Elle a suivi les traces de son père et de son grand-père en s'engageant à droite mais a fini par quitter sa famille politique pour rallier un certain Edouard Philippe. Marie-Agnès Poussier-Winsback siège à l'assemblée au sein du groupe Horizons, après avoir participé au gouvernement de Michel Barnier.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
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Car on ne naît pas politique, on le devient !
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00:00Mon invitée a suivi les traces de son père et de son grand-père en s'engageant à droite,
00:06mais elle a fini par quitter sa famille politique pour rallier un certain Édouard Philippe.
00:10Elle siège à l'Assemblée au sein du groupe Horizon après avoir participé au gouvernement de Michel Barnier.
00:30Bonjour Marie-Agnès Poussier-Winsbach. Bonjour.
00:33J'ai découvert que la politique chez vous c'est un peu une histoire de famille.
00:36En fouillant dans les archives de l'INA, je suis tombé sur un reportage qui datait des municipales de 2001 à Fécamp.
00:43On va revoir un extrait.
00:45En face, la liste Fécamp pour tous est sans étiquette, mais elle est soutenue par l'ensemble des partis de droite républicaine, y compris le RPF.
00:52Jean-Marie Winsbach, pharmacien à la retraite, se présente comme le challenger.
00:56La campagne est basée sur la proximité, visite dans les quartiers et les commerces. Son programme, améliorer le cadre de vie.
01:03Si nous faisions des efforts, nous villes, pour essayer d'égayer un petit peu nos rues, voilà quelque chose de proximité.
01:12Alors ce candidat d'hiver droite à Fécamp, c'est votre père. Oui, c'est mon père.
01:17Et vous étiez présente sur sa liste municipale de 2001. Oui.
01:21C'était un bastion de gauche, à l'époque, Fécamp. Cette candidature, c'était quoi ? C'était une candidature un peu de témoignage ?
01:27Il n'y avait pas vraiment d'espoir de victoire, on va dire ?
01:30Non, mais tout comme en 2014, pour moi.
01:33Oui, ça, on en parlera par la suite.
01:35Comme vous dites, Fécamp était un bastion de gauche.
01:38Vous avez quand même été élue conseillère municipale à ce moment-là.
01:41Oui, parce que je devais être cinquième ou sixième, donc on avait dû passer cinq, six candidats.
01:46Donc, c'est la première fois qu'en effet, je suis conseillère municipale à Fécamp.
01:50Et vous faites campagne en famille avec votre père.
01:52Et en Fécampagne. Alors, vous voyez, en même temps, je ne suis pas là.
01:55Non, on ne vous voit pas sur ces images.
01:57Parce que quand même, je ne voulais pas trop...
01:59Donc là, on vient de voir votre père, mais je pourrais aussi parler de votre grand-père.
02:03Votre grand-père a, lui aussi, été candidat.
02:06Et alors, lui, il a même été maire de Fécamp pendant un peu moins d'un an.
02:10Oui.
02:12Oui, oui, oui, oui.
02:14C'est le monsieur à droite.
02:16C'est le monsieur à droite.
02:18Ça me fait drôle de voir ses photos.
02:20Et le reportage sur papa, je ne le connaissais pas.
02:22C'est une affaire de famille, la politique, chez vous ?
02:24C'est l'engagement plus que la politique qui est une affaire de famille.
02:29Vous faites une distinction entre les deux ?
02:31Ben oui, parce que mon grand-père, il se retrouve maire par hasard.
02:35Il arrive à Fécamp. Il est Lorrain d'origine.
02:39Il est pharmacien.
02:41Le pharmacien, à l'époque, c'est quelqu'un à qui on parle.
02:44Il raconte ses sujets, ses soucis, etc.
02:46Donc, c'est quelqu'un qui est très sensible, très humain.
02:50C'est un scout aussi. Le scoutisme est très important chez nous.
02:54Par hasard, on ne devient pas maire par hasard, quand même ?
02:56Ben si, parce qu'on vient vous demander.
02:58On vient vous demander d'être sur la liste.
03:00Et d'après ce que j'ai cru comprendre, c'est ce qui s'est passé pour mon grand-père.
03:04Et en fait, au moment d'élire le maire, c'est lui qui ressort.
03:09Et il n'est pas fait pour ça. C'est pour ça qu'au bout d'un an, il démissionne.
03:12Ce qui m'a fait peur dans la famille, c'était de dire qu'il trouvait qu'il y avait trop de compromissions.
03:16Et quand je me suis retrouvée maire, je me suis dit, ça veut dire quoi, trop de compromissions ?
03:20Parce que, moi, je ne veux pas de compromissions.
03:22Le maire, il vous recommande. C'est lui qui décide.
03:24Ça veut dire quoi, ces forces d'extérieur qui pourraient nous compromettre ?
03:28Vous ne l'avez pas vécu en tant que maire.
03:30Non, mais pendant un an, la première année, j'ai eu peur de ça.
03:34Alors, si on remonte un peu le fil de votre engagement, de votre parcours,
03:37vous avez été conseillère municipale de Montivilliers,
03:40de Fécamp, conseillère régionale.
03:42Plus tard, vous avez été la collaboratrice parlementaire
03:45de Daniel Fidelin pendant une dizaine d'années.
03:48Ça vous a aidé, quand vous êtes devenue députée,
03:50d'avoir connu la maison, entre guillemets, de l'Assemblée nationale ?
03:53Oui, évidemment. Même si ce n'est pas du tout la même chose.
03:57C'est sympa de voir Daniel.
03:59Mais vous n'arrivez pas en terrain connu.
04:02Je savais ce que c'était qu'une proposition de loi, un projet de loi.
04:06Oui, je savais ce que c'était que d'être députée.
04:10Notre capacité à amender, quelles étaient les commissions,
04:14où est-ce qu'il fallait avoir son bureau.
04:17Vous voyez les petites choses...
04:19Les petites coulisses de l'Assemblée.
04:21Oui, c'est ça, je savais.
04:23Peut-être que ça m'a permis de gagner du temps.
04:25En 2014, après votre père, c'est vous qui avez mené la liste
04:27de la droite aux municipales.
04:29Il y a eu quelqu'un entre deux.
04:31Et cette fois, contre toute attente, vous l'avez emportée.
04:34Pourtant, quelques années plus tard,
04:36vous avez expliqué que vous y étiez allée un peu à reculons.
04:38Vous avez dit, je voulais être députée,
04:40mais Daniel Fidelin n'a pas lâché.
04:42C'est comme si vous étiez rabattue sur cette candidature aux municipales.
04:44Vous avez été élue par défaut, un peu ?
04:46En fait, je n'avais pas envie d'y aller.
04:48D'abord parce que je n'y étais pas allée ni en 2001, ni en 2007.
04:50Parce qu'encore une fois, mes enfants étaient petits.
04:52Et puis j'avais été, en effet, collaboratrice parlementaire.
04:56Ça vous avait donné goût un peu à la vie parlementaire.
04:59Absolument.
05:01Et puis surtout, je pensais qu'on ne pouvait pas gagner.
05:04Donc, si vous voulez, moi, j'en avais un peu marre
05:06qu'on m'envoie dans des combats qui n'étaient pas gagnables.
05:08Et donc, je disais, ça suffit.
05:11Et là, vous l'avez emportée.
05:13Oui, c'est Bruno Le Maire qui m'a convaincue
05:15et qui m'a dit,
05:17si tu veux poursuivre à la région,
05:20et on a besoin de toi à la région,
05:22tu ne peux pas échapper au fait de te présenter aux municipales.
05:27Et donc là, je me suis dit,
05:29alors je vais y aller,
05:31mais je vais faire la campagne de ma vie.
05:33Je vais faire une campagne, je vais tout donner.
05:35Je vais faire du porte-à-porte,
05:37je vais le faire de façon militaire,
05:39immeuble par immeuble, cache d'escalier par cache d'escalier,
05:42appartement par appartement, pour n'avoir aucun regret.
05:45Et c'est vraiment, vraiment ce que nous avons fait avec l'équipe.
05:49Sur ce mandat de maire,
05:51vous expliquez que le plus agréable,
05:53c'est de pouvoir changer concrètement les choses au quotidien.
05:55C'est la fonction qui permet d'être au plus près de la population.
05:58C'est vrai.
06:00C'est pas franchement le cas du mandat de député.
06:02Est-ce que ça vous manque ?
06:04Oui, oui.
06:06J'ai retrouvé ça un peu
06:08quand la courte période de ministre.
06:11Vous êtes sur un sujet,
06:13et vous pouvez concrètement faire des propositions,
06:15avancer, etc.
06:17Oui, oui, je reconnais que c'est l'aspect
06:20qui me manque comme députée.
06:23Et puis ce dont je souffre aussi,
06:26c'est l'image qu'on donne.
06:28Notamment actuellement.
06:30Il y a des moments, j'ai honte.
06:32Franchement, quand on vous dit que vous êtes députée,
06:34c'est pas très valorisant.
06:36D'abord, on a l'impression que vous ne faites rien.
06:38Et moi, je lutte contre ça.
06:40Quand je vais dans les écoles, voir les enfants,
06:42je leur dis, mais vous savez,
06:44quand vous ne nous voyez pas dans l'hémicycle,
06:46c'est qu'on est en commission.
06:48Ou alors, quand on n'est pas en commission,
06:50on peut être dans notre bureau à faire des auditions,
06:52ou alors être sur le terrain.
06:54C'est vraiment de cette image que les gens peuvent avoir
06:56d'un député qui ne fait rien,
06:58alors qu'on travaille comme des dingues.
07:00Dans votre parcours politique,
07:02il y a deux personnalités nationales
07:04énormément qui ont beaucoup compté.
07:06Vous l'avez évoqué, c'est Bruno Le Maire et Edouard Philippe.
07:08Pourquoi est-ce que vous ne les avez pas suivis
07:10quand, eux, en 2017,
07:12ont décidé de soutenir Emmanuel Macron ?
07:14Je n'ai pas compris.
07:16Je me souviens de discussions,
07:18notamment avec Bruno Le Maire,
07:20quand il me dit qu'il va peut-être rentrer au gouvernement.
07:22Je me dis que je vais être battue.
07:24Tu ne te rends pas compte,
07:26parce qu'il se présente au législatif un mois après.
07:28Je me dis que c'est de la trahison.
07:30Ce n'est pas possible, tu ne peux pas faire ça.
07:32Et vous l'avez fait,
07:34mais plus tard, en 2021.
07:36Non, je ne l'ai pas fait.
07:38Vous avez adhéré au parti d'Edouard Philippe.
07:40Bien sûr.
07:42Vous avez quitté deux ans avant
07:44les LR.
07:46Qu'est-ce qui vous a convaincue
07:48de faire ce mouvement politique-là
07:50à ce moment-là ?
07:52D'abord, pourquoi j'ai quitté,
07:54à un moment donné,
07:56les Républicains ?
07:58Je les ai quittés parce que,
08:00moi, j'ai toujours essayé,
08:02dans ma manière de faire de la politique,
08:04de pouvoir dormir sur mes deux oreilles
08:06et de me regarder dans la glace.
08:08Et comme j'ai parfaitement fait la campagne
08:10et que je connaissais parfaitement notre programme,
08:12quand je vois, entre 2017 et 2020,
08:14ce qui, dans un grand nombre de domaines,
08:16est mis en place,
08:18je me dis que ça ressemble très étonnamment
08:20à notre programme.
08:22Et donc, moi, je ne comprends pas,
08:24quand on dit qu'on est contre
08:26ce qui est fait alors qu'on avait dit qu'on le ferait.
08:28Vous voyez,
08:30sur le plan intellectuel, j'y arrive pas.
08:32Et j'y arrive pas parce que
08:34j'ai toujours besoin, sur le terrain,
08:36d'expliquer ce que je fais.
08:38Et c'est pour ça que je démissionne,
08:40parce que je ne comprends pas qu'on soit
08:42dans une opposition systématique
08:44alors que, sous la gouverne
08:46d'Edouard Philippe,
08:48on fait en grande partie le programme
08:50pour lequel on s'était engagé en 2017.
08:52Et là, je lâche.
08:54Et puis, en 2020,
08:56Edouard Philippe décide, fin 2021,
08:58de créer
09:00Horizon.
09:02Et nous sommes voisins, puisque je suis
09:04afféquant, il est oivre, donc on se croise
09:06régulièrement dans des instances communes
09:08que nous avons. Il me dit, je vais lancer un parti.
09:10Et j'avais régulièrement
09:12des contacts avec lui.
09:14Est-ce que tu viendrais ?
09:16Et moi, je dis, je vais venir écouter.
09:18Alors, je suis à la région, Hervé Morin
09:20n'est pas tout à fait d'accord en me disant
09:22qu'est-ce que tu vas aller faire là-bas.
09:24Ma singularité, c'est aussi que je reste libre.
09:26On me dit pas,
09:28c'est pas parce que je suis dans un parti
09:30que je ferais ce que le parti me dit.
09:32J'ai besoin d'être en accord avec moi-même.
09:34Donc, voilà, je vais écouter.
09:36Et puis, je suis séduite.
09:38Vous vous retrouvez dans ses idées, dans son programme,
09:40et vous êtes élue.
09:42Donc, députée du Groupe Horizon 2022.
09:44Vous êtes réélue en 2024,
09:46à quelques centaines de voix près,
09:48face au Rassemblement national.
09:50En 2022 et en 2024, c'est juste.
09:52Et alors, quelques mois après,
09:54le 21 septembre 2024,
09:56votre téléphone sonne, et là, c'est un numéro inconnu
09:58qui s'affiche, et vous décrochez quand même.
10:00C'est incroyable, ce truc,
10:02parce que je décroche jamais sur des numéros inconnus.
10:04Mais là, c'est un samedi après-midi,
10:06il fait beau, voilà, je sais pas,
10:08je suis en voiture avec
10:10une étudiante qui m'accompagne le week-end,
10:12Clara, et donc...
10:14Allô ?
10:16Marie-Agnès Poussin-Zbach ?
10:18Oui, bonjour, monsieur.
10:20Michel Barnier à l'appareil.
10:22Et je reconnais sa voix. Je la connais.
10:24Je sais que c'est pas une blague.
10:26Et vous devenez ministre du gouvernement de Michel Barnier.
10:28Il faut aller au bout des choses, quand même.
10:30Voilà, voilà. Et j'accepte.
10:32En charge de l'économie sociale et solidaire.
10:36C'est une expérience qui n'a pas duré longtemps.
10:38On connaît l'histoire de ce gouvernement.
10:40Qu'est-ce que vous en avez retenu ?
10:42Une grande fierté, parce que
10:44je pense que ça récompense
10:48un vrai parcours local,
10:50d'engagement local,
10:52de reconnaissance qu'on peut
10:54être élu en province,
10:56on peut avoir un parcours
10:58militant, conseillère municipale,
11:00conseillère régionale,
11:02tout doucement,
11:04sans prétention,
11:06et que ce soit
11:08reconnu
11:10comme étant peut-être un plus
11:12à un moment donné au niveau du gouvernement.
11:14Donc j'ai retenu ça.
11:16On va terminer par notre petit quiz habituel.
11:18Il s'agit de compléter les phrases
11:20que je vais vous proposer.
11:22Quand on a été prof en lycée,
11:24parce que c'est votre cas, vous avez été prof de...
11:26D'éco.
11:28Ça vous est utile aujourd'hui en tant que députée ?
11:30Oui. Pédagogie.
11:32Oui.
11:34C'est difficile à expliquer.
11:36Et je trouve qu'on n'explique pas assez.
11:38La meilleure façon de cuisiner le haran ?
11:42A la fécampoise ?
11:44Il y a la fête du haran.
11:46Tout simple, avec des petits oignons,
11:48avec une bonne petite huile,
11:50quelques petites carottes,
11:52un petit peu de clous de girofle,
11:54et c'est tout.
11:56Enfin, redevenir maire de Fécamp un jour ?
11:58Vous dites.
12:00Je dis que ce n'est pas à l'ordre du jour.
12:02Mais on ne sait jamais.
12:04Pourquoi pas ?
12:06On ne sait jamais.
12:08Merci beaucoup, Marie-Agnès Poussier-Winsbach.
12:10Merci.
12:32Sous-titrage Société Radio-Canada