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Abdel Aouacheria, lanceur d’alerte et président de l’association “La Dent Bleue”, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Ensemble, ils reviennent sur les soupçons de fraude à l'assurance maladie qui pèsent sur deux centres de santé.
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Abdel Aouacheria, lanceur d’alerte et président de l’association “La Dent Bleue”, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Ensemble, ils reviennent sur les soupçons de fraude à l'assurance maladie qui pèsent sur deux centres de santé.
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NewsTranscription
00:00 C'est une première, un coup de tonnerre aussi dans le monde de la santé. L'assurance maladie a déconventionné
00:05 deux centres de soins dentaire et ophtalmo d'Ile-de-France, sanctions radicales,
00:09 pour punir ces établissements de leur pratique frauduleuse. Le préjudice pour la sécu s'élève à près d'un million et demi d'euros.
00:16 On en parle ce matin avec Abdel Awacharya. Bonjour !
00:20 - Bonjour !
00:21 - Vous êtes en direct avec nous depuis Montpellier ce matin. Vous êtes le président, Abdel, de l'association La Dents Bleues.
00:25 Ça fait des années que vous ferraillez contre les dérives de certains centres de soins dentaires.
00:30 Vous faites partie notamment des victimes du scandale d'Antexia. Ça nous remet quelques années en arrière.
00:36 Alors, d'abord, sur cette décision de l'assurance maladie, Abdel Awacharya, déconventionner un centre de santé, ça veut dire quoi concrètement ?
00:44 - Déconventionner, ça implique en fait que les soins qui sont pratiqués dans le centre ne sont quasiment plus remboursés par l'assurance maladie,
00:52 qui va appliquer ce qu'on appelle un tarif d'autorité. Alors, pour une consultation de 30 euros, la sécu ne rembourse plus que 1,22 euros.
01:00 Donc, on se rend bien compte que pour les patients et pour les professionnels de santé concernés, c'est quand même assez compliqué de faire tourner un centre avec ça.
01:08 - Ça passe peut-être pour une sanction des patients. On a l'impression qu'on punit les malades, ceux qui se rendent dans ces centres de santé.
01:16 Non, l'objectif de la sécu, c'est finalement de tuer ces établissements qui ne reçoivent plus de patients, que les gens s'en détournent.
01:23 Qu'est-ce qu'on leur reproche très concrètement à ces centres de santé déconventionnés ?
01:28 - Ce qu'on leur reproche, en fait, c'est la facturation d'actes fictifs, c'est-à-dire de soins qui n'ont pas été réalisés dans la bouche des patients,
01:36 et d'autres facturations que l'assurance maladie qualifie de manière un petit peu mystérieuse de facturation atypique.
01:45 Donc on ne sait pas trop ce que ça recouvre, il y en a dans l'attente d'autres informations.
01:49 Mais ce que je voudrais dire quand même, c'est que la plupart de ces centres de santé, surtout centres de santé associatifs,
01:55 loi de 1901, telle que créée par la loi Bachelot, ont une réelle vocation médico-sociale.
02:00 Et donc là, l'assurance maladie est en train de s'attaquer à la frange qui, parmi ces centres de santé associatifs, sont crapuleux.
02:10 - Il ne faut pas jeter l'opprobre sur tous les centres de santé, séparer le bon grain de l'ivraie, et c'est ce qu'est en train de faire la Sécu, et il était temps.
02:19 Parce qu'elle dit quand même, la Sécurité sociale, que 120 centres de ce genre, centres de santé essentiellement dentaires et ophtalmo,
02:26 vous nous direz pourquoi ce sont les dents et les yeux qui sont ciblés, 120 établissements du même genre sont dans le viseur pour ce type de fraude.
02:33 Alors ça va de par exemple, je vais donner des exemples très concrets.
02:36 Dans ce centre dentaire, on vous impose une radio des dents. Voilà. Alors la radio ne se justifie pas toujours.
02:40 Oui, mais c'est un acte médical et ça demande un remboursement de la Sécurité sociale.
02:44 Comme les patients sont au tiers payant, ils ne se rendent pas du tout compte qu'avec leur carte vitale, le centre de santé va gagner comme ça beaucoup d'argent auprès de la Sécurité sociale.
02:54 Pourquoi ce sont les dents et les yeux, Abdel Awacheria, qui concentrent autant de problèmes ?
03:00 Je pense qu'il n'y a pas de réponse unique, mais pour ce qui concerne le dentaire, en tout cas, il y a deux aspects qui me viennent à l'esprit.
03:07 Le premier, c'est que le patient, comme vous l'avez un petit peu indiqué, ne sait jamais très bien ce qu'on lui fait en bouche.
03:12 Ce qui fait qu'il n'est pas en capacité d'apprécier la véracité des facturations.
03:16 Quand bien même on parle de consentement éclairé, que des devis soient établis, le patient n'est pas en mesure très souvent de savoir quantifier,
03:25 de savoir caractériser les soins qui lui sont faits. À partir de là, tous les abus sont permis.
03:29 Donc ça, c'est un premier point.
03:32 Et il y a un deuxième point qui me vient à l'esprit, c'est quand même le caractère lucratif de l'activité dentaire, c'est sûr.
03:38 C'est-à-dire que les crapules qui viennent investir le secteur des centres de santé associatifs
03:45 viennent non pas pour l'aspect médical, mais pour l'aspect lucratif de l'activité dentaire.
03:52 À partir de là, c'est la porte ouverte à tous les abus.
03:55 On voit comment ces deux éléments vont converger sur le fait de créer non seulement une fraude dont on ne sait pas vraiment l'ampleur aujourd'hui,
04:04 et d'autre part créer des victimes.
04:06 - Oui, c'était la question que je voulais vous poser. Est-ce qu'on évalue le montant de cette fraude ?
04:10 Parce que quand on voit qu'à eux seuls, deux centres de santé et un à lui tout seul fait plus d'un million d'euros de fraude en neuf mois,
04:17 quand on se dit qu'il y a 120 centres dans le collimateur de la sécu pour ce genre de pratiques, on est en droit de s'inquiéter quand même.
04:23 Ce sont des montants colossaux.
04:25 - Tout à fait. On est non seulement en droit de s'inquiéter compte tenu des 120 centres,
04:31 mais moi ce qui me retient à mon attention, c'est qu'on a aujourd'hui deux centres déconventionnés sur près de 2000 centres dentaires associatifs
04:39 implantés sur notre territoire.
04:41 Donc on voit bien, on sent bien de manière intuitive qu'on n'a là que la face émergée d'un iceberg qui est sans doute beaucoup plus massif.
04:49 Ce que vous avez dit qui est très juste aussi, c'est comment estimer l'ampleur réelle de la fraude à la sécu ?
04:54 C'est une vraie question. Mais ce que je tiens à rappeler, c'est que deux tiers de la fraude est imputable aux professionnels et non pas aux usagers.
05:02 Et ça on ne le dit pas assez.
05:04 - Justement, à propos des usagers, Abdéla Ouacharya, je sais que c'est un sujet qui vous préoccupe beaucoup.
05:08 Ça va être le suivi de tous ces patients qui se retrouvent victimes de la fermeture de ces centres de santé,
05:14 qu'ils étaient bien heureux d'avoir à côté de chez eux.
05:16 On a entendu cette femme dans le reportage, dans le journal de 7h, dire qu'il n'y avait pas de dentiste à proximité.
05:21 Ce centre nous rendait bien service.
05:23 Qu'est-ce qu'ils vont devenir ? Surtout ceux qui, par exemple, avaient des travaux dentaires en cours.
05:27 - Ce que vous dites, c'est exactement le point qui nous met beaucoup en colère à l'association.
05:32 Votre reportage le montre bien.
05:34 Ces patients et ces patientes qui se retrouvent face à un rideau fermé vont vivre un calvaire.
05:39 Et à aucun moment dans son communiqué, l'assurance maladie ne parle du devenir des patients.
05:44 L'assurance maladie dissuade la patientèle de prendre de nouveaux rendez-vous.
05:47 C'est un fait.
05:48 Mais elle ne donne aucune information sur la continuité des soins.
05:52 Or, est-ce que ces patients vont être laissés sans solution ?
05:55 Est-ce que c'est vraiment ça qui va se passer ?
05:57 On tient à rappeler que l'assurance maladie a le devoir de se préoccuper du suivi clinique et administratif des patients.
06:04 Elle doit donc s'assurer de la continuité de l'accès aux soins.
06:06 Ces patients, s'ils sont allés dans ces centres dentaires associatifs, c'est bien souvent parce qu'ils n'avaient pas d'autre choix.
06:11 Aujourd'hui, on doit s'occuper d'eux en priorité.
06:15 On doit déconventionner, on doit punir, sanctionner, faire rembourser les centres de santé fautifs.
06:21 Mais on doit d'abord et avant tout replacer le patient au centre des préoccupations médicales et des actions de l'assurance maladie.
06:30 Merci beaucoup Abdel Awacharya d'avoir été en ligne avec nous.
06:34 Président de l'association La Dents Bleues.
06:36 Je le dis à tous ceux qui sont victimes de travaux dentaires mal effectués, qui ont des problèmes avec ce genre d'établissement.
06:44 Vous collectez, vous rassemblez tous les éléments pour bâtir des dossiers.
06:49 Toutes les informations sont à retrouver sur le site internet de votre association La Dents Bleues.
06:54 Je vous remercie pour ce temps de parole qui est très important pour nous et toutes les victimes de dentaire et tous les usagers.
07:03 Je vous en prie. Bonne journée à vous. Il est 7h20 sur Europe 1.