Lutte contre le système prostitutionnel - nouvelle lecture

  • il y a 8 ans
"Le texte que nous examinons aujourd’hui possède une vertu. Il permet d’aborder ici, à l’Assemblée, une réalité que nous ne sommes pas habitués à regarder en face : celle de la traite et de l’esclavage d’êtres humains, qui doivent être combattus, poursuivis et sanctionnés lourdement, au travers d’une lutte sans merci contre les réseaux qui s’en nourrissent.

La réalité, également, de celles et ceux qui se prostituent, parce qu’elles et ils ne voient pas d’autre moyen d’arrondir leur fin de mois : des étudiantes et des étudiants, mais aussi des personnes à qui, face à une situation de précarité et à des difficultés financières, la prostitution permet de nourrir leur famille ou de payer leurs factures.

Cela doit nous interpeller sur les conséquences de la crise que nous traversons, sur les problèmes de pauvreté et de paupérisation d’une partie de nos concitoyens. Cette situation doit nous conduire à reposer la question d’un revenu d’autonomie.

Oui, ces questions, sous-jacentes, doivent être abordées. Or, précisément cette proposition ne les aborde pas, ou très peu, et c’est bien dommage. Finalement, le principal reproche que l’on peut faire à ce texte, c’est de prétendre régler, en quelques lignes juridiques, des questions humaines, ô combien.

Comment, en effet, aborder la question de la prostitution en refusant d’admettre ce que nous disent les premiers et les premières concernés – je parle ici des prostituées – à savoir qu’il existe des prostitutions. Car n’en déplaise à la vision simplificatrice et moralisante qui anime ce texte, toutes les situations de prostitution ne peuvent être réduites à de l’esclavage. Que cela plaise ou non, que cela choque ou non, certaines personnes ont recours à la prostitution sans contrainte.

Celles et ceux qui se définissent travailleurs et travailleuses du sexe revendiquent leur métier comme un choix. Aujourd’hui des prostituées travaillent à leur compte et payent des impôts sur les revenus de leur travail. Nous ne pouvons nier qu’il s’agit là de choix opérés en conscience par les personnes concernées. Comme l’ont dit Elizabeth Badinter et quelques autres dans une tribune, qui peut s’ériger en juge dans ce domaine éminemment privé ?

Face au droit de disposer de son corps, face au principe de la liberté sexuelle entre adultes consentants, ce texte réduit la prostitution à une marchandisation du corps qui porterait ainsi atteinte à la dignité humaine. Dans ce cas, pourquoi se limiter à la prostitution ? D’autres professions pourraient en effet faire l’objet de la même analyse : pourquoi, par exemple, ne pas abolir la pornographie ?

Ce texte, animé de bonnes intentions, comporte en outre des risques dont la gravité pour les personnes que l’on entend ici « protéger » est bien réelle. "

Extrait de l’intervention en séance publique de Barbara Pompili
Pour en savoir plus : http://barbarapompili.fr/13552-2/

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