Invité de franceinfo le lundi 10 mars 2025, Bertrand Godinot, patron d'EasyJet en France, revient sur l’impact de la hausse des taxes sur les billets d’avion votée pour 2025. Si les réservations n'ont pas encore baissé, il alerte sur un risque de moindre attractivité pour la France et l’effet négatif sur les voyageurs à faibles revenus.
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00:00Bonsoir à toutes et à tous, ravie de vous retrouver pour l'Invité Éco de France Info.
00:08Ce soir, on va parler du secteur aérien et de l'impact de la hausse de la taxe sur les billets d'avion
00:14avec le patron en France d'EasyJet, Bertrand Godineau. Bonsoir.
00:18Bonsoir.
00:19EasyJet en France, ce sont près de 300 lignes, 24 aéroports, des services sur le territoire national.
00:25Vous employez 1800 salariés en France.
00:28La hausse de la taxe sur les billets d'avion votée dans le budget de l'État pour 2025
00:33est effective depuis 48 heures, depuis le 1er mars.
00:37Avec quel effet sur votre clientèle concrètement, Bertrand Godineau ?
00:40Donc malheureusement, effectivement, cette taxe qui est un triplement par exemple pour des vols domestiques,
00:45c'est-à-dire qu'un passager qui va aller de Bordeaux à Nice,
00:49va au départ payer 2,50€, va payer 7,50€ à l'aller et au retour.
00:55C'est moins de 5€ de hausse.
00:58C'est moins de 5€ à l'aller et au départ, mais en fait pour un vol domestique, c'est vite 10% d'augmentation des prix.
01:04Mais c'est aussi des taxes qui se rajoutent évidemment à la TVA, qui se rajoutent également à la taxe de sûreté,
01:08qui se rajoutent à une taxe sur les nuisances sonores, qui se rajoutent à la compensation carbone,
01:12qui se rajoutent à énormément d'autres taxes qui ne sont pas forcément présentes dans d'autres pays.
01:16Et ce qui rend effectivement l'attractivité de la France plus compliquée.
01:19Alors quelles conséquences sur la clientèle ?
01:22Est-ce que vous avez vu un changement de la part des clients d'EasyJet depuis quelques semaines,
01:29depuis qu'ils savent qu'il va y avoir cette taxe sur les billets d'avion ?
01:32Alors c'est encore un petit peu tôt, mais en fait nous on a trois types de clientèle.
01:36On a la clientèle étrangère, il y a plus de 5 millions de Britanniques qui viennent en France grâce à nos lignes.
01:42Et ces clients-là, ils ont le choix soit de venir en France, soit d'aller découvrir d'autres pays,
01:45comme l'Italie, l'Espagne, le Portugal.
01:48Et ces gens-là, ils font un arbitrage, en particulier parce qu'on a lancé une offre qui s'appelle EasyJet Holiday.
01:52Ils ont que les gens ne choisissent plus uniquement un billet d'avion, mais choisissent des vacances complètes.
01:56Et quand ils regardent, s'ils voient que la France sera beaucoup plus chère, ils vont potentiellement choisir d'autres pays.
02:00Enfin là, vous parlez de crainte.
02:02C'est-à-dire que vous dites potentiellement, il peut y avoir un effet sur une moindre attractivité de la destination France.
02:10Mais vous ne la voyez pas concrètement dans les réservations.
02:13Concrètement, on ne le voit pas aujourd'hui dans les réservations.
02:15Ce qu'on fait, c'est qu'on adapte notre réseau, notamment pour les Français.
02:18Puisque finalement, quand vous êtes Français et que vous partez à l'étranger, vous serez beaucoup moins taxés que si vous restez en France.
02:24Et donc, ce qu'on a commencé à voir, c'est effectivement une demande plus élevée, notamment pour l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Grèce, toutes ces destinations-là.
02:31Mais aussi pour des destinations dans le nord de l'Europe, comme la Finlande, comme l'Islande, etc., que l'on développe.
02:39Mais avant tout, c'est aussi des destinations où finalement, les taxes sont encore moins importantes en pourcentage.
02:45C'est par exemple, on développe énormément l'Égypte, qu'on avait lancée depuis Charles de Gaulle pour Rwanda et Sharm el-Sheikh.
02:50Et là, on lance également l'Égypte depuis Nantes, par exemple.
02:53On avait déjà lancé depuis Lyon.
02:54Et donc, on développe finalement une offre plus pour emmener les Français vers l'étranger.
02:58Parce qu'on sent une demande qui s'accélère dans ces destinations-là.
03:01Et donc, cette demande, elle s'accélère, notamment de la part de la clientèle française, malgré cette hausse des prix qu'il voit sur les billets d'avion.
03:11Donc, pour l'instant, ce que vous êtes en train de dire, c'est qu'il n'y a pas d'effet sur la demande.
03:16En fait, ce qu'on voit, c'est qu'il y a un peu un décalage de la demande.
03:18Parce que finalement, 7,50 euros d'augmentation, c'est un aller-retour.
03:21Quand vous partez en Égypte, c'est assez indolore.
03:23Quand c'est 10 euros en France qui se rajoutent aux autres taxes, c'est effectivement plus compliqué.
03:30Donc, ça veut dire, pardon de vous couper patron Godineau, c'est-à-dire que vous pensez qu'il risque d'y avoir un effet, surtout sur les vols intérieurs,
03:38sur les vols où ça va se voir le plus, en fait, infatialement.
03:41Tout à fait. En fait, ce qu'on voit, c'est notamment, en fait, depuis 30 ans, EasyJet démocratise le transport aérien.
03:46Et on voit que, notamment, des étudiants vont retrouver moins souvent leur famille s'ils sont étudiants à Brest, qu'ils habitent Nice, par exemple.
03:52Ou, effectivement, vers l'Afrique du Nord, vers le Portugal, où il y a des trafics affinitaires.
03:58On sent, effectivement, que les gens choisissent, ils vont moins souvent et voyagent moins.
04:03Et donc, on trouve que c'est dommage parce que, finalement, les gens qui seront le plus impactés sont les gens qui ont le moins de moyens.
04:07Et qu'on avait vraiment travaillé depuis 30 ans pour démocratiser ce voyage au plus grand nombre.
04:11Alors, le patron d'Air France-KLM, Ben Smith, a estimé le manque à gagner pour sa compagnie entre 90 millions et 170 millions d'euros pour 2025.
04:22Est-ce que, chez EasyJet, vous avez commencé à faire les mêmes calculs ?
04:26Est-ce que vous estimez le manque à gagner de cette hausse de la taxe sur les billets d'avion ?
04:30Nous, ce qu'on voit, c'est qu'effectivement, on va avoir moins d'étrangers qui vont venir en France.
04:33Les étrangers, ils vont aller dans d'autres pays. Et donc, nous, on ne sera pas impactés en termes de compagnie aérienne.
04:37Mais, malheureusement, les étoliers et les restaurateurs en France seront impactés.
04:40Et ce qu'on voit, c'est qu'effectivement, sur certaines routes, par exemple, sur Orly-Nice, effectivement, on passe cette taxe au consommateur qui est prêt à l'absorber.
04:49Et puis, après, on voit effectivement plus de clients qui vont aller vers l'étranger.
04:53Donc, au final, nous, en termes de compagnie, on ne sera pas impactés.
04:55C'est vraiment le consommateur qui sera impacté, qui devra absorber l'augmentation de cette taxe.
05:00En fait, en gros, il suffit de serrer les dents.
05:02On a entendu le ministre des Transports qui a dit qu'il ne souhaitait pas lui-même que cette hausse de taxes soit pérennisée dans le temps.
05:09Vous avez une certitude de ce côté-là ?
05:11On n'a aucune certitude de manière fiscale.
05:13Enfin, vu les changements de gouvernement, on n'en sait rien.
05:16Est-ce que c'est une crainte pour vous, Bertrand Godineau ?
05:19C'est une crainte, parce que quand on voit le développement des vols domestiques, en fait, on est revenu au niveau de 1985.
05:27Donc, on a vraiment un retour en arrière des vols domestiques sur la France.
05:34Pour des raisons environnementales, notamment ?
05:37Il y a une petite partie qui est du développement à partir de Paris.
05:40Mais quand vous faites des vols transversaux, ce n'est pas du tout le cas.
05:44Nous, ce qu'on regrette, c'est qu'au final, c'est l'attractivité de la France qui sera impactée.
05:49La compagnie low-cost irlandaise Ryanair menace de réduire ses opérations en France.
05:54Est-ce que vous êtes dans le même état d'esprit chez EasyJet, qui est une compagnie britannique ?
05:58Nous, on est dans une logique beaucoup plus constructive.
06:01On cherche à développer notre trafic avec la France.
06:03Ensuite, c'est les clients qui vont choisir avec leur portefeuille s'ils veulent venir.
06:07Mais pas pour des raisons fiscales ? Vous n'allez pas fermer des liaisons ?
06:11Non, on ne va pas fermer des liaisons pour des raisons fiscales.
06:13S'il y a un certain nombre de routes où on est les seuls à opérer,
06:16si on n'arrive pas à passer aux clients ces routes-là, potentiellement, on les fermera.
06:20Nous, on est plutôt dans une logique de développement et notamment de développer le trafic international.
06:25Et on a développé du Milan-Biarritz, on est en train de développer du Bordeaux-Bruxelles.
06:31On est en train de lancer, comme je vous le disais, beaucoup de routes vers l'Égypte, vers Funchal, à Madère.
06:37Et nous, on est plus dans une logique de dire qu'on va essayer de développer cette offre.
06:40Et comme les gens ont envie de voyager, on les le fera avec plaisir et avec passion.
06:44En parallèle, vous avez quand même fermé la base de Toulouse.
06:46Est-ce qu'il y a d'autres bases qui vont fermer ?
06:49Est-ce que vous vous engagez aujourd'hui à maintenir toutes les bases existantes,
06:53ainsi que les 1800 salariés d'Isiljet en France, Bertrand Godineau ?
06:56Effectivement, on a annoncé la fermeture de notre base qui aura lieu à la fin du mois de mars.
07:02De 100 et quelques salariés ?
07:04125 employés.
07:06On va continuer à desservir Toulouse, bien évidemment, depuis d'autres bases.
07:12Les avions et les emplois ont été redistribués en France.
07:16Une majorité de nos employés ont décidé de nous suivre et donc on s'en réjouit.
07:20Ça veut dire qu'il n'y aura pas de suppression de postes ?
07:22Il y a des gens qui, malheureusement, ne pouvaient pas bouger pour des raisons personnelles,
07:26qui ont décidé, ou qui seront obligés de partir.
07:28Mais on a proposé à tout le monde un autre emploi en France, aux mêmes conditions.
07:33Il n'y aura pas d'autres bases fermées ? Ce sera ma dernière question.
07:35Normalement, il n'y a aucun plan pour fermer d'autres bases.
07:37On est plutôt là pour développer parce qu'on pense qu'il y a une envie très forte de voyager.
07:41Et on le fait en plus de manière la plus efficace possible et la plus environnementale que l'on puisse faire.
07:47Merci beaucoup, Bertrand Godineau, directeur général d'EasyJet en France.
07:51Invité Echo de France Info ce soir.
07:53Merci.