"J'avais l'impression que la défaite, je la traînais et que tout le monde ne voyait en moi que la défaite."
L'ex-nageur Camille Lacourt parle à cœur ouvert de sa santé mentale.
L'ex-nageur Camille Lacourt parle à cœur ouvert de sa santé mentale.
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00:00Le burn-out, vraiment la violence que j'ai subie, c'était en 2012 après les JO de Londres.
00:04En 2011, je suis champion du monde. En 2013, je suis champion du monde.
00:07Et en 2012, je finis quatrième au jeu.
00:09Et donc pendant ces Jeux Olympiques, je sais que j'arrive un peu en méforme.
00:13Et le coup prétend, je finis 4 avec une course qui n'est vraiment pas satisfaisante.
00:21C'est-à-dire que j'espère encore gagner. Donc je me mens un peu à moi-même.
00:25Donc le retour du bâton est encore plus violent.
00:28C'est juste après cette compétition que ça devient compliqué.
00:31C'est-à-dire qu'on a souvent des vacances après les grandes échéances internationales.
00:36Et là, pendant 15 jours, 3 semaines, on se retrouve avec notre peine, notre déception, limite notre humiliation.
00:44On se sent seul, même si on est très entouré.
00:46J'avais l'impression que la défaite, je la traînais et que tout le monde voyait en moi que la défaite.
00:51C'est une déception qui est, j'allais dire, très égoïste, très solitaire.
00:55Parce que même si les gens ont vécu tout le travail qu'il y a eu en amont pour en arriver là,
01:00ils ne se rendent pas compte, en fait, toutes les décisions qu'on a dû prendre, tous les sacrifices qu'on a dû faire.
01:06Et en fait, quand il y a échec, on a l'impression d'avoir gâché notre temps et un peu gâché notre vie.
01:11Vraiment, dans le dur, ça a duré 15 jours.
01:14Mais vraiment 15 jours où on n'a pas envie de parler, où on n'a pas envie de se lever.
01:18En fait, on n'a plus de raison de le faire.
01:22On se dit, de toute façon, on va dans un mur, donc à quoi bon ?
01:25Et à un moment donné, je me suis dit que ça ne pouvait pas durer.
01:28Donc, on était partis en vacances aussi, en famille.
01:32Et puis, en fait, c'était presque le pire parce qu'on était dans un endroit où c'était super beau.
01:37Il y avait plein de gens qui m'aimaient tout autour de moi.
01:40Et malgré ça, en fait, moi, j'avais juste un grand vide en moi et il fallait que je décide par moi-même de le fermer.
01:46Et un beau matin, je me suis réveillé en me disant, bon, ça suffit maintenant.
01:49Ça reste de la piscine, c'est un échec.
01:51Il y a une phrase que j'aime beaucoup, c'est les grands champions, ce ne sont pas ceux qui ne tombent pas, mais ceux qui se relèvent vite.
01:56Et je dis déjà, ça fait 15 jours que tu es à terre, donc maintenant, on y va.
02:00C'est presque même une bonne chose de se dire que si on a aussi mal, c'est que c'est vraiment une vocation.
02:04C'est vraiment quelque chose pour lequel on est fait.
02:07Et j'ai essayé de le retourner en mode positif en me disant, si tu as été aussi impacté par cet échec, c'est que la route, elle n'est pas finie.
02:18Si à un moment donné, tu l'avais accepté en cinq minutes en disant, c'est pas grave, on verra.
02:22Il y en aurait eu d'autres.
02:24Et là, j'avais vraiment envie de retourner un peu au combat et de me dire, vas-y, on y retourne.
02:32Je m'entraînais au cercle des nageurs de Marseille et on était un des premiers clubs à intégrer un préparateur mental.
02:38C'est comme le préparateur physique.
02:40Le préparateur physique nous fait un programme pour qu'on ait un corps qui soit apte à accepter toute la dose de travail d'un sportif de haut niveau.
02:49Le préparateur mental, c'est la même chose, mais pour le mental.
02:51C'est-à-dire qu'il donne beaucoup d'exercices pour essayer d'avoir une certaine légèreté, pour qu'on soit toujours motivé, pour qu'on soit toujours à 100% niveau mental.
03:02Parce qu'en fait, dans le mental, on peut tout mettre.
03:05Quand on est fort mentalement, on se lève le matin avec de la bonne humeur, on travaille tout le temps correctement, on optimise tout le temps de travail et de récupération.
03:13En fait, le mental, c'est tout.
03:15C'est le grand iceberg et dedans, on met toutes les choses qui font la réussite.
03:21On a l'impression souvent, quand on regarde à la télé, que les sportifs sont des robots qui sont nés pour la performance.
03:27Quand on regarde des films de sport, le sportif est exactement parfait dans tous les domaines.
03:33Je ne crois pas que ce soit ça un sportif.
03:35Je crois que c'est une personne qui a décidé de pousser ses limites, mais c'est avant tout un être humain.
03:42Je pense qu'un très bon sportif est avant tout un être humain qui se sent bien dans sa peau.
03:46Vous avez déjà eu envie de tout arrêter ?
03:48J'ai eu tous les jours envie de tout arrêter.
03:51C'est normal, c'est humain.
03:53Après, j'ai toujours eu cette petite voix au fond de moi qui me disait « je pense que la route n'est pas finie ».
03:58Des fois, j'étais fatigué, je n'avais plus envie de m'entraîner, je vivais des échecs.
04:03Je me disais « est-ce que c'est le moment de s'arrêter ? Est-ce que tu ne vas pas le regretter ? »
04:06Juste la question de me dire « est-ce que tu ne vas pas le regretter ? » j'avais la réponse déjà.
04:10Quand j'ai arrêté ma carrière à 32 ans, à aucun moment donné, je me suis dit « est-ce que tu vas le regretter ? »
04:16Je savais que c'était le moment.
04:18Aujourd'hui, quelle leçon vous avez tiré de ce burn-out ?
04:22La leçon que j'ai tirée de ce burn-out, c'est que l'échec, c'est le début de la réussite.
04:29Qu'il faut l'accepter, qu'il faut l'encaisser et qu'il faut en tirer des leçons.
04:34Je suis persuadé que les seules personnes qui n'ont jamais échoué, c'est ceux qui n'ont jamais rien entrepris.
04:40Et franchement, je préfère être un mec qui a échoué de nombreuses fois parce que ça veut dire que j'ai avancé à chaque fois,
04:45que j'ai appris, que j'ai évolué.
04:47J'ai beaucoup de respect pour les gens qui échouent et qui arrivent à se relever derrière.