Écrivaine, elle s'est fait embaucher comme femme de ménage afin de raconter le quotidien des travailleurs précaires. Ce récit est aujourd'hui adapté au cinéma dans le film Ouistreham. Voici l'histoire de Florence Aubenas.
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00:00Moi, j'ai l'impression que depuis que je travaille,
00:02la crise est en fond, en paysage de ce qu'on vit.
00:05Je me suis dit, cette fois, il faut que j'aille voir.
00:07Et c'est vrai que, comme reporter, on a l'habitude de travailler,
00:10j'allais dire, à hauteur d'homme.
00:11Et je voulais voir la crise là où, me semblait-il, la vague frappait les gens.
00:31Quand on fait du reportage,
00:33la chose la plus importante, c'est de ne pas tricher,
00:37de ne pas vous composer un personnage,
00:39de ne pas vous habiller comme vous ne vous habillez pas.
00:41Si vous êtes en représentation, dans un rôle, dans un truc,
00:44tout le monde le sait.
01:01Elle me disait, j'ai été élevée toute petite,
01:03elle me disait, voilà, de toute façon, c'est ton mari qui fera le ménage,
01:05les femmes ne feront pas le ménage, tout ça, c'est fini, etc.
01:31J'étais pas du tout préparée à aller là.
01:34Vous savez, souvent, la vie, elle est faite de hasard.
01:36Et je travaillais aux informations générales,
01:38donc procès, fait d'hiver, etc.
01:40Et on m'a dit, voilà, c'est le mois de juillet,
01:42tout le monde est en vacances,
01:43il faut quelqu'un pour aller au Rwanda.
01:45Et j'étais la seule dans la pièce, on m'a dit, c'est toi.
01:47Et je me suis retrouvée là-bas,
01:49et c'est vrai que là, vous vous êtes confrontée à quelque chose,
01:52une chose à laquelle vous n'êtes absolument pas habituée,
01:54vous vous êtes plongée dans un univers qui n'est...
01:57absolument pas habituée,
01:58vous vous êtes plongée dans un univers qui n'est pas le vôtre.
02:01Et c'est vrai que ça a aussi donné lieu à une passion maintenant.
02:23Dans une situation d'enfermement,
02:25vous êtes entre les mains de quelqu'un,
02:27d'un groupe de gens,
02:28qui font de vous ce qu'ils veulent.
02:29Donc la prise d'otage, c'est vraiment ça,
02:31c'est-à-dire que vous ne décidez de rien,
02:32vous ne décidez pas du moment où vous allez manger,
02:35vivre, mourir.
02:53Comment je me sens ?
02:55Nettement mieux.
02:58Là, je ne sais pas pourquoi, je me sens...
03:01bien, là, oui.
03:13J'ai écrit dans Libération,
03:14je travaillais à Libération à l'époque,
03:15bien plus long dans le journal
03:17que je n'ai écrit dans ce livre.
03:19Tout ce que je voulais écrire sur l'affaire,
03:20je l'avais écrit avant.
03:21Donc qu'est-ce qu'il reste ?
03:22Il reste de le raconter autrement.
03:24Ce que j'ai écrit était
03:25comment cette affaire s'est détricotée,
03:27comment d'une affaire où on a 17 personnes dans un box,
03:31on arrive à 4 personnes dans le box,
03:33et comment les autres s'en sortent.
03:34Et ce que j'ai voulu faire en écrivant un livre,
03:36c'est comment l'affaire s'est montée,
03:38à l'envers de ce que j'avais fait dans le journal.
03:47Il y a un espèce de côté qui, moi, m'enthousiasmait,
03:49je dois dire,
03:50qui était de dire,
03:51je vais m'inventer un passé,
03:53quelque chose d'enfantin qui m'a enchantée.
03:56Et donc, j'avais vraiment potassé le dossier.
03:58Je m'étais créé un mari, moi,
04:00qui n'a jamais été marié,
04:02il était garagiste,
04:03je trouve ça hyper sexy les garagistes,
04:04je vous l'ai dit tout net.
04:05On avait un chien,
04:07le chien avait un nom,
04:08on avait un pavillon,
04:09je pouvais le dessiner,
04:10j'avais vraiment fait quelque chose.
04:11Je disais,
04:12mais vous savez,
04:13j'ai habité à tel endroit,
04:14je m'apprêtais à lancer le garagiste,
04:15le chien, le pavillon, etc.
04:17Et en fait,
04:18personne ne me l'a jamais demandé.
04:22C'est ça, c'est ça.
04:53Vous avez été accro à cette histoire.
04:55Exactement.
04:56Addict ?
04:57Addict.
04:58Mais c'est littéralement ça.