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00:00On est face à des images qui sont faites d'une manière, pour certaines, très sadique,
00:04notamment quand un des deux photographes fait poser littéralement les victimes devant des
00:08chambres à gaz.
00:09Elle, elle ignore ce qui les attend, lui sait exactement de quoi il en retourne et il s'amuse
00:14avec son savoir en humiliant les victimes.
00:17Cet album photo, découvert en 1945 par une déportée juive hongroise, est au cœur
00:21de l'exposition du Mémorial de la Shoah « Comment les nazis ont photographié leur
00:25crime » à Auschwitz 1944.
00:27Prise par DSS pour DSS, ces photos racontent le processus qui a mené au massacre de masse
00:32d'Auschwitz-Birkenau.
00:33Le but de cet album, comme de très nombreux autres ensembles photographiques qui nous
00:37sont parvenus, c'est un but administratif.
00:40On est face d'abord à une politique publique, la solution finale, organisée et réalisée
00:44par des administrations ou des agents spécialisés comme la SS.
00:48Et comme toute administration, ils documentent ce qu'ils réalisent, leur travail.
00:52Cet album-là est réalisé pour documenter la déportation des juifs de Hongrie, qui
00:58est la plus grosse opération jamais organisée dans le cadre de la Shoah.
01:01C'est « traité » plus de 630 000 juifs de Hongrie en trois mois, ce qui est l'opération
01:06la plus considérable dans un temps aussi restreint.
01:09Et toute l'idée de ces photos, c'est de gommer un certain nombre de choses pour montrer
01:14un supposé savoir-faire.
01:15En gros, on n'a pas besoin de les cogner pour qu'ils avancent tout seuls.
01:18En fait, ces photos, il y a un problème de fond, mais qui fonctionne pour toutes les
01:23images.
01:24Si on ignore pourquoi elles ont été prises, on ne peut pas les comprendre littéralement.
01:26Là, en l'occurrence, on est face à des photos, en général, on regarde en identifiant
01:31des gens qui sont des victimes, et c'est ce que nous, on projette dans ces images.
01:34Sauf que ces photos n'ont pas été faites pour montrer des victimes, elles ont été
01:37faites par des SS, à d'autres SS, pour montrer autre chose.
01:41Ils n'ont aucune pitié pour ceux qu'ils photographient, ils vont les tuer, ils le
01:45savent, ils veulent montrer autre chose.
01:46C'est justement cette autre chose qu'il faut avoir en tête quand on regarde cette
01:49image.
01:50Et une fois qu'on a intégré ça, on se rend compte que ça ne montre pas du tout ce que
01:52nous, on veut y voir.
01:53On est face à des images qui sont faites d'une manière, pour certaines, très sadique,
01:58notamment quand un des deux photographes fait poser littéralement les victimes devant
02:01des chambres à gaz, elle, elle ignore ce qui les attend, lui sait exactement de quoi
02:05il en retourne, et il s'amuse avec son savoir en humiliant les victimes.
02:10Mais en même temps, il y a aussi l'attitude des gens qui sont photographiés qui viennent
02:14contrecarrer ou contrarier la volonté des photographes SS, parce qu'eux veulent produire
02:18des images antisémites, et quand on regarde ces photographies, elles expriment une dignité
02:22très profonde.
02:23Donc il y a tout ce jeu-là aussi qui s'exerce à travers ces photographies.
02:27Dans ces photos, qu'il s'agisse de femmes, d'hommes ou d'enfants, il y a plein de traces
02:31de résistance qu'il faut réussir à identifier.
02:33Par exemple, on s'est rendu compte qu'il y avait des femmes et des enfants qui tiraient
02:37la langue.
02:38C'est un geste de défi qui peut paraître dérisoire, mais c'est le seul moyen qu'elles
02:41ont, ou qu'ils ont, pour défier un photographe SS à Auschwitz.
02:44Ça montre aussi qu'on a des femmes, et aussi des enfants, qui ont assez de courage pour
02:49défier un SS en armes, qu'ils les prennent en photo avec d'autres SS autour.
02:52Les hommes manifestent leur défiance, leur résistance, d'autres manières, parce qu'on
02:57est face à des codes qui sont par ailleurs genrés.
02:59Un homme, c'est viril, ça exprime sa résistance par d'autres moyens, notamment en défiant
03:04directement avec le regard les SS, en ayant des comportements, des tenues, comme on dit
03:10aujourd'hui, body language, qui est différent de celui des femmes et qui manifeste la résistance.
03:15Il y a un élément qui est très important, c'est que quand on regarde une photographie,
03:18on est face à quelque chose qui est en deux dimensions, et on n'imagine pas qu'elles
03:21peuvent nous informer sur plein d'autres choses.
03:23Quand vous avez des centaines ou des milliers de personnes sur une photo, ça fait du bruit.
03:26Ça parle, ça chuchote, ça murmure, ça pleure, ça peut crier.
03:30Donc ça, ça fait du bruit.
03:31L'ouïe, mais aussi l'odorat, puisqu'on voit qu'il y a des gens qui portent des mouchoirs
03:35à leur nez, et on sait par plein de témoignages, que ça vienne des SS ou de victimes ou des
03:40gens qui habitent dans les alentours, qu'ils disaient que ça puait littéralement la mort.
03:44Et là, on le voit se manifester physiquement par des gens qui portent des mouchoirs à
03:48leur nez.
03:49Depuis le développement de la société d'images, il y a une idée qu'ils ont mise
03:51présente dans nos sociétés, c'est qu'il suffit de montrer une image, qu'elle soit
03:55mécanique, la photo, qu'elle soit manuelle, un dessin, pour que tout le monde la comprenne.
04:00Ce qui est totalement faux, et ça, c'est juste une idée qui est préconçue et qui
04:06ne fonctionne absolument pas, parce qu'une image est constituée parfois de centaines
04:11d'informations, parfois de milliers, parfois de centaines de milliers d'informations,
04:14et que chacun d'entre nous va voir ces images différemment et voir des informations différemment.

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