La journaliste et auteure Florence Besson était l’invitée de l’Heure des Pros ce mercredi 10 avril sur CNEWS. Elle s'est exprimée au sujet de son nouveau livre, intitulé «Une semaine de silence», fruit d'une réflexion mûrie dans une retraite jésuite : «On est dans une cellule, comme un moine»
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00:00 -Eh bien ça, en fait, on est nombreux, je pense, à avoir une éducation vaguement catholique,
00:04 même si moi je n'allais pas à la messe quand j'étais petite,
00:07 mais j'ai l'impression que ce qui m'a été donné était quelque chose d'extrêmement mortifère,
00:12 de "on est pécheur, on est mauvais, etc., il faut toujours s'améliorer",
00:16 qui correspond, pas si paradoxalement que ça, mais à notre société d'ultra-consommation,
00:22 il faut toujours faire mieux, il faut toujours être plus fort,
00:24 comme si on était tous des frigidaires qui devaient avoir toutes les options.
00:27 Et en fait, là, j'ai découvert un vrai renversement, d'ailleurs le prêtre à la fin me le dit,
00:32 il me dit "mais il y a deux façons de voir la religion, soit de façon totalement idolâtre, dit-il,
00:37 où on s'imagine que si on agit très très bien, Dieu va nous aimer,
00:40 alors c'est même comme si nous on manigançait un peu avec lui,
00:44 soit une autre façon où tout nous vient de Dieu, quoi qu'on fasse,
00:48 et alors du coup tout ce qu'on a à faire c'est être le mieux possible, le mieux dans sa vie, dans sa...
00:54 Voilà, moi je compare ça avec la permaculture un petit peu,
00:57 puisque vous voulez pas parler d'environnement, mais quand même c'est important, pardon,
01:00 mais juste pour dire que, effectivement, si on est dans les bonnes conditions,
01:05 c'est tout ce qu'on attend, nous c'est là qu'on donne les meilleurs fruits, en réalité, et pas en se...
01:08 - J'ai appelé mon amoureux ce matin pour lui dire que vraiment, cette fois c'est sûr,
01:11 ces cinq prochaines que je jure, je ne l'appellerai plus, ni lui, ni personne.
01:15 Bah, tu m'appelles si t'as un souci de notre côté, tu sais, il va pas se passer des choses folles en cinq jours.
01:20 - Ok, c'est pas grand chose mon truc, en fait, c'est juste revenir aux années 80, n'empêche,
01:25 j'ai l'impression d'être en cure de désintoxication, tellement c'est dur de ne plus parler,
01:29 mais c'est vrai qu'on est avec soi dans ses pensées, et en fait, l'expérience que vous vivez,
01:35 je sais pas si vous êtes resté cinq jours avec vous-même sans parler depuis que vous êtes né, les uns les autres.
01:42 Personne ne fait ça, ou très peu de gens le font, et en même temps on a la tentation de le faire.
01:46 - Mais ce qui est fort, c'est de le faire, on peut le faire tout seul, il y a tellement de gens seuls dans notre société,
01:50 mais ce qui est fort, c'est de le faire au milieu des autres. C'est ça qui est dingue.
01:54 Parce qu'en fait, moi je suis journaliste comme vous, on a envie de parler tout le temps, de poser des questions,
01:59 et même c'est plutôt, moi je croyais que c'était généreux, mais en réalité, ça laisse l'autre dans une grande liberté,
02:04 c'est très respectueux. Et hier, je lisais une phrase de Bukowski qui dit "il n'y a que les fous et les solitaires qui peuvent être eux-mêmes".
02:11 Et c'est vrai, parce que quand vous êtes seul, vous avez rien à... en fait, vous sortez du plaire.
02:17 - C'est exactement ça, c'est-à-dire que, bon, je dis Dieu, mais voilà, on l'a vu, si vous voulez,
02:22 on vous demande juste d'être heureux, d'être vous, et de sortir du plaire.
02:25 Et il me semble qu'on est dans une société, surtout pour les femmes, peut-être que je me trompe,
02:28 mais il me semble qu'on nous impose cette injonction comme ça, folle, de toujours plaire, toujours convenir.
02:34 C'est abominable quand vous y pensez, non ? Enfin, je sais pas, moi...
02:37 - Vous m'avez là, vous vous rendez compte d'une expérience, mais est-ce qu'il y a eu différentes faces pendant cette semaine ?
02:41 - Ah mais totalement, oui, oui.
02:42 - La première face où vraiment vous résistez, parce que c'était...
02:44 - Ah non, mais bien sûr.
02:45 - ...c'était radicalement différent de la vie que vous meniez,
02:47 puis une face d'acceptation et peut-être une face d'abandon, peut-être ?
02:50 - Le premier soir, j'ai même regardé Netflix, pour tout vous dire, tellement j'étais pas du tout dedans,
02:54 et je me disais "mais qu'est-ce que je fais ?"
02:56 - T'aurais pu regarder MyKanal, t'en casse un.
02:58 - Oui, je suis désolée, je suis désolée, pardon.
03:00 - J'aurais préféré.
03:02 - Excusez-moi. Mais donc voilà, j'étais là, tout le monde, avec sa soupe, comme ça, en silence.
03:06 - Le silence absolu pendant les repas, y compris ?
03:08 - Oui, avec juste une cantate de bac.
03:10 - Le sel, enfin, pardon.
03:12 - Le sel ?
03:13 - Le silence absolu.
03:15 - Ah, pas "small sel", non, c'est genre comme ça.
03:17 - C'est très agréable.
03:19 - C'est très agréable, au début, pas tellement.
03:21 Et après, effectivement, on rentre dedans.
03:23 On rentre dedans, je dis, comme dans un bain, un petit peu,
03:25 et puis après, ça devient d'une puissance folle,
03:29 parce qu'en réalité, effectivement, on avait très peu de cours,
03:31 trois fois par jour, une demi-heure.
03:33 On rencontrait un accompagnant, comme ça,
03:35 pendant une heure, l'après-midi.
03:37 Et c'était un peu...
03:39 On ne fait que prier, profiter de la nature,
03:41 parce que c'était dans le golfe du Morbihan,
03:43 qui est un endroit absolument sublime.
03:45 Et je pense aussi que c'était un écrin qui permettait d'entendre...
03:47 - Mais on peut y aller tous, là.
03:49 - On peut tous y aller.
03:51 - On appelle ça des cellules, j'imagine.
03:53 - Oui, on est dans une petite cellule,
03:55 comme un moine, avec un petit lit.
03:57 C'est le paradis, ça, non ?
03:59 Je pense que plein de gens rêvent de ça, non ?
04:01 - Oui, d'être dans une cellule avec un moine, ça, c'est...
04:03 - Non, mais je veux dire,
04:05 vous savez, juste trois habits,
04:07 rien à approuver,
04:09 c'est vraiment la simplicité.
04:11 Un tilleul en face de vous, la mer au loin.
04:13 Et donc c'était un écrin
04:15 qui vous permet d'entendre ces paroles,
04:17 parce que ça parle quand même de Jésus,
04:19 mais ces paroles folles, complètement révolutionnaires,
04:21 et qui vous rendent hyper heureux, en réalité.
04:23 Et moi, j'ai essayé avec Philippe
04:25 de reproduire un peu cet écrin,
04:27 pour le refaire.
04:29 Parce que des phrases qu'on a trop entendues,
04:31 on ne les entend plus, en réalité.
04:33 [Musique]
04:36 [SILENCE]