Pour son premier film, Zak Kedzi est allé en Algérie pour suivre le Hirak, vague de manifestations algériennes. Pour Brut, il raconte.
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00:00Je ne peux pas vraiment comprendre cette colère, elle est propre aux Algériens, à ceux qui
00:11vivent ici.
00:12C'est comme ce mouvement, je ne peux en déflorer qu'une partie avec ma caméra.
00:17J'espère ne pas réduire le hirak.
00:19La raison de ce film c'est parce que j'avais envie d'être sur place et il s'est passé
00:24des choses pendant ce hirak qui sont gravées dans le cœur des Algériens mais aussi dans
00:29leur imaginaire collectif, de voir qu'à l'échelle nationale, des gens sont sortis
00:34pour transformer leur vie, leur façon et même d'affirmer comme ça une ambition
00:41commune d'une transformation de la société algérienne, je trouvais ça très beau.
00:46En tout cas, moi personnellement, j'étais galvanisé parce que dans ma sensibilité,
00:55un mouvement révolutionnaire qui a pour but de transformer poétiquement et démocratiquement
00:59un pays, ça me fait kiffer.
01:02J'appréhendais aussi la réponse du gouvernement en face et j'avais beaucoup d'espoir.
01:07Je pense que l'espoir aussi c'est quelque chose qui nous a beaucoup saisi pendant cette
01:12période-là.
01:13En 2019, il y avait aussi en parallèle du hirak, c'est quelque chose que j'aime bien
01:17dire, il y avait le mouvement des Gilets jaunes ici en France.
01:19Et déjà moi à ce moment-là, je faisais un travail de recherche sur le mouvement des
01:22Gilets jaunes parce que c'est aussi un film que j'avais envie de faire et démarre
01:29d'un point de vue national le 22 février, le hirak en Algérie.
01:32Et donc d'une certaine manière, j'étais partagé entre ces deux mouvements comme on
01:37est un peu partagé entre nos deux cultures.
01:38J'étais dans ce fantasme révolutionnaire, je suivais avec beaucoup d'attention et j'essayais
01:46de savoir comment les choses allaient évoluer.
01:47Et un soir, notamment en dînant chez ma mère avec mon petit frère, il me parlait de l'équipe
01:55nationale algérienne.
01:56Et il me dit « Wazzock, c'est sûr, cette année, l'équipe va aller en finale, il y
02:00a même moyen qu'elle remporte la coupe ». Et ça, moi dans ma tête, j'avais fait
02:04une espèce de calcul parce que je découvrais justement à travers mon travail de recherche
02:07qu'il y avait un lien très fort entre les stades de foot comme lieu d'expression
02:12politique et la rue.
02:14Et donc il y avait ces champs qui naissaient dans les stades qui découlaient dans la rue,
02:17dans le hirak.
02:18Et je me suis dit « c'est pas possible, il faut que je sois là-bas, il faut que je
02:20m'appelle mon équipe et il faut qu'on y aille parce qu'il va se passer un truc
02:22et j'avais envie d'être sur place et de saisir ça avec ma caméra ».
02:25Donc on est arrivé jeudi soir, on a fait quelques réglages techniques et le lendemain
02:28on s'est jeté, on pourrait dire ça comme ça, dans la manifestation.
02:34On ne savait pas trop dans quoi on se jetait justement.
02:36Il y avait une forme un peu, c'est une image que j'ai m'a donné, d'open mic.
02:39On a lancé la caméra, on a lancé le truc, il n'y avait rien qui était écrit et
02:42il y a une espèce de freestyle qui s'est mis en place et on a été porté par cette
02:46énergie.
02:47Il y avait ce désir-là, d'essayer de parler avec différentes sensibilités, de différentes
02:50personnes, de différents niveaux sociaux et de différents âges, mais il y avait ce
02:54truc où il y avait vraiment une errance qui s'est mis en place avec mon équipe.
02:57Les gens étaient curieux de notre démarche et ils venaient en fait nous parler parce
03:01qu'ils avaient ce désir de s'exprimer, comme une voix qui était trop longtemps
03:03étouffée et ils avaient cette capacité à parler, à affirmer leur conscience politique.
03:08J'étais pas retourné en Algérie depuis presque justement 12-13 ans, j'avais pas
03:21envie de réduire le combat algérien, de réduire le hérac, je savais que j'y allais
03:25avec une petite équipe, mais en même temps j'avais envie de le faire.
03:27Il y a aussi ma place dans le film, c'est-à-dire comment moi je pouvais trouver ma place, comment
03:31je pouvais affirmer un regard, parce qu'il y a aussi cette question de nous en tant que
03:35franco-algériens, comment on peut poser un regard là-dessus, est-ce que la légitimité
03:40de poser un regard là-dessus, sachant qu'on ne vit pas là-bas nous en tant que franco-algériens,
03:43qu'est-ce que ça veut dire qu'être franco-algérien ? Il y avait tout ça qui s'entremêlait
03:46et qui créait d'une certaine manière cette pudeur, cette crainte de ne pas bien faire
03:49les choses.
03:50Et donc tout ça j'ai voulu l'assumer d'une certaine manière de par ma présence à l'image
03:55et de me dire en fait je fais le film, j'ai mes craintes, j'ai mon consciemment et en
04:00fait je l'assume tout simplement.
04:01C'était aussi un moyen peut-être de participer.
04:04Oui c'est ça, ce sentiment là pour moi il a changé déjà depuis que j'ai réalisé
04:07ce film, c'est-à-dire qu'il y avait cette pudeur à ne pas prendre ce qui ne m'appartenait
04:14pas, c'est-à-dire que comme je ne vis pas sur place, je ne peux pas comprendre l'enjeu
04:18de cette crise sociale.
04:19Peut-être l'a touché du doigt parce que justement je rencontre et discute avec les
04:23gens que j'ai pu rencontrer, mais c'est vrai que j'avais ce truc où j'essayais de garder
04:28une certaine distance à me dire voilà ce qui ne peut pas m'appartenir, je ne peux pas
04:31vraiment en faire partie parce que je ne vis pas la même chose qu'un Algérien qui vit
04:37la réalité algérienne de ce que quelqu'un peut vivre sur place.
04:40Et en fait ce sentiment pour moi il a beaucoup changé parce qu'il s'est passé beaucoup
04:43de temps depuis le tournage du film.
04:45On va dire que ma première action, enfin je ne sais pas si on peut appeler ça une action
04:48militante ou engagée, ça a été de faire chronique.
04:51Dans ce travail de recherche que je faisais sur les Gilets jaunes, j'ai été amené
04:53à être en manifestation, mais je ne me suis jamais forcément senti comme étant un activiste
05:00ou quelqu'un d'engagé.
05:01Et en fait être avec ma caméra parmi les Algériens dans ces manifs, je pense que ça
05:09a fait quelque chose en moi.
05:11Peut-être que pendant tout ce temps, parce que j'ai toujours été sensible à tous
05:14les enjeux, je pense que j'ai toujours été à la recherche de l'outil qui me permettrait
05:17d'exprimer ce que j'avais envie d'exprimer.
05:18Et en trouvant la caméra, en faisant mon parcours de cinéma, j'ai peut-être compris
05:24que c'était avec ça que j'allais peut-être pouvoir être utile.
05:27C'était un chemin par lequel je devais passer je pense.
05:28C'est ton documentaire chronique algérienne, on peut le regarder où ?
05:31Alors il est disponible sur la plateforme IEMA, une plateforme VOD consacrée au film
05:36Tu m'agrabes rien.