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00:00Le studio d'Europe Un Soir est plein comme un oeuf, je suis avec Vincent Roy, bonsoir cher Vincent, journaliste et essayiste, bonsoir Tuck du Halduni, directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles.
00:15Bonsoir à vous Pierre Wermeren et merci d'être avec nous, vous allez intervenir dans un instant pour nous parler de ce qui se passe,
00:21il y a eu un véritable acte de censure sur votre livre qui devait être publié aux presses universitaires de France, on se croirait en Corée du Nord,
00:30et j'accueille le général Olivier de Bavinck, mes respects mon général, merci d'être avec nous ce soir, vous êtes ancien chef d'état-major de l'OTAN en Afghanistan,
00:39dernier épisode en date, Vladimir Poutine ordonne à son armée de libérer complètement la région russe de Kursk, où ses troupes ont revendiqué ces derniers jours de rapides gains face aux forces ukrainiennes,
00:52ce dernier mouvement dans cette guerre qui dure depuis plus de 3 ans, et dans un contexte diplomatique qui depuis décembre a pris un envol assez particulier,
01:03comment est-ce que vous analysez ça, est-ce que ça veut dire qu'on est peut-être proche d'un cessez-le-feu de 30 jours comme le veut Washington et Kiev ?
01:13Cette prise par l'Ukraine de quelques centaines de kilomètres carrés en territoire russe, c'est un caillou dans la chaussure,
01:24un caillou ça n'empêche pas de marcher mais c'est assez douloureux, et c'est assez pénible, et au moment où des négociations très compliquées vont s'ouvrir,
01:32puisque la Russie va devoir expliquer les raisons pour lesquelles elle accepte ou elle n'accepte pas, ne préjugeons pas de ce que va faire le régime de Poutine,
01:44et bien il est important me semble-t-il pour ce régime que les frontières de la Russie ne soient plus franchies par une armée étrangère.
01:58Donc la région de Kours qui a quelques dizaines de kilomètres carrés qui sont encore dans les mains des Ukrainiens,
02:04et il est très probable que le régime de Poutine ne souhaite pas entamer des négociations avec ce caillou dans la chaussure.
02:14Mais du coup qu'est-ce qui va se passer après s'il y a un yét ?
02:18Que va-t-il se passer après ? Mais là c'est là où on va voir au fond à l'oeuvre le pouvoir de persuasion des Américains et la puissance américaine s'exprimer.
02:29Car dans une négociation comme celle-ci, comme d'ailleurs dans toute négociation qui met en oeuvre des partis en présence qui ont des moyens puissants de rétorsion,
02:37eh bien on va voir si les arguments que vont avancer les Américains sont des arguments suffisamment convaincants.
02:48Il me semble que les Américains vont réussir.
02:51Parce que ?
02:52Pour plusieurs raisons.
02:54D'abord parce que évidemment c'est toujours très compliqué d'expliquer ce qui s'est passé sur le terrain depuis maintenant trois ans.
03:05Nous sommes dans la quatrième année de ce conflit extrêmement sanglant.
03:09Mais si la Russie a remporté des gains substantiels, aujourd'hui il lui manque un minimum à 30% de ce que représentent ces quatre provinces, ces quatre départements
03:26que sont Kherson, Zaporizhia, le Donetsk et le Luhansk.
03:3030%.
03:31Cela veut dire que bien sûr la Russie a avancé, mais elle a avancé au prix de pertes considérables, humaines d'abord, ce qui est épouvantable, et ensuite d'équipements.
03:43Et donc elle rencontre une résistance farouche.
03:46Et donc peut-elle poursuivre et peut-elle atteindre la possession des quatre provinces ?
03:55Probablement, bien sûr.
03:57Avec un coût extrêmement élevé pour arriver jusqu'au terme.
04:01Peut-elle se contenter aujourd'hui de ce que sont ses gains ?
04:07Eh bien c'est toute la négociation qui va s'ouvrir avec un négociateur, M. Witkoff, qui arrive d'un environnement et d'un monde très différent.
04:16On rappelle son portrait robot, Witkoff ?
04:19C'est un entrepreneur, bien sûr, grand ami de Président Trump depuis plus de 30 ans, dit-on, qui est assez brutal.
04:30Il a travaillé dans l'immobilier aussi, comme M. Trump ?
04:33Il a probablement travaillé dans l'immobilier.
04:35Il est assez brutal et assez cash dans sa façon de s'exprimer, ce qui d'ailleurs est assez fréquent avec nos amis américains, qui sont généralement un peu plus cash que nous le sommes.
04:46Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on devrait prendre exemple sur cette méthode ? La méthode du taser ?
04:54Ce que je pense, c'est que dans un monde brutal, qui devient de plus en plus brutal, violent et très agressif, nous ne pouvons pas nous contenter de compter les points.
05:13C'est une position qui est assez agréable, mais pour être un arbitre, il faut quand même avoir la puissance derrière soi.
05:20Tu que je dois le donner ?
05:22Moi, ce n'est pas tant la brutalité des Américains qui m'inquiète, parce qu'effectivement, je rejoins ce que dit le général, il faut parfois être aussi cash que ses interlocuteurs.
05:30En revanche, c'est leur revirement, et c'est le côté assez baroque de la diplomatie américaine ces derniers jours.
05:36C'est-à-dire qu'on est passé de Trump qui traitait Zelensky de dictateur, de Trump et son vice-président qui ont malmené un petit peu le président ukrainien,
05:50à aujourd'hui les Américains qui rétablissent l'aide militaire à l'Ukraine, et qui rétablissent la mise à disposition de leur service de renseignement pour les Ukrainiens,
06:00au moment même où ils doivent convaincre les Russes d'accepter un cessez-le-feu de 30 jours.
06:05Et je me demande dans quelle mesure les Russes vont pouvoir justifier ce cessez-le-feu avec ce revirement américain,
06:14dans la mesure où, pour Poutine, ça va être compliqué d'expliquer à sa population, ou en tout cas à ses plus fervents partisans bellicistes,
06:24qu'on donne à l'Ukraine un avantage compétitif, si vous pouvez me permettre l'expression, de 30 jours,
06:30où l'Ukraine va pouvoir, pendant ce cessez-le-feu, se réarmer et redisposer d'informations qui lui manquaient ces derniers jours.
06:39Il faut quand même comprendre que les Russes ont aujourd'hui inscrit dans leur constitution les territoires conquis en Ukraine,
06:47et que donc il faut, dans une négociation, laisser une porte de sortie à celui avec qui on négocie.
06:55Alors évidemment avant on se posait tous la question pour les Ukrainiens plutôt, mais paradoxalement aujourd'hui c'est pour les Russes qu'on se la pose.
07:00Et puis il y a aussi l'avantage du temps, c'est-à-dire que nous on est dans une espèce d'immédiateté très contemporaine,
07:05mais les Russes ont une espèce de profondeur historique consubstantielle à leur culture, et qui vaut aussi pour ce conflit.
07:13J'ai interviewé cette semaine le vice-président de la Duma, Piotr Tolstoï, qui expliquait que s'il fallait que ça dure encore 3 ans, ça pourrait encore durer 3 ans.
07:21Ils n'ont pas les mêmes contraintes que nous, ils n'ont pas la même culture.
07:24Et puis ils sont en économie de guerre, ils ont 40% du budget qui est alloué à cela, donc évidemment.
07:29La question que je me pose c'est, au départ effectivement, Trump dit, moi j'ai dépensé trop d'argent,
07:37donc on coupe les budgets ou alors je veux le récupérer avec l'affaire des granit.
07:41Il y avait cette question, un contrat qui lui permettait de récupérer de l'argent dont il trouvait qu'il avait été trop dépensé.
07:49Et là effectivement, il y a une sorte de revirement.
07:52Alors la question à se poser c'est, qu'est-ce que Trump gagne à ce revirement ?
07:57Qu'est-ce qu'il gagne en disant à l'Ukraine, on reprend finalement notre aide, à la fois militaire, à la fois financière, et à la fois pour la question du renseignement.
08:08Réponse du général de Banque, qu'est-ce que Trump gagne ?
08:12Je ne suis pas sûr que les Etats-Unis ou le Président Trump aient quelque chose à gagner dans les négociations qui vont s'ouvrir.
08:19Le Président Trump à titre personnel probablement, mais en dehors de ça, je ne vois pas très bien quel est le lien.
08:25Ce que veulent les Américains, c'est que la guerre cesse.
08:29Ça ils le veulent absolument. Ils sont absolument décidés.
08:33Et de ce point de vue, ils décident de le faire en position de très grande force.
08:38Vous vous souvenez que la semaine dernière, ou une dizaine de jours, lorsque le sentiment général de lâchage des Ukrainiens s'est fait jour dans toutes les rédactions occidentales,
08:48et vous avez eu de nombreux invités qui se sont exprimés sur la question.
08:52Tout le monde s'est dit, mais au fond, les Américains lâchent, ce qui constitue le moyen le plus sûr de faire plier l'adversaire.
09:02C'est-à-dire la puissance et la force.
09:04Puisque les Américains fournissaient en termes d'aide militaire, les Européens fournissent plus que les Américains en termes d'aide globale, mais moins en termes d'aide militaire.
09:14Ne rentrons pas dans une bataille de chiffres, mais tout ceci est amplement prouvé.
09:18Les Américains fournissaient trois choses essentielles.
09:22Des yeux, des oreilles, les meilleurs yeux et les meilleures oreilles du monde, et des munitions et des équipements de combat en quantité suffisante permettant aux Ukrainiens de supporter l'assaut russe.
09:42Non seulement de le supporter, mais de le bloquer.
09:46C'est ça que rétablissent les Américains dans cette période de transition, de façon à peser sur le cours des négociations.
09:54Merci beaucoup mon général de nous avoir éclairé sur le sujet.