Pourquoi l’économie française résiste à la crise ?

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Les Informés de l'éco du 4 février 2023.

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00:00 (Générique)
00:09 - Bienvenue dans les informés de l'écho sur France Info avec le Cercle des économistes.
00:13 20 minutes de débat autour de l'actualité économique et sociale avec aujourd'hui Anne-Sophie Alsif.
00:17 Bonjour Anne-Sophie, enseignante en économie à la Sorbonne à Paris
00:21 et chef économiste de la société d'études BDO France.
00:24 A vos côtés Philippe Martin, bonjour. - Bonjour.
00:26 - Membre du Cercle des économistes et doyen de l'école d'affaires publiques de Sciences Po Paris.
00:30 Bonjour Emmanuel Cuny. - Bonjour à tous.
00:32 - A mes côtés comme d'habitude, aujourd'hui on va parler des bonnes nouvelles.
00:35 Tiens, on va être optimiste. Pourquoi est-ce que l'économie française résiste à la crise
00:39 et comment en faire profiter, c'est ce qui nous intéresse aussi, les ménages ?
00:43 - Oui, effectivement, parce que malgré la crise énergétique, malgré la situation en Ukraine,
00:48 malgré l'inflation galopante, eh bien oui, on le voit effectivement,
00:52 l'activité économique française a repris un petit peu de poil de la bête en fin d'année dernière.
00:58 Je rappelle quelques chiffres, le taux de chômage est au plus bas depuis des années,
01:02 on est à 7,2% de la population active, c'est pratiquement le plein emploi.
01:05 La production industrielle est repartie à la hausse d'un peu plus de 1% en fin d'année,
01:11 c'était au mois de décembre. Nos exportations ont de nouveau dépassé les importations dans le commerce extérieur.
01:16 Alors ça, c'est important parce que ça prouve qu'on vend plus à l'étranger qu'on importe des produits.
01:21 Et puis, mardi, cerise sur le gâteau, l'INSEE l'a confirmé, notre PIB, le Produit Intérieur Brut,
01:27 c'est-à-dire la richesse produite par notre économie sur l'année, eh bien notre PIB a progressé de 2,6% l'an dernier,
01:34 même s'il a marqué le pas effectivement sur la fin de l'année, ce qui laisse augurer d'une année 2003 plus difficile.
01:39 - 2023, oui. - 2023, pardon.
01:41 Alors des éléments malgré tout positifs que salue notamment la présidente de la Banque Centrale Européenne, Christine Lagarde.
01:49 La hausse des salaires et le récent déclin de l'inflation des prix de l'énergie devraient également atténuer la perte de pouvoir d'achat
02:00 que de nombreuses personnes ont subie en raison de l'inflation élevée, ce qui à son tour soutiendra la consommation.
02:08 Dans l'ensemble, l'économie se montre plus résiliente que prévue et devrait se redresser au cours des prochains trimestres.
02:15 - Donc la présidente de la Banque Centrale Européenne, la BCE, Christine Lagarde, et il faut voir également que le ministre français de l'économie,
02:22 évidemment Bruno Le Maire, lui aussi se félicite de ses résultats, je le cite, "c'est la preuve que les fondamentaux de notre économie sont solides,
02:29 nos entreprises continuent d'investir, créer de l'emploi, elles sont donc avec leurs salariés exceptionnelles", dit le ministre, "en 2023, continuons".
02:37 Alors question, résistance de façade ou, eh bien, tout simplement, véritable raison d'espérer ?
02:45 On voit que c'est nettement positif, il faut peut-être aussi un peu relativiser, c'est ce qu'on va voir pendant cette émission.
02:49 - Anne-Sophie Alcif, on va peut-être commencer par les bonnes nouvelles, donc, qui ont été énumérées par Emmanuel Licuni.
02:54 On s'en sort pas mal, disons, comment ça s'explique ?
02:57 - Alors oui, tout à fait, c'est vrai que nous on avait cette prévision dès le mois de novembre, pourquoi ?
03:01 Parce que déjà quand vous regardez les acquis de croissance, notamment pour cette année, vous voyez qu'ils étaient positifs,
03:06 qu'on n'était pas dans un scénario de récession. Alors pour quelles raisons ?
03:09 D'abord, la consommation des ménages, grâce au Quoi qu'il en coûte, qui a continué, notamment le soutien aux ménages avec le prix de l'énergie.
03:16 Certes, l'année dernière, on a eu un recul du pouvoir d'achat d'à peu près 0,6%, mais on n'a pas eu un effondrement.
03:22 Bien sûr, vous allez me dire, c'est très, très, très, il y a beaucoup d'inégalités selon les secteurs et selon les types de revenus.
03:27 Mais c'est vrai qu'on a eu une consommation qui a résisté, et c'est le premier moteur de la croissance française.
03:32 Donc ça, c'est déjà une bonne nouvelle. Et puis l'autre élément, c'est aussi les perspectives.
03:36 Parce que ce qu'on avait peur beaucoup, c'est vraiment qu'avec l'augmentation des prix de l'inflation,
03:40 on n'ait plus du tout de consommation, plus du tout d'investissement, et donc un effondrement.
03:44 Et là, c'est vrai, avec la décélération de l'inflation qu'on attend cette année, plus basse, avec en effet de bonnes prévisions aussi sur les prix de l'énergie,
03:53 on voit que même au niveau de la consommation, on a certes un ralentissement cette année.
03:58 C'est pour ça qu'on attend, nous on est sur une croissance à 0,6 cette année en France.
04:02 Mais là encore, pas un effondrement, pas une récession.
04:06 Alors c'est marrant ce que vous dites Anne-Sophie Assif, je me tourne vers vous.
04:10 Non, c'est sur le côté, on a l'impression que c'est moins pire que prévu.
04:14 Tout à fait.
04:15 Et c'est ça qui donne finalement des ailes à l'économie. Philippe Martin.
04:19 Oui, c'est vrai que le scénario catastrophe qui était envisagé au printemps en particulier,
04:23 parce qu'on pensait qu'il y allait avoir des pénuries d'énergie, je vous rappelle le débat.
04:27 Est-ce que s'il n'y a plus de gaz qui vient de Russie, l'industrie allemande, l'industrie française vont s'effondrer ?
04:32 Ben non, elles ne se sont pas effondrées.
04:34 Donc c'est-à-dire qu'on a dressé un portrait tellement noir, finalement il est gris foncé, c'est mieux.
04:38 Donc du coup, ça crée un cercle vertueux.
04:41 On a eu un peu de chance parce que le temps nous a aidés, les températures étaient moins basses que d'habitude.
04:47 Mais aussi l'industrie française, allemande, européenne se sont adaptées.
04:51 C'est-à-dire qu'il y a vraiment, quand le prix est très élevé,
04:54 les entreprises ont fait des économies d'énergie sur leur consommation de gaz.
04:58 La consommation de gaz de l'industrie française a baissé en pro de 12% et la production est étale.
05:04 Donc ça veut dire, et d'ailleurs c'est une bonne nouvelle aussi pour la transition climatique,
05:08 ça veut dire que quand le prix est élevé, les entreprises, on l'a vu aussi du côté des ménages,
05:13 font des efforts et des économies d'énergie.
05:15 Ceci dit, pour 2023, il y a une partie des augmentations des prix de l'énergie dans les contrats
05:22 qui ont été renégociés, qui sont en train d'être renégociés, qui vont se voir aussi quand même en 2023.
05:28 Donc tout n'est pas parfait.
05:31 Et on sait aussi que les secteurs sont très différents.
05:34 Il y a des secteurs qui vont bien, les services,
05:36 et puis il y a des secteurs dans l'industrie qui sont très intensifs en énergie.
05:41 On pense aux boulangeries aussi.
05:42 - Et même dans notre quotidien, Philippe Martin, par exemple,
05:44 on voit les restaurateurs qui s'en sont sortis plutôt bien grâce aux aides.
05:47 Les boulangers, par exemple, là c'est autre chose.
05:49 - Et de l'autre côté, par exemple, tout ce qui est aménagement de la maison
05:53 qui s'était très bien porté juste après le Covid parce que voilà...
05:57 - On a passé du temps à l'intérieur.
05:58 - Exactement.
05:59 - C'est sûr.
06:00 - Évidemment, maintenant il y a un atterrissage.
06:01 Donc l'économie française, les secteurs sont très différents.
06:06 Il y a des secteurs qui vont très bien, des secteurs qui vont plutôt mal,
06:09 et la moyenne est plutôt meilleure que ce qu'on pouvait anticiper.
06:13 - Anne-Sophie Alsif.
06:14 - Par rapport à ça aussi, les indicateurs sont assez bons.
06:17 Vous allez me dire, après avoir fait un quoi qu'il en coûte depuis tant 50 milliards,
06:20 il faut quand même qu'on le voit dans l'économie.
06:22 Donc on le voit, c'est quand même une bonne nouvelle.
06:24 On voit que le taux d'épargne des ménages est élevé,
06:26 il est toujours au niveau de 16 %, donc on est à peu plus d'un point avant la crise.
06:30 Et ça c'était un peu la mauvaise nouvelle parce qu'on voit que quand les ménages épargnent,
06:33 ça veut dire qu'ils ne veulent pas consommer, donc qu'ils ont peur.
06:36 Donc là aussi ça veut dire que si demain, en effet,
06:38 on a une forte baisse des prix de l'énergie, ou en tout cas une conjoncture qui s'améliore,
06:42 psychologiquement on aura plus de confiance parce que l'on a les indicateurs,
06:46 on va dire l'argent pour consommer et pour remettre, on va dire, de l'argent dans le moteur.
06:51 Même si là encore il y a beaucoup d'inégalités.
06:53 Donc c'est vrai que ces indicateurs sont plutôt quand même assez bons,
06:56 même s'il y a bien sûr de grandes différences.
06:58 - Emmanuel Cuny.
06:59 - Alors on peut se poser quand même une question.
07:01 Il y a un mot qui revient souvent dans les analyses économiques,
07:04 c'est la fameuse récession, c'est-à-dire deux trimestres consécutifs de baisse de notre PIB.
07:09 Alors est-ce que la récession est réellement en train de reculer ?
07:11 Parce que quand on regarde de près, la France est prise quand même dans un contexte global,
07:15 contexte général international, même si le FMI dit que,
07:19 enfin le Fonds Monétaire International dit que le risque récessionniste s'éloigne.
07:23 Il y a la réouverture plus rapide que prévue de la Chine.
07:27 À l'échelle du globe, la fin de la politique zéro Covid
07:31 pourrait avoir des répercussions sur l'activité.
07:34 Et puis il y a eu l'hiver doux, vous le disiez tous les deux,
07:37 effectivement qui a permis au prix du gaz de se calmer un petit peu.
07:40 Il y a quand même une interrogation, ce sont les taux d'intérêt.
07:44 Est-ce que les banques centrales vont continuer à augmenter les taux d'intérêt pour freiner l'inflation ?
07:49 Et donc qui dit augmentation des taux d'intérêt, c'est moins de crédit pour,
07:53 enfin des crédits plus chers pour les particuliers, pour l'immobilier,
07:55 et des crédits plus chers pour les entreprises qui veulent investir.
07:58 Et donc potentiellement moins d'investissement, à la sofiale, c'est le frein.
08:00 Alors par rapport à ça, je pense qu'en effet la Banque Centrale Européenne va continuer d'augmenter ses taux.
08:04 Alors on a une hausse, on attend aussi une autre hausse pour essayer de juguler l'inflation,
08:07 qui, on le rappelle, devrait être quand même à 2 %, donc là on en est quand même encore loin.
08:12 Après là aussi, au niveau de la zone euro, en France on est moins, on est plutôt autour de 4, 4,5 %.
08:19 Et il faut aussi avoir un petit peu de mémoire, même si on a des hausses des taux,
08:22 en fait on partait d'excessivement bas.
08:24 Quand vous avez emprunté sur 20 ans à 1 %, ce n'était pas normal.
08:27 C'était agréable pour vous puisque vous en réussissez, c'est bien,
08:30 mais ce n'est pas normal économiquement d'avoir ce taux d'intérêt qui soit encore plus faible que la croissance.
08:35 Donc je dirais qu'on est plutôt dans une période de normalisation,
08:38 on va continuer d'augmenter les taux pour baisser l'inflation.
08:40 Ça aura des conséquences sur votre crédit qui sera plus cher,
08:43 mais là encore, aux États-Unis par exemple, les taux sont à 7 %.
08:46 Dans la majorité des pays européens, les taux sont variables et sont beaucoup plus élevés.
08:49 Donc là aussi il faut relativiser.
08:51 Ce qu'on va regarder c'est surtout les taux réels qui restent contenus,
08:54 parce que c'est là où on peut avoir un problème de financement de la dette,
08:56 et pour l'instant encore on n'est pas du tout dans cette situation.
08:58 Comment atterrir en douceur en quelque sorte, et puis comment faire face aussi à nos concurrents,
09:04 parfois amis, comme les États-Unis.
09:05 On va voir ça dans un instant avec les informés de l'Eco.
09:08 Juste après le Fil info 9h50, voici Diane Fershit.
09:11 Olivier Dussopt conserve la confiance de la Première Ministre,
09:15 c'est ce qu'assure Matignon, alors que le ministre du Travail est soupçonné
09:18 de favoritisme par le parquet national financier.
09:21 Olivier Dussopt conteste l'idée d'arrangement,
09:23 il veut continuer à prouver sa bonne foi en tant que ministre,
09:26 dit-il, je veux aller jusqu'au bout de la réforme des retraites.
09:29 Réforme très contestée, et le ministre des Transports Clément Beaune
09:33 indique lui réfléchir à mieux encadrer le droit de grève,
09:36 un encadrement légal et réglementaire qui existe déjà, réagit sur France Info,
09:40 la CFDT Cheminot, on ne fait pas n'importe quoi, dit-elle,
09:43 la CFDT Cheminot qui décidera lundi si elle appelle à la grève samedi prochain.
09:48 Plus de 2 milliards de dollars pour l'Ukraine, nouvelle aide militaire apportée par les États-Unis,
09:53 ils vont fournir à Kiev des roquettes de plus longue portée,
09:56 de leur côté la France et l'Italie promettent de fournir un système de défense anti-missiles, le Mamba.
10:01 3 rencontres ce samedi pour le compte de la 22ème journée de Ligue 1 de football,
10:04 Paris reçoit Toulouse à 17h, puis à 19h Lyon se déplace sur le terrain de Troyes,
10:09 enfin Rennes accueillira Lille, ce sera à 21h.
10:12 Toujours avec Anne-Sophie Alsif, de la Société d'études BDO France et enseignante à la Sorbonne,
10:27 Marie-Louise Dipartin, Sciences Po Paris, doyenne de l'école d'affaires publiques de Sciences Po
10:31 et membre du cercle des économistes, on continue avec vous Emmanuel Cuny,
10:34 de parler du dynamisme, de la résistance, disons, de l'économie française.
10:38 Oui, et il y a une question, comment transformer l'essai ?
10:41 C'est un peu comme au rugby, on a de bons résultats, il faut aller un peu plus loin,
10:45 c'est compliqué dans le contexte international actuel évidemment,
10:48 très tendu où chacun va tirer, essayer de tirer en tout cas la couverture à lui,
10:53 alors ça s'appelle la compétitivité et là on peut dire qu'effectivement, sur ce plan,
10:58 les Américains nous mettent à rude épreuve, l'administration de Joe Biden
11:02 vient décider ce que l'on appelle l'IRA, c'est l'Inflation Reduction Act,
11:07 430 milliards de dollars sur la table pour subventionner les entreprises,
11:11 pour assurer la transition écologique de la meilleure manière possible,
11:16 alors quelle réponse la France et l'Union Européenne évidemment, peuvent apporter à Joe Biden ?
11:22 Ecoutez ce qu'en pense le président de JEDI,
11:25 c'est le Joint European Disruptive Initiative,
11:28 ça s'appelle vraiment JEDI ?
11:29 Voilà exactement, il joue sur les mots, c'est la structure européenne
11:33 qui vise à remettre l'innovation de rupture au cœur de la stratégie industrielle.
11:38 Ecoutez son président André Loscruc-Pietri.
11:41 Cette guerre aux subventions, un on va la perdre,
11:44 parce que les Etats-Unis ont quand même beaucoup de moyens,
11:46 et deux, ils ont montré qu'ils savaient mettre en œuvre.
11:49 Je rappelle quand même que le fameux plan européen créé pendant la pandémie,
11:53 qui était un vraiment moment important où on a mis en commun nos dettes,
11:57 seul moins de 20% a été investi.
12:00 Donc on est très mauvais à mettre en œuvre.
12:02 Nous ce qu'il faut faire, c'est une grande offensive scientifique,
12:06 technologique, à nouveau pour imaginer le coup d'après.
12:08 Voilà, donc la compétitivité en fait ça se mérite face aux Américains aujourd'hui.
12:13 On a fort à faire l'administration européenne face au pragmatisme américain,
12:17 compliqué d'avancer notamment à 27 entre européens.
12:20 - Philippe Martin, et je précise que cette nuit, Bruno Le Maire,
12:23 le ministre de l'économie, a appelé les Etats-Unis à la transparence.
12:26 Est-ce que c'est un vœu pieux ? Que peut réellement la France ?
12:29 - Alors je commencerai quand même par la bonne nouvelle sur ce plan américain.
12:33 C'est que les Américains sont enfin sérieux sur la transition climatique.
12:36 Il faut quand même voir aussi l'aspect positif,
12:38 c'est qu'ils s'y mettent vraiment alors qu'on reprochait,
12:41 et à raison d'ailleurs, à l'administration Trump
12:43 de ne pas prendre au sérieux le défi climatique.
12:46 Donc il va y avoir énormément d'investissements aux Etats-Unis,
12:49 et en effet, il y a une inquiétude en Europe qui est
12:52 "Mais est-ce qu'il ne va pas y avoir des délocalisations massives d'industries
12:55 sur la transition vers les Etats-Unis ?"
12:58 Je suis un peu moins inquiet parce que je pense qu'on a besoin
13:01 de tellement d'investissements sur la transition
13:03 qu'il faut qu'il y en ait beaucoup aux Etats-Unis et beaucoup en Europe.
13:07 - Il y a de la place pour tout le monde ?
13:08 - Il y a de la place pour tout le monde.
13:09 En revanche, là où c'est vrai, c'est qu'il faut faire beaucoup plus d'efforts
13:13 en termes de recherche, en termes d'innovation et de simplification.
13:16 On parlait tout à l'heure du fait qu'en Europe,
13:19 quand on fait des plans de subvention, ça prend beaucoup trop de temps
13:23 pour qu'en effet, ça se retrouve dans la recherche,
13:26 dans l'innovation des entreprises.
13:28 Donc s'il y a davantage de subventions en Europe,
13:31 en réponse au plan américain, je trouve que c'est une bonne chose.
13:36 Et c'est vrai que le problème, c'est la distorsion,
13:38 puisque dans le plan américain, ces subventions sont conditionnées
13:43 au fait que la production soit locale.
13:46 Et ça en effet, ça contrevient aux règles du commerce international.
13:50 Donc il faut se battre pour que les Européens puissent aussi bénéficier
13:54 de ce type de subvention.
13:57 Ça va être extrêmement difficile.
13:59 Mais je pense que, moi je vois aussi encore une fois la bonne nouvelle,
14:04 c'est que les Américains sont sérieux sur le climat.
14:06 - Sophie Alsif, est-ce que vous partagez l'optimisme prudent ?
14:09 - Prudent.
14:10 - De Philippe Martin.
14:11 - Je suis plus sceptique sur les Américains.
14:13 En effet, la bonne nouvelle, c'est la transition écologique.
14:16 Je pense qu'ils voient ça comme une opportunité justement
14:18 de verdir leur industrie et donc de devenir leader dans tous les secteurs de demain
14:22 qui sont surtout en effet l'hydrogène, l'électrique.
14:25 Donc c'est vraiment une opportunité.
14:27 C'est vrai que je serais plus nuancée, puisque je pense qu'il faut en effet
14:30 répondre beaucoup plus fort en Europe.
14:32 Et qu'encore une fois, la question n'est pas sur les montants des financements.
14:36 La question est sur la localisation d'écosystèmes dans ces secteurs de demain.
14:41 Que veulent faire les États-Unis ?
14:42 C'est exactement ce qu'ils ont fait avec la Silicon Valley
14:44 quand l'État l'a financé massivement.
14:46 C'est sur leur lieu, donc aux États-Unis, avoir des endroits
14:50 où vous avez le financement, c'est-à-dire les banques,
14:52 les fonds d'investissement pour financer la technologie,
14:55 les universités, la recherche et l'innovation,
14:57 et les entreprises qui développent en effet ces technologies
15:00 et qui développent les marchés.
15:01 Et ça en Europe ?
15:02 On l'a pas en Europe, et c'est ce qu'ils veulent faire
15:04 avec ce type de plan protectionniste qui va continuer,
15:08 à mon sens c'est le début et ça fait déjà 10 ans que ça dure,
15:11 pour localiser en fait cet écosystème.
15:13 Et quand ensuite, parce que là on est face à des ruptures technologiques,
15:16 vous êtes premier, ils l'ont fait bien sûr dans l'espace,
15:19 ils l'ont fait dans la défense, ils l'ont fait dans le numérique.
15:21 Quand vous êtes les premiers à avoir pris le marché,
15:23 et bien ensuite pour les autres c'est beaucoup plus compliqué.
15:25 Quand vous regardez les entreprises,
15:27 aujourd'hui vous avez beaucoup d'entreprises qui voulaient
15:30 se développer en Europe sur ces questions,
15:33 sur les secteurs stratégiques, et qui peuvent être attirées
15:36 par les Etats-Unis parce qu'il y a cet écosystème.
15:39 Donc c'est vrai de dire, c'est pas beaucoup en termes d'argent,
15:42 nous aussi on a fait des choses, et le problème c'est de déployer en Europe,
15:45 et de toute façon nous aussi on peut faire des choses
15:47 parce que le marché est grand.
15:48 Certes, mais à mon sens la question n'est pas là.
15:50 La question c'est de prendre le marché en premier,
15:53 pour avoir ensuite la rente qui va être colossale dans ces secteurs.
15:56 Et là on a un train de retard, Emmanuel Cuny.
15:58 Un train de retard, et puis surtout voir comment on peut rivaliser,
16:02 et l'impact que tout cela peut avoir également sur notre quotidien,
16:05 parce qu'en France on veut des augmentations de salaires,
16:08 on veut un meilleur pouvoir d'achat.
16:09 Quand vous dites que les entreprises sont focalisées aujourd'hui
16:12 sur les investissements à faire pour rivaliser avec les Américains
16:14 et pour être plus fortes, c'est autant de grains à moudre en moins pour les salaires,
16:17 concrètement pour notre quotidien.
16:19 Alors moi je le vois différemment, je pense que dès que vous avez
16:21 de la désindustrialisation comme on a eu en Europe, et surtout en France,
16:24 vous avez une paupérisation de la population,
16:26 et c'est ce qu'on a vu depuis 20 ans,
16:28 et surtout une paupérisation de la classe moyenne.
16:31 Et là en fait ce qui se passe, c'est justement pour financer nos systèmes sociaux,
16:34 c'est ça, on sait qu'on aura moins de croissance potentielle,
16:36 vieillissement de la population, numérisation, ralentissement de la croissance,
16:40 il faut avoir de la création de valeur.
16:42 Et si en fait on arrive à être leader sur quelques secteurs,
16:45 moi je ne dis pas de réindustrialiser tout, de tout produire,
16:48 pas du tout, mais sur quelques secteurs,
16:49 et bien là on créera assez de valeur ajoutée pour pouvoir financer notre modèle social
16:53 autrement que par de la dette publique.
16:55 - Ça peut être quoi, Philippe Martin, rapidement, ces secteurs ?
16:57 L'hydrogène par exemple ?
16:59 - C'est l'hydrogène, mais il ne faut pas oublier qu'il y a plein de secteurs industriels aussi
17:03 sur lesquels l'Europe est quand même leader.
17:05 Alors ce n'est pas hyper technologique, c'est le luxe, il y a aussi la pharmacie,
17:10 mais ce qui est vrai c'est qu'on a perdu des parts de marché,
17:13 et parce que, alors je suis universitaire donc je ne suis pas objectif,
17:16 mais on n'a pas investi suffisamment dans l'innovation et la recherche.
17:20 On parlait de l'écosystème américain tout à l'heure,
17:23 le cœur c'est quand même les grands centres de recherche,
17:27 les grandes universités américaines, et on en manque cruellement en Europe,
17:32 et donc il y a un problème de financement de la recherche en Europe.
17:34 - Voilà, un petit message qui est passé tant qu'on y était.
17:37 - Légitime !
17:38 - Philippe Martin, légitime, membre du cercle des économistes
17:40 et doyen de l'école d'affaires publiques de Sciences Po Paris, merci beaucoup.
17:43 Merci Anne-Sophie Alsif, enseignante en économie à la Sorbonne à Paris
17:47 et chef économiste de la société d'études BDO France.
17:50 Merci Emmanuel Cuny et à bientôt pour les informer de l'écho.
17:53 [Musique]

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