invité ECO sur France Info.
13:10 Merci beaucoup. -A vous.
13:12 [SILENCE]

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