Emmanuel Macron est en visite aux Etats-Unis pour convaincre Donald Trump de ne pas abandonner l'Ukraine et l'Europe. Regardez l'analyse de Philippe Etienne, ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis (2019-2023) et ancien ambassadeur de France en Allemagne (2014-2017).
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 25 février 2025.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 25 février 2025.
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00:00RTL Matin
00:03Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:05Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud.
00:07Il y a quelques heures, Emmanuel Macron était dans le bureau ovale de Donald Trump à la Maison Blanche.
00:11Philippe Etienne a notamment été ambassadeur de France aux Etats-Unis.
00:14Il connaît bien les deux hommes.
00:15Alors ce matin, Amandine, vous avez eu envie d'avoir son décryptage de tout ce qui s'est passé.
00:19Bonjour et bienvenue à vous.
00:20Bonjour.
00:21Bonjour Philippe Etienne et merci d'être là ce matin.
00:23Un mot d'abord peut-être de la forme.
00:25Donald Trump a commencé la conférence de presse d'hier soir
00:28par des louanges sur l'amitié entre la France et les Etats-Unis,
00:31sur son amitié aussi avec Emmanuel Macron.
00:34Un « mon ami », c'est comme ça qu'il l'appelle et il l'a répété à plusieurs reprises.
00:37Est-ce que tout cela est vraiment sincère ?
00:40Oui, je crois qu'il y a, malgré les divergences réelles de fond dont on parlera après,
00:45il y a une vraie relation personnelle qui était tissée entre les deux présidents
00:50dès le début, dès l'élection d'Emmanuel Macron, le suivant de ce mois.
00:53Et vous avez assisté à la naissance de cette relation puisque vous étiez conseiller diplomatique d'Emmanuel Macron.
00:57Tout à fait. Et quant à l'histoire, la référence à l'histoire,
01:00aussi bien l'indépendance américaine dans l'année prochaine,
01:03c'est le 250e anniversaire de la déclaration d'indépendance,
01:06que la libération en 1944-45, le D-Day,
01:11ce sont des références obligées mais ça compte quand même.
01:14Ça compte vraiment.
01:15Et ça compte ces relations d'amitié, si j'ose dire, entre présidents ?
01:18Bien sûr. Oui, c'est ce qui permet d'avoir un dialogue hier.
01:21C'est ce qui a permis à Emmanuel Macron dans le bureau Oval
01:26de dire que c'est la Russie qui est l'agresseur
01:29et qu'il a un moment dit que l'Europe a fait 60% de l'aide,
01:33tout en ayant une vraie conversation de fond
01:36et en esquissant des convergences sur le fond,
01:39c'est-à-dire le cessez-le-feu, les garanties de sécurité.
01:41Sans ce lien, c'est impossible de discuter avec Donald Trump ou pas ?
01:45Ou c'est compliqué ?
01:46Alors, chaque dirigeant étranger s'adapte.
01:50On l'a vu récemment avec les dernières visites
01:53des différents dirigeants, le roi de Jordanie, le Premier ministre indien.
01:56Mais je crois que c'est un atout pour nous et donc pour les Européens
02:01que les présidents Macron et Trump aient cette relation
02:06depuis déjà 2017, depuis le premier mandat.
02:08Venons-en au fond.
02:10Emmanuel Macron a évoqué des échanges extrêmement fructueux, je le cite,
02:13des avancées substantielles.
02:15On a l'impression, c'est vrai, qu'on avance sur cet accord
02:18entre les États-Unis et l'Ukraine sur les minerais et sur les terres rares.
02:21Donald Trump l'a dit, il va recevoir le président Zelensky dans les prochains jours.
02:25Qu'on avance aussi sur la mise en place d'une force de paix européenne
02:29sur le sol ukrainien.
02:31En revanche, ça reste plus flou sur le cessez-le-feu, à proprement parler,
02:35sur la fin de la guerre, je me trompe ?
02:37Alors, je pense que, effectivement, le fait que le président Zelensky
02:40vienne bientôt à Washington, c'est important et c'est positif
02:43après tout ce qui a été dit par le président Trump
02:45contre le même président Zelensky
02:47et au moment où le président Poutine, l'admire Poutine,
02:50dans son interview d'hier, a de nouveau mis un peu de l'huile sur le feu
02:56en disant que...
02:57Il est toxiqué.
02:58Voilà.
02:59On voit très bien ce que le régime russe cherche à cet égard.
03:03Après, ce qui est important aussi, c'est qu'effectivement, il y a eu cette discussion
03:09parce que nous avons dit, nous disons au président américain
03:11et le président français a dit au président américain
03:13nous sommes comme vous, nous voulons la paix d'abord,
03:18nous voulons un cessez-le-feu, l'arrêt de ces souffrances rapides,
03:22alors qu'on voit bien que le président Poutine, de son côté,
03:26lui, il dit que ça va prendre du temps.
03:28Donc ça, c'est important parce que le président Trump veut aussi quelque chose de rapide
03:31et dire qu'il faut que ce soit durable et donc qu'il faut ces garanties.
03:36Et c'est là où, notamment au début de l'entretien,
03:39le président Trump a dit pourquoi pas des troupes de garantie de la paix
03:44et j'en ai même parlé au président russe qui est d'accord.
03:49Est-ce que vous avez l'impression que Donald Trump est un peu moins pro-russe qu'il y a quelques jours ?
03:55Je pense qu'il reste très intéressé comme dirigeant fort des Etats-Unis
04:03pour établir une relation avec la Russie, avec la Chine.
04:08Ça, ça reste et c'est ce qui explique ce qui s'est passé aux Nations-Unies aussi.
04:12Mais ce que nous, Européens, parce qu'au-delà de la France,
04:15le président Macron représente aussi le point de vue des Européens.
04:18D'ailleurs, étant dû au Royaume-Uni, le Premier ministre britannique sera aussi à Washington jeudi.
04:22Il y a des échanges très étroits.
04:24Vous avez vu aussi les dernières déclarations, les premières déclarations
04:27après l'élection allemande du futur nouveau chancelier allemand.
04:30Ce qu'on doit faire, nous, c'est continuer à soutenir l'Ukraine
04:34et c'est avoir ce discours cohérent, uni avec les Américains, avec le président Trump
04:40sur les garanties de la paix.
04:41Mais on est sûr que cette paix ne se fera pas au détriment de l'Ukraine à l'issue de cette réunion ?
04:44Mais c'est l'enjeu, c'est l'enjeu.
04:47Rien n'est certain tant qu'il n'y a pas cet accord.
04:50Et cet accord, il est loin d'être fait compte tenu de la position russe.
04:54Ce qui est important, c'est de se rapprocher des Américains
04:57sur ces sujets qui sont extrêmement délicats,
05:00y compris comment eux peuvent intervenir s'il y a des troubles de garantie de la paix, etc.
05:07Et l'autre chose importante qui nous rapproche aussi,
05:10c'est qu'on dit, et le président Macron l'a dit à Washington hier,
05:13les Européens ont décidé de faire beaucoup plus pour leur défense,
05:17de prendre en main leur défense.
05:18Ça c'est aussi très important et les choses bougent.
05:21Il y a un sommet européen le 6 mars,
05:23il y a des idées qui émergent pour non pas commencer la défense européenne,
05:27parce qu'il y a déjà des lombrillons de budget, etc.
05:30mais pour vraiment changer d'échelle.
05:33Et accélérer sans doute les choses.
05:34Philippe Etienne, il y a une question à laquelle Donald Trump n'a pas répondu,
05:37ce qu'il avait promis à Vladimir Poutine.
05:40Qu'est-ce qu'il lui a promis en échange de tout ça, à votre avis ?
05:44Alors, qu'est-ce que...
05:46Donald Trump a promis à Vladimir Poutine.
05:49Ce que Donald Trump apporte à Vladimir Poutine, on le sait,
05:53c'est la réouverture de ce dialogue,
05:55c'est le fait que dans les instances internationales,
05:58les Etats-Unis, finalement,
06:01votent des textes très très généraux,
06:04sans rappeler qui est l'agresseur, ça c'est clair.
06:07La question se pose...
06:09Mais c'est déjà une ouverture qu'il apprécie beaucoup.
06:12Regardez ce que Vladimir Poutine a dit hier.
06:15La question se pose aussi sur ce que Vladimir Poutine est prêt à donner à Donald Trump.
06:21Et là c'est très intéressant aussi,
06:22parce que finalement, ce que le président russe a l'air de vouloir donner,
06:26c'est plutôt des avantages économiques.
06:28Sur la paix en Ukraine, encore une fois, ça va prendre du temps.
06:32Et c'est là où le président Trump, lui, il veut quelque chose de rapide.
06:35Et maintenant, vous qui connaissez parfaitement ces dossiers,
06:38vous connaissez aussi le jeu diplomatique,
06:40qu'est-ce qui va se passer dans les prochains jours ?
06:42Vous y croyez quand Emmanuel Macron dit cette nuit
06:45on aura peut-être une trêve dans les prochaines semaines ?
06:47On aura sans doute une trêve dans les prochaines semaines ?
06:49En tout cas, ça doit être l'objectif commun,
06:52et c'est d'où l'importance que cette visite ait eu lieu,
06:56auquel il faut parvenir entre les Européens et les Américains,
07:01avec les Ukrainiens.
07:02On a l'impression que c'est de la méthode trouée.
07:03On se dit, allez, ça va intervenir, ça va intervenir,
07:05et puis peut-être que ça va arriver.
07:06On n'a pas forcément l'impression qu'il y croit vraiment.
07:08Si ?
07:09Je pense que nous n'avons pas le choix.
07:11Cette guerre dure depuis trois ans.
07:14Là où nous sommes d'accord avec le gouvernement américain,
07:18c'est qu'elle a créé beaucoup de souffrance,
07:22c'est que nous sommes donc d'accord pour qu'il y ait un accord de paix,
07:25mais nous ne sommes pas d'accord pour n'importe quel accord de paix,
07:27parce qu'il faut que cet accord tienne,
07:29et il faut que les garanties de sécurité qui seront données à l'Ukraine
07:32dissuadent la Russie de recommencer la guerre.
07:35Juste d'un mot, Philippe Etienne,
07:37Emmanuel Macron a-t-il ou non réussi ?
07:40C'est la question que beaucoup d'observateurs se posent.
07:42La réponse, on ne l'aura qu'une fois que cet accord de paix sera signé ?
07:45Ce qu'on peut dire, c'est que la visite elle-même a réussi,
07:48parce que de toute façon,
07:50personne ne s'attendait à ce que les deux présidents français-américains
07:54se mettent d'accord sur un plan détaillé,
07:56qui n'existe pas encore.
07:58Il faut des discussions, on voit l'attitude un peu dilatoire de Moscou.
08:01Mais au moins cette visite, qui était compliquée,
08:04qui était difficile, a rempli, je crois, son objectif.
08:08Merci beaucoup Philippe Etienne d'être venu nous voir ce matin.
08:11Merci, revenez, on aime bien vos explications.