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00:00« Galle au nom de la raison d'Etat », c'est un film diffusé ce soir sur France 3 à 22h40.
00:06Une page sombre de l'histoire franco-espagnole, une histoire sanglante retracée par Sylvie Garratt
00:11qui a réalisé ce film de ce soir dans la collection 75-95 Le choix des armes.
00:17Ce matin, nous reçons Véronique Kaplan qui témoigne dans ce film.
00:21Son père Robert Kaplan a été tué par le Galle.
00:23C'était en 85, le 24 décembre, rue La Herald-Abieritz, devant le bar Le Royal.
00:29Véronique Kaplan, bonjour.
00:31Merci d'avoir accepté de témoigner ce matin.
00:34Témoigner dans le documentaire de Sylvie Garratt, c'était important ?
00:38Oui, c'était très important.
00:41Un devoir de mémoire avant tout, parce que c'est une histoire qui a marqué tout le Pays Basque.
00:46Jusqu'à présent, personne n'ose trop en parler.
00:50C'est un sujet assez touchy, on va dire.
00:5540 ans après, c'est un sujet qui reste tabou.
00:57Oui, tout à fait.
00:58Votre père est électricien.
01:00Le 24 décembre 85, à la sortie du bar Le Royal à Biarritz,
01:03il est touché par une rafale de 9 mm.
01:05Il va décéder quelques jours plus tard, en janvier.
01:08Le Galle, groupe antiterroriste de libération, va revendiquer cet attentat,
01:12puis affirmera s'être trompé de cible.
01:14Le groupe parapolicier espagnol va tuer 27 personnes de ce côté-ci de la frontière,
01:19dans une chasse organisée aux militants nationalistes basques d'ETA.
01:22Il y a une chape de plomb sur l'histoire de cette période ?
01:27Oui, il y a une chape de plomb, notamment du côté français.
01:31Du côté espagnol, il y a eu des procès,
01:34il y a eu des personnes interpellées, condamnées.
01:38Du côté français, il n'y a rien eu.
01:40Or, on sait très bien qu'il y a eu une participation au minima
01:44de la police française dans cette opération en Galle.
01:47Les assassins de votre père ont été retrouvés identifiés,
01:50ils ont été jugés en Espagne.
01:53Ce moment avait eu aussi son importance dans votre parcours personnel ?
01:58Oui, ils ont été jugés, il me semble, en 1999,
02:03à l'audition nationale à Madrid.
02:06Procès auquel nous n'avons pas assisté.
02:09Et ça a été important, oui, qu'au moins, du côté espagnol, quelque chose soit fait.
02:15Je vais vous poser cette question,
02:16parce que, pour vous, ça symbolise votre statut de victime
02:19qui a été reconnue en Espagne à l'occasion de ce procès ?
02:22Oui, mais en même temps, je ne suis pas espagnole.
02:27Vous voyez, il y a plein de paradoxes qui se mélangent.
02:30Moi, ce qui aurait été important, c'était d'être reconnu,
02:33afin que mon père soit reconnu victime à part entière en France.
02:37Alors, évidemment, j'ai obtenu le titre de pupille de la nation,
02:47mais à côté de ça, rien ne s'est passé.
02:50Il n'y a pas eu de reconnaissance officielle, entre guillemets ?
02:54Non, non, non.
02:55Il est 8h20 sur votre radio, ici Pays Basque, ce matin,
02:58nous discutons avec Véronique Kaplan,
02:59vous témoignez dans le film Galle au nom de la raison d'Etat,
03:02ce soir sur France 3 à 22h40.
03:04Et on revient sur l'histoire de votre père, qui a été tué à Biarritz en 1985.
03:07Alors, pour beaucoup, l'Etat français savait.
03:09Et dans le film, d'ailleurs, Galle au nom de la raison d'Etat,
03:12Pierre Jox, qui est ministre socialiste de l'intérieur,
03:15au moment des faits, paraît très embarrassé.
03:19Oui, et en même temps, silence radio, nous, on n'a eu personne de l'Etat.
03:23Pendant 35 ans, ma grand-mère est allée voir plusieurs fois,
03:28donc la mère de mon père est allée voir plusieurs fois les politiques à Biarritz.
03:33Ils l'ont reçu, mais personne ne l'a vraiment écouté,
03:38personne ne l'a entendu.
03:40La porte est restée ouverte,
03:43mais aucune attention n'a été portée à notre égard.
03:48Par les politiques d'ici ?
03:49Par les politiques d'ici.
03:50Par exemple, par Didier Borotra, maire de Biarritz, par des députés,
03:53personne n'a porté ce sujet, ce dossier ?
03:57Oui, bien au-delà de Didier Borotra, il y a eu Max Brisson,
04:00ma grand-mère a rencontré tous les politiques depuis 1986, jusqu'à il y a 5 ans.
04:06Et moi, il y a 2 ans, j'ai été voir Maïda Arosegui,
04:09qui, elle, m'a entendue, m'a écoutée, m'a ouvert les portes de son bureau
04:14pendant un long moment, et m'a permis, avec le soutien du mémorial
04:20des victimes de terrorisme à Victoria,
04:25de pouvoir faire une exposition à la médiathèque de Biarritz,
04:28qui a eu lieu de novembre à décembre 2024,
04:33et pendant laquelle on a pu faire aussi une table ronde
04:39avec des victimes du terrorisme, mais du terrorisme en général.
04:42Parce qu'étant donné que notre sujet est un petit peu touchy
04:45sur l'histoire du Pays basque, entre l'ETA et le GAL,
04:48j'étais partie sur l'idée de parler du terrorisme mondial,
04:53et de parler un petit peu de notre terrorisme ici, sur notre territoire,
04:58sur laquelle une couverture a été posée négligemment, j'ai envie de dire.
05:03GAL, ETA, ou quand un terrorisme d'État répond à un groupe terroriste,
05:07la définition, elle vous convient ?
05:14Quoi qu'il en soit, c'est du terrorisme,
05:16et on ne peut pas faire passer ces idées,
05:20on ne peut pas régler les problèmes avec du terrorisme.
05:23Est-ce que vous espérez qu'un jour l'État français va ouvrir ses archives ?
05:27Ce serait une bonne nouvelle, j'ai envie de dire,
05:30parce que ça va faire 40 ans en décembre à Noël que mon père est décédé.
05:34C'était le 24 décembre 1986.
05:36Le 24 décembre, Noël a un goût un petit peu amer depuis.
05:39C'est très important que des gens puissent être,
05:47pas montrer du doigt, mais qu'ils puissent s'expliquer un petit peu
05:50sur leur participation à cet événement qui fut dramatique.
05:54Et là, c'est l'État qui peut ouvrir les archives ?
05:57C'est l'État, exactement.
05:58C'était une décision du chef de l'État ?
06:00Oui.
06:01Il n'y a pas eu, on va dire, un temps au bout duquel, au bout d'un moment,
06:04on ouvre et on donne à disposition tous les documents ?
06:06Ça, je ne sais pas.
06:08Est-ce que vous attendez un geste de la ville de Biarritz ?
06:12Plus large, plus symbolique encore que ce qui s'est passé,
06:16que l'exposition à la médiathèque, la table ronde à la médiathèque ?
06:20Oui.
06:21Moi, j'aimerais bien qu'une plaque au nom de mon père soit installée à Biarritz
06:25pour tenir en mémoire ces événements
06:30et cet événement dramatique qui a marqué toute notre famille.
06:34Et ce serait important qu'il soit reconnu comme victime.
06:39Et comme victime, je vais dire, entre guillemets, innocente.
06:42Innocente dans le sens où il ne faisait pas partie d'aucun parti politique.
06:46Votre père était électricien et il allait boire régulièrement son café dans le bar Le Royal à Biarritz ?
06:52Exactement.
06:53Tous les matins avant de partir au boulot, il s'arrêtait au Royal pour boire son café.
06:57Et un matin, ce 24 décembre, en montant dans sa voiture,
07:00il a pris quatre balles dans le corps et il est décédé le 3 janvier.
07:04Merci Véronique Kaplan d'avoir accepté de témoigner ce matin.
07:07Bonne journée.
07:08Merci à vous.