En Russie, la culture de la guerre exploite un fatalisme historique, méprisant ceux qui la craignent et préfèrent la paix. Les explications d'Olivier Ravanello.
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00:00On va parler justement de la Russie dans le choix du 20h de BFM de Olivier Ravanello.
00:05C'est intitulé « La peur ne préserve pas du danger, Olivier ».
00:08Alors, Poutine, on l'a constaté encore ce soir, poursuit la guerre.
00:12Même si Trump affirme que Poutine veut la paix, il n'a pas l'air pressé de mettre un terme à ce conflit.
00:16On en parlait hier, il y a des considérations tactiques à cela.
00:20Vous nous l'expliquez, mais aussi, selon vous, une culture de la guerre qui est entretenue par le pouvoir.
00:25Oui, c'est frappant lorsqu'on vit en Russie de voir à quel point la commémoration,
00:30la célébration de la Deuxième Guerre mondiale est omniprésente par des monuments,
00:34par la célébration du 9 mai, par des chansons aussi, qui assez souvent sont des chansons héroïques.
00:39Mais même lorsqu'elle parle de la souffrance des soldats,
00:42laisse transparaître un fatalisme qui est absolument stupéfiant.
00:47On meurt à la guerre et c'est comme ça quand on est Russe.
00:50L'Union soviétique a perdu 11 millions de soldats, à peu près, durant la Seconde Guerre mondiale.
00:55Autant de civils. Les récits qui en ont été faits sont absolument épouvantables.
01:00Il faut relire Zlatan Alexievich, le prix Nobel, qui a parlé de cette Deuxième Guerre mondiale,
01:05de la guerre en Afghanistan, de la catastrophe de Tchernobyl,
01:08pour mesurer à quel point il y a une dimension sacrificielle en Russie
01:11qui nous est complètement étrangère à nous, aujourd'hui, Européens.
01:15Et pourtant, malgré ces sacrifices, ça n'a pas détourné les Russes et la Russie de la guerre.
01:22La guerre, ça reste l'endroit où la Russie s'exprime.
01:25Poutine l'a compris, qu'il pouvait exploiter cette fibre.
01:29Aujourd'hui, dans les écoles, il y a des cours qui apprennent des gestes élémentaires guerriers.
01:34Il y a des cours qui enseignent à quel point la Russie est le pays où il fait le meilleur vivre au monde.
01:39Il y a des colonies de vacances où on apprend à se battre.
01:42Et cette fascination de la guerre, elle est aussi amplifiée par les médias.
01:45Et précisément ce goût de la guerre, comment il se traduit dans la diplomatie russe ?
01:50Par le mépris.
01:51Par le mépris de ceux qui ne prennent pas en compte la guerre,
01:54qui ne l'aiment pas ou qui ne veulent pas la faire.
01:56Ça, vous le ressentez, mais en permanence, quand vous vivez en Russie,
01:59les Européens sont méprisés pour leur traumatisme de la guerre
02:04qui fait qu'ils veulent la paix à tout prix, et quelles que soient les concessions à faire,
02:08par cette obsession de la paix et par le refus de la chose militaire.
02:12Ça fait de nous, aux yeux des Russes, des gens foncièrement faibles.
02:16La Russie a été poly-traumatisée par la guerre
02:19et pourtant elle continue de considérer que la guerre est une solution à ses problèmes.
02:23Et tous les présidents qui ont essayé d'entretenir des relations avec Vladimir Poutine
02:27ont tenté différentes tactiques.
02:29Chirac a essayé le respect, Sarkozy a essayé la franchise,
02:34Hollande a commencé à se méfier.
02:35Mais au fond, c'est oublié que ça ne fonctionne pas en miroir avec Poutine.
02:40La seule chose qu'il respecte, et ça, il est bien héritier des soviétiques pour cela,
02:45c'est le rapport de force.
02:46Staline disait, le Vatican, combien de divisions ?
02:49C'est un peu la même chose avec l'Europe.
02:50L'Europe, combien de divisions ?
02:52C'est au fond ce que pense Poutine.
02:54Et ça, c'est ce qu'a compris Emmanuel Macron.
02:57Tant que vous n'établissez pas un rapport de force,
02:59vous ne parvenez pas à parler sereinement avec les Russes.
03:02Je dis bien sereinement.
03:03L'idée qui est en ce moment dans la tête du président de la République,
03:07ce n'est pas de nous conduire tous vers la guerre,
03:09c'est de nous réarmer de manière à pouvoir à nouveau parler sereinement avec les Russes.
03:15Sinon, ils vous méprisent.
03:16Est-ce que selon vous, Jacques Attali, avec ce qui a été annoncé notamment à Bruxelles
03:20et par le président de la République,
03:21on va pouvoir à nouveau parler sereinement avec les Russes ?
03:26Il faut bien distinguer les Russes et un pouvoir totalitaire.
03:28Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit.
03:30À une petite nuance près que je suis sûr que vous partagez,
03:33c'est que le pouvoir totalitaire dans tout pays du monde
03:37méprise la vie humaine, y compris la vie de ses propres citoyens.
03:41Et les pouvoirs russes, depuis Staline,
03:43et Vasily Grossman le montre très bien dans ses grands livres,
03:46méprisent ces citoyens.
03:48Le nombre de morts de la Seconde Guerre mondiale,
03:50tous les analyses montrent qu'ils auraient dû être trois fois moins importants
03:53si le pouvoir stalinien avait pris en compte
03:56l'importance de la vie humaine de ses propres citoyens.
03:59Donc, c'est facile de dire qu'on méprise les autres
04:03parce qu'ils ne s'intéressent pas à la guerre
04:05qu'en soi-même, on méprise la vie de ses propres citoyens.
04:07Ce qui se passe aujourd'hui, ce qui d'ailleurs a entraîné
04:09l'incroyable saignée de la population russe dans la guerre actuelle
04:14et qui fait que la démographie russe est une catastrophe.
04:17Donc, nous, il faut trouver un équilibre.
04:19Pour nous, la vie humaine est sacrée.
04:21La vie de nos gens d'aujourd'hui, mais des générations futures, est sacrée.
04:27C'est pour ça que nous nous battons,
04:28parce qu'on a des démocraties, il faut maintenir ça.
04:31Mais il faut avoir aussi ce que nos anciens ont eu,
04:34c'est-à-dire le courage de mourir
04:36pour que les générations suivantes puissent vivre.