« Aujourd’hui, je suis tout le temps inquiète pour Paul ».
À l’occasion des journées de la schizophrénie, Eva Debrini est venue nous raconter son quotidien avec son fils atteint de cette maladie.
À l’occasion des journées de la schizophrénie, Eva Debrini est venue nous raconter son quotidien avec son fils atteint de cette maladie.
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00:00La première réaction que j'ai eue quand on a posé le diagnostic de schizophrénie pour Paul,
00:05c'est mon Dieu, mon fils, c'est un psychopathe qui va venir me trucider pendant la nuit.
00:09Le jour où mon fils a déclenché, on va dire, sa schizophrénie,
00:13il était parti dans le jardin et on le voyait parler tout seul,
00:17jusqu'au moment où ses frères et sœurs se sont un peu moqués de lui.
00:20Et là, en fait, il s'est vraiment énervé fort,
00:24tellement fort qu'on a appelé les pompiers et qu'on l'a emmené à l'hôpital.
00:28Quelques jours plus tard, il est allé à la maison des adolescents,
00:31où là, il est resté six mois pour être vraiment screené jour et nuit
00:38et pour qu'on soit en capacité de poser un diagnostic certain.
00:41La schizophrénie, c'est une maladie du cerveau qui vient brouiller la perception du réel.
00:48On peut constater un retrait social.
00:50Ils peuvent parfois entendre des voix, et si ils entendent des voix, elles viennent de l'intérieur,
00:54ou avoir une vision complètement erronée de la réalité.
00:59Ce qui est le plus dur pour moi, c'est la paresse pathologique.
01:02La motivation n'est pas connectée chez eux, et on a besoin de les aider à passer à l'action pour qu'ils y aillent.
01:06Donc, par exemple, simplement lui dire « range ta chambre », ça ne suffit pas.
01:10Il faut tout décortiquer.
01:12Et donc, du coup, il faut lui dire « tu prends tes vêtements, tu vas les mettre dans le linge sale,
01:17t'as quoi, tu laisses où, tu refais ton nid », etc.
01:20Dans cette maladie, il y a quelque chose qu'on appelle le défaut d'insight.
01:23Où le cerveau leur envoie l'instruction qu'ils ne sont pas malades.
01:28Quand je lui ai expliqué que j'allais probablement être interviewée,
01:31lui, il ne voulait surtout pas que je parle de lui.
01:33Il m'a dit « mais imagine si je ne suis pas schizophrène, tu vas raconter n'importe quoi. »
01:38Si vous voyez Paul demain, vous allez vous dire « c'est un beau gamin, il a l'air gentil, il est drôle, il est tout à fait normal. »
01:48Et c'est ça qui est le plus dur, c'est que mon fils avait honte.
01:51Alors que c'est une maladie, ce que j'écris dans le livre, c'est « un cancer suscite de la compassion, une schizophrénie, un rejet. »
01:58Et pour moi, c'est assez dur.
02:00En revanche, si j'ai un message à faire passer à des parents, d'abord c'est une maladie chronique.
02:04Donc on en a pour toute la vie.
02:06Et ce que je conseille vraiment, c'est de prendre soin de vous.
02:09Parce que prendre soin de soi, c'est la première des conditions pour bien prendre soin de votre proche.
02:16Alors Paul n'est absolument pas reconnaissant.
02:18Et heureusement, je n'attends pas ça.
02:20Parce que Paul ne se rend pas compte de l'investissement que ça peut demander.
02:23Puisque pour lui, tout est normal.
02:25Je vais vous donner un autre exemple.
02:27Après son bac, pendant un an, il est resté enfermé dans sa chambre.
02:30Et un jour, j'étais vraiment très triste.
02:33Donc j'étais en train de pleurer.
02:35A savoir que, justement, quelqu'un qui est atteint de schizophrénie, si on ne pleure pas, il ne veut pas se rendre compte de sa tristesse.
02:40Il a des difficultés à interpréter les émotions des autres.
02:43Et donc je lui ai dit « mais Paul, qu'est-ce que tu vas faire de ta vie ? »
02:46« T'as 22 ans, t'as la vie devant toi. »
02:48Et là, il m'a regardé, mais avec la plus belle tendresse qui existe.
02:52Et il m'a dit « mais maman, je ne suis pas malheureux. »
02:54Et je me suis dit « bah oui, effectivement, il n'est pas malheureux. »
02:57Aujourd'hui, je suis tout le temps inquiète pour Paul.
02:59Quand on a un enfant handicapé, on se pose la question de savoir qu'est-ce qu'il deviendra
03:03quand personne ne sera là pour lui dire « allez, on y va, motive-toi, fais ça. »
03:09Forcément, on se dit qu'on espère disparaître le plus tard possible
03:13pour l'accompagner le plus longtemps possible.