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Direction le Maroc pour une mise à jour du code de la famille aussi appelé : MOUDAWANA qui depuis 1958 édicte les règles du statut personnel et de la filiation…

Si cette MOUDAWANA  est jugée comme étant une révolution pour les droits des femmes… il ne faut pas s’y tromper… toutes les mesures ne sont pas émancipatrices pour les marocaines  … je vous explique... 

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Éducation
Transcription
00:00En effet, direction le Maroc pour une mise à jour du Code de la Famille, aussi appelé
00:04Moudawana, qui depuis 1958, édicte les codes du statut personnel et de la filiation.
00:10Alors, si cette Moudawana est jugée comme étant une révolution concernant le droit
00:14des femmes, il ne faut pas s'y tromper car toutes les règles ne sont pas émancipatrices.
00:17Je vous explique, il y a déjà eu une première petite réforme en 1993 concernant cette Moudawana,
00:24la deuxième date de 2004, elle était jugée plus impactante, on le voit sur ces images,
00:28les Marocaines descendaient dans les rues pour manifester, revendiquer leurs droits.
00:32D'ailleurs en 2004, elles se sont vues accorder le droit de choisir librement leur mari ou
00:37encore de demander le divorce sans leur accord.
00:39Mais ce qui nous intéresse, c'est la dernière mise à jour de décembre 2024, où après
00:43plus de deux ans de consultations politiques et religieuses, une vingtaine de suggestions
00:48ont vu le jour.
00:49A l'ordre des consultations, garde d'enfants, héritage, âge légal du mariage ou encore
00:54polygamie.
00:55Alors à date, c'est un premier texte qui propose des modifications du code de la famille,
01:00mais nous restons dans l'attente des conclusions du Parlement et de leurs propositions de loi.
01:04Alors pourquoi une nouvelle réforme a vu le jour alors que ça faisait 20 ans qu'on l'attendait ?
01:09Alors Virginie, c'est à la fois une demande de la société civile mais aussi des mouvements
01:12féministes car depuis les mesures de 2004, elles n'étaient pas toujours respectées,
01:17parfois détournées et aussi jugées vieillissantes, notamment sur le sujet de l'âge légal du
01:23mariage, de l'héritage ou de la polygamie.
01:25Mais quand je disais en début de chronique « attention », c'est que cette vingtaine
01:28de suggestions qui ont vu le jour en décembre 2024, elles ont été toutes annoncées comme
01:33étant des nouveautés.
01:34En revanche, ce n'est pas le cas.
01:35Si on prend l'exemple de l'âge légal du mariage au Maroc, il est fixé à 18 ans,
01:39celle-ci est apparue comme étant une nouveauté.
01:41Pourquoi ? Et bien parce qu'il y a eu des tournements.
01:43En effet, les juges peuvent accorder des dérogations et donc les hommes peuvent se marier avec des
01:48jeunes filles mineures.
01:49Parce que le plus difficile dans ces révisions, c'est de trouver le bon équilibre entre
01:53l'évolution des mœurs de la société et également le cadre religieux, autrement
01:57dit entre les mouvements féministes et les zoulémas.
02:00Et les zoulémas, ce sont ces experts, ces juristes en droit musulman.
02:03Alors qu'est-ce qui va changer pour les femmes avec cette révision du code de la famille ?
02:07Alors plusieurs choses, on va en citer quelques-unes aujourd'hui.
02:10Déjà, les inégalités sur l'héritage persistent, mais il y a quand même quelques modifications.
02:14Je vais vous en donner quelques exemples.
02:16Déjà, une veuve ne sera plus exclue du domicile conjugal.
02:19Les parents pourront doter leur fille de leur vivant, donc ça c'est plutôt positif pour
02:23les filles.
02:24Le mari pourra transmettre son héritage à sa femme non musulmane ou à ses enfants
02:27adoptés.
02:28Et la grande mesure de cette Moudawana, c'est celle de la parité dans les gardes d'enfants.
02:33Car les femmes pourront avoir leur garde d'enfants pendant le mariage, en cas de divorce ou
02:37de remariage.
02:38Ce n'était pas le cas jusqu'alors.
02:40C'est un véritable changement pour les femmes.
02:43Comme l'explique Meryem, qui est mère de famille marocaine, mère de deux enfants.
02:47On l'écoute dans un reportage de Mathias Reynal sur France Inter.
02:51Il a demandé la garde des enfants.
02:53Les enfants étaient battus, un harcèlement psychique, ils voulaient savoir ce que je
02:59faisais à la maison.
03:00Selon ma fille, il me disait qu'il nous enfermait dans la cuisine pour avoir des réponses à
03:06ces questions.
03:07C'est quelque chose qui a bouleversé ma vie en fait.
03:09Je dirais que c'est une révolution.
03:11On a la chance.
03:12Imaginez qu'aujourd'hui on dit que c'est une chance de garder nos enfants, même après
03:15un mariage, que la maman peut refaire sa vie.
03:18Le roi a dit, c'est bon.
03:19Je pense que même s'il y a encore d'autres processus, c'est officiel.
03:24Pour moi, je pense que c'est comme ça.
03:26C'est décidé, c'est dit et ça sera bientôt fait.
03:30Aujourd'hui, on est résilients, on peut dépasser, on peut se projeter dans l'avenir,
03:35on peut vivre quand même et survivre surtout.
03:38C'est quand même un changement notable pour ces femmes.
03:40Les femmes marocaines n'auront plus à choisir entre être une femme ou une mère et c'est
03:44aussi une façon d'assurer la protection de l'enfant.
03:46Pour Maitre, elle, Amrani, qui est avocate au barreau de Casablanca, je cite, la parité
03:51dans la tutelle est une révolution pour les femmes.
03:53Elles sont tout simplement mises à contribution dans la vie administrative de leurs enfants,
03:57elles deviennent actrices et donneuses d'ordre aussi et encore une fois, c'est une preuve
04:01de l'abolition officielle du patriarcat puisqu'elles auront les mêmes droits que le papa.
04:07Alors côté polygamie, elle est maintenue mais l'interprétation est plus difficile.
04:10Pourquoi ? Car la polygamie est édictée par les textes coraniques, c'est-à-dire
04:14par le Coran.
04:15Avec cette réforme, la polygamie est consolidée, par exemple, devra-t-elle être stipulée
04:19dans le contrat de mariage si la femme accepte ou pas la polygamie ?
04:23Alors comment est reçue cette réforme ? Je ne parlais pas que de la polygamie, je parlais
04:27de cette réforme dans son ensemble par la société marocaine.
04:30De quand les féministes jugent les textes pas assez ouverts, trop restreints ? Quant
04:34aux conservateurs, au contraire, les textes sont beaucoup trop libres et trop ouverts.
04:38Alors, quelle est la situation actuelle au Maroc face à cette réforme ? On va écouter
04:41Meriam Cheikh qui est chercheuse au centre d'études en sciences sociales sur les mondes
04:45africains, américains et asiatiques.
04:47Elle s'exprimait sur France Culture.
04:49Dans ce débat institutionnel inédit, on a finalement accouché d'une réforme que
04:55j'appellerais plutôt consensuelle, qui garantit un certain équilibre.
04:59Et le fait que l'on soit parti d'abord d'une discussion avec les différents acteurs
05:04de la société et que l'on soit arrivé en dernier lieu au Conseil des Oulémas a
05:08en quelque sorte un petit peu coupé l'herbe sous le pied des conservateurs, puisque finalement
05:15aujourd'hui le texte a été appuyé par l'ensemble des acteurs politiques, y compris
05:22les acteurs conservateurs, à l'exception du parti islamiste qui a émis des critiques.
05:31Quel bilan peut-on dresser à ce jour ?
05:33C'est ce qui est intéressant parce que tout n'est pas vraiment très clair.
05:36Et on peut aussi se demander quel est le rôle du roi du Maroc dans cette réforme qui a
05:40impulsé cette nouvelle réforme ? Alors voici ce que rapportait Rizlen Mamouni, qui est
05:44avocate et militante féministe au Maroc, concernant les engagements du roi.
05:48Alors le roi a surtout dit, moi ce que je retiens de la réunion de communication sur
05:54ces propositions, c'est qu'il a appelé les Oulémas, qui est le ministère chargé
05:59des affaires religieuses et qui est derrière toutes ces résistances un peu conservatrices,
06:04il leur a dit, je cite, « d'approfondir la recherche au sujet des problématiques
06:10du fait, donc de la jurisprudence religieuse, liées aux évolutions que connaît la famille
06:14marocaine et qui exige des réponses novatrices en phase avec les exigences de l'heure ».
06:20Et moi je me raccroche beaucoup à ça et j'espère que les Oulémas vont répondre
06:26à cette invitation et s'atteler au travail pour nous sortir des solutions qui sont autant
06:33conformes à nos traditions positives marocaines qu'au sens de la marche qu'on a déjà
06:40prise, c'est-à-dire de regarder vers l'avenir sans avoir peur.
06:43Alors, conclusion à date, on ne peut pas vraiment parler de révolution, de victoire
06:47sur le patriarcat, même s'il y a déjà quelques avancées.
06:49Pour les féministes, ces mesures ne sont pas suffisantes, on reste dans l'attente
06:53des votes et des décisions du Parlement.
06:55Alors oui à l'émancipation des femmes, oui à la reconsidération du droit des femmes
06:59lorsqu'il s'agit de l'améliorer, car une mesure positive pour le droit des femmes,
07:02c'est toujours un combat de gagné.

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