Le billet d'humeur de Sophia Aram dans le 7/9.30 (8h55 - 30 Janvier 2023) Retrouvez tous les billets de Sophia Aram sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-sophia-aram
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AmusantTranscription
00:00 Sophia Aram, 8h57, on vous écoute ! Et ben je ne sais pas si c'est l'effet des premières
00:06 bouffées de chaleur ou si c'est l'âge ou si c'est les deux, mais j'ai de plus en plus
00:11 de mal à avoir un avis sur tout.
00:13 Avant, quand j'étais jeune et de gauche, c'était clair, les riches ça pollue, la
00:18 dette on s'en fout, Bastien Vivès pédophile, J.K.
00:22 Rowling transphobe et les femmes, je les crois, cœur sur aile, vagin avec les doigts, ou
00:26 ce que vous voulez, mais je savais.
00:30 Aujourd'hui, même sur le conflit israélo-palestinien ou sur la circoncision d'enfants mineurs
00:34 pour des motifs religieux, j'ai pas d'avis tranché.
00:37 Pareil, l'idée de balancer trois pauvres vannes à Dominique Seux et Yael Ghos pour
00:47 avoir déjeuné avec une dizaine de confrères à l'Elysée, j'y arrive pas.
00:51 J'ai beau avoir l'indignation facile et la mauvaise foi chevillée au corps, je n'arrive
00:55 pas à beugler avec la meute sur la prétendue collusion de ces journalistes à la solde
01:00 venant chercher leurs éléments de langage auprès de la dictature macroniste.
01:04 Je n'arrive pas à rejoindre l'unanimisme réprobateur allant de Ruffin à Asselineau
01:09 et de Dupont-Aignan à Clémentine Autain.
01:11 Faut pas m'en vouloir, mais je n'arrive pas plus à faire semblant de redécouvrir
01:15 que les journalistes rencontrent, déjeunent, écrivent, voire téléphonent aux politiques,
01:20 c'est simple.
01:21 Et je n'arrive pas à trouver ça mal ou à imaginer que les participants du déjeuner
01:25 espéraient vraiment garder le secret d'un événement discret réunissant 10 journalistes
01:30 à l'Elysée.
01:31 Autant j'imagine qu'on peut reprocher à Macron de choisir ses interlocuteurs ou de
01:36 s'interroger sur la manière dont les journalistes rapportent les échanges hors micro, ce qu'on
01:40 appelle le « off ». Mais faire semblant de redécouvrir le « off » ou reprocher
01:44 à des journalistes d'attribuer à « l'exécutif » un propos qui vient du chef de l'exécutif,
01:49 je ne suis pas capable.
01:50 Mais à défaut d'avoir un avis tranché sur ce déjeuner, je pense qu'affirmer qu'aucun
01:55 journaliste politique ne doit avoir de contact « off » avec ses sources, c'est du populisme.
01:59 Accréditer l'idée que les politiques se tiendraient à équidistance de l'ensemble
02:03 des journalistes, c'est du populisme.
02:05 Faire croire qu'il suffirait qu'un politique déjeune avec un journaliste pour qu'il soit
02:09 à ses ordres, c'est du populisme.
02:11 Expliquer qu'on peut être journaliste ou politique sans n'avoir jamais participé
02:15 à un déjeuner réunissant un adjoint au maire, un député ou un responsable de la
02:19 voirie ou un pigiste, un écotier d'une feuille de chou ou un éditorialiste, c'est
02:25 du populisme.
02:26 Cela peut paraître anecdotique, mais ça ne l'est pas.
02:29 Parce qu'au-delà du populisme qui consiste à faire semblant de redécouvrir le « off »,
02:33 il y a l'idée que les politiques et les commentateurs qui se drapent dans leur bulle
02:37 d'indignation facile représenteraient la pureté de ceux qui portent la voix du peuple
02:42 à la collusion des élites, des médias et du pouvoir.
02:49 Mais je ne sais pas vous, mais moi j'ai autant de mal à penser que la vertu serait
02:53 du côté des populistes d'extrême droite et d'extrême gauche que d'imaginer qu'elle
02:57 serait du côté de Morandini ou d'un Pascal Praud pour une fois d'accord avec l'ensemble
03:03 des humoristes de gauche pour dénoncer le complot d'un déjeuner secret.
03:08 Sophia Aram.