Paradiso !

  • il y a 15 ans
Il y avait des feuilles de coca dans les chroniques mâchouillées, des cristaux de sucre brun dans les voix empâtées, une torpeur de strychnine.
Le pavé du quartier de briques luisait sous l’incandescente profondeur du silence de paix des absents et les canaux du matin affichaient l’infaillibilité des surdoses de la nuit.
Les escaliers du Paradiso étaient abrupts à gravir. Ils donnaient à la conquête des seuils ahuris la couleur vive et laquée de la porte souvent fermée et celui qui avait encore survécu à l’instant d’ascension s’allongeait là dans la certitude d’être encore mieux servi par la roulette de la divine dépossession du ‘peut-être rêver’.
Pour gagner, tout le monde le savait, il fallait miser sur le sang et ne pas en démordre.
La bille d’ivoire glissait à la lisière du cylindre d’ébène jusqu’à la fin de sa rotation comme un cœur de monde flashé sur une icône et pulsait ses lueurs fluorescentes dans l’excitation de l’ivresse des systoles coruscantes.
Alors la bougie allumée sur la rampe moite du quai emplissait de chaleur la cuillère à dissoudre et du bout de l’aiguille les paillettes chatoyantes s’anéantissaient dans un sérum jubilatoire de cruauté sublime, filtrée dans la ouate grise usée ; la solitude chaude et arrogante de l’oubli du prochain lancer.
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éric bertomeu