"On tue tous les jours au Congo !" Les milices du Mouvement du 23 mars (M23), appuyées par le Rwanda, ont fait une percée ces derniers mois dans l'est de la République démocratique du Congo, massacrant femmes et enfants sur leur passage. Et cela dans une indifférence médiatique assourdissante. Des négociations de paix avaient été initiées le 18 mars... Où en sont-elles ?
Charles Onana, docteur en sciences politiques, spécialiste de l'Afrique des Grands Lacs et des conflits armés, est l'auteur de "Holocauste au Congo - L'omerta de la communauté internationale". Il revient pour TVLibertés sur les causes d'un conflit qui remonte au milieu des années 90, l'implication des Etats-Unis et de la France, l'impunité meurtière du président rwandais Kagamé, le viol du droit international, la situation des civils et le rôle des minerais comme le coltan et le cobalt, nécessaires à la politique européenne de transition écologique. Autant de sujets tabous couverts par le Système pour éviter de parler des 10 millions de morts et des 500 000 femmes violées.
Charles Onana, docteur en sciences politiques, spécialiste de l'Afrique des Grands Lacs et des conflits armés, est l'auteur de "Holocauste au Congo - L'omerta de la communauté internationale". Il revient pour TVLibertés sur les causes d'un conflit qui remonte au milieu des années 90, l'implication des Etats-Unis et de la France, l'impunité meurtière du président rwandais Kagamé, le viol du droit international, la situation des civils et le rôle des minerais comme le coltan et le cobalt, nécessaires à la politique européenne de transition écologique. Autant de sujets tabous couverts par le Système pour éviter de parler des 10 millions de morts et des 500 000 femmes violées.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:0010 millions de morts, 500 000 femmes violées, le Congo est victime d'un véritable holocauste.
00:13Bonjour à tous et bonjour à vous, Charles Onana.
00:16Bonjour et merci de m'avoir invité.
00:19Charles Onana, vous êtes docteur en sciences politiques, spécialiste de l'Afrique des Grands Lacs et des conflits armés.
00:25Vous êtes l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages, dont Rwanda, la vérité sur l'opération turquoise et cet ouvrage dont on avait déjà parlé ensemble.
00:35Holocaust au Congo, l'omerta de la communauté internationale publiée chez l'artilleur.
00:44Ce sujet dont on parle très peu dans les médias de masse, Charles Onana, on va en parler avec vous.
00:51Des négociations de paix se sont ouvertes le 18 mars dernier entre le gouvernement congolais et les rebelles du mouvement du 23 mars dit M23.
01:05Ces rebelles ont fait une percée dans l'est du Congo ces derniers mois, appuyés par 4000 soldats rwandais.
01:14Où en sont ces négociations ?
01:15Nulle part, tout simplement parce que d'abord il y avait une réunion qui était aussi prévue entre le président Félix Ysekedi, le président du Congo, et le président rwandais Paul Kagame à Luanda.
01:28Cette négociation n'a pas pu avoir lieu, parce que cette rencontre n'a pas pu avoir lieu, simplement parce que Paul Kagame n'est pas venu.
01:35Et les discussions avec le M23, le président Ysekedi a toujours dit, affirmé qu'il ne voulait pas discuter avec le M23, qui est considéré au Congo comme un mouvement terroriste et soutenu par le Rwanda.
01:49Et donc je pense que ce qui est arrivé, c'est que nécessairement, ils avaient cru qu'en ayant eu des avantages militaires et des avancées militaires importantes,
02:03eh bien cela leur apportait des moyens pour pouvoir discuter en position de force face au gouvernement.
02:09Finalement, tout cela a avorté et on est aujourd'hui encore au point mort où, effectivement, ils continuent à prendre du pas sur le terrain.
02:22Et du côté congolais, on a du mal à remonter un peu la situation sur le plan militaire.
02:28Ça, c'est la réalité du terrain.
02:29– Cette percée du mouvement du 23 mars, le M23, ces derniers mois, comment ça s'est passé sur le terrain ?
02:38Combien y a-t-il de morts ? Où en est-on ?
02:41– Alors, c'est très difficile d'établir des chiffres crédibles pour la simple raison que le M23 ne laisse pas les organisations humanitaires sur place
02:54pour examiner, effectivement, ce qu'ils sont en train de faire. Ce qui nous revient, moi j'ai reçu pas mal de photos, d'images de terrain,
03:05la situation des populations est extrêmement dramatique, c'est-à-dire qu'ils tuent les enfants, les femmes, les viols sont massifs
03:14et aujourd'hui, ils continuent de massacrer partout où ils prennent des villages.
03:18Donc, la situation est terrible et c'est pour cette raison que, d'abord, ils font tout pour ne pas donner des images
03:26parce que si on donnait à voir les images de la situation à l'est du Congo, je crois que ça ne laisserait pas beaucoup de gens indifférents.
03:32– Qui sont ces hommes du M23 ? Sont-ils congolais ? Sont-ils rwandais ?
03:36– Alors, c'est très intéressant parce qu'on a toujours donné l'impression que le mouvement M23,
03:41c'était un mouvement, je dirais, de Congolais qui sont en révolte contre leur propre gouvernement,
03:49il n'en est absolument rien du tout, c'est-à-dire que le mouvement M23 est une milice armée créée par le Rwanda de toute pièce,
03:56soutenue militairement par la logistique rwandaise, c'est-à-dire que les rapports des Nations Unies ont établi,
04:02et je pense là, il n'y a plus de discussion possible, que le M23 est soutenu militairement par le Rwanda.
04:09– Les sénateurs américains ont écrit à M. Biden Blinken à l'époque, le secrétaire d'État américain de l'administration Blinken,
04:20et on a vu ces derniers temps de nouveaux rapports qui attestent de la présence militaire, physique militaire des Rwandais sur le territoire congolais.
04:28Donc, on a affaire à une violation du droit international, une violation de la souveraineté du territoire congolais.
04:33Donc, le M23 n'est rien d'autre qu'une milice armée du Rwanda sur le territoire congolais.
04:38– Vous évoquez, c'est pour parler avec l'administration américaine,
04:43est-ce qu'on sait aujourd'hui si l'arrivée de Donald Trump a fait bouger les choses ?
04:48– L'administration, enfin l'arrivée au pouvoir de M. Trump est une chose salutaire, je pense, pour les Congolais,
04:56mais M. Trump n'est pas un magicien.
04:58Donc, je crois que c'est aux Congolais d'avoir non seulement une feuille de route extrêmement claire,
05:06avec des objectifs précis pour la défense de leur pays et de leur population,
05:11et entrer avec cette feuille de route précise dans les discussions avec le président des États-Unis.
05:17Je rappelle que c'est l'administration Clinton, à l'époque, qui a formé Paul Kagame,
05:21et les officiers rwandais qui sont aujourd'hui en train d'envahir des violets, des pillés au Congo.
05:29Donc, il n'est pas impossible que, si les Congolais veulent reprendre la main dans leur pays,
05:36de se consolider d'abord en tant qu'une armée nationale républicaine forte,
05:41et à partir de là, se mettre dans une position où ils peuvent discuter avec les États-Unis,
05:47sans être en position de faiblesse et sans qu'on soit obligé de leur imposer un certain nombre de choses.
05:53Est-ce que les États-Unis pourraient être, avec l'administration Trump, d'une certaine aide pour le Congo ?
06:02Est-ce que la France peut... Qui sont les pays susceptibles d'être une aide pour le Congo ?
06:07Je crois qu'actuellement, la France n'est pas en position d'aider le Congo,
06:12puisque les Français ont pris fête et cause pour Kagame, pour le Rwanda.
06:16Voilà, y compris contre les militaires français de l'opération turquoise,
06:21puisqu'il y a eu une série de plaintes déposées en France contre les militaires français,
06:26et cela au vu au-dessus de tous, et ça n'a pas choqué grand monde
06:29que des militaires français qui n'ont commis aucun crime au Rwanda
06:33soient traînés dans la boue de cette façon-là,
06:36et que ce soit le président Sarkozy, qui était à l'époque porte-parole du gouvernement Balladur,
06:41et aller au Rwanda reconnaître que la France avait commis des fautes.
06:44Donc quand vous avez des hauts dirigeants français qui vont faire des génuflexions à Kigali
06:50pour reconnaître des fautes qui n'ont pas été réellement commises,
06:54eh bien on est en face d'une validation d'un mensonge international
06:57devant lequel la France ne peut plus être en position de crédibilité
07:02pour aller faire une médiation sur le dossier du Congo.
07:07Mais en revanche, le président Trump, qui est en contradiction avec la politique
07:16qui a été menée à la fois par Clinton et par Biden,
07:19est un interlocuteur intéressant pour pouvoir faire bouger les lignes sur ce dossier-là.
07:25Mais je dis encore une fois de plus,
07:27il ne faut pas que les Congolais attendent tout des autres et de l'extérieur,
07:30il faut qu'ils se montrent en capacité aujourd'hui d'apporter,
07:36de faire des propositions qui sont des propositions crédibles, solides,
07:39pour qu'on puisse effectivement les aider de façon pertinente.
07:44– Ces rebelles, qui ne sont finalement pas des rebelles puisqu'ils sont rwandais,
07:49ces hommes du mouvement M23 ont donc pris possession d'un certain nombre de territoires
07:55à l'est du Congo, comment vivent les civils qui vivent sous leurs joues aujourd'hui ?
08:00– Alors la situation des civils est atroce, c'est-à-dire que partout où ils arrivent,
08:06la première des choses qu'ils font, c'est de terroriser les populations.
08:09C'est-à-dire que les enfants sont battus à mort, les femmes sont violées systématiquement
08:15et il y a aussi une série d'exactions qui sont faites à l'endroit des gens
08:20qui osent tout simplement dire qu'ils sont chez eux
08:22et qu'ils ne comprennent pas pourquoi une armée étrangère vient les agresser.
08:26Donc ces gens sont systématiquement éliminés.
08:29Alors quand vous avez les intellectuels, il y a un professeur qui a été tué il n'y a pas longtemps
08:33parce qu'il avait osé poser des questions.
08:36Et il y a une série de personnes, de personnalités qui sont massacrées,
08:41je dirais, dans le huis clos de l'agression rwandaise sur ce territoire.
08:46– Ce conflit a commencé dans les années 90, on l'avait déjà abordé,
08:54on l'avait déjà expliqué lors d'un entretien précédent.
08:57Est-ce que vous pouvez nous rappeler les causes de ce conflit ?
09:00– Alors les causes sont très simples, c'est qu'en fait l'administration Clinton
09:03qui avait décidé dans les années 90 de changer d'allié dans la sous-région,
09:10s'était proposé d'installer Paul Kagame au pouvoir par la force.
09:14Il était formé aux Etats-Unis dans les années 90 à Fort Leavenworth aux Etats-Unis
09:19et c'est de là-bas qu'il est venu prendre la tête et la direction des opérations militaires sur le terrain
09:23pour attaquer le Rwanda.
09:25En 90, la France a aidé le Rwanda à faire échec à cette première offensive
09:29et il a pris le temps d'occuper le nord du pays.
09:33En 93, ils ont signé des accords de paix, mais Paul Kagame ne voulait pas de ces accords de paix.
09:38Ces accords de paix ont été violés le 6 avril 1994
09:40avec l'attaque terroriste contre l'avion du président rwandais, Jvenal Abiyarimana.
09:46Donc deux chefs d'Etat sont morts à cette occasion
09:48et Paul Kagame a pris le pouvoir au Rwanda sur le plan militaire.
09:52Et les mois qui ont suivi cette prise de pouvoir sur le plan militaire
09:57se sont vus, je dirais, organisés par les Etats-Unis, le gouvernement américain
10:08a envoyé des troupes, des forces spéciales américaines, notamment en Ouganda,
10:13pour préparer l'invasion du Congo qui va arriver en 1997.
10:18Donc en 1997, les troupes de Paul Kagame et de son allié ougandais Yoré Museveni
10:25sont entrés sur le territoire congolais, ont renversé le président Mobutu en exercice
10:32et depuis lors, le Rwanda ne veut pas quitter le territoire congolais.
10:35Donc c'est une action qui a été un coup d'État, un véritable coup d'État militaire
10:40qui n'a pas été validé par la communauté internationale comme telle,
10:43mais qui a permis, jusqu'à ce jour, de déstabiliser le Congo,
10:48dont ça fait 30 ans que le Rwanda travaille à la déstabilisation de son voisin congolais
10:53qui ne l'a jamais véritablement agressé.
10:57– Vous mettez ces chiffres terribles sur la couverture de votre ouvrage,
11:0110 millions de morts, 500 000 femmes violées,
11:06où est-ce qu'on en est aujourd'hui ? De quand datent ces chiffres ?
11:09– Alors ces chiffres datent déjà d'un certain nombre d'années.
11:11Le président Tshisekedi a validé le chiffre des 10 millions de victimes dans son pays.
11:18Le docteur Denis Mukwege, qui s'est occupé des femmes violées,
11:22le prix Nobel de la paix congolais, a évalué les femmes violées,
11:26les victimes à 500 000 femmes aujourd'hui.
11:29Et donc depuis que ces chiffres ont été donnés, depuis quelques années maintenant,
11:33on tue tous les jours au Congo.
11:35Et donc toutes les organisations humanitaires ont déserté en quelque sorte le territoire congolais
11:40pour ne pas avoir à être des témoins directs des atrocités que commet l'armée rwandaise
11:45et ses milices du M23 sur le territoire congolais.
11:49Donc ce qu'on peut dire aujourd'hui, c'est que toutes les évaluations montrent que ces chiffres
11:53sont maintenant à la baisse par rapport à ce que vivent les Congolais tous les jours chez eux.
11:57On nous parle dans l'actualité beaucoup de ces fameuses terres rares en négociation
12:02entre Russes, Ukrainiens, Américains.
12:06Ces minerais, le terrain congolais en a beaucoup.
12:13Le cobalt, l'étain, le cuivre, le fer, le manganèse, le diamant et l'or.
12:18Quel rôle jouent tous ces minerais dans le conflit ?
12:20Alors c'est uniquement pour ça et principalement pour ça que le Congo est agressé, violenté
12:27et martyrisé sur son propre territoire.
12:30Pourquoi ? Parce que dès 1940, au début de la Seconde Guerre mondiale,
12:35lorsque les Américains ont voulu fabriquer la bombe atomique qui a été utilisée contre le Japon en 1945,
12:42l'uranium a été prélevé sous les recommandations du professeur Albert Einstein au Congo.
12:51Et les États-Unis, en 1942, ont décrété que le coltan qu'on vote aujourd'hui
12:58pour la fabrication des téléphones portables était un produit de sécurité des États-Unis.
13:02Donc si vous voulez, le cobalt, qui est aujourd'hui un produit qui a été décrété par l'Union européenne,
13:10comme un produit majeur pour fabriquer les batteries pour l'usage des voitures électriques,
13:18était un produit stratégique pour les nouvelles technologies,
13:21eh bien tous ces produits sont au Congo.
13:25Et donc on considère aujourd'hui que pour que le Congo puisse avoir la paix,
13:31il faut que tous ces minerais soient à l'air libre, pillés par tout le monde.
13:37Bon, je crois, et c'est en cela qu'il est important pour les autorités congolaises
13:42de faire un effort beaucoup plus important que leurs agresseurs
13:45pour pouvoir imposer, je dirais, le respect du droit international sur leur territoire,
13:52le respect des vies humaines sur leur territoire,
13:54pour que la situation redevienne normale.
13:56Si les autorités congolaises ne prennent pas le taureau par les cornes,
13:59eh bien ceux qui veulent piller ou qui pillent leur pays ne vont certainement pas s'arrêter.
14:03Vous dites que tout le monde pille ses ressources, ses minerais,
14:07c'est qui exactement les États qui viennent prendre les ressources congolaises ?
14:12Alors, ce qui est important dans votre question, c'est qu'en réalité,
14:16les gens n'ont pas voulu, enfin ce sont les grandes puissances de manière générale.
14:20La Chine a besoin du cobalt, la Chine a besoin du coltan,
14:24les États-Unis, la France, l'Allemagne,
14:27toutes les grandes puissances ont besoin.
14:29Le Canada, qui est généralement un acteur qu'on n'évoque pas dans cette affaire,
14:33mais qui est très impliqué également,
14:35mais toutes ces puissances ont besoin de ces ressources.
14:39Mais qu'est-ce qui a été fait en 1994 avec Bill Clinton ?
14:42C'était de permettre que Paul Kagame, qui est leur proxy, fasse le sale boulot.
14:48Et donc, c'est ce sale boulot que Paul Kagame fait depuis 30 ans aujourd'hui.
14:52C'est lui qui est devenu l'exportateur, le principal exportateur de coltan.
14:58Donc, le Rwanda est devenu exportateur de coltan sans avoir un gramme de coltan dans son sous-sol.
15:02L'Union européenne a signé des accords avec le Rwanda,
15:06après lui avoir alloué des millions d'euros,
15:11pour permettre à l'Union européenne de recevoir des minerais du Congo,
15:17alors qu'en fait, l'Union européenne est mieux informée que quiconque,
15:21puisque plusieurs émissaires de l'Union européenne depuis les années 2000,
15:25au début des années 2000, savent effectivement que tous les minerais viennent du Congo.
15:28Donc, il y a un cynisme, une hypocrisie générale,
15:31qui donne l'impression que, enfin, c'est une affaire entre le Rwanda et le Congo,
15:35alors qu'en réalité, les groupes mafieux également se sont mêlés à ça.
15:40C'est-à-dire qu'on a aujourd'hui un niveau de criminalité dans les massacres du Congo
15:45qui dépasse l'entendement.
15:46Et c'est pour cette raison que les grandes puissances,
15:49on ne veut pas ouvrir un débat sur la question du rôle du Rwanda au Congo,
15:53parce qu'on sait que ça mettra en cause beaucoup de puissances
15:57et beaucoup d'intérêts financiers.
15:59– Vous expliquez bien dans votre ouvrage, Charles Onana,
16:02que les présidents Sarkozy et Macron protègent,
16:06ont protégé le président rwandais, Kagame.
16:10Comment cela se met en place ? Comment cela est observable ?
16:14– Lorsque le président Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir,
16:18il a fait une déclaration, je crois que c'était en 2010,
16:20où il a demandé que le Rwanda partage ses richesses avec le Congo.
16:24C'était quand même scandaleux pour les Congolais d'entendre cela.
16:27C'est comme si, vous voyez, depuis que la Grèce a commencé à avoir des problèmes,
16:31c'est comme si quelqu'un venait,
16:33Madame Van der Leyen venait dire à la France,
16:38ou quelqu'un d'autre venait dire à la France,
16:40écoutez, partagez vos richesses avec la Grèce.
16:42Je ne crois pas que ce serait très indiqué
16:45et que beaucoup de Français verraient ça d'un bon oeil.
16:47Même M. Sarkozy l'a dit pour le Congo,
16:49en demandant aux Congolais de partager leur richesse avec le Rwanda,
16:52alors que le Rwanda, le premier rapport indexant le Rwanda
16:55comme pilleur et receleur des minerais du Congo date de 2001.
16:59Donc, c'était la première déclaration forte de Nicolas Sarkozy.
17:03Et par la suite, lorsque le président Macron est arrivé,
17:07il a donné la francophonie au Rwanda,
17:11alors que, depuis 1994, le Rwanda n'a eu de cesse d'accuser la France
17:16d'avoir commis le génocide au Rwanda.
17:19Donc, comment expliquer que le président Sarkozy vient,
17:23il demande à un pays agressé,
17:25un pays qui est victime d'une violation du droit international,
17:28de partager ses richesses,
17:29et son successeur, un de ses successeurs qui arrive derrière,
17:33M. Macron, qui donne effectivement la francophonie au Rwanda,
17:39alors que le Congo, en fait, est le plus grand pays francophone du monde.
17:43Donc, vous avez là des éléments très concrets
17:45qui montrent que, eh bien, ces deux présidents français,
17:51M. Sarkozy et M. Macron,
17:53ont pris fait et cause pour l'agresseur du Congo.
17:55Et c'est ça qui est, aujourd'hui, difficile,
17:57parce que, à la différence du président Mitterrand et de Jacques Chirac,
18:01ils avaient pris position contre l'agression du Congo
18:07et l'agression du Rwanda.
18:08Et on leur a reproché d'avoir fait cela.
18:10Donc, aujourd'hui, il est étonnant qu'en France,
18:12les gens se taisent devant ce qui se passe en République démocratique du Congo,
18:16alors que les premiers présidents français
18:18étaient contre cette situation de déstabilisation générale de l'Afrique des Grands Lacs.
18:23Comment vous expliqueriez, Charles Nanna, justement,
18:26cette volte-face de la politique étrangère française,
18:29avec d'un côté Mitterrand-Chirac et de l'autre Sarkozy-Macron,
18:34cette volte-face, ce changement radical de politique ?
18:38Mais c'est un changement qui correspond tout simplement à des objectifs personnels.
18:43On avait des chefs d'État français qui défendaient l'intérêt général,
18:47qui défendaient la politique de la France de façon globale,
18:51c'est-à-dire les intérêts du peuple français.
18:53Et là, on a affaire à des personnes qui défendent des intérêts privés
18:58qui n'ont absolument rien à voir avec l'intérêt général,
19:00et donc avec ce qui devrait être la politique française en Afrique.
19:04Et ne soyez pas surpris, il ne faut pas que les Français soient surpris,
19:08de constater que depuis que M. Sarkozy est arrivé
19:11et que M. Macron est arrivé,
19:14la France est quasiment rejetée dans la plupart des pays africains,
19:18mais c'est à cause de cette cécité de la politique étrangère de la France
19:26qui donne aujourd'hui l'impression que partout où il y a de l'agression,
19:32où il y a de la violence, c'est-à-dire que ça a été le cas en Libye,
19:35le président Sarkozy a soutenu l'agression contre la Libye,
19:38alimenté cette agression, ça a été le cas en Côte d'Ivoire,
19:41où il a tout fait pour faire renverser le président en exercice
19:47qui était là-bas M. Laurent Gbagbo,
19:49qui a été acquitté devant la Cour pénale internationale.
19:52Donc vous aurez constaté, et vous avez suivi dernièrement M. Macron
19:56qui disait que les Africains étaient ingrats.
19:58Donc je pense qu'il y a dans le discours politique,
20:02dans les actes qui sont posés en matière de politique étrangère,
20:05quelque chose qui dysfonctionne avec les présidents antérieurs.
20:08Et c'est important que les Français comprennent cela
20:11pour ne pas être aveuglés par le discours, je dirais, de propagande
20:15qui vise à dire aujourd'hui que, en fait, les Africains sont contre la France.
20:19Non, les Africains ne sont pas contre la France,
20:21ils sont contre une certaine politique française menée dans leur pays.
20:25Et c'est ça le fond du problème.
20:26Est-ce que vous diriez que cette politique de transition écologique
20:30élaborée à Bruxelles et acceptée par tous les États membres de l'Union européenne
20:34est à l'origine de ces violences que subissent les Congolais aujourd'hui ?
20:39Mais absolument, écoutez, il y a eu le député Thierry Mariani
20:44qui a poussé avec un certain nombre de ses collègues au Parlement européen
20:48de révéler le contenu du contrat qui a été signé entre l'Union européenne et le Rwanda.
20:55Eh bien, il a fallu plusieurs années pour qu'ils finissent par sortir deux feuilles.
21:00Et je ne crois pas que la réalité de ce contrat entre l'Union européenne et le Rwanda
21:05repose sur ces deux feuilles.
21:07Enfin, je crois que si on creuse un peu plus ce dossier
21:10et s'il y avait une commission d'enquête qui était initiée au niveau du Parlement européen
21:14autour de ce contrat, je pense qu'on apprendrait vraiment beaucoup de choses.
21:18Et je crois effectivement que certains députés peuvent essayer de demander
21:21une commission d'enquête autour de ce contrat entre l'Union européenne et le Rwanda.
21:25– Au moins 10 millions de morts, au moins 500 000 femmes violées,
21:29vous utilisez ce terme d'holocauste extrêmement fort.
21:33Pourquoi ce conflit au Congo est-il aussi méconnu de l'opinion publique française ?
21:39– Parce qu'il repose sur des enjeux économiques et financiers très importants.
21:43C'est-à-dire que dès lors où les enjeux ne sont plus de l'ordre de conflit ethnique,
21:49parce qu'en général, on a vendu souvent en Afrique quand il y a des conflits,
21:52on dit ce sont des conflits ethniques, comme ça on évite de regarder les aspects financiers
21:57et les aspects économiques.
21:58Là, on a affaire à quelque chose qui coûte des milliards, des centaines de milliards de dollars,
22:04je veux dire par toutes les organisations, je dirais, entrepreneuriales,
22:10les entreprises, les grandes multinationales qui gagnent beaucoup d'argent sur ces ressources,
22:15les entreprises, je dirais, criminelles qui participent au pillage des ressources en RDC,
22:20dont personne n'a envie qu'on parle de ce dossier, parce qu'il risque d'éclabousser énormément de personnalités
22:26et évidemment beaucoup d'entreprises qui ont pignon sur eux.
22:30– Quel est le sort que connaissent les populations chrétiennes au Congo ?
22:35– Alors ça, c'est également un autre tabou, parce que figurez-vous qu'en 1996,
22:40lorsque le président Kagame a pris le pouvoir par les armes, par la force, comme je l'ai dit tout à l'heure,
22:45la première personne qui a été assassinée au Congo, en République démocratique du Congo,
22:49c'était Mgr Mouziroa. Mgr Mouziroa, c'était l'archevêque de Bukavu,
22:53donc Bukavu qui est aujourd'hui ville-martyre par les troupes de Kagame et du M23.
23:03Mgr Mouziroa a été assassiné. Mgr Mouziroa a été assassiné.
23:05Mgr Cataliko également. Et puis il y a eu énormément de prêtres rwandais
23:10qui ont d'abord été assassinés au Rwanda, et puis d'autres en République démocratique du Congo.
23:14Tous les prêtres qui sont en désaccord avec ce qui se passe à l'est du Congo
23:19sont soit éliminés, soit violentés.
23:22Donc l'Église catholique finalement a pris la solution de se taire.
23:28Et j'ai été moi surpris de voir récemment les membres de l'épiscopat congolais
23:33aller s'asseoir avec les assassins de Mgr Mouziroa,
23:37ou les gens qui ont participé, je dirais de façon directe ou indirecte,
23:41à son élimination physique alors que lui demandait la paix dans son pays.
23:44Donc je ne crois pas qu'aujourd'hui dans la configuration du silence,
23:50la conspiration du silence qui est faite, qui est imposée à la République démocratique du Congo,
23:55le sort de chrétien n'est pas du tout enviable.
23:58Et personne ne veut parler de ça parce que parler de ça,
24:00ça signifie aussi de savoir pourquoi on s'acharne sur des chrétiens qui sont à l'est du Congo
24:07alors qu'en fait ce sont des gens qui n'aspirent qu'à vivre en paix chez eux
24:12avec les ressources que la nature leur a données.
24:16Vous disiez tout à l'heure, Charles Nanna, qu'il appartient en premier au président congolais
24:21de prendre ses responsabilités.
24:23Qu'attendez-vous de lui ?
24:25Quelle politique devrait-il impulser ?
24:27– Je suis mal placé, je ne voudrais pas apparaître comme quelqu'un
24:31qui doit donner des conseils au président Tshisekedi
24:34parce que je sais que c'est quelqu'un de très intelligent,
24:36qui a de très bonnes idées pour son pays
24:39et qui a la volonté de faire changer les choses
24:43puisqu'il a plusieurs fois, ce n'est pas quelqu'un de belliqueux.
24:47Mais il a affaire à des gens qui eux le sont
24:49et je crois que la meilleure attitude, je crois qu'il serait,
24:54dans le contexte actuel et dans la situation actuelle,
24:58ce serait de tenir compte du fait qu'on ne peut pas vouloir la paix tout seul.
25:02Il faut qu'en face, vous ayez des gens qui veulent la paix.
25:04Or, ceux qui sont en face des Congolais aujourd'hui,
25:07qui agressent le Congo, sont des gens qui veulent tout sauf la paix
25:11tant qu'ils peuvent avoir les ressources minières du Congo,
25:13gagner beaucoup d'argent, les valeurs humaines,
25:16les questions de paix ne les intéressent pas.
25:17Donc, il faut adapter effectivement la politique à ce genre de situation.
25:23Ça ne signifie pas qu'il faut être agressif comme les Rwandais,
25:26mais ça signifie qu'il faut utiliser toutes les ressources nécessaires
25:29pour pouvoir, je dirais, éviter que le territoire congolais
25:34soit occupé éternellement par ces gens sans foi ni loi.
25:39– Holocauste au Congo, l'omerta de la communauté internationale,
25:43c'est votre ouvrage, Charles Nanna.
25:45– Voilà, merci d'avoir accepté notre invitation.
25:47– Je vous remercie.