SOIREE LECTURE LE 24 SEPTEMBRE
http://www.tituli.fr/catalog/product/view/id/68/s/est-ce-ainsi-que-les-hommes-ecrivent/category/3/
Essai sur les devoirs de la littérature.
"Si vous ne voulez pas comprendre qu’il y a des auteurs qui ont de la moelle et d’autres pas, des œuvres plus fortes que d’autres, qui pourtant les surpassent parfois par la facture, des époques plus florissantes que d’autres ; si vous ne sentez pas qu’on peut et doit examiner ces hiérarchies, qu’il faut décider des places et mérites respectifs en assumant le risque de se tromper, risque désagréable mais non déshonorant ; si vous n’êtes pas capable, armé de votre seul goût et de votre seule exigence, de vous élever au-dessus de votre époque, d’embrasser d’un seul regard l’étendue du désert où s’est égaré le roman, de voir que ces millions d’exemplaires vendus ne sont, pour la plupart, ni relus ni relisibles; si vous n’arrivez pas à sentir qu’il y a des proses qui se dérobent, ne vous regardent pas dans les yeux, passent d’un point de vue à l’autre, d’un temps à l’autre, d’un faux-fuyant à l’autre, non pour vaincre les difficultés de la narration mais pour vous vaincre vous, que l’arrangement des mots qui en résulte ne peut être appelé style qu’en raison de l’apparition de cette répugnante figure : l’auteur méprisant son lecteur ; si vous ne sentez pas que ce ton-là est le ton même de sa conversation, persistez malgré tout dans votre admiration et portez au compte de l’art ce qui accuse son manque foncier de cœur et de droiture; si vous arrivez à vanter une épopée des immondices uniquement parce que le travail en est soigné ; si les innombrables journaux intimes déguisés en romans vous font à chaque fois appuyer sur la chanterelle du frisson nouveau ; si ne vous saute pas aux yeux, sous l’affectation minimaliste, l’étroitesse de vues et la sècheresse de cœur du détaillisme poétisé; si les écriturants et écriturantes vous barbent mais doivent être soutenus par principe; si les sous-Joyce, les sous-Kafka, les sous-Woolf et leurs sous-épigones vous paraissent rendre un son neuf malgré l’absence criante de parenté spirituelle ; si vous ne décelez pas sous les lamentos des martyrisé(e)s le sournois désir d’appliquer sur vous la loi du talion ; si vous pensez que l’humour a tous les droits, spécialement à l’encontre des faibles, des humiliés et des offensés, qu’il ne faut ni juger, ni condamner, mais tout avaler en bloc, tout justifier en bloc, et que le maître-mot d’une œuvre, fût-elle révoltante de bêtise, est de « ne pas laisser indifférent », alors je vous le redemande, quel sens ont encore pour vous ces mots : "Devoirs de la littérature" ?'"
A paraître en septembre chez tituli. www.tituli.fr
http://www.tituli.fr/catalog/product/view/id/68/s/est-ce-ainsi-que-les-hommes-ecrivent/category/3/
Essai sur les devoirs de la littérature.
"Si vous ne voulez pas comprendre qu’il y a des auteurs qui ont de la moelle et d’autres pas, des œuvres plus fortes que d’autres, qui pourtant les surpassent parfois par la facture, des époques plus florissantes que d’autres ; si vous ne sentez pas qu’on peut et doit examiner ces hiérarchies, qu’il faut décider des places et mérites respectifs en assumant le risque de se tromper, risque désagréable mais non déshonorant ; si vous n’êtes pas capable, armé de votre seul goût et de votre seule exigence, de vous élever au-dessus de votre époque, d’embrasser d’un seul regard l’étendue du désert où s’est égaré le roman, de voir que ces millions d’exemplaires vendus ne sont, pour la plupart, ni relus ni relisibles; si vous n’arrivez pas à sentir qu’il y a des proses qui se dérobent, ne vous regardent pas dans les yeux, passent d’un point de vue à l’autre, d’un temps à l’autre, d’un faux-fuyant à l’autre, non pour vaincre les difficultés de la narration mais pour vous vaincre vous, que l’arrangement des mots qui en résulte ne peut être appelé style qu’en raison de l’apparition de cette répugnante figure : l’auteur méprisant son lecteur ; si vous ne sentez pas que ce ton-là est le ton même de sa conversation, persistez malgré tout dans votre admiration et portez au compte de l’art ce qui accuse son manque foncier de cœur et de droiture; si vous arrivez à vanter une épopée des immondices uniquement parce que le travail en est soigné ; si les innombrables journaux intimes déguisés en romans vous font à chaque fois appuyer sur la chanterelle du frisson nouveau ; si ne vous saute pas aux yeux, sous l’affectation minimaliste, l’étroitesse de vues et la sècheresse de cœur du détaillisme poétisé; si les écriturants et écriturantes vous barbent mais doivent être soutenus par principe; si les sous-Joyce, les sous-Kafka, les sous-Woolf et leurs sous-épigones vous paraissent rendre un son neuf malgré l’absence criante de parenté spirituelle ; si vous ne décelez pas sous les lamentos des martyrisé(e)s le sournois désir d’appliquer sur vous la loi du talion ; si vous pensez que l’humour a tous les droits, spécialement à l’encontre des faibles, des humiliés et des offensés, qu’il ne faut ni juger, ni condamner, mais tout avaler en bloc, tout justifier en bloc, et que le maître-mot d’une œuvre, fût-elle révoltante de bêtise, est de « ne pas laisser indifférent », alors je vous le redemande, quel sens ont encore pour vous ces mots : "Devoirs de la littérature" ?'"
A paraître en septembre chez tituli. www.tituli.fr
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