L’étonnante destinée de la science arabe médiévale dans l’occident moderne : de la vision à l’image perspective

  • il y a 12 ans
avec Jean-François COULAIS, Ingénieur de recherche Arts et Métiers ParisTech Cluny, docteur de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.
Des centaines de milliards d’images sont aujourd’hui en circulation sur internet, et chacun de nous y contribue quotidiennement. De la peinture à la photographie et à l’image virtuelle, des smartphones à la vidéo et à l’imagerie scientifique (médecine, microscopes, télescopes, satellites, etc.), la plupart de ces images ont pour point commun de reposer sur les principes géométriques de la science optique et de la construction perspective. Mais nous oublions trop souvent que la perspective, cette « seconde nature » de notre perception visuelle, n’est pas naturelle. Les artistes italiens qui l’ont inventée au XVe siècle utilisaient d’ailleurs les termes de perspectiva artificialis pour qualifier la perspective de la peinture, et de perspectiva naturalis pour parler de la vision. Plus récemment, les historiens ont (re)découvert que cette construction artificielle, tout comme les grandes découvertes du XVIIe siècle, celles de Kepler ou de Galilée, de Descartes ou de Newton, n’ont été rendues possibles que grâce à une révolution dans la science optique, qui s’est opérée entre IXe et XIe siècles de Bagdad au Caire et va rapidement se transmettre en Europe, via la Sicile et l’Andalousie.
Le propos de cette conférence est double : nous retracerons d’abord l’itinéraire de cette étonnante réélaboration occidentale des savoirs arabes sur la vision humaine en une science de l’image à partir de la Renaissance. Nous nous demanderons d’autre part comment et pourquoi la mémoire de cet âge d’or des sciences arabes, dont l’héritage concerne nos gestes et nos regards quotidiens, a pu disparaître de notre histoire durant près de 1000 ans.