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00:00La cité à Dignan, située dans le quartier de Hanne-Marist, est un véritable havre de silence.
00:05Au coeur de ce lotissement, un établissement dénommé éducautisme se distingue à bien des égards.
00:11Sur ses murs, une fresque du célèbre film d'animation Le Roi Lion renseigne sur la présence d'enfants en sans-seins.
00:18Mais à l'intérieur, le calme apparent de la cité laisse place à une toute autre ambiance.
00:24Dans une salle, une dizaine d'enfants âgés de 3 à 5 ans s'activent sous l'œil attentif de trois encadrants.
00:33Créé en 2021, le centre ressources autisme de Dakar vit en complément dans la prise en charge des enfants victimes de troubles
00:40neurodéveloppementaux et plus particulièrement de l'autisme.
00:43Dans la capitale sénégalaise, bien que plusieurs établissements oeuvrent pour le soutien aux enfants souffrant de troubles intellectuels et de développement,
00:49éducautisme se distingue comme le seul centre entièrement dédié à l'autisme.
01:19Depuis sa création, cet établissement a accompagné plus de 100 enfants.
01:27Concrètement, il se veut être un point de passage pour ces pensionnaires vers un système éducatif inclusif.
01:50Nous prenons les enfants qui ne peuvent pas aller à l'école
01:52ou les enfants dont les parents ont essayé 4 à 5 fois une scolarisation à l'école normale et ça n'a pas marché.
01:59Nous prenons ce type d'enfants et atteints de TSA avec qui nous travaillons en faisant un projet thérapeutique
02:06sur une année, deux ans voire trois, le maximum qu'on a eu je crois c'est trois ans.
02:11Durant lesquels nous travaillons avec l'enfant avec des objectifs trimestriels bien spécifiques.
02:16Et quand l'enfant a atteint un autre objectif, nous l'accompagnons pour la réinsertion à l'école.
02:21En plus de son rôle de directrice pédagogique de ce centre,
02:24le docteur Ndeye Awadye est également chef de service en pédopsychiatrie à l'hôpital psychiatrique de Tcharoy.
02:30Elle fait partie des deux seules pédopsychiatres que compte le Sénégal.
02:35Pour rencontrer le deuxième, il faut se rendre à l'hôpital de Fan.
02:39Depuis 2004, le professeur Lamine Fall est responsable de l'unité de pédopsychiatrie de Cœur Khaléhi
02:45et il est une figure incontournable dans la prise en charge des enfants souffrant de troubles psychiques et comportementaux au Sénégal.
02:51Au cours de sa carrière, il a traité de nombreux enfants atteints de troubles du spectre de l'autisme
02:56et a observé l'évolution de la définition de cette pathologie complexe.
03:00C'est un ensemble de troubles neuro-développementaux.
03:03Donc les troubles neuro-développementaux, c'est un regroupement de troubles qui s'est fait de façon assez récente
03:11et qui concerne un ensemble de troubles marqués par leur caractère très précoce dans la vie du sujet.
03:18Donc ça arrive souvent dès la naissance et qui persiste quasiment toute la vie.
03:25Vous imaginez, il y a des gens qui ont des formes graves qui sont très visibles tout de suite.
03:31Parfois même dès la naissance.
03:33Donc on voit des signes, disons, de difficultés, de souffrances et de dépendances importantes.
03:44Donc ça, c'est le niveau de sévérité qui peut se distinguer en léger, moyen, sévère.
03:54Malgré les avancées scientifiques notables réalisées dans le monde au cours de ces dernières années,
03:59les causes du spectre de l'autisme demeurent encore largement inconnues.
04:02Toutefois, certaines pistes commencent à émerger.
04:05Mais pour le moment, c'est sur des facteurs intergénétiques qui sont identifiés.
04:11Au niveau des recherches sur différentes hypothèses concernant l'alimentation, les vaccins, les médicaments,
04:18on n'a pas grand chose, sauf par exemple pour les femmes enceintes qui prennent certains médicaments
04:25comme la Depakine, le valproate, le sodium, l'acide valproate.
04:31Donc pour cette molécule-là, effectivement, il est admis aujourd'hui qu'il faut bannir cela chez les femmes enceintes
04:41parce que leur enfant a un gros risque de présenter un autisme.
04:46D'après le Dr Ndeye Awadyeye, qui cite une étude menée entre 2014 et 2016,
04:50l'autisme toucherait un enfant sur 160 au Sénégal, soit environ 0,8% des enfants âgés de 4 ans.
04:56A ce jour, le diagnostic précoce demeure le principal levier pour garantir à l'enfant un accès rapide au service
05:02et au soutien dont il a besoin.
05:04Une prise en charge adaptée dès les premières années peut considérablement améliorer ses perspectives d'avenir.
05:09Mais le manque d'informations sur ce trouble du développement pousse de nombreuses familles à réagir tardivement.
05:14C'est le cas d'Asbabacar Gueye, figure bien connue de la scène politique sénégalaise.
05:19Parmi ses quatre enfants, deux sont touchés par les troubles du spectre de l'autisme.
05:23Très jeune, on a vu qu'ils avaient déjà un problème d'expression verbale.
05:29Donc ils n'ont pas parlé très tôt et on n'avait même pas décidé.
05:33On pensait que c'était du retard et on a eu l'effort même de les amener au niveau du jardin pour des apprentissages.
05:40Mais on a vu que ça ne passait pas, ils ne parlaient pas.
05:43Et après, on les a mis aussi dans des internats coraniques pour les intégrer aussi.
05:48Même chose, l'apprentissage aussi n'était pas...
05:51Ils étaient aussi très agités des fois, très agités.
05:55Et ils avaient aussi des gestes d'éthique, d'éthique qui venaient.
05:59Ils se balançaient, le corps agitait.
06:03Ils avaient aussi tendance à se dévêtir.
06:06Donc enlever leurs habits, de temps en temps enlever leurs habits.
06:10Et même l'un des deux était des fois très agressif.
06:14Mais dès la naissance d'un bébé, on peut commencer à suspecter, à se dire est-ce qu'il n'y a pas un baptisme?
06:22Un enfant qui a la naissance donne l'air d'être sourd.
06:26Donc un enfant qui ne semble pas entendre.
06:30Ou en tout cas ne pas percevoir les sons de la même façon qu'habituellement.
06:36Ou bien ne pas voir ou regarder de la même façon que d'autres enfants.
06:40Mais c'est également leur façon de répondre par leur corps, à leur tonicité.
06:46On voit des bébés qui sont trop mous quelques fois.
06:50Qu'on n'arrive même pas à tenir, ils plissent entre les doigts.
06:53Comme on peut voir aussi d'autres bébés qui sont trop rigides, on a du mal à les tenir.
06:57On ne sait pas comment les tenir parce qu'ils sont trop tendus.
07:00Donc quand ces enfants grandissent, on peut aussi voir d'autres signes.
07:04Notamment ces bébés qui sont trop sages, qui ne pleurent pas les trois premiers mois.
07:08Qui ont une insomnie calme.
07:11Donc on se réveille la nuit, on voit qu'ils ne sont pas endormis mais ils ne dérangent personne.
07:15Ce sont ces bébés aussi qui ont des difficultés dans l'échange de regard avec leurs parents.
07:22Malgré ces signes, Asbaba Karguei peine à mettre un mot sur ce mal.
07:26Désemparé et en quête de réponse, le couple s'est alors tourné vers des pratiques mystiques.
07:31En espérant y trouver un apaisement et des solutions à leur détresse.
07:36Et on a énormément dépensé à ce niveau-là.
07:39Malgré le niveau intellectuel que nous avons nous tous et autres.
07:44Mais nous nous sommes dit, écoutez il faut le faire parce que soigner ces enfants c'est quelque chose de très noble.
07:51Donc on a perdu beaucoup d'argent avec les marabouts.
07:54On a amené des enfants partout, partout, partout.
07:57On a donné beaucoup d'argent, on m'a même eu à donner des terrains à des marabouts qui nous disaient effectivement on va les soigner.
08:05On a plus tendance à penser aux tradis praticiens, à penser à une possession rapide.
08:11Et souvent les parents nous arrivent tard en consultation.
08:14Ou d'ailleurs j'ai fait une étude là-dessus que j'ai publiée il n'y a pas longtemps.
08:18Ou même quand ils nous arrivent, ils veulent venir.
08:21Parfois on leur interdit de venir à l'hôpital.
08:23Certains tradis praticiens leur disent que ce n'est pas une maladie de l'hôpital.
08:26Si vous amenez l'enfant à l'hôpital il va mourir.
08:29D'autres vous diront je voulais venir mais mes parents ou ma belle famille m'a empêchée.
08:34M'a dit que tu veux rendre l'enfant fou, il n'est pas fou, ce n'est pas un truc d'hôpital.
08:37Il faut l'amener chez le tradis praticien.
08:39Mais après on s'est rendu compte, par chance, toujours par l'entremise de madame
08:44qui a eu pensé les amener au niveau de Mbaou.
08:47Il s'appelle Idris Sabah, voilà, qui les a diagnostiqués.
08:50Ce sont des autistes.
08:53Moi j'étais naturaliste.
08:55Je savais que leur cerveau ne fonctionnait pas bien
08:59mais j'avoue que je n'étais pas du tout au courant même de cette maladie-là, l'autisme.
09:03Pour cette famille, la prise en charge de leurs enfants atteints de troubles du spectre de l'autisme
09:07n'était pas leur seul défi.
09:09Ils devaient également affronter la stigmatisation qui pesait non seulement sur les enfants
09:13mais aussi sur leur mère, souvent désignée à tort, comme responsable de leurs conditions.
09:19Quand ils sortent, par exemple, tu es dans le salon, tu es en train de regarder ta télévision,
09:24tu entends les autres enfants dire, il est sorti, le fou est là, il est sorti.
09:30Et même ce qui est fondamentalement aussi difficile,
09:34c'est que nous sommes deux à mettre au monde un enfant
09:38mais c'est la dame qui subit beaucoup plus atrocement,
09:43beaucoup plus atrocement vraiment le regard de la société
09:46en disant, oui, c'est elle qui a mis au monde,
09:50peut-être que ce n'est pas une bonne femme.
09:53Ce qu'on dit en Wolof, les dames, tu t'es mal habillée durant ta grossesse,
09:57c'est pour ça que tu nous as amené un enfant comme ça.
09:59D'autres, c'est le ventre de la maman qui n'est pas bon, qui ne peut pas donner de bons enfants.
10:03Donc il y a encore ça.
10:04Et ce qui fait que les parents souvent ont peur de venir vers nous.
10:08Depuis le 6 mars 2016, Asbaba Kargué et son épouse vivent dans une douleur indicible.
10:14Celle de parents à la recherche de leur fils disparu depuis désormais 10 ans.
10:19Une absence insoutenable marquée par l'espoir fragile de le revoir un jour.
10:24Celui qui est actuellement au niveau du centre a fugué 3 fois
10:27et malheureusement son grand frère qui n'a fugué qu'une seule fois.
10:31C'était le 6 mars 2016.
10:34En ce moment-là, j'étais le coordinateur national électoral du référendum, du NON.
10:43Le 20 mars, on devait faire les élections là.
10:47Le 6, il est sorti. Et jusqu'à présent, il n'est pas revenu.
10:51En fait, ils ne fuient pas. Ils sortent explorer le monde.
10:54Ils ne savent pas ce qu'il y a dehors.
10:56Sauf que le problème, c'est qu'ils ne savent pas partir et revenir.
10:58Certains partent et se perdent.
11:00Parce qu'ils ne peuvent pas parler, parce qu'ils ne savent pas où aller.
11:03Ou d'autres sortent et traversent la rue.
11:05Ils n'ont pas de notion du danger.
11:07Genre, je sors dans la rue, je vois un chien, je ne vais pas vers lui.
11:10Ou je vois une charrette ou je vois une voiture qui passe, je m'arrête.
11:13Ces notions-là, ils ne les ont pas.
11:16Au Sénégal, seuls trois centres spécialisés
11:18prennent en charge les troubles du développement chez les enfants.
11:20Le centre de pédopsychiatrie de Cœur Khaleï,
11:22rattaché au centre hospitalier universitaire de Phan.
11:25Le service de pédopsychiatrie de Tcharoy
11:27et l'hôpital pour enfants de Diamyadjo.
11:29Leur particularité, ils sont tous concentrés dans la région de Dakar,
11:32laissant le reste du pays dans un véritable désert pédopsychiatrique.
11:36Cette inégalité d'accès constitue un frein majeur
11:39au diagnostic précoce et à la prise en charge de l'autisme.
11:42Je pense que partout dans le monde,
11:44on a ces problèmes-là d'évaluation, de prise en charge.
11:47Comme je l'ai dit, c'est associé.
11:49Mais c'est pire dans nos pays où on a très peu d'infrastructures,
11:53très peu d'équipements,
11:55très peu de centres de formation qualifiantes
11:59et très peu de professionnels, donc déjà qualifiés sur le terrain.
12:02Les parents attendent longtemps quelques fois
12:05pour avoir rencontré un professionnel, disons, adéquat.
12:10Parfois, si l'attente est trop, ils prennent n'importe quoi.
12:14Et malheureusement, quelquefois, ça fait des dégâts
12:17parce qu'ils n'ont pas les bonnes informations,
12:19ils n'ont pas la bonne évaluation,
12:21ils n'ont pas les bonnes propositions pour la prise en charge.
12:24Et quand on les voit, malheureusement, c'est après.
12:27Il y a un site précoce, mais en fait, c'est un site tardif.
12:30Face à l'insuffisance de structures spécialisées,
12:33de nombreuses initiatives privées, associatives et bénévoles
12:36émergent pour pallier ce manque.
12:38Pour son fils Ibrahima, As Babacar Gueye s'est tourné
12:41vers le centre d'El Lossi Kheur Seine Babacar Khan.
12:44Fondé en 2020 par Ahmed Daf,
12:46cet établissement se veut un lieu de protection,
12:48de socialisation et de réinsertion
12:50pour les personnes atteintes de troubles neuropsychiatriques.
12:53Avec une capacité d'accueil de 17 personnes,
12:56dont la majorité sont des enfants et adolescents,
12:58il propose également un accompagnement à domicile.
13:01La majeure partie de ce qu'on avait, c'était pratiquement la rue,
13:04la police surtout, personne qui s'appelle.
13:07Mais depuis quelques années, on commence à avoir une offre,
13:09c'est-à-dire des voisins, des parents qui nous appellent
13:12pour nous décrire un cas de leurs enfants
13:16qui sont plus dans la rue qu'à la maison
13:18ou qui disent carrément qu'ils sont incapables de gérer l'enfant
13:22et tuent tous les plans.
13:24Dans ce cas-là aussi, nous d'habitude on fait une petite enquête
13:28pour apprécier le degré de vulnérabilité de l'enfant et de la famille
13:32pour voir comment accompagner l'enfant
13:35pour que tout le temps nous voyons l'intérêt supérieur de l'enfant
13:38et que nous passons la place de quelqu'un auprès de sa famille.
13:42Le centre recueille une diversité de profils.
13:45Enfants atteints de trisomie,
13:47personnes souffrant de troubles mentaux et des autistes.
13:50Avec un total de 7 pensionnaires
13:52diagnostiqués avec des troubles du spectre de l'autisme,
13:54ces derniers constituent le groupe le plus représenté au sein de l'établissement.
13:58Malgré les maigres moyens du centre,
14:00tout est mis en oeuvre pour accompagner
14:02et surtout redonner le sourire aux pensionnaires.
14:04Dans l'une des salles du centre,
14:06qui fait aussi office de dortoir à la nuit tombée,
14:09l'ambiance est à la créativité.
14:11Là, on est en train de faire une activité de dessin.
14:14Généralement, on parle beaucoup plus d'activité de gribouillage.
14:19C'est une manière de permettre de s'exprimer.
14:24C'est une manière de s'exprimer à travers le dessin.
14:28Là, vous pouvez constater que les modes ne sont pas les mêmes.
14:31Certains vont faire des cercles, d'autres des traits, d'autres des triangles.
14:40Il a l'habitude de faire du thé au niveau du centre.
14:43Donc, si vous lui demandez ce que vous êtes en train de faire,
14:45il va vous dire que je fais du thé.
14:48Il va vous dire warga, souker, nana.
14:58Le biais fondé, c'est énorme.
15:00D'abord, quand je parle, ça fait partie de l'épanouissement.
15:03Ça permet aussi de voir en l'enfant quelles sont ses capacités.
15:09Essayer de détecter ce que l'enfant aime faire et ce qu'il peut faire.
15:14Et aussi pour essayer de l'accompagner dans ce sens-là.
15:17L'autre chose aussi, comme je l'ai dit, le sourire, c'est ça notre credo.
15:21Quand l'enfant n'est pas du cela, il ne fait absolument rien du tout.
15:25Ou il n'est pas du cela pour divertir la galerie.
15:28Même ça, c'est un plus pour l'enfant.
15:36Toujours dans le cadre de l'accompagnement,
15:38Ahmed Daf peut également compter sur les animaux
15:41pour jouer un rôle thérapeutique.
15:48Que ce soit à Educautisme ou au centre d'El Lossi,
15:50l'accompagnement des personnes atteintes de troubles du spectre de l'autisme
15:53requiert bien plus qu'un simple savoir-faire.
15:59La patience, c'est tout ça.
16:04Et aussi, comme on dit en français,
16:08si quelqu'un est débouté par n'importe quoi
16:14ou certains se font déchirer,
16:16tu ne peux pas vivre avec eux.
16:18Mais aussi l'autre chose, leur comprendre.
16:21Si tu n'es pas patient, tu ne les comprends pas.
16:25Ou si quelqu'un n'aime pas voir de la pisse ou du caca,
16:31tu ne peux pas être avec lui.
16:34Travailler dans le secteur de la santé mentale
16:38nécessite des compétences humaines.
16:41C'est une vocation, pas un choix.
16:43Ce n'est pas un travail lucratif où on va gagner de l'argent.
16:48Pas du tout ça.
16:49Ce n'est pas un travail facile.
16:51A partir du moment où quelqu'un a des difficultés de santé mentale,
16:56adulte ou enfant, il ne sait pas ce qui est bon
16:59et ce qui n'est pas bon.
17:01Donc, vous ne pouvez pas attendre dans son comportement quotidien
17:05qu'il fasse ce que vous lui avez demandé de faire.
17:07Les enfants, souvent, ne sont pas propres.
17:11Ils urinent sur eux-mêmes, ils font tout sur eux-mêmes.
17:14Il faut les nettoyer, les changer.
17:16Il n'y a pas de médecin psychologue où tout le monde s'y met.
17:21En ce jour, le centre d'Ellosi reçoit une visite particulière.
17:26Une mère venu reprendre sa fille pour quelques jours.
17:29En dehors des pensionnaires dont les proches sont inconnus,
17:32les parents des autres résidents ont l'obligation de venir régulièrement
17:35récupérer leurs enfants.
17:40Nous, les mamans, nous amenons nos enfants ici.
17:45Ils ne sont pas tous en situation d'handicap.
17:48Certains viennent pour d'autres raisons.
17:51Et Ahmed les prend en charge gratuitement.
17:54Tu peux apporter ce que tu veux, mais lui, il ne te demande rien en retour.
17:59Nous ne remercierons jamais assez, car ce qu'il fait est loin d'être facile.
18:04Gérer tout cela au quotidien est une véritable épreuve.
18:10Vraiment, il faut saluer l'effort bénévole de Ahmed Daf.
18:15Ce jeune-là qui s'est engagé difficilement dans ce travail-là
18:18avec aucun moyen, vous avez vu son centre?
18:21Le centre d'elle aussi, il n'y a rien du tout.
18:24Nous, ce n'est pas payant.
18:27Ce n'est pas parce que vous pouvez payer qu'il faut le faire, etc.
18:30C'est aux parents de voir ce qu'ils veulent faire.
18:33Ne pensez pas qu'on a laissé notre enfant là-bas pour nous soulager.
18:37Non, on le replonge dans la famille.
18:40Il vient de quitter ici pendant dix-sept jours.
18:43Il était là avec nous dix-sept jours pour essayer de voir
18:47ce qu'il a acquis là-bas.
18:49On voit que les bonnes manières s'installent.
18:52Que l'agressivité diminue.
18:54On imagine que ces soins et ces accompagnements ont un coût pour la plupart.
18:58Est-ce que c'est accessible aux parents?
19:00Non, bien sûr, c'est excessif.
19:03Vous imaginez toutes ces évaluations dont je parle,
19:05évaluation médicale, évaluation paramédicale.
19:08J'ai pas parlé de l'école, c'est-à-dire qu'aujourd'hui
19:11vous avez un enfant handicapé qui parle mal ou qui parle tard.
19:16Certains parlent la même chose de ne pas l'amener à l'école.
19:19On écoute.
19:21On monte là-bas.
19:22Confortablement installés sur leur table-banc,
19:25les élèves écoutent attentivement leur maîtresse
19:27qui énonce un exercice de calcul mental
19:30en accompagnant ses explications de gestes précis.
19:33S'il lui est le sens privilégié pour suivre les instructions,
19:36trois élèves de cette classe s'appuient sur la langue des signes
19:39Fati, Seynabou et Faloucham, tous les trois sourds et muets.
19:44Formés à cette langue,
19:46leur enseignant bénéficie du soutien d'un auxiliaire de vie scolaire
19:49chargé d'interpréter chacune de ses déclarations.
19:52Mais cet handicap ne constitue en rien un frein à la réussite.
19:55Faloucham s'est même illustré en décrochant la première place de sa classe
19:59au premier trimestre avec une moyenne de 9,26 sur 10 en classe d'initiation.
20:05Au-delà de ses performances académiques,
20:07ce jeune garçon est également porteur d'un trouble du spectre autistique.
20:11La particularité de cette école, c'est qu'elle est inclusive.
20:14Pourquoi inclusive ?
20:15Parce qu'il y a des enfants déficients auditifs,
20:18des enfants sourds et muets qui ne parlent pas,
20:21qui n'entendent pas,
20:23qui sont insérés dans l'école
20:25pour un travail au même biais que les enfants normaux.
20:30Le 26 mai 2010, l'Assemblée nationale sénégalaise a adopté une loi
20:34censée garantir l'égalité des chances des personnes handicapées,
20:37promouvoir leurs droits
20:38et les protéger contre toute forme de discrimination.
20:41L'article 15 de cette loi stipule que l'État doit garantir le droit à l'éducation,
20:45à l'enseignement, à la formation
20:47et à l'emploi pour les personnes handicapées.
20:49Il précise également que les enfants et adolescents handicapés
20:52ont droit à une éducation gratuite en milieu ordinaire,
20:55de préférence dans les établissements proches de leur domicile.
20:58Malgré cette avancée législative,
21:00son application effective reste largement insuffisante.
21:04Au Sénégal, aujourd'hui, ce côté, c'est l'inverse.
21:07Quand vous avez un enfant handicapé,
21:08vous allez payer trois à dix fois plus
21:12qu'un enfant normal
21:14dans une école souvent privée
21:16parce que le public ne vous accepte pas.
21:19Il y a rarement, exceptionnellement,
21:22des enfants qui sont accueillis dans le public
21:25parce que la raison serait que les enseignants ne sont pas formés à les accueillir.
21:31Ce que beaucoup de responsables,
21:34en tout cas professionnels dans le milieu, démontrent.
21:37Ce que nous avons rencontré, ils disent
21:40que les enseignants sont formés à accueillir tout type d'enfant
21:43quel que soit le niveau intellectuel, quel que soit le comportement.
21:46Il faut reconnaître quand même que pour certains enfants,
21:49il faut modifier le cadre de l'école.
21:52Il faut adapter.
21:54Il faut faire des aménagements au niveau matériel,
21:57au niveau pédagogique et quelquefois même humain.
22:00Notre combat, c'est vraiment la reconnaissance de cette différence
22:03et de pouvoir permettre à ces enfants différents
22:06d'étudier différemment, avec un programme différent
22:09même s'ils sont inclus dans des écoles normaux ou spécialisées
22:12et qu'on puisse leur offrir des diplômes différents
22:15qui puissent demain leur permettre de s'insérer dans la société.
22:17C'est ce qui manque en Afrique, au Sénégal en particulier et qu'il y a ailleurs.
22:21Fallou Tcham a bénéficié d'un projet initié par l'UNICEF Sénégal,
22:24Special Olympics Sénégal
22:26et l'inspection d'académie de Peking Gediway
22:29intitulée l'inclusion scolaire par le sport.
22:31Jeune athlète, il fait partie des plus de 800 enfants membres de Special Olympics
22:36une organisation engagée en faveur de l'intégration des personnes
22:39vivant avec une déficience intellectuelle à travers le sport.
22:42Accompagné de son père, il se rend chaque dimanche au stade Alassane Djigo
22:46pour prendre part aux séances d'entraînement hebdomadaires.
22:49Fallou est un jeune qui est très intelligent
22:52malgré ses troubles autistiques et le fait qu'il ne parle pas et qu'il n'entende pas
22:56et le sport a aidé à développer ces aptitudes-là
23:01et quand il a été à l'école, il s'est vraiment retrouvé dans un environnement
23:06qui lui convenait, il a été accueilli avec bienveillance
23:10par la direction de l'école, par les instituteurs, mais également par ses camarades
23:16et je pense que cet environnement positif, cet environnement de bienveillance
23:21a permis de le valoriser.
23:37Alors vous savez, le sport a la particularité de faire changer déjà le regard
23:43la personne change elle-même son regard sur elle-même
23:47et ce que je dirais aussi c'est que nos coachs bénévoles, nos volontaires
23:52sont formés sur la déficience intellectuelle, sur l'approche qu'ils doivent avoir
23:57envers les jeunes qui ont un handicap intellectuel
24:01donc ils sont en mesure d'accueillir l'enfant, de le mettre en confiance
24:06et de lui faire pratiquer des activités sportives
24:09ou d'autres types d'activités comme des activités manuelles.
24:15Âgé de 10 ans, cet enfant accuse un retard dans son parcours scolaire
24:19conséquence du refus de certains établissements de l'accueillir
24:22en raison de ses handicaps.
24:24Toutefois, il peut compter sur le soutien indéfectible de sa famille
24:28et la bienveillance de son voisinage.
24:31Oui, vraiment, le commencement de l'affaire, c'est difficile
24:35mais je suis aussi très content.
24:37Je ne peux pas le dire, tout le monde s'est bien amusé
24:41il est entré dans une école, le maître l'a soutenu
24:45il a reçu une première.
24:47Je suis très content, c'est vraiment difficile
24:51mais c'est intelligent, mâchallah.
24:54On ne l'a jamais entré dans une école normale
24:56parce qu'il y a des jeunes qui l'ont reçu.
24:58Oui, parce qu'on l'a rendu à l'école
25:00mais il n'y a pas de moyens pour qu'on l'accueille.
25:02Mais il n'y a pas d'établissement pour qu'on l'accueille
25:06si on veut qu'on ne l'accueille pas.
25:13On ne peut pas s'adapter ici
25:17à la situation qu'on est en.
25:20Parce qu'on est ici avec la famille
25:24et on n'a pas le droit d'accueillir les enfants.
25:29On est ici depuis cinq ans
25:33et on ne peut pas s'adapter.
25:37Il y a toujours une famille.
25:41Ce qui tient une famille au Sénégal
25:44ce n'est pas la profession des parents.
25:47C'est vraiment l'organisation sociale autour de cette famille.
25:52Il y a des familles où il n'y a personne qui travaille
25:55mais ils s'en sortent mieux
25:57que les familles où tout le monde a un salaire
26:00parce qu'il y a des réalités sociales
26:03qui font que les gens gèrent mieux dans certaines situations
26:07ils ont des appuis très diversifiés
26:10alors que d'autres sont là, ils font le malin
26:13ils croupissent dans la misère mais ils n'osent pas le montrer.
26:17Au Sénégal, la pédopsychiatrie progresse
26:20avec la mise en place, il y a trois ans, d'une formation spécialisée.
26:24Dix étudiants s'y consacrent actuellement
26:26dans cinq en dernière année
26:28et trois en stage en France.
26:30Parallèlement, la reconnaissance et le recrutement
26:32des professions associées telles que les orthophonistes,
26:34les psychomotriciens et les psychologues cliniciens
26:37deviennent une priorité pour améliorer la prise en charge
26:40des troubles du spectre de l'autisme.
26:42Par ailleurs, l'espoir réside dans la création
26:44d'un centre national dédié à l'autisme
26:47porté par les acteurs du secteur et les autorités.