Quand François et Angela deviennent raisonnables

  • il y a 9 ans
LE GRAND ANGLE DIPLO - François Clemenceau, rédacteur en chef du service "International" du JDD, décrypte chaque semaine les photos de l'actualité mondiale ou de ses coulisses. Cette semaine, il revient sur le rapprochement entre François Hollande et Angela Merkel.

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Ensemble dans les montagnes endeuillées par le crash de l’A320, ensemble dans la marche contre le terrorisme à Paris en janvier, la France et l’Allemagne s’entendent mieux depuis quelques mois et pas uniquement quand il y a de la solidarité dans l’émotion. On n’aura l’occasion de le vérifier lors du conseil franco-allemand du 31 mars à Berlin.

On pourrait appeler cela : l’effet Minsk. Le 12 février dernier, lorsque François Hollande et Angela Merkel se retrouvent dans la capitale biélorusse pour négocier avec Vladimir Poutine, la conjugaison des volontés des deux grandes puissances européennes pour freiner la Russie en Ukraine finissent par payer. Certes, le résultat sur le terrain est encore bien fragile mais ce duo diplomatique au sommet a permis de hiérarchiser les priorités. Ce qui explique en partie la relative indulgence de l’Allemagne lorsque Bruxelles a décidé d’accorder un délai à la France pour réduire ses déficits à condition d’accélérer les réformes structurelles. A condition aussi que Paris et Berlin parlent ensemble d’une même voix face à la Grèce d’Alexis Tsipras afin de ne pas donner l’impression d’une Europe désunie face aux exigences grecques. On devrait assister à de nouvelles initiatives communes lors du conseil franco-allemand de Berlin, par exemple sur le climat, un domaine où François Hollande comme Angela Merkel entendent peser au nom de l’Europe face aux grands acteurs du réchauffement d’ici le sommet climat de Paris en décembre prochain.

Naturellement, cette meilleure entente franco-allemande ne doit pas masquer les divergences ou les incompréhensions qui existent encore entre les deux capitales. Notamment dans le domaine de la sécurité européenne.

La France ne comprend pas, par exemple, pourquoi Berlin continue de refuser la discussion sur le thème de la défense collective. Pour Paris, l'intervention de la France au Sahel protège l’Europe, et ses efforts financiers en la matière devraient pouvoir être pris en compte lorsqu’on parle de réductions de déficit. Or, si l’Allemagne fait des efforts pour augmenter son budget de la défense, de 8 milliards pour 2016, elle ne voit pas pourquoi elle ferait un geste pour la France dont les engagements militaires profitent également à son industrie de défense. En revanche, la coopération industrielle entre les deux pays fonctionne. Le conseil franco-allemand devrait ainsi donner son feu vert à la réalisation en commun d’un troisième satellite d’observation et à la poursuite des recherches pour se doter à l’horizon 2025 de drones européens. En fait, tout se passe comme si l’Allemagne d’Angela Merkel venait de comprendre qu’une France affaiblie ne pouvait pas servir les intérêts d’une Allemagne devenue très forte sur le plan économique mais dont le poids diplomatique à l’international est encore relatif.

A Berlin, on a pris enfin la mesure de l’étroite marge de manœuvre du gouvernement de Manuel Valls et de la progression ininterrompue du Front National. Faire la leçon à Paris n’est donc pas de nature à renforcer l’exécutif. L’avoir compris, même tard, est un grand progrès.

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