La proposition de loi pour lutter contre le “narcotrafic” et contre la criminalité en générale, votée le 29 janvier dernier en première lecture au Sénat, prévoit l'instauration d'un procès-verbal distinct de la procédure officielle et appelé “dossier coffre”, pour rendre plus secrètes les techniques d'enquêtes policières. Ce principe fait bondir les avocats, à qui seraient ainsi cachés les dénonciations de témoins, les surveillances et écoutes téléphoniques, entre autres.
“Permis de tricher”
Les sénateurs ont d’ailleurs bien compris et ont garantis ces exigences limitatives de droits de la défense, en votant, en première lecture, en faveur de cette création du “dossier coffre”. Pour éviter que les trafiquants sachent comment les enquêteurs les surveillent, les sénateurs ont proposé de ne rendre accessible aux avocats que le résultat des investigations, en laissant confidentiels les procès-verbaux qui détaillent les techniques d’enquêtes comme l’utilisation des déclarations des indicateurs (indics), des agents infiltrés et toutes les techniques de surveillance qui sont pourtant, et théoriquement très règlementées.
L’avocat Maître Jean-Yves Le Borgne révèle ce texte
Le célèbre avocat pénaliste parisien et ancien bâtonnier Maître Jean-Yves Le Borgne, qui fut récemment l’un des défenseurs du président de Région Ary Chalus dans son procès en appel concernant ses comptes de campagne 2015, estime que ce texte “est un véritable scandale”. Il a expliqué pourquoi lors d’une conférence le 27 février dernier lors d’une conférence qu’il a donné devant les avocats du barreau de la Guadeloupe. Reportage de –Richard Garnier-.
“Permis de tricher”
Les sénateurs ont d’ailleurs bien compris et ont garantis ces exigences limitatives de droits de la défense, en votant, en première lecture, en faveur de cette création du “dossier coffre”. Pour éviter que les trafiquants sachent comment les enquêteurs les surveillent, les sénateurs ont proposé de ne rendre accessible aux avocats que le résultat des investigations, en laissant confidentiels les procès-verbaux qui détaillent les techniques d’enquêtes comme l’utilisation des déclarations des indicateurs (indics), des agents infiltrés et toutes les techniques de surveillance qui sont pourtant, et théoriquement très règlementées.
L’avocat Maître Jean-Yves Le Borgne révèle ce texte
Le célèbre avocat pénaliste parisien et ancien bâtonnier Maître Jean-Yves Le Borgne, qui fut récemment l’un des défenseurs du président de Région Ary Chalus dans son procès en appel concernant ses comptes de campagne 2015, estime que ce texte “est un véritable scandale”. Il a expliqué pourquoi lors d’une conférence le 27 février dernier lors d’une conférence qu’il a donné devant les avocats du barreau de la Guadeloupe. Reportage de –Richard Garnier-.
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00:00Le jeudi 27 février dernier, donnant une conférence devant les avocats du barreau de la Guadeloupe,
00:08l'ex-vice-bâtonnier de Paris, maître Jean-Yves Leborgne, parlait du dossier coffre,
00:14cette mesure de procès verbal distinct, qui a été votée en première lecture par les sénateurs et
00:20qui cacherait les enquêtes policières en matière criminelle et en bande organisée aux avocats.
00:26Avez-vous vu le dernier texte qu'a voté le Sénat ? Première lecture. Enfin, compte tenu du contexte,
00:33je ne serais pas absolument surpris que ça soit voté en termes identiques par l'Assemblée
00:39nationale. Ce qu'on a appelé les dossiers coffre. Les dossiers coffre, il y aurait donc un dossier
00:46secret dans lequel seraient expliqués les renseignements qui ont permis l'interpellation
00:53de votre client, les sonorisations inavouables dont il aurait fait l'objet, le fait que sa voiture
00:59aurait été piégée pour qu'on sache où il allait, à quelle heure, et vous n'en sauriez rien. Seul le
01:05magistrat connaîtrait ces éléments d'enquête, donc insusceptible d'être débattu comme conforme
01:12au droit ou pas conforme au droit. Ce dossier coffre est quelque chose qui est un véritable
01:17scandale. J'avais fait avec un confrère une petite tribune, ce n'est pas vieux ça,
01:22ça a quelques jours cette histoire, ça a dû être voté je pense début février,
01:27quelque chose comme ça. À part les confrères qui ont été sensibles à cet aspect des choses,
01:32je pense que dans la population, ça ne fait pas bouger du personne. Il y a quelque chose
01:40qui me paraît intéressant sur le dossier secret, c'est l'affaire Dreyfus. Je ne sais pas si vous
01:47avez souvenir le premier procès Dreyfus en 1894, là où il est condamné au bague. Au moment où le
01:57tribunal militaire va se retirer pour délibérer, un militaire bien propre sur lui en uniforme
02:03vient voir le colonel et lui donne un dossier. Qu'y avait-il dans ce dossier ? On ne le saura
02:10jamais. Or le tribunal, partant au délibéré, est parti avec ce dossier. Je dirais que cette honte
02:15judiciaire, surtout dans le contexte de l'affaire Dreyfus, dont on sait ce qu'il y a lieu de penser
02:20parce qu'on connaît la suite et puis puisqu'on connaît le contexte aussi, démontre ce que
02:24porte, ce que supporte cette idée de dossier coffre et de dissimulation des éléments. N'allons pas
02:35tellement plus loin parce que Dreyfus, c'est vieux, mais on a tous entendu parler de l'affaire
02:43Bismuth où Sarkozy, on peut prononcer les noms, tout le monde connaît l'histoire, s'entretient
02:51au téléphone avec son avocat. On dit dans un premier temps, on a osé dire, ce n'est pas son
02:58avocat puisqu'il n'est pas poursuivi. Donc il s'entretient certes avec un avocat, mais on ne peut
03:05pas dire qu'il s'entretient avec son avocat parce que pour avoir un avocat, il faut être mis en
03:10examen ou à la limite au moins convoqué dans un service de police. Là, il n'y a rien du tout. Donc
03:16il parle avec un vieux copain et puis on n'en parle plus et on s'arrête là. Puis il y a eu toute
03:22la procédure qui a été faite sur les écoutes puisque ce procès n'existerait pas s'il n'y avait
03:29pas ces écoutes. Et vous avez cette phrase qui a été reprise à tous les niveaux du tribunal,
03:35« Rien ne faisait obstacle au placement sous interception téléphonique de la ligne Bismuth ».
03:42Ça c'est le mystère et le stratagème de l'affirmation. Pourquoi c'est possible ?
03:51On ne va pas vous le dire. Rien ne l'interdisait et en réalité, la conclusion c'est que l'entretien
04:00entre un quidam et son avocat est secret, sauf si au cours de cet entretien, on s'aperçoit que
04:10l'avocat participe à une action illégale. Il n'y a qu'un malheur, c'est que pour savoir s'il participe
04:18ou s'il ne participe pas, il faut d'abord commencer par écouter. De telle sorte que cette
04:28circonvolution aboutit à dire qu'on peut très bien écouter un avocat et son client. Après,
04:34de temps en temps, on nous dit que le secret c'est la garantie primordiale du procès équitable. Mais
04:40il n'est pas pour autant intangible. C'est la formule d'une hypocrisie extraordinaire où l'on
04:47dit d'un côté que certes, c'est éminemment respectable et la condition du procès équitable.
04:53Mais en fond, ça n'a pas d'importance. Ça me rappelle, M. le bâtonnier, nous y étions,
04:58le fait que le procureur général nous disait il y a trois jours ou quelque chose comme ça,
05:03que le dépassement du délai raisonnable, évidemment, c'était fâcheux. C'était
05:08fâcheux et ça aboutissait à un dossier dont la crédibilité, la certitude, la fiabilité
05:15étaient un peu discutables. Mais ça n'atteignait en rien la validité du dossier. Bien sûr,
05:20c'est dans les catégories du procès équitable. Autrement dit, c'est pas équitable. J'allais
05:26dire mais on s'en fout. Voilà. Et je pense qu'il y a un vrai problème entre l'affirmation des
05:34principes et la réalité judiciaire qui est peu à peu corrodée et un peu marquée par ce désir de
05:43punir comme si le désir de punir était l'alpha et l'oméga de la délinquance. Alors c'est un peu
05:50ce qui s'entend ici ou là. Il suffit de poser que la répression va s'intensifier et à partir de là,
05:58la délinquance terrifiée va se réfugier dans la vertu et la société sera apaisée. Et pour aller
06:06plus loin et pour mieux comprendre ce qui se cache derrière ce texte actuellement navette
06:11parlementaire, à lire cet article en page 19 de votre quotidien France Entier de ce jeudi 6 mars.