Il y a deux mois, cette catastrophe naturelle plongeait l’île dans une crise humanitaire et politique inédite. Comment les Mahorais se reconstruisent-ils ? Qu’avons-nous appris de ce tragique épisode ? Nous en discutons avec Julien Lecot, envoyé spécial à Mayotte fin janvier, et Lucie Alexandre, journaliste politique.
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00:00Aujourd'hui nous allons parler de Mayotte, deux mois après le cyclone Shido qui a frappé l'île et nous allons en parler donc avec
00:06Lucie Alexandre et Julien Lecaux. Salut à tous les deux, comment vous allez ?
00:10Salut, ça va ?
00:11Ça va très bien aussi.
00:12Vous êtes en pleine forme pour ce nouveau stream.
00:15C'est pas la première fois que vous apparaissez dans les streams de Libération.
00:18Lucie, on t'a déjà vue, toi surtout, sur les questions politiques puisque tu fais partie du service politique ici à l'IB.
00:23Et aujourd'hui c'est aussi pour ça que tu es avec nous, parce que tu vas surtout nous donner des éléments de réponse sur les
00:29nombreuses questions politiques dont Mayotte et le cyclone Shido ont été l'objet
00:35très rapidement finalement après ce cyclone. On aura l'occasion évidemment d'en parler. Et puis toi Julien, tu as été sur place
00:42à Mayotte.
00:43Notamment là il y a quelques semaines, c'était dès mi-janvier je crois que tu es que tu es retourné sur place ?
00:48Oui c'est ça, j'ai passé une grosse semaine là-bas autour du 20 janvier.
00:52Donc un peu plus d'un mois après le passage du cyclone.
00:55Tu étais également avec un photographe dont je vais vous montrer
00:58les photos tout de suite. En images à Mayotte, les ravages de Shido sous le regard de David Lemort, notre
01:03photographe qui est présent sur place et que tu as eu aussi l'occasion d'interviewer toi Julien.
01:08David, je l'avais interviewé quelques jours après le
01:12passage du cyclone parce que lui il avait aussi été très touché. La maison dans laquelle il vivait avait été détruite, il n'y avait plus de toit.
01:18Et donc il s'est retrouvé surtout les premières semaines dans une situation très bizarre où il était lui-même victime du cyclone.
01:23Il n'avait plus d'endroit où dormir.
01:25Il devait mettre en sécurité ses affaires chez des voisins, s'assurer qu'il n'y ait pas de pillages chez lui et en même temps documenter
01:31la catastrophe donc aller prendre des photos à droite à gauche.
01:35C'était des journées très intenses pour lui. Il fallait aussi qu'il trouve du réseau pour pouvoir envoyer ses photos.
01:41Donc il m'avait raconté un petit peu tout ça dans une interview et puis après une fois à Mayotte,
01:45fin janvier, j'ai pu bosser avec lui tous les jours. On a passé une semaine ensemble.
01:50Justement, fin janvier, quand tu y es retourné, avant aussi de reposer tout le contexte autour de ce cyclone,
01:56est-ce que tu peux nous décrire un peu quelle était la situation sur place ?
02:00Ouais, ben c'était...
02:03Disons que c'est paradoxal, on n'était plus vraiment dans l'urgence absolue comme ça avait été le cas lors des premiers jours.
02:08Il y avait à nouveau de l'eau robinée, de manière aléatoire parce qu'à Mayotte il n'y a pas d'eau tout le temps robinée.
02:14Il y avait à nouveau à peu près de l'électricité partout même s'il y a encore certaines personnes qui n'avaient pas d'électricité.
02:19Les barges, donc les bateaux entre les deux îles, parce qu'il faut comprendre qu'il y a une petite île, une petite terre,
02:24là où il y a l'aéroport et en gros les bâtiments de la préfecture,
02:27et grande terre là où il y a l'essentiel de la population.
02:31Et donc il y a une connexion entre ces deux îles
02:35qui fonctionne. Il faut prendre un bateau entre les deux îles. C'est très commun à Mayotte, sauf que les bateaux ont été endommagés.
02:41Donc dans les premiers jours, c'était très compliqué de prendre ces bateaux-là. C'était réservé aux soignants, aux policiers, etc.
02:47Et donc moi quand j'y suis allé, ça a refonctionné. Il y avait plus d'attentes que d'habitude, moins de bateaux que d'habitude, mais ça a refonctionné.
02:52Et globalement, on voyait quand même qu'il y avait eu un cyclone. Par exemple,
02:55déjà quand on prend ce bateau, on voyait qu'un peu partout il y avait des bateaux de pêche, des bateaux de particuliers qui étaient échoués sur la côte.
03:01Certains étaient complètement retournés, ça donnait l'impression qu'ils étaient tout légers et quelqu'un les avait balancés sur les côtes.
03:07Et ensuite sur la végétation, ça se voyait beaucoup, tous les arbres étaient cassés concrètement.
03:12Donc des arbres coupés en deux. Il y a une énorme densité de
03:16forêt à Mayotte, donc normalement on voit,
03:18quand on est au milieu de la forêt, on ne voit pas à quelques mètres, parce que les arbres sont ouverts.
03:23Alors que là, on voyait sur des centaines de mètres, toute cette densité avait été perdue.
03:27Mais les routes avaient été dégagées, on pouvait quand même circuler. Donc on était dans un moment où on voyait encore qu'il y avait une catastrophe,
03:33qu'il y avait eu le cyclone.
03:35Mais la vie reprenait petit à petit son cours.
03:37Et au niveau des bâtiments, il y avait beaucoup de bâtiments cassés, beaucoup de
03:41toits, par exemple, sur lesquels il y avait des bâches, ou des bâtiments qui étaient un peu laissés à l'abandon, le temps de...
03:46Il y avait d'autres priorités qui avaient été mises en avant.
03:50Et l'autre côté un peu bizarre, c'était tout ce qui est bidonvilles,
03:53qui étaient quasiment reconstruits à l'identique.
03:56Si on se baladait dans les bidonvilles, on pouvait presque pas savoir qu'il y avait eu de cyclone.
04:01Ça se voyait parce qu'il y avait des déchets un peu partout, parce qu'il y avait encore quelques habitations qui étaient détruites, mais vraiment,
04:06ils étaient totalement reconstruits, c'était assez impressionnant.
04:09Le 14 décembre 2024, c'est donc à ce moment que Mayotte a été frappée par ce cyclone Shido.
04:16Est-ce que tu peux peut-être nous réexpliquer aussi, à ce moment-là, qu'est-ce qu'on découvre et quelle est l'ampleur de ce cyclone ?
04:23Ça a été difficile les premiers jours de se faire une idée du cyclone, parce que Mayotte s'est retrouvée vraiment coupée du monde.
04:28Il y avait très très peu, voire pas de réseau téléphonique, plus d'internet, plus d'électricité, donc c'était très dur d'avoir des nouvelles.
04:34Moi, je sais que dès le 14 décembre, il se trouvait que c'était un jour où je travaillais, donc ça tombait bien.
04:38J'ai appelé plein de personnes que je connaissais à Mayotte, c'était très très dur d'avoir des retours,
04:42et les premiers retours que j'avais, c'était des personnes qui étaient sous le choc, qui se demandaient un peu ce qui venait de se passer.
04:47Tout le monde disait qu'il y avait eu des alertes sur le cyclone, depuis plusieurs jours on en parlait,
04:51mais personne ne s'imaginait que le cyclone allait frapper aussi violemment Mayotte.
04:55Habituellement, les cyclones, ils sont plutôt attrapés par Madagascar, qui protège un peu Mayotte,
05:00et donc c'est rare que Mayotte soit vraiment frappée par un cyclone, ou quand le cyclone arrive, souvent il a beaucoup perdu en intensité.
05:06Et donc là, tout le monde était surpris de ce qui venait de se passer.
05:09J'ai une dame que j'ai régulièrement au téléphone, qui me décrivait un peu ce qu'il y avait autour de chez elle.
05:13Elle me disait que les bidonvilles qu'elle voyait d'habitude depuis sa fenêtre étaient complètement rasées,
05:17qu'elle voyait beaucoup plus long que d'habitude, parce qu'il n'y avait plus de végétation, ce que je disais.
05:21Et elle, elle me racontait qu'elle avait commencé à passer le cyclone dans son salon avec des amis à elle,
05:27et qu'en fait très vite, elle a fini dans un couloir à se protéger, parce que la baie vitrée menacée de céder de son salon, elle avait fini par casser aussi.
05:36J'ai aussi un soignant, que j'ai assez régulièrement,
05:39qui lui avait passé la nuit à l'hôpital, et qui me racontait que l'hôpital était énormément touché. Et c'était pareil, c'était le choc, personne ne savait
05:45combien il pouvait y avoir de victimes, quels dégâts on allait trouver.
05:49Tout le monde était un peu paniqué, choqué, on ne savait pas trop...
05:54C'était vraiment un monde flou assez général,
05:57et c'était très très dur d'avoir des informations officielles, impossible de joindre évidemment la préfecture,
06:02impossible d'avoir un bilan, et même la préfecture devait avoir un mal fou à joindre ses services un peu partout à Mayotte.
06:08C'était vraiment le flou, et ce flou a duré assez longtemps.
06:11Je sais que
06:12pendant trois, quatre, cinq jours, c'était très très compliqué d'avoir du monde sur place.
06:16Les premières personnes que j'arrivais à joindre au début, soit ils n'avaient plus de batterie, soit ils n'avaient plus de réseau,
06:20ça fluctuait beaucoup, et c'était vraiment vraiment dur les premiers jours
06:25d'avoir des informations, et encore plus pour les gens sur place, j'imagine qu'ils étaient dans l'urgence de trouver un endroit où dormir, à manger, à boire.
06:32Dans ce flou, on a aussi rapidement scruté les réactions politiques, évidemment, et il y a quelqu'un
06:39qui a été un petit peu sous le feu des projecteurs à ce moment-là,
06:41c'était à ce moment le nouveau Premier ministre, il y a très peu de temps qu'il était Premier ministre, c'est François Bayrou,
06:46qui a été un petit peu critiqué de par son absence même à Mayotte.
06:53Oui, en fait, pour resituer pour les gens, c'est vrai que tout s'est un peu enchaîné, c'est-à-dire que le cyclone, c'est
07:01le 14 décembre, Bayrou est nommé le 13 décembre dans des circonstances un peu...
07:08Sa nomination, ça met du temps, on dit qu'il s'est quasiment
07:12autonommé, parce que finalement Macron ne l'avait pas choisi au départ.
07:17Et donc, tout ça est un peu...
07:20Le cyclone a lieu dans ce contexte, et en plus, c'est juste avant les fêtes et
07:26les vacances. Et donc, dans un premier temps, Bayrou, en fait, le week-end qui suit, donc c'est vendredi 13, samedi 14,
07:34ne se rend pas à Mayotte, et se justifie d'une façon un peu
07:40embourbée, on va dire, où il dit que
07:44Macron est à l'étranger et qu'il n'est pas d'usage que le Premier ministre et le Président de la République
07:50soient en même temps tous les deux à l'étranger. Bon, déjà, c'est pas très vrai, rien que ce truc-là.
07:56Mais en plus, du coup, il semble sous-entendre que Mayotte, c'est l'étranger et pas la France.
08:00Et il se justifie aussi en disant qu'il doit aller animer, donc,
08:04le conseil municipal de Pau, dont il est toujours maire à ce moment-là. Et du coup, voilà, il y a une espèce de
08:12de gap entre l'ampleur des dégâts qu'on ne connaît pas encore, mais quand même qui est une situation extrêmement difficile,
08:17et le Premier ministre qui renvoie un conseil municipal pour les fêtes.
08:21Donc, voilà, c'est les premiers pas de Bayrou, il se prend un peu les pieds dans le tapis, quoi.
08:26Mais ce qu'il faut aussi noter, c'est qu'à ce moment-là,
08:30et ça a des conséquences très importantes,
08:33et ça a des conséquences pour la suite, notamment ce dont on va parler, c'est-à-dire le projet de loi d'urgence pour Mayotte, qui, en fait,
08:39est élaboré en vitesse dans ces jours-là qui suivent le cyclone, c'est que les ministres qui sont
08:46en poste et qui travaillent dessus, donc notamment les cabinets, etc., sont des ministres
08:51démissionnaires, parce que le gouvernement de Michel Barnier a été renversé le 4 décembre par une motion de censure.
08:57Et donc, quand le cyclone a lieu, Bayrou vient d'arriver en poste, mais il a été nommé, mais lui,
09:02il n'a pas encore nommé son gouvernement, qu'il faudra attendre la veille de Noël, donc le 23 décembre.
09:07Donc, en fait, il y a dix jours où
09:09Bayrou vient d'être nommé. Donc, déjà, il débarque, il y a plein de dossiers quand on arrive à Matignon et, en plus, ses ministres à lui
09:15n'ont pas été nommés. Donc, du coup,
09:17c'est les anciennes équipes qui s'occupent des choses, quoi. Donc, il y a tout ce contexte qui fait que
09:24déjà, la situation est très compliquée et, en plus, elle est gérée dans un moment de flou du fait de la situation politique.
09:32Il y a une question aussi de Yann Amat dans le chat, sur ce moment aussi, qui dit
09:37il y a eu une récupération avec le thème de l'immigration, sans jamais parler du problème du changement climatique,
09:42ce qui était vraiment choquant, je trouve, qui nous dit Yann Amat. C'est vrai qu'on a rapidement parlé de cette question de l'immigration concernant...
09:47Oui, c'est vrai que le contexte dans lequel
09:51l'exécutif gouverne avec la droite,
09:54avec un peu cette menace du RN, c'est qu'il y a une espèce de course à l'échalote sur les sujets d'immigration.
09:59Et du coup, très vite, le sujet est pris par cet angle-là, parce qu'on a Bruno Rotailleau,
10:04ministre de l'Intérieur. Après, c'est Valls qui est nommé aux Outre-mer, qui est quand même connu pour être,
10:10on va dire, un peu à l'offensif sur les questions de l'immigration, donc qui, dès l'arrivée du projet de loi d'urgence pour Mayotte dans l'hémicycle,
10:18donne le point aux élus locaux. Il y a deux députés, en fait, de Mayotte à l'Assemblée. Il y en a une qui est Lyotte
10:26Estelle Youssoupha, qui
10:29tient un discours quand même très dur sur l'immigration, qui met ce sujet très en avant. Et il y a une élue Rassemblement National, donc elle, qui
10:37vraiment n'est à peu près que là-dessus. Et le RN aussi, qui, comme la France insoumise, en gros, dans les Outre-mer, de façon générale, à Mayotte
10:44en particulier,
10:45le camp préhédentiel, la droite, les parties traditionnelles, sont de plus en plus faibles. Et ce qui monte, c'est donc plutôt LFI
10:51et le RN, sous des angles un peu contestataires. Et le RN à Mayotte est vraiment très très implanté, parce qu'il surfe sur ce discours
11:01contre l'immigration, qui prend vraiment beaucoup à Mayotte, parce que le sujet est effectivement important là-bas. Et du coup,
11:07le RN, sur le projet de loi d'urgence, par exemple, ils étaient
11:11en masse dans l'hémicycle, là où la plupart des autres camps n'étaient pas présents, parce que c'est vrai qu'il n'y avait pas trop d'enjeux
11:17sur ce texte, que tout le monde allait voter
11:19par nécessité, alors qu'il n'y avait pas de choses dedans.
11:23Pourquoi le sujet de l'immigration est autant un sujet là-bas, Julien ? Est-ce que les Mahorais t'en parlent aussi
11:29assez rapidement, quand tu les rencontres sur place ?
11:31Oui, c'est un sujet qui revient très souvent, très rapidement dans la bouche des Mahorais.
11:39Pour comprendre un peu pourquoi on en parle autant, il faut se dire qu'à Mayotte, il y a après la moitié de la population qui est étrangère.
11:47Sachant que, je ne mettais plus une petite fiche avec les chiffres, sur cette moitié de la population qui est étrangère, il y en a après un tiers
11:54qui sont des personnes qui sont quand même nées à Mayotte, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas la nationalité française,
11:58pas encore, peut-être qu'elles l'auront plus tard, mais voilà. Un habitant sur deux qui est
12:04étranger, et avec une croissance de population qui est très forte, bien plus élevée que dans le reste de la France.
12:11Et beaucoup d'arrivées, notamment des Comores, un petit peu d'Afrique continentale aussi,
12:17qui font qu'il y a beaucoup, beaucoup de population à Mayotte, de manière générale,
12:22et que tous les services publics sont sous-dimensionnés, que ce soit l'hôpital, que ce soit les écoles.
12:32Donc cette question migratoire, c'est quelque chose qui revient souvent dans la bouche des Mahorais, et les discours sont souvent très anti-migration.
12:40On parle très vite des Comoriens notamment, on les rejette, on les stigmatise.
12:49Il y a des fois des thèses un peu complotistes à ce sujet, avec des discours qui peuvent être très très violents.
12:56Il faut quand même rappeler qu'il y a un moment de l'histoire où Mayotte faisait partie des Comores,
13:03et que c'est après le référendum de 1974 et 1975, je crois qu'il y en a eu deux consécutifs,
13:08que Mayotte a décidé de rester rattachée à la France, là où les trois autres îles des Comores ont choisi l'indépendance.
13:17Donc c'est une immigration qui vient d'îles qui appartenaient aussi à la France à une époque, et dont Mayotte faisait aussi partie.
13:26Donc c'est un peu particulier.
13:28Je voudrais aller à une question du tchat. Comment expliquer la pauvreté si élevée sur l'île ?
13:33On en revient à cette question migratoire aussi, c'est qu'il y a énormément de personnes qui arrivent avec rien,
13:38et donc qui survivent comme elles peuvent.
13:41Ça c'est dû à la localisation sur toute l'île ?
13:45Oui c'est ça.
13:47Si on a une personne sur deux qui est étrangère, beaucoup en situation irrégulière, qui n'ont pas le droit à grand chose,
13:54ils ne peuvent pas travailler, et ils se retrouvent dans des situations de précarité énormes.
14:00Donc je pense que c'est beaucoup ça.
14:02Et le développement de Mayotte, qui avait quand même un certain retard vis-à-vis du reste de la France,
14:06il ne suit pas cette arrivée de personnes.
14:12On se retrouve avec beaucoup de personnes très très pauvres qui arrivent, et un archipel qui ne se développe pas au même rythme.
14:17Je pense que c'est beaucoup ça.
14:19Moi j'avais un peu discuté avec un économiste de ce sujet-là,
14:24et il disait qu'il y avait vraiment un problème aussi d'investissement.
14:27C'est-à-dire que pour développer l'économie locale, ils ont du mal à trouver des fonds.
14:32Parce que les entreprises, notamment hexagonales,
14:36et de façon générale, il y a peu de personnes qui ont de quoi investir dans le développement de l'île.
14:41Donc il y a aussi un problème presque financier de trouver des leviers et des investissements.
14:47Et c'est en ça qu'ils accusent parfois la France de ne pas les aider.
14:53Parce qu'il y a des filières économiques qui pourraient être développées sur la pêche,
15:01sur le travail de certaines matières premières, comme des fruits, de l'algue, etc., donc l'agriculture.
15:07Et ils trouvent que la France ne les aide pas suffisamment dans le fait de faire une sorte de pilotage économique,
15:13un peu d'aider l'île à se structurer économiquement.
15:17Comme ils peuvent le faire parfois dans l'hexagone, où quand même on aide certaines filières à se développer.
15:23Quand on parle d'immigration, on parle aussi des demandes d'asile.
15:28Certaines personnes veulent prétendre à la nationalité française et à la protection française en arrivant aussi à Mayotte.
15:32Quelle est la réglementation aujourd'hui concernant les droits de personnes qui arrivent à Mayotte et qui veulent prétendre à l'asile ?
15:40Je peux répondre si tu veux ?
15:42Oui, vas-y.
15:44Là, on parle notamment du droit du sol.
15:50C'est sur ça que je suis un peu calée.
15:53Le droit du sol, qui est hérité un peu de l'ancien régime en France,
15:59a déjà une spécificité à Mayotte qui n'est pas la même que dans l'hexagone,
16:03qui a été introduite en 2018 par la loi asile-immigration,
16:07déjà par Macron, la majorité présidentielle à l'époque.
16:12Ça introduit une spécificité pour Mayotte où il faut que l'un des deux parents soit présent sur le sol
16:21depuis minimum trois mois à la naissance de l'enfant pour avoir accès à la nationalité.
16:27Cette spécificité-là a été étendue dans le cadre de la niche du groupe Les Républicains à l'Assemblée.
16:37La niche, c'est quand un groupe peut proposer des textes de loi pendant une journée à l'adoption.
16:43Ils ont proposé que cette spécificité soit étendue non pas à trois mois, mais à un an,
16:48et qu'au lieu que ce soit l'un des deux parents, ce soit les deux parents.
16:52Et du coup, ça a été voté. Il y a une majorité au Sénat pour continuer la navette.
16:57Donc le but, clairement, c'est de durcir les conditions d'accès au droit du sol.
17:04Et la gauche dit que de fait, ça revient quasiment à supprimer le droit du sol.
17:11Ça ne revient pas à le supprimer parce que l'ERN, lui, et la droite parfois,
17:18revendiquent, eux vraiment, qu'ils veulent supprimer le droit du sol à Mayotte,
17:21c'est-à-dire complètement enlever ce principe-là.
17:23Mais la gauche dit que déjà, cette restriction de le fait de passer de trois mois à un an,
17:31ça va rendre vraiment, et surtout le fait que ce soit les deux parents,
17:34ça va rendre les conditions tellement restrictives que ça va concerner très peu de gens.
17:39Et il y a même des députés, par exemple Modem ou Macroniste, qui ne voulaient pas voter ça
17:43parce qu'ils disaient que ça allait avoir un impact vraiment très compliqué
17:48pour aussi les familles monoparentales,
17:51ou quand il n'y a qu'une femme qui, en fait, ne connaît pas vraiment le père de son enfant, etc.
17:55Et qui, du coup, ou quand elle le connaît mais qu'il est étranger,
17:59et du coup, elle va dire qu'elle ne le connaît pas pour que l'enfant puisse accéder à la nationalité.
18:03Enfin, que en gros, ça va totalement désorganiser l'accès à l'affiliation,
18:07l'accès à l'origine des enfants.
18:10Et que finalement, ça ne le supprime pas officiellement,
18:14mais ça va vraiment, vraiment le contraindre.
18:16Et si je peux ajouter un truc là-dessus ?
18:18Du coup, ça crée des situations qui sont quand même assez folles.
18:20On va avoir, c'est déjà le cas avec les restrictions qu'il y a actuellement,
18:23mais ça sera encore plus le cas après.
18:25Un enfant, par exemple, qui naît aujourd'hui à Mayotte,
18:28de parents qui viennent des Comores, par exemple,
18:30qui sont arrivés il y a deux mois des Comores,
18:33donc il naît à Mayotte aujourd'hui.
18:34C'est-à-dire que dans 18 ans, il sera majeur,
18:37il ne sera pas français, il sera toujours considéré comme étranger.
18:39Sauf que là où on voudra le renvoyer, ce sera les Comores, où il n'aura jamais vécu.
18:43Et on le refusera à Mayotte, donc en fait, il n'aura plus vraiment d'endroit où ce sera chez lui.
18:47Et ça peut créer énormément de situations dramatiques comme ça.
18:51Donc quand on s'interroge d'un point de vue humain sur les conséquences que ça peut avoir,
18:56ça fait assez peur.
18:58On en est à où dans ce...
18:59Non, par contre, tu voulais...
19:00Oui, je voulais ajouter quelque chose sur le droit d'asile.
19:02Le droit d'asile à Mayotte, il concerne surtout des personnes qui viennent d'Afrique continentale.
19:06Il y a beaucoup de...
19:08Ces dernières années, il y a de plus en plus de personnes qui viennent notamment de RDC, par exemple,
19:12la région des Grands Lacs, etc.
19:14Et qui, elles, font des demandes d'asile quand elles arrivent à Mayotte.
19:18Ces demandes d'asile mettent du temps à être traitées.
19:21Mais ces personnes-là, quand elles obtiennent l'asile, elles peuvent se rendre ailleurs en métropole.
19:27Ce n'est pas une situation qui concerne les Comoriens qui, eux, ne sont pas dans cette démarche de demande d'asile en général.
19:35Et il faut aussi noter que, parmi les nombreuses restrictions qu'il y a au niveau de l'immigration à Mayotte,
19:43un Comorien qui a un titre de séjour à Mayotte,
19:47mais qui n'a pas la nationalité française, il ne peut rester qu'à Mayotte.
19:49C'est-à-dire que, par exemple, si je viens d'un pays et je suis en métropole,
19:55j'ai un titre de séjour, je peux me balader partout en métropole.
19:57Je peux aller à Lille, je peux aller à Marseille, je peux aller en Corse.
20:00Quand on a un titre de séjour à Mayotte, il est territorialisé, donc on ne peut rester qu'à Mayotte.
20:05Et ça, c'est quelque chose qui est critiqué aussi par les élus, et pour le coup, d'un petit peu partout.
20:09C'est que, du coup, il y a une concentration de personnes à Mayotte qui pourrait être répartie sur l'ensemble du territoire
20:14s'il n'y avait pas ce titre de séjour territorialisé.
20:17Et, de l'autre côté, c'est des personnes qui disent que s'il n'y avait pas ce titre de séjour territorialisé,
20:22il y aurait encore plus de monde qui arriverait à Mayotte, parce que ça donnerait accès à toute la France.
20:25Mais donc, c'est une des raisons qui fait qu'il y a une aussi grosse densité de population et autant de personnes étrangères à Mayotte.
20:30C'est qu'ils ne peuvent pas, même quand ils sont en situation régulière, ils ne peuvent pas quitter Mayotte.
20:34Sur la question du droit du sol, on en est à où dans le processus législatif ?
20:40Là, en fait, ça a été voté à l'Assemblée.
20:46Je peux revenir vite fait sur ce moment, parce que j'étais en tribune toute la journée pendant la niche LR,
20:53qui portait quasiment exclusivement sur cette réforme du droit du sol.
20:58Et c'était une journée très particulière, quand on y assistait en tribune,
21:03parce que le principe d'une niche parlementaire, c'est qu'en fait, ils ont une journée pour faire adopter les textes de loi,
21:10ce qu'on appelle les propositions de loi, dans l'hémicycle de 9h du matin à minuit.
21:17Et donc souvent, c'est un peu une course contre la montre pour faire l'examen du texte, passer au vote et le faire adopter.
21:24Et le meilleur exemple de ça, c'était la niche LFI sur la réforme des retraites,
21:28où du coup, le camp présidentiel avait fait de l'obstruction et où du coup, on n'était jamais passé au vote.
21:32Et donc le texte aurait pu être adopté potentiellement à l'Assemblée, puisqu'il y avait une majorité pour le voter.
21:38Faire de l'obstruction, ça veut dire quoi ?
21:40Faire de l'obstruction, ça veut dire retarder l'examen du texte.
21:43C'est-à-dire qu'en fait, quand un texte est examiné, on examine les amendements.
21:48Il faut que chaque groupe, et il y en a beaucoup maintenant, puisse faire ses interventions dans l'hémicycle, poser ses amendements, etc.
21:54Et l'obstruction, ça consiste déjà, il y a plusieurs moyens de le faire, mais ça consiste déjà à déposer plein d'amendements.
22:02Donc déjà, il faut éliminer tous les amendements, tout ça.
22:05Et ensuite, à faire des rappels aux règlements, des interruptions de séance, des trucs comme ça,
22:13pour essayer au max de gagner du temps, vu que c'est juste 24 heures, quoi.
22:17Et donc là, où les macronistes avaient réussi à le faire sur l'abolition de la réforme des retraites, du coup en octobre,
22:24là, la gauche a essayé de le faire, mais ça n'a pas fonctionné.
22:27Mais ça a quand même duré longtemps, c'est-à-dire que le texte a été voté à 20 heures.
22:31Donc, 4 heures avant la deadline, mais ils ont quand même réussi à retarder le truc beaucoup.
22:36Et donc, c'était une vraie bataille dans l'hémicycle, entre le RN, le gouvernement, le camp présidentiel et la droite,
22:43face à la gauche, pour le coup, qui était vraiment unie, et qui faisait vraiment des stratégies pour empêcher le truc d'être voté, quoi.
22:53Donc, c'était assez impressionnant, parce que, bon, pour les gens, ça peut apparaître comme étant un truc genre juste
23:00des manœuvres un peu parlementaires, mais du coup, c'était une séance vraiment hyper houleuse, quoi,
23:05où chacun dégainait des articles du règlement d'Armanin, qui dégainait un droit constitutionnel pour faire tomber des amendements,
23:13enfin, tout un tas de trucs comme ça, et beaucoup, beaucoup d'interruptions de séance,
23:19qui montraient quand même que ce sujet était vraiment un combat, où là, il y avait deux camps en frontale,
23:25et pour qui c'était des sujets vraiment, on va dire, presque, voilà, politiquement structurants, quoi.
23:30C'est-à-dire que la gauche tenait vraiment à ne pas faire passer ce texte, et c'était un sujet important pour elle,
23:37et de l'autre côté, c'était aussi quelque chose de, voilà. Donc, dans cette nouvelle assemblée qui est parfois un peu confuse,
23:43là, c'était vraiment un affrontement, quoi. Et donc, du coup, pour ce qui est du parcours, le texte a été voté à l'assemblée,
23:50et donc, il va être logiquement adopté au Sénat. Alors là, je n'ai pas en tête si, du coup, le gouvernement va le mettre à l'agenda du Sénat,
23:59mais dans tous les cas, en fait, comme le Sénat est la majorité à droite, il n'y a aucun souci pour le faire adopter dans les mêmes versions,
24:08enfin, dans la même version par l'Assemblée et le Sénat, et du coup, ça va être adopté assez rapidement, sans problème, quoi.
24:16Donc là, ce n'est plus qu'une question de temps.
24:18Oui, oui, d'agenda, mais il n'y a vraiment aucun problème, et surtout, je pense que ça va aller très vite, parce que, encore une fois,
24:24comme le Sénat est la majorité à droite, et que, du coup, la coalition droite plus camp macroniste, là, ils ont vraiment une majorité vraiment pléthorique,
24:34ça va aller très vite, quoi.
24:35Tu disais qu'autour de ce sujet, c'était un sujet hyper important pour les différentes forces politiques, donc, on en parle beaucoup depuis le cycle vidéo.
24:45Moi, j'ai l'impression, en étant un peu extérieur, que je n'en avais jamais entendu parler avant, cette question de l'immigration à Mayotte.
24:51Est-ce qu'on en parlait, quand même, avant, ou est-ce que c'est apparu, vraiment, tout à coup, surtout avec ce cyclone, Chido ?
24:59C'est un sujet qui est assez ancien, quand même, donc qui revient de façon un peu cyclique, pour deux raisons.
25:07Il y a le fait que le Rassemblement national, qui s'implante beaucoup dans les Outre-mer, s'est vraiment beaucoup implanté à Mayotte sur ces questions d'immigration.
25:18Et après, de façon générale, que ce soit le RN, mais aussi la droite, et du coup, parfois, même, aujourd'hui, le camp présidentiel,
25:25beaucoup ont fait de Mayotte une espèce de laboratoire pour essayer d'avancer avec des bouts de réformes ou de spécificités sur les questions de l'immigration,
25:38et aussi une façon de dénoncer les effets de l'immigration.
25:42Là où, je pense que Julien pourra le dire, la situation est vraiment très particulière à Mayotte,
25:47et donc, en fait, on ne peut pas simplement transposer les problèmes posés par l'immigration à Mayotte avec ce qui se passe en France.
25:55Mais, justement, ceux qui veulent être à l'offensive sur l'immigration veulent dresser un parallèle et dire que, en fait, Mayotte, c'est la subversion migratoire en France, mais poussée à l'extrême, en gros.
26:08Et pour ce qui est, par exemple, de la droite, la suppression du droit du sol à Mayotte, Laurent Wauquiez, à l'époque où il était patron de LR, c'est pour ça que je le cite,
26:20en 2018, il proposait déjà de supprimer le droit du sol à Mayotte, et on disait que ce n'était pas possible pour des raisons constitutionnelles, mais ils avaient déjà mis cette spécificité-là dans la loi de 2018.
26:31Et le projet de la droite qu'ils ont là formulé, et que Darmanin a aussi reformulé, etc., c'est cette spécificité qu'on a introduite à Mayotte sur le droit du sol, de l'étendre à tout l'hexagone.
26:46C'est-à-dire de remettre en question plus largement le droit du sol dès qu'il existe en France, et de dire que, puisqu'on a réussi, sans modifier la constitution, à mettre des spécificités dans le droit du sol à Mayotte, on peut aussi le réformer au niveau national.
27:01Et donc, en fait, aussi, ils ne s'en cachent même pas, c'est une façon, en introduisant ça à Mayotte, de donner des coups, un peu déjà, dans la législation sur le droit du sol.
27:14Et là, le dernier truc qu'on a appris depuis deux jours, je ne sais pas quand c'est sorti exactement, c'est Valls, qui lui, quand même, s'est prononcé, qui est ministre de l'immigration, qui est ministre des Outre-mer,
27:26qui, pour le coup, s'est quand même prononcé contre le fait d'étendre cette réforme du droit du sol à tout le territoire.
27:33Il s'est prononcé dans quel sens, du coup ?
27:35Il a dit qu'il n'était pas favorable. Et Bayrou aussi, parce qu'en fait, du coup, tout de suite après le vote de la réforme du droit du sol à l'Assemblée, Darmanin est, enfin, du coup, j'étais là, je suis descendue aux quatre colonnes,
27:48et Darmanin est tout de suite descendue aux quatre colonnes pour dire aux journalistes, il faut maintenant le faire pour tout le pays, quoi, et qui était une façon pour lui de couper l'air sous le pied de la droite,
27:58parce qu'il savait que, notamment, Otayo allait dire ça, quoi. Et du coup, ça a forcé un peu le camp présidentiel à se prononcer. Et du coup, Bayrou, bon, toujours de façon un peu floue, etc., a quand même dit le lendemain,
28:11bon, non, c'est pas ça qu'il faut faire, il faut faire plus largement un débat sur l'identité nationale, sur le fait de qu'est-ce que c'est être français, etc. Et moi, j'ai appelé à ce moment-là, donc dès le lendemain,
28:24pas mal de macronistes, donc plutôt de l'aile gauche ou du modem, qui est un peu considéré comme l'aile gauche du camp présidentiel, et eux, ils y sont carrément au style, voire, pour le coup, c'est quelque chose qui, vraiment, les met très très mal à l'aise, quoi.
28:35Donc, ça, c'est vraiment un point de clivage, on va dire, dans la coalition qui est entre la droite et les macronistes au gouvernement, quoi.
28:45— Et juste, ouais, sur la question de l'immigration à Mayotte, c'est quelque chose qui revient depuis longtemps dans les débats. Dès qu'il y a une crise à Mayotte, et il y en a régulièrement, compte tenu de la taille du territoire, du gros taux de pauvreté, du fait que, comme on l'a évoqué avant, il y a plein de structures qui sont sous-dimensionnées, à chaque fois, on parle d'immigration.
29:06Il y a un an et demi, il y avait une grosse crise de l'eau, j'étais allé à Mayotte à ce moment-là, et déjà, on parlait beaucoup de l'immigration, c'était des Mahorais qui se plaignaient du fait que, eux, ils n'avaient pas d'eau tout le temps, mais que, dans certains bidonvilles, ils avaient vu que, peut-être, il y avait de l'eau qui coulait en permanence. C'est quelque chose qui revient tout le temps, c'est pas nouveau.
29:26Peut-être qu'aujourd'hui, on s'en empare plus à l'échelle nationale, même si c'est déjà revenu quelques fois sur la table, mais à Mayotte, c'est pas du tout un sujet nouveau.
29:36— Il y a toujours eu une immigration aussi forte, ou ça a changé avec l'évolution du statut aussi de l'île ?
29:41— Ouais, ce qui a beaucoup changé aussi, c'est qu'en 95, il y a eu une installation d'un visa entre Mayotte et le reste des Comores. Avant, il y avait une libre circulation. À partir de 95, ça a changé. Donc là, on s'intéressait un peu plus à...
29:53Il y a eu de l'immigration illégale, là où avant elle n'était pas illégale. Et je sais que depuis les années 90, années 2000, il y a eu une énorme croissance de la population et des arrivées depuis les Comores qui ne cessent pas.
30:09Donc ça fait, je pense, une bonne vingtaine ou une trentaine d'années que c'est quelque chose qui revient beaucoup. Et depuis les années 2010, en tout cas, on en parle énormément.
30:17— Et juste peut-être par rapport à cette histoire de Comores, il y a un sujet dont on ne parle pas trop pour le coup, qui est un peu un sujet géopolitique.
30:29C'est que les Comores, eux, sont dans un rapport à la France où ils ont une rhétorique parfois de remigration. C'est-à-dire qu'en fait, eux, ils revendiquent ce territoire de Mayotte.
30:41C'est-à-dire qu'ils ont tendance à dire que c'est censé être chez nous. Et donc, du coup, ils ont tendance à inciter parfois plus ou moins directement les populations comoriennes à aller à Mayotte pour peupler l'île.
30:57Un peu dans une espèce de débat un peu reversé par rapport à ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie. Et du coup, il y a un stand d'experts un peu en diplomatie, en géopolitique, qui disent qu'une des solutions aussi, ce serait d'aller sur un volet diplomatique.
31:14C'est-à-dire de gérer cette question d'immigration avec les Comores. C'est-à-dire que les obliger, eux, à ne pas laisser une partie de leur population aller à Mayotte ou, en tout cas, ne pas arrêter ce discours-là de les inciter.
31:29Et ils accusent Macron de ne pas avoir laissé les diplomates français suffisamment travailler cet angle-là dans la façon de gérer le problème de l'immigration.
31:45Je salue les nouveaux qui nous rejoignent et je prends une question du chat de Kyle CM qui demande concernant le bilan humain. Il me semble qu'on est toujours sur un bilan à 37 morts. Est-ce qu'aujourd'hui, avec le recul, ça semble crédible ? Julien, est-ce que tu as des infos là-dessus ou pas ?
32:00Il se trouve que la semaine dernière, j'ai interviewé le préfet de Mayotte pour faire un tour de tout plein de sujets deux mois après le passage du cyclone. Parmi les sujets qu'on a abordés, il y avait cette question du bilan humain. Il m'a fait une réponse assez détaillée.
32:18Le bilan officiellement comptabilisé par la préfecture, c'est 40 morts et 41 personnes qui sont disparues. Le préfet m'expliquait que parmi ces disparues, il y en a une bonne moitié où il y a des tombes qui ont été constatées peu de temps après le cyclone.
32:33Ils n'ont pas demandé à ouvrir les tombes et à extraire les corps pour faire une autopsie pour savoir si la personne était bien morte à cause du cyclone ou pas, mais ils pensent que c'est le cas. Et l'autre moitié des disparues, qui sont juste des disparues, on ne sait pas l'état devenu de ces personnes-là.
32:50Lui, à la préfecture, vu ce bilan crédible, il pense qu'il n'est pas forcément exhaustif du fait, comme je l'expliquais les premiers jours, que c'était catastrophique et que c'était très dur de faire remonter les informations. Il y a probablement des personnes qui sont mortes et qui n'ont pas été comptabilisées.
33:07Mais il dit qu'on doit être proche de cette réalité-là. Ça fait 81 personnes entre les disparues et les personnes qui ont été constatées décédées à l'hôpital. Et lui, il dit qu'on est proche de la réalité. C'est dur de remettre en cause ce bilan dans le sens où on n'a pas eu de témoignages de personnes qui nous ont dit qu'il y a eu plein de morts dans tel ou tel quartier et que la préfecture ne les a jamais comptabilisées.
33:34Moi, par exemple, je suis allé dans un bidonville sur Petite-Terre, qui est le 2 ou 3e plus grand bidonville de Mayotte, qui s'appelle le bidonville de la Vigie. J'ai fait le tour avec des dames que j'avais déjà rencontrées il y a un an et demi, qui connaissent très bien le bidonville, qui sont au relais communautaire pour une ONG.
33:46Et elles m'ont parlé d'un seul mort pour 8000 personnes dans le bidonville, ce qui va dans le sens des chiffres de la préfecture. Et des autres journalistes que je connais qui sont allés sur place, c'était un petit peu la même chose. Peu importe où ils allaient, on leur parlait de 2 ou 3 morts partis par là, ce qui est dramatique, mais pas des centaines ou des milliers de morts comme on pouvait le craindre au début.
34:08Et comment ça se fait qu'au début, on parlait potentiellement, quand on avait des craintes, de voir plusieurs centaines, plusieurs milliers de morts ?
34:14Ce plusieurs centaines, plusieurs milliers de morts, cette citation-là, elle vient justement du préfet qui, je crois le lendemain du passage du cyclone, ou le surlendemain, était sur Mayotte la première, et on lui a posé cette question du bilan humain, qui était impossible à établir à ce moment-là.
34:28Et lui, il a dit que c'était compliqué de l'établir, on l'a relancé, de savoir si ça pouvait se compter en dizaines, en centaines, en milliers. Et il a dit, oui, peut-être que ça se comptera en centaines, peut-être en milliers, peut-être en plusieurs milliers, mais c'était très très flou.
34:42Et ce qui a fait penser que ça pouvait être aussi dramatique que ça, c'est justement ces bidonvilles qui sont nombreux à Mayotte. On parle d'après, je crois, 40% des habitations qui sont en tôle, avec des habitations en tôle qui sont plus ou moins solides, plus ou moins formalisées.
34:58Mais pour plein de ces bidonvilles, notamment le bidonville de la Vigie dans lequel je suis allé, c'était complètement détruit, c'est-à-dire qu'il n'y avait quasiment plus une maison debout. Donc c'est ça qui a fait craindre à de nombreuses personnes qu'il puisse y avoir un bilan dramatique, parce qu'on s'imaginait que sous les décombres, il y avait forcément plein de gens.
35:12Et ce qui fait que le bilan est moins élevé que ce qu'on pensait a priori, c'est que déjà, il y a une partie de cette population-là qui avait accepté de se rendre dans les centres d'hébergement mis en place par l'État, même si ce n'est pas forcément une majorité, parce que soit les gens n'ont pas été mis au courant, soit ils ont eu peur de s'y rendre, parce que dans les bidonvilles, il y a énormément de personnes qui sont étrangères et en situation régulière, et qui avaient peur que ce soit un coup monté et qu'on les arrête et qu'on les renvoie aux comores.
35:38Ou juste parce qu'ils ont une telle défiance envers les autorités qu'ils préfèrent rester chez eux. Et ce qui a fait que beaucoup de personnes ont pu être sauvées, c'est la solidarité à l'échelle très locale dans les bidonvilles. Par exemple, dans le bidonville de la Vigie, une des habitantes que j'ai rencontrée avait une maison en dur, il y avait juste le toit qui était en tôle, tout le monde s'est réfugié chez elle.
35:58Une des mosquées qui était plus solide que les autres du quartier a accueilli énormément de monde. Au milieu du bidonville, c'est assez surprenant des fois, parce qu'il y a quelques maisons en dur qui paraissent être des vraies maisons tout entourées de maisons en tôle. Pareil, on m'a montré une grosse maison qui a bien tenu le choc avec des murs en dur, et apparemment, il y a des dizaines de personnes qui sont réfugiées. Donc à priori, c'est grâce à cette solidarité-là.
36:22C'est tout ce qu'on peut dire sur ce bilan-là. C'est dur de le remettre en cause, probablement qu'il y a des personnes qui ont été oubliées, probablement qu'il est un poil plus élevé que ça, mais c'est impossible de l'affirmer. Je pense qu'on n'aura jamais un bilan définitif, il y a forcément des personnes qui vont avoir été oubliées dans tout ça.
36:38On m'avait dit, parce que c'était compliqué, je ne sais pas si c'était le cas quand j'y étais, qu'il y avait une partie de l'île qui n'était pas accessible aussi, où les secours n'avaient pas pu aller. Pendant assez longtemps, il y a eu des endroits de l'île qui n'étaient pas accessibles.
36:53Pendant plusieurs jours, voire certains endroits, plusieurs semaines, il y a des quartiers entiers qui n'ont pas eu de secours ou très peu eu de secours. Mais à priori, en faisant le tour des personnes qui, elles, ont pu se rendre dans ce quartier-là, à ce moment-là, les habitants du quartier, etc., on est dans un bilan qui doit s'approcher de celui évoqué pour l'instant par la préfecture.
37:14Et aussi, je pense qu'il y avait un débat sur le recensement, parce que comme il y a plein de personnes clandestines, on craignait que les gens ne soient pas recensés. Et à ce sujet-là, dans le projet de loi d'urgence sur Mayotte, il y a un amendement qui a été voté sur faire le bilan des morts.
37:35Et ça, ça a été adopté à la majorité. Et je ne sais plus exactement comment c'est formulé, mais en gros, cet amendement va obliger les pouvoirs publics français à vraiment enquêter un peu en profondeur sur ce sujet-là pour, dans la durée, une fois qu'on apparaît à l'urgence, comprendre est-ce que des gens ont été effectivement enterrés et qu'on ne l'a pas su ? Est-ce que des gens clandestins ont disparu ? Essayer de faire une espèce d'enquête un peu exhaustive.
37:58Il faut comprendre que dans les bidonvilles, comme dans tout autre quartier, quand il y a un voisin qui est mort ou le voisin d'un voisin, on le sait, parce que les gens communiquent entre eux, même s'ils sont en situation irrégulière, ils parlent quand même entre eux, ils se connaissent. C'est des quartiers, en plus, où il y a énormément de promiscuité, beaucoup de personnes au mètre carré, donc je pense qu'on le sait encore plus quand il y a un voisin qui a disparu. Et donc, si dans ces quartiers, les gens parlent de très peu de morts, c'est probablement la vérité.
38:28Au sujet des bidonvilles auxquelles tu fais référence, est-ce qu'aujourd'hui, deux mois après ce cyclone, est-ce qu'ils se reconstruisent ?
38:34Oui, c'est impressionnant, ils sont quasiment tous reconstruits. Ce qui est encore plus impressionnant, c'est que comme il y a beaucoup de végétation qui a été cassée, il y a plein de bidonvilles qui n'étaient pas trop visibles parce que cachées derrière des arbres, qui étaient très très denses, qu'on voit aujourd'hui. Et oui, toutes les maisons sont debout, ce qui s'entend parce que même si on habite dans un bidonville, même si les autorités ne voulaient pas que les bidonvilles soient reconstruites, il y a plus de 100 000 personnes qui habitent dans ce genre de logement.
39:03Il fallait bien qu'elles aient un toit sur leur tête assez rapidement, donc elles sont allées chercher des tôles qui s'étaient envolées pour les remettre debout. Il y a eu aussi des pillages de matériel dans des entreprises, dans des écoles, dans des bâtiments publics.
39:15Mais les bidonvilles aujourd'hui sont après reconstruits. Le bidonville de la Vigie dans lequel je suis allé, j'y étais allé un an et demi avant. L'idée, c'était de faire une comparaison entre il y a un an et demi et aujourd'hui.
39:26Et c'était presque la même chose. Il n'y avait plus de végétation. Il y a quelques rues dont je me souvenais qui ont un peu changé dans leur forme, mais les maisons sont debout et c'est presque comme s'il n'y avait pas eu de cyclone.
39:37Ce qui m'avait surpris, c'est qu'il y avait énormément de déchets quand même. Des rues entières qui avaient été un peu condamnées pour mettre tous les déchets, soit les tôles qui étaient inutilisables, soit des meubles, ce genre de choses, qui étaient là en vrac, qui n'avaient pas un an et demi auparavant.
39:51Mais sinon, c'était presque le même bidonville que celui que j'avais déjà vu.
39:55Est-ce que ma sous-question par rapport à ça, c'était qu'on aurait peut-être pu espérer aussi, finalement, après cette catastrophe, que ces bidonvilles en effet ne se reconstruisent pas aussi, parce que ça met évidemment des personnes en situation de grande précarité.
40:08C'est pas prévu que, notamment politiquement, par le chemin législatif, soit pensée d'autres solutions de logement pour les Mahorais ?
40:19Ils ont essayé d'interdire cette reconstruction. À partir du 3 ou 4 janvier, je crois, la vente de tôles a été interdite aux personnes qui ne pouvaient pas présenter de justificatif d'identité ou de justificatif de domicile.
40:32Moi, par exemple, si je reprends l'exemple du bidonville de la Vigie, les personnes avec qui je me suis baladé dans le bidonville, c'est deux femmes qui sont comoriennes, qui vivent ici depuis plus de 20 ans.
40:42Elles payent un loyer pour le terrain qu'elles occupent, sauf que tout ça, ça se fait sous le manteau, donc elles n'ont pas de justificatif de domicile, donc impossible pour elles d'acheter de la tôle si elles l'ont achetée légalement.
40:52Tout le monde joue débrouille, donc il y a aussi des pillages. Même si on peut en acheter, il faut avoir l'argent pour l'acheter.
40:58Mais si on voulait interdire la reconstruction du bidonville, il fallait proposer des solutions de logement à ces personnes-là.
41:05Quand on sait que Mayotte était largement détruite et que même les personnes qui avaient des habitations en dur, pour beaucoup, avaient soit plus de toit, soit l'habitation complètement détruite.
41:13Donc il fallait déjà trouver des logements pour ces personnes-là et trouver un moyen d'avoir un toit.
41:18Et on n'allait pas trouver en deux jours 100 000 places de logement, peut-être même plus, pour toutes ces personnes dont les logements étaient détruits.
41:26Donc c'était impossible d'empêcher la reconstruction du bidonville.
41:31Et puis il y a aussi un espèce de paradoxe, c'est qu'à la fois du côté droit, ils sont contre les bidonvilles.
41:41C'est-à-dire qu'ils ne voulaient pas qu'on reconstruise les bidonvilles et en même temps ils ne veulent pas qu'on construise de l'habitat en dur pour des clandestins.
41:47Ni qu'on pérennise, parce que du coup les bidonvilles, de ce que je comprends, ils sont aussi construits parfois sur des terrains qui sont occupés par des propriétaires.
41:58Il y a un peu de flou sur le cadastre, sur tout ça.
42:01Et donc en fait, il y a aussi une opposition pour ne pas que ces habitats informels, clandestins, deviennent des habitats en dur.
42:11Donc c'est aussi pour ça que c'est un peu compliqué.
42:14Et tout le monde est d'accord pour dire que ce n'est pas normal qu'il y ait des bidonvilles, je pense, de droite comme de gauche, parce que ce n'est pas bien pour les personnes qui y vivent.
42:21C'est dangereux pour les populations autour.
42:23Là, typiquement, on a eu des tôles qui ont volé dans tous les sens.
42:25On imagine une tôle emportée par des vents à 240 km heure.
42:28Si elle atterrisse sur quelqu'un ou sur l'habitation de quelqu'un, même en dur, c'est ultra dangereux.
42:32Mais il n'y a pas trop de solutions parce qu'il y a toutes ces personnes-là qui n'ont pas de logement et qui doivent bien trouver un moyen d'avoir un toit sur leur tête.
42:39Et ils sont d'accord, les deux, à droite et à gauche, pour dire qu'il ne faut pas être bidonvilles.
42:44Mais la gauche voudrait rendre ces habitats en dur, là où la droite en dur, mais pas pour les gens qui habitent dedans.
42:52Donc en gros, ce n'est pas la même solution.
42:55Et d'ailleurs, sur le terrain politique, il y avait aussi au centre des débats le projet de loi d'urgence de reconstruction duquel tu as déjà fait référence.
43:03Est-ce que tu peux peut-être nous réexpliquer aussi plus concrètement ce qu'est ce projet de loi d'urgence de reconstruction de Mayotte ?
43:09Justement, c'était essentiellement des mesures d'urbanisme pour accélérer la reconstruction.
43:15Après, il y a un peu des petits amendements qui ont été rajoutés, notamment celui sur les tôles.
43:19Ils ont fait voter un amendement avec ces mesures-là.
43:24Mais sinon, comme c'était un projet de loi qui a été élaboré dans l'urgence par le gouvernement des missionnaires, un peu avant les remontées de terrain et tout ça,
43:32on est vraiment juste sur un peu des procédures d'exception, sur l'urbanisme et tout ça, et pas sur vraiment des trucs structurels.
43:41Et puis, c'est vraiment essentiellement sur la reconstruction, le logement.
43:44Donc, en fait, ce projet a été débattu, mais très, très vite voté.
43:48C'est-à-dire que personne n'y trouvait son compte parce qu'il n'y avait pas les sujets d'immigration.
43:53Donc ça, la droite, les macronistes, l'extrême droite n'étaient pas contentes à cause de ça, et les Illuoco aussi.
43:59Et la gauche n'était pas contente parce qu'il n'y avait pas de mesures sur l'accès à l'eau potable, justement une reconstruction pérenne, l'économie, etc.
44:07La droite aussi, d'ailleurs, n'était pas contente.
44:09Personne ne trouvait qu'il y avait suffisamment de choses pour, on va dire, quelque chose de structurel dans la durée.
44:15Mais tout le monde l'a voté parce que c'était un premier truc d'urgence.
44:19Et du coup, là, en principe, il y a un deuxième texte de loi qui est attendu.
44:26Une loi programme pour Mayotte, qui a été promise par Valls dans les deux mois.
44:30Mais bon, c'était déjà il y a quelques semaines.
44:33Et qui va peut-être, probablement, arriver.
44:36Mais en fait, là, pour l'instant, elle n'est pas prévue à l'agenda parlementaire, et on ne sait pas trop ce qu'il y aura dedans.
44:43Mais en gros, il est attendu un projet de loi, là pour le coup, plus de long terme, pour faire plus une reconstruction de long terme.
44:52Mais probablement que ça va être quand même compliqué, parce qu'il y a plein de sujets qui font débat, et les enjeux sont complexes.
45:00Est-ce qu'on sait ce qu'en pensent les Mahorais de ces projets de loi, certains déjà adoptés, d'autres dont on ne sait pas encore ce qu'ils vont contenir, ni quand ils vont vraiment arriver sur la table ?
45:09C'est quelque chose qui ne revenait pas beaucoup dans la bouche des Mahorais, en fait.
45:13Ils demandaient l'aide de l'État, évidemment. Ils trouvaient que cette aide n'arrivait pas assez vite à leur goût.
45:20Ils parlaient beaucoup d'immigration aussi.
45:23Mais les Mahorais avec lesquels j'ai discuté, ils ne s'intéressaient pas forcément énormément à ce projet de loi de là,
45:30qui était d'ailleurs, peut-être pour le grand public, pas forcément très clair et difficilement compréhensible.
45:36Donc on n'était pas sur ces préoccupations-là.
45:40Toi qui étais sur place aussi, Julien, on n'en a pas encore parlé, mais il y a évidemment d'autres choses qui ont été impactées par ce cyclone,
45:47notamment le volet éducation.
45:50Toi, qu'est-ce que tu as pu constater dans les écoles de Mayotte qui ont été mises à l'arrêt et qui vont faire leur rentrée aussi récemment ?
45:58À la base, j'y allais en me disant que je pourrais faire un reportage sur la rentrée, parce que la rentrée devait avoir lieu au moment où j'étais à Mayotte.
46:05Et au final, la rentrée a encore été repoussée parce qu'il y a eu un autre cyclone qui est passé près de Mayotte,
46:09qui a fait beaucoup moins de dégâts, heureusement.
46:11Mais ils ont encore repoussé d'une grosse semaine la rentrée.
46:14Ce que j'ai vu, c'est qu'il y avait certains bâtiments scolaires qui étaient en bon état.
46:20Il y en a où ce qui avait été impacté était très à la marge.
46:23Et d'autres, à l'inverse, qui étaient vraiment détruits.
46:25Je suis allé avec David, le photographe, dans le nord de Mayotte.
46:29On est passé près d'une école qui était ouverte.
46:31On est rentré dedans.
46:32Et toutes les salles de classe étaient ravagées.
46:34Il n'y avait plus de fenêtres, plus de toits.
46:36Je suis à peu près sûr.
46:38Je ne suis pas retourné dans cette école.
46:39C'était il y a trois ou quatre semaines.
46:40Mais c'est sûr que les élèves de cette école ne sont pas retournés en cours dans cette école-là.
46:44Donc ça dépendait des établissements.
46:48Ce qu'on m'a dit aujourd'hui, c'est qu'au moment de la rentrée, donc début février,
46:52fin janvier, début février, il y avait à peu près 70% des élèves qui ont pu retourner en cours.
46:55Et que chaque semaine, il y en a des nouveaux qui peuvent y retourner.
46:58Le tout dans des conditions qui ne sont quand même pas optimales du tout.
47:02C'est-à-dire que même les bâtiments, même les établissements dont une bonne partie des bâtiments ont été sauvegardés,
47:10il y a certaines classes qui sont inutilisables,
47:12qui sont obligées de gérer les emplois du temps d'une certaine manière
47:16pour que tout le monde puisse avoir cours à des moments.
47:18Donc ils mettent en place dans beaucoup d'écoles des roulements.
47:20C'est-à-dire que, par exemple, le matin, ça va être les sixièmes et les cinquièmes,
47:24l'après-midi, les quatrièmes et les troisièmes.
47:26Et les élèves n'ont pas cours toute la journée comme c'est le cas dans le reste de la France.
47:29Sachant qu'à Mayotte, c'est déjà quelque chose qui est mis en place dans certaines écoles
47:32parce qu'il n'y a juste pas assez de place.
47:33Donc des roulements matin, après-midi.
47:35Et donc pour les élèves, c'est compliqué parce qu'ils ont raté des semaines de cours
47:39parce que la rentrée a été beaucoup repoussée.
47:41Et ils se retrouvent à étudier dans des conditions qui ne sont pas parfaites.
47:44Donc il y a des examens qui vont être impactés.
47:46Je sais qu'ils ont mis la priorité pour ceux qui passent le bac, pour les BTS, pour ceux qui passent le brevet.
47:50Mais il y a des épreuves qui ne vont pas avoir lieu,
47:53des examens qui vont être sur le contrôle continu, des épreuves qui vont être décalées.
47:56Donc c'est une rentrée compliquée, c'est du longue l'âge.
48:00Et ils font au mieux avec ce qu'il y a.
48:03Mais c'est forcément très complexe quand on a déjà des bâtiments
48:06qui sont sous-dimensionnés pour le nombre d'élèves
48:08et qui, en plus, maintenant sont pour partie détruits.
48:11Tu as aussi écrit sur la biodiversité et l'agriculture
48:14impactées aussi par le passage du cyclone Shidou.
48:16Qu'est-ce que tu peux nous raconter là-dessus ?
48:19Sur la biodiversité, ça se voit déjà à l'œil nu
48:22que beaucoup de choses ont été détruites.
48:24Les forêts, c'est vraiment impressionnant.
48:26Même si quand j'y suis allé, c'est marrant
48:28parce que les arbres étaient détruits,
48:30mais il recommence à y avoir de la verdure, notamment au sol.
48:32Là où les personnes qui ont vécu le cyclone
48:34me disaient que les premiers jours, c'était tout gris.
48:36Alors que Mayotte, c'est vraiment particulièrement vert normalement.
48:38Mais les arbres sont détruits,
48:40donc toutes les espèces
48:42qui sont dépendantes de ces arbres-là
48:44ont des soucis.
48:46C'est pareil pour les mangroves
48:48qui ont été quand même bien impactées.
48:50Il y a des oiseaux qui se reproduisent dans les mangroves,
48:52par exemple, qui n'ont pas pu se reproduire cette année
48:54et qui doivent bouger ailleurs.
48:56Il y a les maquis, qui sont des lémuriens
48:58qu'on voit énormément à Mayotte,
49:00qui se baladent d'habitude d'arbre en arbre.
49:02Comme les arbres sont détruits,
49:04ils sont obligés de se balader beaucoup plus au sol.
49:06D'habitude, ils se traversent dans les arbres.
49:08Ces maquis, ils vivent souvent en groupe.
49:10D'habitude, on voit plutôt des groupes
49:12de 3, 4, 5 maquis.
49:14J'en ai vu beaucoup qui étaient essolés,
49:16ce qui n'est pas normal.
49:18Et tout le monde a un peu de la peine pour eux.
49:20Il y a aussi des très grosses souris à Mayotte
49:22qu'on voit beaucoup d'habitude.
49:24Et là, je n'en ai presque pas vu de mon séjour.
49:26C'est dur aujourd'hui de faire un bilan
49:28sur la biodiversité, parce que c'est quelque chose
49:30qui se passe sur le long terme. Et puis même les arbres cassés,
49:32il faudra voir à quel point ils reprennent ou pas.
49:34Mais ce qu'on se doute,
49:36c'est qu'il y aura un impact.
49:38Mais il faudra savoir dans 1, 2, 3 ans
49:40s'il y a moins d'espèces, si les arbres,
49:42toutes les forêts qui ont été détruites, si elles ont repris,
49:44s'il faut les aider, etc.
49:46Et pour l'agriculture, c'est un peu le même souci.
49:48C'est-à-dire que si les arbres n'ont pas tenu,
49:50toutes les plantations n'ont pas tenu non plus.
49:52Donc je suis allé chez plusieurs agriculteurs
49:54et c'était juste complètement détruit.
49:56Ceux qui avaient des cerfs, il n'y avait plus de cerfs.
49:58C'était tout envolé.
50:00Ceux qui avaient des arbres, les arbres étaient tombés.
50:02Pour l'agriculture, c'est vraiment complexe.
50:04Sachant que Mayotte est déjà très dépendant aux importations,
50:06c'est un des territoires les moins autonomes
50:08d'un point de vue alimentaire
50:10de France. Je crois que c'est le pire de tous.
50:12Donc là, ça va encore
50:14empirer parce que pendant au moins
50:16un an, on va avoir très peu, voire pas du tout
50:18de récoltes qui ont été faites à Mayotte.
50:20Et puis, il y a la question de l'après.
50:22Est-ce que les agriculteurs qui n'ont pas eu de revenus
50:24pendant 6 mois, 1 an,
50:26vont pouvoir s'en sortir et reprendre leur activité ?
50:28Il y a un autre souci aussi, c'est au niveau
50:30des indemnités pour ces agriculteurs.
50:32Parce qu'il y a beaucoup d'agriculture informelle
50:34de personnes qui ne sont pas déclarées. Là encore,
50:36on se rend compte qu'il y a un retard entre Mayotte et le reste de la France.
50:38Et donc, ces agriculteurs-là,
50:40comment on les indemnise, comment on les aide ?
50:42C'est des questions qui vont se poser.
50:44Mais chez tous les agriculteurs
50:46que j'ai vus, ils étaient déjà dans une étape
50:48de se remettre un peu en selle, de replanter,
50:50de réfléchir à comment ils pouvaient, sur le court terme,
50:52produire des choses.
50:54Mais ils étaient dépités parce qu'ils avaient vraiment tout perdu.
50:56C'est proche de 100% des récoltes perdues.
50:58Du coup, c'est impressionnant.
51:00Je crois que j'ai relayé toutes les questions
51:02du tchat. Est-ce que vous, il y a des choses
51:04que vous voudriez ajouter sur la situation en Mayotte
51:06deux mois après le passage du cyclone Chido ?
51:08Il va falloir continuer de suivre.
51:10Comment les personnes le vivent sur place,
51:12comment ça se reconstruit,
51:14comment d'un point de vue politique, ça évolue aussi.
51:18C'est le propre
51:20d'à peu près tous les territoires des Outre-mer.
51:22C'est qu'on n'en parle que quand il y a des catastrophes.
51:24Il faut qu'on continue de suivre et de s'y intéresser
51:26par la suite.
51:28Là, il y a eu un zoom mis sur Mayotte sans précédent.
51:30On l'a vu au niveau des donations,
51:32on l'a vu dans le traitement des médias.
51:34Il faut que ça continue
51:36et qu'on continue de donner la parole à tout le monde
51:38et de s'intéresser à ce qu'il se passe là-bas.
51:40Je vous remercie, Lucie et Julien, d'avoir été avec nous
51:42ce midi pour revenir sur la situation
51:44à Mayotte et toutes les
51:46discussions politiques qui ont pu
51:48suivre. Merci beaucoup à tous les deux.
51:50Merci. Et merci le tchat.
51:52Je vous souhaite une bonne journée à toutes et tous.
51:54A plus et à mercredi.