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🇳🇪 En 1974, un coup d'État fait tomber le premier président du Niger, Hamani Diori. Seyni Kountché lui succède et dirige ensuite le pays pendant treize ans. Mais sa prise de pouvoir sera toujours entourée de zones d'ombres, de mystères.
Un épisode au cœur du dernier livre du journaliste Seidik Abba, "Crise interne au conseil militaire suprême du Niger"
Transcription
00:00Pour le plus grand bonheur des auteurs du coup d'État du 15 avril 1974,
00:05la France qui disposait à Niamey du 4e régiment inter-armes d'outre-mer,
00:09fort de 270 hommes, n'a rien vu venir.
00:12Alors, cet extrait, je l'ai choisi parce qu'il apporte une contribution
00:17à un débat qui n'est pas clos sur celui de la responsabilité de la France ou non
00:21dans le coup d'État de 1974 au Niger,
00:24le coup d'État qui a renversé le premier président du Niger, Amani Diori.
00:27Vous savez, à un moment, on a prétendu que ce coup d'État a été organisé par la France
00:33parce que Diori refusait de concéder à la France un bon prix de vente de l'uranium.
00:39Mais au fur et à mesure, un débat s'est installé sur la responsabilité au nom de la France.
00:43Et ce passage-là est une contribution, un des acteurs clés du coup d'État.
00:47Ici, il raconte que la France n'a rien vu venir, n'a rien su du coup d'État en réalité.
00:52Est-ce que tu peux nous expliquer, 1974, c'est quoi le Niger à ce moment-là ?
01:02Quel est le contexte politique et comment, progressivement, on va aller vers ce coup d'État ?
01:07Le coup d'État a pris du temps de préparation.
01:10La première réunion a eu lieu en décembre 1973 et le coup d'État a eu lieu le 15 avril 1914.
01:17Donc, il y a eu un temps de préparation.
01:20Les militaires ont profité de l'opportunité que leur offre la gestion du PPN-RDA,
01:27avec ses insuffisances, avec ses tensions, avec son arbitraire, pour préparer leur coup d'État.
01:32Et dans le livre, vous verrez que le coup d'État s'est passé par étapes.
01:37Depuis 1973, il a commencé à être préparé, peut-être même depuis 1972.
01:41En tout cas, c'est une hypothèse avancée dans le livre.
01:43Progressivement, les choses ont évolué.
01:45Et le 15 avril 1914, toutes les unités ont convergé de l'intérieur du pays
01:50pour renverser en moins de 24 heures le régime du PPN-RDA.
01:55Le président Djouri a été arrêté le 15 avril, transféré à Zender le 22 avril,
02:01où il est resté en détention une dizaine d'années avant d'être libéré.
02:05Pourquoi tu t'es intéressé à ce moment de l'histoire nigérienne ?
02:10Comment l'idée d'en faire un livre t'est venue ?
02:14En juin 1980, le président du Conseil militaire suprême,
02:20le colonel Seyni Kountché à l'époque, avait fait arrêter le commandant Boulamanga,
02:25qui était avec lui un des acteurs clés du coup d'État.
02:28Et on n'a jamais su en réalité ce qui s'est passé véritablement entre eux.
02:33C'était l'une des énigmes les plus coriaces de l'histoire politique récente du Niger.
02:37Moi, j'ai eu l'opportunité de rencontrer Boulamanga avant son décès
02:41et il m'a raconté pour la première fois, c'était presque une exclusivité,
02:45ce qui s'est véritablement passé entre le président Kountché et lui.
02:49Et j'ai décidé de verser ce témoignage dans le débat politique nigérien
02:54pour que les Nigériens comprennent ce qui s'était passé à l'époque.
02:57Et ensuite, le calendrier s'est accéléré avec les coups d'État récents qu'il y a eu au Niger
03:04et j'ai estimé que c'était bien de sortir le livre en ce moment
03:08pour faire écho à ce qui vient de se passer et aider les Nigériens à comprendre
03:13en quoi le coup d'État de 1914 est différent de celui-ci.
03:16Parce que, comme j'ai dit dans le livre, le coup d'État de 1914
03:20était un coup d'État inclusif associant l'ensemble des forces armées.
03:25Cet épisode-là, pour toi, en quoi il est crucial, l'histoire du Niger ?
03:29Est-ce que c'est à partir de ce moment-là que l'armée va vraiment faire irruption
03:35dans la sphère politique et ne plus jamais la quitter ?
03:38Est-ce qu'on peut dire ça ?
03:38Absolument, c'est absolument intéressant parce qu'à partir de 1974, du 15 avril 1974,
03:44quand l'armée a pris le pouvoir, elle l'a conservé jusqu'en 1993,
03:49qui est la première élection.
03:51Le président Sény Kuntié, qui est le président du Conseil militaire suprême,
03:54qui est le délictoire qui a pris le coup d'État, a dirigé le pays de 1974 à 1987.
03:59Il est décédé ici à Paris.
04:01Et c'est important aussi de constater que lorsque le président décède,
04:04puisqu'il n'y a pas de constitution,
04:06c'est l'armée qui décide de désigner le chef d'État-major, Ali Seyebou,
04:11et je rencontre comment il a été désigné dans le livre.
04:13C'est l'armée qui décide de le désigner comme président de la République.
04:16Il va rester président de la République jusqu'à l'élection de Maman Ousmane en 1993.
04:22Je pense qu'à partir de là, l'armée a marqué l'histoire politique du Niger,
04:27puisque si on compte de 1974 jusqu'en 1993, ça fait une longue période.
04:33C'est ce même réflexe, finalement, si on l'analyse, qui conduit au coup d'État de 2023 ?
04:38Oui, même si le coup d'État de 2023 avait une spécificité.
04:42Nous n'étions pas dans un blocage politique.
04:44Le président Bazoum a été élu en 2021 et a pris fonction en avril 2021.
04:53Donc il a mis mandat et il n'y avait pas de tensions.
04:57Au contraire, même le climat politique s'est un peu apaisé,
05:00puisque des opposants qui étaient en prison ont été libérés.
05:04Mais sur le plan de promesses qui ont été faites sur la lutte contre la délinquance,
05:09en tout cas la mauvaise gouvernance économique et sociale, on n'a pas encore les résultats.
05:13Même si on peut mettre au crédit des militaires d'avoir créé une commission
05:18dédiée à la lutte contre la corruption, pour l'instant, on n'a pas de résultats.
05:21Et pour l'instant aussi, sur le plan sécuritaire,
05:24les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes
05:27ni même des promesses qui ont été faites par les militaires eux-mêmes.
05:29Le contexte peut l'expliquer, mais il n'y a pas beaucoup d'éléments de similitude,
05:34il n'y a pas beaucoup d'éléments qui permettent de rapprocher
05:37le coup d'État avec les quatre précédents coups d'État.
05:39Aujourd'hui, il y a une sorte de nostalgie de la période militaire,
05:43parce que les gens ont commencé à voir que les civils n'ont rien foutu, presque.
05:47Ils se sont enrichis honteusement, alors que par exemple,
05:50quand on prend la période de Séan-Yves Coutier,
05:51la lutte contre la corruption était l'ADN de son régime.
05:54Si vous touchez à l'argent de l'État, vous irez en prison,
05:57quelle que soit votre responsabilité.
05:59Tu parles de Kunchémania, limite actuellement,
06:03d'une nostalgie par rapport à ce régime d'avant.
06:05Comment est-ce qu'on le voit aujourd'hui ?
06:07Vous savez, pendant la période de Kunché,
06:09le Niger a pu placer Hidéo Maru, un de ses diplomates,
06:13au poste de secrétaire général de l'Organisation de l'Unité Africaine à l'époque.
06:16Donc le Niger avait remporté des succès diplomatiques.
06:18Et tout ça a aujourd'hui presque disparu.
06:21Et c'est ça qui fait la nostalgie des Nigériens.
06:23Et cette nostalgie-là, on la voit à travers la diffusion des discours de Kunché.
06:28Et moi-même j'en reçois.
06:29Les extraits du discours emblématique que Kunché a fait pendant sa période,
06:35« Le damergousse sera sauvé », le discours sur Keïta.
06:40Donc des grands discours que Kunché a faits.
06:42Des discours, des propos qu'il a tenus lors de ses conférences de cas.
06:46Tout ça est diffusé à travers les réseaux sociaux, les groupes sociaux WhatsApp.
06:50Et vous voyez aussi, les photos de Kunché resurgissent
06:53sur des profils de très nombreux, de milliers de Nigériens.
06:56Vous allez voir les profils de Kunché.
06:59Et il y a un autre facteur qui participe, qui est indicateur de ce Kunché malien,
07:04c'est les chansons en langue nationale, en haussa, en zarma,
07:08qui sont à la gouloire de Kunché, qui sont exhumées,
07:10qui sont diffusées souvent sur la place publique, souvent dans les radios.
07:13Et tout ça, je pense que les Nigériens ont le sentiment d'une gouloire perdue.
07:19Que le pays avait une gouloire sous-sénique Kunché,
07:21avait un prestige, avait un poids diplomatique
07:24qu'il a perdu aujourd'hui par la faute de ceux qui nous dirigent.
07:26Et cette comparaison-là, quand les Nigériens la font,
07:29ça renvoie à ce Kunché malien que l'on observe aujourd'hui.
07:33Dans ton livre aussi, il y a quelque chose en filigrane, c'est le rôle de la France.
07:36Le rôle de la France en 1974.
07:39On a prêté à la France l'idée d'avoir un verset Diori,
07:43parce que Diori ne se pliait pas à elle.
07:45Le livre apporte, à la suite de ce que Femoumouni Adamou Diarmakoué,
07:50qui était un des acteurs du coup d'État de 1914, a écrit
07:53pour expliquer que la France n'était pas mêlée à ça.
07:55Et malheureusement, à l'époque-là aussi, la France n'a pas vu venir.
07:59Et dans le livre, j'apporte le témoignage de Boulamamanga
08:03qui confirme, qui tranche le débat presque.
08:07Parce qu'à un moment, beaucoup de gens disaient que Diori a été renversée par la France.
08:11Et je crois que la France elle-même entretenait ce mythe-là,
08:14qu'elle a vu et peut-être même qu'elle avait ça même.
08:17Mais finalement, avec le travail que nous avons fait, d'autres travaux,
08:21on remarque que la France n'a pas pu venir le coup d'État.
08:24C'est pas, qu'est-ce qu'il faut en penser, mais c'est pas qu'on digère seulement.
08:28Au Mali, elle n'a pas vu venir le coup d'État qui a renversé ATT.
08:32Au Burkina Faso, elle n'a pas vu venir le coup d'État,
08:36la révolution populaire qui a emporté Bleiz Campaorui.
08:39Je crois que la France ne voit pas très bien.

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