• il y a 11 heures

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00:00Il est 19h40, je voudrais qu'on écoute le témoignage de Nathalie et nous allons en parler à présent.
00:05Nathalie, pour tout vous dire, j'ai enregistré cette interview tout à l'heure, Nathalie est une maman.
00:09Elle a un garçon de 15 ans qui vit un enfer et qui a mis beaucoup de temps à raconter son enfer à sa maman.
00:16Il est victime d'agression de la part d'un autre adolescent de 15 ans qui le poursuit, qui le menace,
00:23qu'il a déjà menacé avec un couteau. Cet enfant ne vit plus, ça fait 8 mois qu'il est enfermé chez lui.
00:28Sa mère a fait appel à la justice, elle dit que la police fait son travail, mais qu'il n'y a pas d'écho du côté de la justice.
00:34Elle ne sait plus quoi faire. Bonsoir Nathalie.
00:36Bonsoir.
00:38Merci d'être avec nous sur Europe 1. Votre témoignage est absolument édifiant.
00:43Témoignage d'une mère qui s'inquiète pour son fils, qui est harcelée, harcelée par un ancien camarade de classe.
00:51Et vous vous sentez complètement démunie Nathalie, et c'est pour ça qu'on voulait entendre votre voix ce soir sur Europe 1.
00:56Parce que vous avez le sentiment d'être totalement abandonnée par la justice, par la police.
01:03Je raconte en quelques mots l'histoire de votre fils, que nous appellerons Luc.
01:07Luc se fait raqueter, et s'est fait raqueter au couteau, au couteau de cuisine, par un jeune de son âge, un ancien camarade de classe.
01:17Je rappelle que votre fils, et je parle sous votre contrôle, a 15 ans.
01:21Il se fait raqueter parce que cet ancien camarade de classe est fait expulsé de l'établissement,
01:26et qu'il accuse votre fils d'être à l'origine de son expulsion.
01:30Alors, il ne l'accuse pas, mais il se fait raqueter. Il ne l'accuse pas d'avoir été renvoyé par sa faute, mais il le raquette quand même.
01:39Il le raquette quand même ?
01:40Oui, oui, tout à fait.
01:41Et il le raquette pour quelle raison ?
01:44Comme ça, parce que mon fils est un enfant gentil, pas méchant, et je pense que c'est sacrifié comme ça.
01:50En fait, ils étaient amis, et puis il a fini par le raqueter et lui demander des affaires à lui.
01:56Et votre fils vous a parlé immédiatement de ce qui lui est arrivé ?
01:59Pas du tout. J'ai appris ça par la CPE de l'école. C'est un petit camarade à lui qui a décidé d'aller en parler à la CPE.
02:07Parce que mon fils avait peur, en fait, comme ce garçon était venu chez nous, qu'il savait où on habitait, il savait où qu'on vivait seul, en fait.
02:14Donc, mon fils avait peur des représailles. Donc, il n'a rien dit pendant des mois.
02:17Donc, c'est l'enfer. Et votre fils a très peur des représailles. Il ne sort plus de chez vous depuis huit mois ?
02:24Oui, il a peur. En fait, il a peur. Donc, il sort pour aller faire les courses. Il sort avec son papa. Il sort avec moi, bien sûr.
02:30Mais il ne veut même pas sortir avec ses camarades de peur que ses camarades soient intimidés par ce jeune homme.
02:37Mais c'est qui cet enfant ? C'est qui ce jeune homme ?
02:40C'est un jeune homme qui n'habite pas très loin de chez nous. Un enfant.
02:44Vous avez essayé de rentrer en contact avec ses parents ?
02:46Non, non, non. Surtout pas. Non, non. Je n'ai pas le droit. De toute façon, moi, j'ai juste porté plainte à la police pour signaler comment mon fils avait été raquetté.
02:55Non, non. Après, j'ai demandé à rencontrer cet enfant. Je n'en ai pas eu l'occasion. Voilà.
03:02C'est un mineur. On le rappelle. C'est un mineur.
03:05Le parquet de Bordeaux s'est saisi de l'affaire. Il indique qu'une enquête du chef d'extorsion sous la menace d'une arme a bien été menée dès juillet de l'année dernière.
03:15Et l'affaire est toujours en cours. Elle en est où, la justice ?
03:20Écoutez, après avoir porté plainte une fois, il a été mis sous contrôle d'un éducateur.
03:27Il avait un rendez-vous pendant six mois à faire avec un éducateur.
03:31Sauf que j'ai eu l'éducateur, quelques temps après, qui m'a dit qu'il ne l'avait vu que deux fois et qu'il ne se présentait pas au rendez-vous.
03:37Incroyable.
03:38Donc j'ai refait un courrier au procureur de la République, un deuxième courrier, puisque j'en avais déjà fait un.
03:45Et le monsieur en question, qui s'occupe de cet enfant, m'a simplement dit, écoutez, tant qu'il n'y aura rien fait de grave...
03:57Parce que menacer un autre adolescent avec un couteau, ce n'est pas assez grave, selon lui ?
04:01Bah non. Écoutez, il est mineur. Voilà ce que j'entends tout le temps, il est mineur, il est mineur, il est mineur.
04:05Mais bon, moi, comme je dis, je sais ce qu'il fait, cet enfant.
04:08Et puis voilà, je ne voudrais pas qu'il arrive un jour à passer à l'acte et me sentir, moi, responsable de n'avoir rien fait.
04:14Donc je veux que ça bouge, ne serait-ce que pour mon fils, mais pour d'autres enfants.
04:17Et la police, que dit-elle ? La police nationale de Bordeaux a su être à l'œuvre et elle dit, malheureusement, ça prend du temps.
04:23Bah écoutez, eux, ils font leur boulot. Je n'ai rien contre eux. Ils ont fait ce qu'il fallait, ils l'ont interpellé, il y a eu garde à vue.
04:29Ils ont fait leur travail, il n'y a rien. Mais c'est plus haut, ça ne bouge pas.
04:33Du moment que c'est un mineur, on ne bouge pas. On attend qu'il passe à l'acte.
04:36Mais avec tout ce qu'on entend aujourd'hui, moi, je trouve ça catastrophique.
04:40Je veux dire, il faut bouger les choses. Ce n'est pas parce qu'il est mineur qu'il ne faut rien faire.
04:44C'est un enfant à la dérive, cet agresseur du vôtre ?
04:49Je ne sais pas du tout. Je sais que son papa a du mal à le maîtriser, d'après ce que je comprends.
04:55Je ne me suis pas intéressée à la vie de ce gamin. Et comme je dis, de toute façon, quoi qu'il arrive, ça peut être un enfant de bonne famille qui peut mal tourner.
05:04Je ne sais pas et ça ne me regarde pas. Moi, ce que je veux, c'est que les choses bougent.
05:09Que ça soit lui ou un autre, que les choses bougent.
05:11Et le problème, c'est qu'il traîne beaucoup autour de chez vous, cet enfant ?
05:15Il habite à vol d'oiseau un kilomètre, donc il prend le bus régulièrement, il prend le tram.
05:20Mon fils ne veut plus prendre le bus, ne veut plus prendre le tram, forcément, puisqu'il a peur de le rencontrer.
05:24Il a peur des représailles, donc je suis obligée d'aménager mon emploi du temps pour aller chercher mon fils
05:29ou alors de demander à des gens d'aller le chercher à l'école.
05:32Quant au moi, je ne peux pas parce que j'ai quand même un boulot.
05:35Le matin, je l'amène tous les matins et comme je dis, on a l'impression au jour d'aujourd'hui qu'on est des criminels.
05:43Je veux dire, on paye pour des gamins qui sèment la pagaille et c'est nous qui en payons les conséquences.
05:50Et ça, moi, je ne suis pas d'accord.
05:52On me dit plusieurs reprises, des amis à moi m'ont dit qu'il faudrait que je déménage.
05:57Mais je n'ai pas à déménager, ce n'est pas à moi à partir, c'est à lui à partir, pas à nous.
06:02Je veux dire, on n'est pas responsable, nous.
06:04Et la justice ? Quels sont les retours que vous avez de la justice ?
06:08Alors là, j'ai su qu'il avait été interpellé il y a deux jours et qu'il est passé devant le tribunal hier.
06:13Je n'en sais pas plus.
06:15Juste, je suis obligée de vous demander, comment va votre fils ?
06:18Écoutez, mon fils, il continue à être scolarisé, donc ça va.
06:22Sauf qu'il ne veut plus sortir.
06:24Il ne voit plus ses copains parce qu'il a peur.
06:29Et la seule sortie qu'il fait, c'est aller à la boxe qui est à 200 mètres de chez nous.
06:32Et encore, on l'accompagne pour y aller et on va le chercher au retour.
06:36Il a peur de sortir.
06:37Il n'a pas une vie d'adolescent.
06:39Et ça, ça me fait mal au cœur.
06:41Je veux dire, à 15 ans, de louper toute son adolescence.
06:44Nathalie, on se permettra de vous rappeler pour savoir où on est l'affaire.
06:48Évidemment, on ne va pas vous abandonner.
06:50On vous souhaite beaucoup de courage, Nathalie.
06:52Et merci infiniment d'avoir témoigné sur Au Rapport ce soir.
06:54Voilà pour cette interview qui a été enregistrée tout à l'heure.
06:57Je voudrais une réaction, un mot, Sarah Salmane.
06:59Un mot, j'ai dit.
07:01Elle a raison, ce n'est pas à la victime de partir.
07:03Mais si la justice ne fait rien, ça va être compliqué.
07:05Non.
07:06Rien ne va dans tout ça.
07:07Rien.
07:08Quel esprit synthétique.
07:09Ben oui.
07:10J'ai dit un mot.
07:11Il joue le jeu.
07:12Il en dit quatre.
07:13Il en dit quatre.
07:14On va évidemment en reparler très sérieusement dans un instant sur Europe 1.
07:17Il est 19h47.
07:18Il est 19h50.
07:19Je suis avec Sarah Salmane, qui est avocate.
07:22Olivier Dartigold, chroniqueur politique, évidemment, dans ce studio.
07:24Je voudrais qu'on revienne un instant sur les témoignages édifiants de Nathalie
07:29que nous avons entendus juste avant la pause et le top jeu Europe 1.
07:33Détresse d'une mère dont le fils est raquetté, menacé au couteau par un autre adolescent de 15 ans.
07:38Et elle est totalement impuissante.
07:41Pascal, c'est toujours pas réglé.
07:42Donc, c'est toujours pas réglé.
07:43Non.
07:44Puisque l'exécutif a communiqué sur des dossiers qui avaient été très fortement
07:47médiatisés en disant, bon, maintenant, on change la donne et ça ne sera plus possible.
07:54Celui qui harcèle quitte l'établissement.
07:56Alors, il est déjà hors de l'établissement, ce gamin.
07:59Oui, mais j'ai bien compris.
08:01Il va quand même menacer.
08:02J'ai envie d'élargir.
08:04Celui qui est harcelé ne quitte pas son quartier.
08:08C'est ce que disait la maman.
08:11Et puis, avec une faillite de la justice, avec cette incapacité de réagir rapidement
08:18et qu'il y ait quelque chose qui soit mis en place qui permette de dire au harceleur
08:23et à sa famille, parce qu'on voit bien qu'il y a dans ce témoignage aussi une défaillance familiale.
08:28Le père semble déborder d'après Nathalie.
08:30Donc, comme je vous ai dit, rien ne va.
08:32C'est un condensé de tout ce qui dysfonctionne.
08:35Non, mais c'est quand même incroyable parce qu'elle fait plus d'un an que ça dure.
08:37Vous imaginez l'enfer pour cette adolescente de 15 ans, Sarah Salmane ?
08:40Puis le harcèlement scolaire, ça touche quand même 700 000 enfants par an.
08:43On en a beaucoup parlé.
08:44Il y a eu l'affaire Lindsay, l'affaire Lucas.
08:46À chaque fois, on nous dit plus jamais ça va changer.
08:48Et là, on s'aperçoit que rien ne change.
08:50Et la maman dit parce qu'il est mineur, il n'aura rien.
08:52Elle n'a pas fondamentalement tort parce que le Code de justice pénale des mineurs de 2021
08:56reprend en substance l'ordonnance de 45 dont la philosophie est l'éducation et pas la sanction.
09:02Donc, on veut éduquer, éduquer au maximum.
09:05Tant qu'il n'a pas fait quelque chose...
09:07Éduquer, mais éduquer à quoi ?
09:08À ne pas menacer des petits camarades à la fin de son tour ?
09:11Il ne se passe rien globalement.
09:12J'ai lu une statistique effarante dans le département de la Seine-Saint-Denis
09:15concernant la protection judiciaire de la jeunesse
09:18concernant un jeune délinquant et un premier signalement
09:21avant qu'un agent, qu'un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse intervienne.
09:28Entre le premier signalement et son intervention, il s'écoule deux ans.
09:31Non, mais c'est quand même dingue Olivier d'Artigolle.
09:34Juste là, dans ce qu'apprécie Sarah Salman,
09:38cet agresseur de 15 ans, il doit voir un éducateur.
09:43Combien de fois l'a-t-il vu ? Deux fois.
09:45Il l'a peut-être vu dix minutes deux fois.
09:48C'est exactement, s'il n'y a pas de moyens coercitifs, ça ne fonctionne pas.
09:52Malgré les éducateurs et tout le travail formidable que les éducateurs font,
09:55qu'ils ne peuvent plus faire parce qu'il y a une telle situation...
09:59C'est trop facile, il doit voir l'éducateur s'il n'est pas obligé de le faire.
10:02Ça ne suffit pas de voir un éducateur.
10:04Quand vous menacez quelqu'un comme ça, vous devez être sanctionné.
10:07Vous ne devez pas être éduqué.
10:09Je pense qu'il faut les deux.
10:10Il faut d'abord sanctionner et ensuite on recadre les choses pour que ça ne se reproduise pas.
10:14Mais à partir du moment où il n'y a pas la crainte de la sanction, ça recommencera.
10:17Il ne se passe rien.
10:18Souvenez-vous de l'affaire Elias ?
10:19Exactement.
10:20Oui, c'est vrai.
10:21Dans le 14e arrondissement qui est décédé, les gamins non seulement n'avaient pas le droit de se voir,
10:25mais aussi ils avaient un suivi avec des éducateurs.
10:27Qu'est-ce que vous voulez ?
10:28Franchement, ce n'est pas suffisant.
10:29Et puis quid des parents ? Parce que là, le père est dépassé, il n'arrive pas à maîtriser son enfant.
10:33Quand vous avez un enfant qui a 15 ans, a priori vous devez le maîtriser.
10:36Et si vous n'y arrivez pas, ça peut arriver, c'est à vous de saisir les services sociaux avant qu'il y ait des débordements.
10:41A priori, vous êtes titulaire de l'autorité parentale.
10:45Bien sûr, mais est-ce que les services sociaux peuvent accompagner les parents qui se sentent dépassés par la situation ?
10:50Les personnes qui suivent ces questions-là, je pense, sur le plan de la justice,
10:56Mme Brugère, qui suit beaucoup, qu'on reçoit régulièrement,
10:59le diagnostic est fait.
11:01Les moyens pour y répondre, on les connaît.
11:03Il faut à la fois une réponse judiciaire très rapide et proportionnée,
11:08c'est-à-dire qu'il y ait véritablement une sanction,
11:11que l'adolescent voit bien que la société réagit et qu'il est sanctionné,
11:15que ça ne peut pas se passer comme il le souhaite,
11:18et qu'il y ait d'ailleurs un chemin éducatif, socio-éducatif, qui se mette en place.
11:22Nous savons comment faire.
11:23Déjà, il faut arrêter la césure, il faut une volonté politique.
11:27Mais avec la césure décidée par Mme Belloubet, où d'abord on a une première audience,
11:31pour Elias c'était le cas, première audience en octobre, deuxième audience en juin,
11:35si déjà on en avait une seule, comme le proposait Gabriel Attal, je pense que ça irait déjà mieux.
11:39Et le pire dans cette césure, c'est que le jeune sort de la première audience
11:42où on lui dit qu'il est donc coupable, la culpabilité est prononcée,
11:45mais la sanction est renvoyée 6-8 mois après.

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