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00:00Bonjour sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le chercheur au centre des études de sécurité de l'IFRI, Léo Péria-Pénier.
00:07Bonjour Léo Péria-Pénier.
00:09Bonjour monsieur.
00:10Bienvenue sur Europe 1, l'IFRI c'est l'Institut français des relations internationales.
00:13Vous êtes spécialiste des questions d'armement et d'industrie de défense,
00:17auteur d'une géopolitique de l'armement, instrument et reflet des relations internationales aux éditions Le Cavalier Bleu.
00:23Alors nous serions entrés dans l'ère du réarmement européen, comme l'a dit il y a deux jours Ursula von der Leyen.
00:29Et en ce qui concerne la France, Emmanuel Macron a montré hier soir, lors de son allocution,
00:34un graphique qui montre la trajectoire qu'il souhaite pour le budget des armées.
00:39On est aujourd'hui à 50 milliards par an pour la défense.
00:42L'objectif ce serait 70 milliards d'euros d'ici 2030.
00:45D'abord, est-ce que vous y croyez, vous Léo Péria-Pénier, à ce réveil européen, ce réveil de la défense ?
00:51Je vous cite Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation.
00:53Il disait hier, j'attends de voir, je ne suis ni optimiste ni pessimiste.
00:57C'est étonnant à la part d'un patron de la défense, d'une entreprise de défense.
01:01En fait, c'est plutôt compréhensible par rapport à toutes les annonces qui ont été faites,
01:06toute la communication qui a pu être faite depuis trois ans au sujet de la défense et de l'armement,
01:10où il y a peut-être eu beaucoup, beaucoup de discours et de communication et un peu moins d'actes concrets.
01:17Maintenant, il n'y a qu'une chose à espérer, c'est que les choses adviennent,
01:21puisque si ce qui s'est passé ces deux dernières semaines ne réveille pas la France,
01:26mais aussi l'Europe de ce point de vue-là, on se demande ce qu'il fera.
01:29Alors justement, si on porte réellement le budget de la défense à 3, 3,5, peut-être 4% du PDI,
01:36qu'est-ce qu'il faudrait prioritairement acheter ? Que voudraient les militaires ?
01:40Est-ce que c'est plutôt de la masse, la quantité de matériel ou bien plutôt de la haute technologie, Léopère Iapenier ?
01:47En fait, l'avantage qu'on a en tant que Français, c'est qu'on a une armée qui est déjà assez nombreuse,
01:52donc une des plus nombreuses d'Europe, ce qui fait que là, ce qu'il va falloir faire,
01:56c'est l'équiper en conséquence pour qu'elle soit, disons, prête à affronter un conflit.
02:01Ça veut dire qu'elle ait suffisamment de munitions, qu'elle ait suffisamment de plateformes,
02:05donc de véhicules, d'avions, de navires, et qu'elle ait suffisamment de systèmes de soutien,
02:09donc des avions-radars, des navires-ravitailleurs ou des camions-ambulances,
02:15pour que chacun de ces plus de 200 000 militaires, s'il doit aller au feu, puisse y aller dans les meilleures conditions possibles
02:26et s'assurer que ce ne sera pas en vain.
02:28C'est plutôt de la quantité. Un deuxième porte-avions, des munitions, des tanks, des systèmes antiaériens,
02:34une dissuasion nucléaire plus importante, les militaires, qu'est-ce qu'ils voudraient concrètement, Léopère Iapenier ?
02:40Alors je pense qu'une chose parmi d'autres, mais qui me semble très importante en l'état,
02:44c'est par exemple des munitions simples et complexes, en suffisamment grande quantité,
02:48pour pouvoir s'entraîner, pour pouvoir tenir plus que quelques jours de consommation intensive,
02:54et derrière, en fait, une filière industrielle qui puisse fournir en assez grande quantité.
03:01Oui, on se rappelle ce qu'avait révélé le journal l'Opinion en 2022,
03:04c'est que dans un engagement majeur de haute intensité type Ukraine,
03:08l'armée française parviendrait à tenir en tout et pour tout un front d'à peine 80 km.
03:13Elle serait en capacité, l'armée française, de déployer un corps armé de seulement 25 000 hommes.
03:18Ça paraît très très peu, quand même.
03:22Alors, ces chiffres-là, ils ont un petit peu évolué, je pense, depuis.
03:27Il faut aussi voir ça à l'échelle de l'Europe. La France n'a pas à tenir tout le front toute seule.
03:31La France, si elle doit s'engager face à la Russie, le fera en coalition.
03:35Et je pense que c'est vraiment très important de le garder en tête.
03:37Maintenant, l'essentiel, c'est que cette portion du front qui soit tenue par la France,
03:41qu'elle soit de 25, 50 ou 100 km, elle le soit de manière efficace
03:46et qu'elle le soit de la manière la plus économe en vie possible.
03:49Alors, on sait aussi que l'argent, ça ne fait pas pousser les missiles ou les tanks.
03:53Est-ce qu'on a une industrie de défense qui est capable d'assumer une éventuelle augmentation rapide des cadences ?
03:59On sait que, par exemple, Dassault a beaucoup de mal à monter en cadence avec le Rafale.
04:03On l'a vu aussi avec le canon César. L'industrie de défense est-elle en mesure de répondre ?
04:11C'est la question qu'on se pose depuis trois ans.
04:13Et il s'est avéré que la meilleure des façons d'y répondre, c'était d'abord de commander.
04:18Ce qui manque, en fait, aujourd'hui, dans l'industrie de défense, c'est d'abord des commandes
04:22où il y a très souvent eu des accélérations de livraison.
04:25L'État a demandé aux industriels de livrer en cinq ans, en deux ans, ce qui devait être livré en cinq, par exemple.
04:30Mais sans forcément faire de commandes ensuite.
04:33Ce qui fait que les cadenas de commandes sont réduits à deux ans au lieu de cinq ans auparavant.
04:38Et dans beaucoup de domaines, il y a eu soit très peu de commandes sur numéraire,
04:43soit simplement les commandes qui étaient prévues dans la LPM actuelle, voire même dans la loi de programmation précédente.
04:50Mais est-ce qu'il ne faudrait pas craindre, à l'échelle européenne, en cas d'un effort budgétaire massif,
04:54comme par exemple envisagent les Allemands,
04:57est-ce qu'il ne faudrait pas craindre que cet argent, finalement, ne profite pas à la défense européenne,
05:02qu'il parte plutôt là où il y a éventuellement du matériel sur étagère, les États-Unis ?
05:07On l'avait vu pour ce qui concerne la Pologne avec les tanks,
05:10elle était allée les acheter et aller les chercher en Corée du Sud.
05:13Est-ce que, véritablement, il y a là une aubaine pour l'industrie de défense européenne ?
05:18A priori, oui, puisque l'industrie de défense européenne, dans son ensemble,
05:22a des éléments pour remplacer l'essentiel des systèmes américains présents en Europe,
05:30à l'exception peut-être des avions de combat les plus avancés.
05:33Encore que, il faut se poser la question de quoi avons-nous besoin pour faire face à la Russie en cas de conflit ?
05:40Et de quoi avons-nous besoin ?
05:43Comme je vous l'ai dit, avant tout une munition de plateforme.
05:46Maintenant, ce qu'il va falloir aussi, c'est un gros effort sur la défense antiaérienne, notamment.
05:50Ça va être un gros effort aussi sur des choses qui ne sont pas forcément matérielles.
05:54Par exemple, c'est mettre un coup de collier sur ce qu'on appelle la mobilité européenne,
05:58à savoir faire en sorte de pouvoir transférer d'un bout à l'autre du continent du matériel et des hommes
06:05assez rapidement en harmonisant les normes et les infrastructures.
06:09Merci beaucoup Léo Perrier-Pénier. Je rappelle que vous êtes spécialiste des questions d'armement et d'industrie de défense à l'IFRI.
06:15Je rappelle le titre de votre ouvrage, Géopolitique de l'armement, instrument et reflet des relations internationales.
06:20Merci d'être venu ce matin sur Europe 1.
06:22Merci à vous.
06:23Il est 7h18 sur Europe 1.

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